De l «exclusion» à l exclusion - article ; n°34 ; vol.9, pg 5-27
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Description

Politix - Année 1996 - Volume 9 - Numéro 34 - Pages 5-27
De «l'exclusion» à l'exclusion.
Emmanuel Didier [5-27].
L'exclusion est abordée ici par le biais du langage, auquel nous accordons le pouvoir de nous mener au réel. Après avoir recherché les occurrences de l'ensemble dérivationnel de l'exclusion, nous dessinons les états de la société que ce vocabulaire décrit. Ceci permet de construire trois modèles sociaux dans lesquels il est possible d'être exclu. Ces modèles se sont historiquement mêlés et influencés. Esquisser cette histoire permet de comprendre le travail de traduction qui a permis de rendre la notion d'exclusion omniprésente et diverse. On s'attache ensuite à clarifier les règles de l'usage du vocabulaire de l'exclusion, puisque celui-ci ne peut être utilisé que dans certaines circonstances pour décrire et performer un certain type de monde.
From -exclusion- to exclusion.
Emmanuel Didier [5-27]
The exclusion is here tackled from the angle of language because it has the capacity to lead us to the real. After having looked for the occurences of the derivational set of exclusion, we are drawing the set of the society described by this vocabulary. This allows us to bild three social models from which it is possible to be excluded. These models are historically mingled and influenced. To sketch out this history permits to understand the work of translation which has allowed to make the notion of exclusion omnipresente and varied. We seek then to clarify the use roles of the vocabulary of exclusion because this one may be used only in certain occasions in order to describe and perform a certain type of world.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 130
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Emmanuel Didier
De l'«exclusion» à l'exclusion
In: Politix. Vol. 9, N°34. Deuxième trimestre 1996. pp. 5-27.
Résumé
De «l'exclusion» à l'exclusion.
Emmanuel Didier [5-27].
L'exclusion est abordée ici par le biais du langage, auquel nous accordons le pouvoir de nous mener au réel. Après avoir
recherché les occurrences de l'ensemble dérivationnel de l'exclusion, nous dessinons les états de la société que ce vocabulaire
décrit. Ceci permet de construire trois modèles sociaux dans lesquels il est possible d'être exclu. Ces modèles se sont
historiquement mêlés et influencés. Esquisser cette histoire permet de comprendre le travail de traduction qui a permis de rendre
la notion d'exclusion omniprésente et diverse. On s'attache ensuite à clarifier les règles de l'usage du vocabulaire de l'exclusion,
puisque celui-ci ne peut être utilisé que dans certaines circonstances pour décrire et performer un certain type de monde.
Abstract
From -exclusion- to exclusion.
Emmanuel Didier [5-27]
The exclusion is here tackled from the angle of language because it has the capacity to lead us to the real. After having looked
for the occurences of the derivational set of exclusion, we are drawing the set of the society described by this vocabulary. This
allows us to bild three social models from which it is possible to be excluded. These models are historically mingled and
influenced. To sketch out this history permits to understand the work of translation which has allowed to make the notion of
exclusion omnipresente and varied. We seek then to clarify the use roles of the vocabulary of exclusion because this one may be
used only in certain occasions in order to describe and perform a certain type of world.
Citer ce document / Cite this document :
Didier Emmanuel. De l'«exclusion» à l'exclusion. In: Politix. Vol. 9, N°34. Deuxième trimestre 1996. pp. 5-27.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1996_num_9_34_1029«l'exclusion» à l'exclusion De
Emmanuel Didier
École des hautes études en sciences sociales
QU'EST-CE que l'exclusion ? Le problème que nous voulons poser n'est
pas celui de la cause de l'exclusion, ni de ses conséquences, mais celui
de sa compréhension comme fait social1- L'intérêt d'une telle question
est qu'elle permet de ne pas remplacer immédiatement notre objet
d'étude par un autre objet que l'on appellerait cause ou conséquence. Il serait
donc sans intérêt, dans cette perspective, de commencer par définir notre
objet. Nous répondrions à notre question avant même d'avoir fini de la poser.
Pourtant, il faut bien fixer des bornes à notre investigation. Ainsi, plutôt que de
définir l'exclusion, nous choisirons de définir les bouées de l'exclusion : elles
flottent à la surface, mais elles sont solidement arrimées aux fonds marins que
nous voulons comprendre. Elles signalent par leur présence, quelque chose
d'important, et indiquent en même temps, grâce au filin, le chemin qui y
mène.
