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Flux n° 47Janvier - Mars 2002
LE SENS DE L'ÉVÉNEMENT
Développement durable, réseaux techniques et terrorisme
Richard Hanley
La conférence internationale qui s’est tenue à New York City en avril 2001 —dont les papiers reproduits dans ce numéro rendent en partie compte — avait pour objet l’analyse de la «durabilité sociale» des réseaux technologiques, expression renvoyant à des dimensions environnementales, économiques et culturelles. Quelques conférenciers ont parlé de l’évolution des réseaux —leur développement, leur extension et leur diffusion dans la vie quotidienne des sociétés contempo-raines. D’autres ont détaillé les struc-tures sociales qui façonnent et sont façonnées par les réseaux modernes, pendant que d’autres encore mon-traient comment les sociétés urbaines étaient rendues vulnérables du fait de la fragilité des interdépendances des réseaux. Et tout cela fut débattu cinq
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mois avant l’attaque du World Trade Center, à vingt blocs au nord des tours jumelles.
Les papiers présentés à la conféren-ce ont mis en lumière comment les sys-tèmes technologiques pouvaient être connectés ; ce qui les rend interdépen-dants et, du fait de synergies, leur per-met d’obtenir des avantages. Dans au moins un cas, cependant, une commu-nication discuta comment une telle interdépendance pouvait devenir un problème. Dans une version mise à jour de l’article publié dans ce numéro, Rae Zimmerman expose en détail comment l’interconnexion des réseaux urbains a conduit à une série de pannes en cas-cade après les attaques du World Trade Center. En fait, les attaques elles-mêmes, dont le but était de provoquer
une destruction de masse et de répandre la terreur, s’avérèrent si atro-cement réussies parce que les terro-ristes avaient intégré trois systèmes technologiques avancés pour accomplir leur mission (Muschamp). D’abord, ils ont utilisé comme arme la technologie de transport la plus avancée — un des plus gros porteurs aériens en service commercial. Ensuite, ils ont choisi comme lieu de leur attaque l’un des systèmes bâtis le plus moderne — une plate-forme intégrant commerces, banques et services financiers, trans-ports et communications— rempli de milliers de personnes. L’attaque du World Trade Center a réussi la destruc-tion en masse de personnes, d’im-meubles et de multiples réseaux de technologie urbaine. Mais la propaga-tion de la terreur a pu se réaliser par la diffusion des images horribles qui ont été transmises grâce à des technolo-gies avancées de communication. Le crash du deuxième avion dans la South Tower a été diffusé en direct par la télé-vision — et il est tout à fait possible que les terroristes aient programmé la deuxième attaque de façon à ce que cette retransmission en direct soit faite.
Herbert Muschamp, écrivant dans le New York Timesà propos de l’attaque, a dit que «le résultat était à la fois une démonstration d’ordre culturel et un acte meurtrier ». Là encore, la conféren-ce d’avril était en quelque sorte pres-ciente, puisque en analysant le dévelop-pement, les forces et les faiblesses des réseaux technologiques, beaucoup ont fait état des interconnexions entre tech-nologies, aléas et culture dans la diffu-
sion, la durabilité — et maintenant nous devrions ajouter, la destruction— des systèmes urbains.
Les faiblesses d’un système
L’examen d’un système — le systè-me téléphonique— montre les fai-blesses et les interconnexions de la technologie, du hasard et de la culture. La technologie des systèmes télépho-niques ayant évolué, les fibres optiques ont remplacé les fils de cuivre, et les commutateurs digitaux ont remplacé les commutateurs analogiques. Ces évolu-tions ont créé un réseau où les commu-tations s’effectuent sur des plates-formes ou des nœuds concentrés dans des bureaux localisés dans les centres urbains. Verizon Communica-tions, le plus grand opérateur local à New York City, avait un central de commutation voisin du World Trade Center. Ce central s’est retrouvé inopérant le 11 sep-tembre et environ 300000 lignes télé-phoniques ont été coupées. Bien que ce nombre de coupures soit important, il aurait pu l’être bien davantage si les autres centres de commutations que Verizon possède à New York City avaient été endommagés (Romero).
Bien que la concentration des lignes téléphoniques dans ces centraux contri-bue à la vulnérabilité du réseau, cette concentration ne constitue pas le seul facteur de vulnérabilité. L’idéologie éco-nomique qui fonde la culture américaine actuelle —libéralisation et concurrence —contribue aussi à cette vulnérabilité, d’autant plus que cette idéologie se concrétise par des poli-
tiques publiques, la vulnérabilité des bureaux centraux se répandant à la totalité du système de communications d’une ville.
Suite à la décision de justice qui a ordonné le démantèlement du monopo-le de Bell à la fin des années quatre-vingt et à la promotion de la concurren-ce qui l’a accompagnée, les employés de plusieurs compagnies différentes ont maintenant accès à ces centraux de commutations des opérateurs locaux, par lesquels transitent la plupart des communications de données et vocales de la ville. De nombreuses compagnies locales de téléphone prétendent que cet accès autorisé rend plus difficile l’imposition de mesures de sécurité et augmentent les menaces de sabotage des centraux. Par conséquent, tant la technologie de la commutation centrali-sée que la localisation de ces commuta-teurs dans des bureaux centraux et que la culture économique, qui rend difficile la restriction d’accès à ces centraux, se combinent pour mettre en danger l’un des réseaux urbains les plus cruciaux (Romero).
Le changement de priorité
Mais le problème de la vulnérabilité de la commutation téléphonique ne représente qu’un problème parmi une myriade de problèmes techniques et politiques auxquels les décideurs, les dirigeants d’entreprises, les citoyens et les étudiants doivent faire face dès lors qu’ils demandent un nouvel élément de la durabilité des réseaux —leur sécuri-té. Si le groupe qui s’est réuni lors de la
Sens de l’événement
conférence d’avril dernier (2001) à New York se rassemblait à nouveau, et quand il le fera, il sera important d’ana-lyser comment ce nouvel élément de durabilité aura affecté tous les autres éléments. Pour être plus explicite, je vais présenter comment ce nouvel élé-ment pourrait influencer les questionne-ments en me référant aux technologies de réseau qui m’intéressent plus parti-culièrement —les infrastructures urbaines américaines de circulation des personnes, des biens et de l’informa-tion. Tout d’abord, la primauté dévolue à la vitesse et à l’efficacité dans ces infra-structures de transport laissera la place à la sécurité. L’enjeu est alors de savoir comment ce changement de priorité affectera les questions politiques et de recherche qui ont émergé dans les débats sur la durabilité sociale (et phy-sique) des réseaux technologiques ?
Pour ce qui concerne les infrastruc-tures de circulation urbaines aux États-Unis, nous devons d’abord comprendre leur lien avec le phénomène socio-éco-nomico-politique, appelé globalisation. Ces infrastructures font totalement par-tie intégrante de la globalisation, qui peut être vue comme un système conçu pour des flux mondiaux et performants de personnes, de biens et d’information (cette dernière englobant les secteurs financiers, des media et des loisirs — tous réduits à des paquets d’informa-tions échangées électroniquement). Jusqu’au 11 septembre, il paraissait évident que les villes américaines qui souhaitaient réussir devaient entrer en compétition dans ce secteur de la circu-lation généralisée des personnes, des
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Flux n° 47Janvier - Mars 2002
biens et de l’information. Pour ce faire, il fallait des infrastructures aptes à per-mettre ces circulations rapidement et efficacement.
Avant le 11 septembre, les déci-deurs en matière de politique urbaine avaient besoin de recherches sur la manière de faire en sorte que les infra-structures de leurs villes permettent aux personnes, aux biens et aux informa-tions de circuler plus vite, de façon plus performante et moins chère. Il était demandé aux chercheurs comment les individus pourraient se déplacer rapide-ment dans les aéroports et entre les villes, afin de rendre le temps des voya-geurs professionnels utile et efficace? Quelles infrastructures pourraient rendre les voyages des touristes (dont l’écono-mie de villes de plus en plus nom-breuses dépendait) vers et dans les villes plus faciles et plus agréables? Comment les biens, nécessaires au système de production juste-à-temps, pourraient être transportés rapidement d’une usine vers un aéroport ou d’un terminal portuaire vers un entrepôt en traversant un pont ou à travers un tun-nel ?
Mais le 11 septembre, nous avons appris qu’un transport rapide, efficace et peu cher pouvait être dangereux. La possibilité de circuler rapidement dans les aéroports peut engendrer des aéro-ports et des avions dangereux. Transporter rapidement et efficacement des biens dans des tunnels ou sur des ponts pour répondre aux exigences de la production juste-à-temps peut mettre en danger ces tunnels et ces ponts. La
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circulation qui sert la globalisation peut aussi servir le terrorisme. La circulation permise par les réseaux technologiques rend possible la destruction de ces réseaux —et même les villes qui les accueillent.
Depuis le 11 septembre, la sécurité des systèmes urbains est devenue prio-ritaire et la facilité de circulation, secon-daire. Les personnes, les biens, (et peut-être même l’information) circule-ront maintenant plus lentement. Dès lors, quelles sont les nouvelles ques-tions de recherche? Évidemment, les premières se rapportent aux conditions nécessaires pour rendre les infrastruc-tures sûres et à savoir si les réseaux technologiques peuvent contribuer à la sécurité des villes comme ils ont contri-bué à la mobilité urbaine. Après cela, le prochain travail est d’évaluer ce qui aura changé une fois que la primauté accor-dée à la circulation sera remplacée par la primauté à la sécurité. Comment se déplaceront les individus? Comment seront transportés les biens ?