Ces indicateurs sont les mots de l'exclusion, c'est-à-dire l'ensemble des mots
forgés à partir de la racine -dus. C'est pourquoi, dans la suite de ce texte, on
trouvera très souvent des expressions comme «le vocabulaire de l'exclusion»
ou «les mots de l'exclusion». C'est le nom donné à nos bouées. Les formes
principalement utilisées sont les noms «exclu» et «exclusion», le verbe
«exclure», et la forme «exclu» qui peut être ou bien un adjectif ou bien un
adverbe («un citoyen exclu» ou bien «commencer exclu dans la vie»). On
remarquera que tous ces mots sont préfixés en ex-. En effet, l'inclusion n'a fait
son apparition dans cet ensemble dérivationnel que beaucoup trop
récemment pour que nous en tenions compte (on en trouve aujourd'hui
quelques usages, mais ils restent rares ; en tous les cas, fin 1994 personne ne
parlait des «inclus»). Nous nous fixons comme contrainte d'observer l'usage
de ces mots dans le cadre de la question sociale, c'est-à-dire dans des
situations relatives aux plus «petits» de notre société. Hors de ce cadre, il
s'agirait d'étudier le langage exclusivement2, ce qui n'est pas notre problème.
Nos bouées flottent dans la question sociale.
Cette précaution a l'avantage de nous forcer à toujours utiliser les mots de
l'exclusion avec des guillemets, même si le plus souvent nous omettrons (pour
1. Ce texte est tiré de notre DEA intitulé De l'exclusion, présenté en septembre 1995, sous la
direction de Luc Boltanski, à l'EHESS. Je remercie Luc Boltanski et Jean-Philippe Heurtin pour
leurs conseils.
2. D'après P. Achard, directeur de la revue Langage et société, un sociolinguiste ferait une énorme
faute de méthode s'il n'étudiait pas les transformations qui ont permis que les usages -classiques«
de cet ensemble dérivationnel, comme -exclusivement...« ou «à l'exclusion de...» aboutissent aux
usages contemporains. Mais nous ne sommes pas sociolinguiste. Notre objet n'est pas la langue,
mais la société.
Politix, n°34, 1996, pages 5 à 27 Emmanuel Didier
plus de légèreté) de les faire figurer. Les catégories que ce vocabulaire désigne,
la réalité qu'il vise, dépendent toujours du locuteur à qui nous laisserons la
parole. Nous éviterons de le faire signifier par nous-mêmes et ainsi
aux personnes la responsabilité de construire les catégories qu'elles visent en
prononçant les mots de l'exclusion. Lorsque leurs paroles seront cités, nous
prendrons soin de transporter avec elles les contextes et les buts visés par le
locuteur. Ce ne sont pas seulement les mots que nous relèverons, ce sera aussi
les constructions qu'ils induisent en étant prononcés. Ici, les mots ne seront
pas vus comme trompeurs, nous considérerons qu'ils ont un sens, c'est-à-dire
qu'ils pointent vers quelque chose du réel. Mais nous laisserons aux acteurs le
soin de faire le lien entre les discours et les phénomènes concrets qu'ils
désignent. Ainsi, les mots de l'exclusion joueront pour nous le rôle de signaux :
ils nous indiqueront, s'ils figurent dans un texte, que ce texte traite de notre
objet. Nous nous permettrons alors d'observer le phénomène lui-même, réel, à
partir de ce qui en est dit.
Ceci clarifié, on peut maintenant préciser la caractéristique principale que
nous donnons à l'exclusion, et qui constitue une hypothèse importante :
l'exclusion est une catégorie cognitive. Il nous semble que cette proposition
n'est pas une définition dans la mesure où elle ne dit rien sur la substance de
notre objet ; ce n'est qu'une caractérisation qui rend compte de sa forme.
Lorsque nous posons que l'exclusion est une catégorie, nous ne disons pas
qu'elle est provoquée par tel ou tel phénomène, ni que les exclus sont telles ou
telles personnes ; nous disons seulement que cette notion a une unité, laquelle
est équivalente à une conformation particulière. La forme de l'exclusion
ressemble beaucoup à une catégorie linguistique permettant de conformer le
réel1.
Les études de catégories, reprises par les sociologues, nous invite d'abord à
faire part d'un étonnement : jusqu'à maintenant, le monde semblait fait de
cadres, de commerçants, d'ouvriers et d'employés. C'est sur ce genre de
catégories que la société s'appuyait le plus souvent pour parler d'elle-même.
Or, il semble que l'exclusion n'ait pas ce genre de forme. Un exemple parlant
peut être tiré de La nouvelle question sociale, de P. Rosanvallon2 : «Les exclus
ne constituent pas un ordre, une classe ou un corps». Cette affirmation tend à
séparer radicalement l'exclusion des catégories socio-professionnelles. Elle
constituerait donc un nouveau type de catégorie qui aurait comme particularité
de ne pas être catégorielle — au sens où on peut parler par exemple
«d'intérêts catégoriels». La construction sociale «exclusion» équivalente à la
catégorie cognitive homonyme semble radicalement différente des autres
catégories établies sociologiquement selon cette même équivalence. Si l'on
s'accorde sur le fait que les PCS constituaient habituellement un des modes de
représentation de la s

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