En transport maritime de marchan-dises, par exemple, la tendance a été de construire des navires porte-conte-neurs de plus en plus grands accueillis par des plates-formes portuaires de moins en moins nombreuses. Des évo-lutions semblables sont apparues dans le secteur du transport aérien de biens et de personnes, avec la création de hubsaéroportuaires. Cela a conduit, dans quelques villes comme New York par exemple, à se demander s’il fallait entrer dans la compétition et devenir une ville plate-forme portuaire, sur quel-
le rive localiser ce port et s’il était sage de construire une grande infrastructure de transport —un tunnel ferroviaire pour le transport de marchandises. Ces questions ne se poseront-elles plus, ou les villes ne devront-elles plus dévelop-per des plates-formes portuaires et aéroportuaires ?Devront-elles désor-mais configurer des réseaux décentrali-sés et multimodaux pour les infrastruc-tures de circulation, avec des redon-dances et des doublons? Une autre question, mais liée à celle de l’accrois-sement de la sécurité des infrastruc-tures de circulation, est celle de savoir si les villes pourraient fournir une meilleure sécuritéviaun modèle de développe-ment centralisé ou décentralisé. (Ou éventuellement construire de nouvelles infrastructures ou reconfigurer celles qui existent —peut-être que la sécurité peut être obtenue en utilisant des méthodes évoluées de gestion et de contrôle, fondées sur des technologies avancées d’information et de communi-cations.)
Un très important sous-ensemble de questions est : quelle sera la source d’énergie utilisée pour ces circulations ? À l’heure actuelle, plus de 95% de l’énergie utilisée pour le transport de personnes et de biens proviennent du pétrole. Plus de 50 % de ce pétrole sont importés, et une grande part de ce pétrole importé — qui sert au transport de personnes et de biens aux États-Unis —vient de la même région du monde que le terrorisme qui nous a ralentis, voir stoppés dans nos trajec-toires. Nous pouvons jouer au jeu des « quese serait-il passé si? ».Que se
serait-il passé si les fonds alloués à la recherche sur les énergies alternatives n’avaient pas été aussi dramatiquement réduits dans les années quatre-vingt? La guerre du Golfe aurait-elle été aussi impérative ? La nature de l’engagement américain vis-à-vis des États du Golfe aurait-elle été différente ? Cette différen-ce aurait-elle changé quelque chose maintenant ?
Conclusion
En résumé, tout d’abord, des recherches doivent être entreprises sur
Herbert MUSCHAMP, «Leaping from One Void into Others»,New York
l’amélioration de la sécurité des infra-structures de circulation. Ensuite, des recherches doivent être faites sur les effets économiques, politiques et sociaux induits par le changement de priorité dans les infrastructures, change-ment qui ferait passer la sécurité du transport avant sa rapidité, sa perfor-mance et son prix économique. Enfin, des recherches doivent être lancées sur les moyens de réduire la dépendance énergétique des États-Unis vis-à-vis de l’Étranger. L’ironie du sort veut que nous ayons travaillé cette dernière question antérieurement —peut-être pourrions-
Bibliographie
Times,(23 December 2001) 2:1. Simon ROMEROAttacks at Hubs, «
Sens de l'événement
Sens de l’événement
nous juste reprendre là où nous en étions restés— et que nous nous en étions « détournés ».
Richard Hanley Rédacteur en chef du Journal of Urban Technology et professeur d’anglais au New York City Technical College de l’université de New York
Could Disrupt Phone Lines »,New York Times,(23 November 2001).
« Bi-Bop, Tam-Tam… la confiance au péril de la destruction créatrice »,Fluxn° 36/37, avril-septembre 1999, pp.56-57.
« Quand les réseaux oubient les territoires : la gare "Stade de France" du RER D et la couverture de l'autoroute A 1 dans la Plaine Saint-Denis »,Fluxn° 38, octobre-décembre 1999, pp.69-71.
« La réforme ferroviaire britannique a-t-elle sauvé des vies ? »,Fluxn° 39/40, janvier-juin 2000, pp. 85-86
« La concurrence, le téléphone et les pauvres »,Fluxn° 41, juillet-septembre 2000, pp. 64-68
« La fiscalité automobile entre confusion et contradiction »,Fluxn° 42, octobre-décembre 2000, pp. 75-79
« La crise énergétique en Californie. We want the power now ! »,Fluxn° 43, janvier-mars 2001, pp. 70-72
« Zoé dans le métro »,Fluxn° 44/45, avril-septembre 2001, pp. 96-98
« Les enjeux de la Directive cadre sur l’eau de l’Union Européenne »,Fluxn° 46, octobre-décembre 2001, pp. 70-75
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