Engendrer l État. Formation familiale et construction de l État dans la France du début de l époque moderne - article ; n°32 ; vol.8, pg 45-65
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Engendrer l'État. Formation familiale et construction de l'État dans la France du début de l'époque moderne - article ; n°32 ; vol.8, pg 45-65

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Description

Politix - Année 1995 - Volume 8 - Numéro 32 - Pages 45-65
Engendrer l'État. Formation familiale et construction de l'État dans la France du début de l'époque moderne.
Sarah Hanley [45-65]
En France, au début de l'époque moderne, le modèle de structuration monarchique de l'État n'était pas politique et constitutionnel, comme on l'imaginait encore récemment, mais social et familial. Ce premier modèle de l'État ne se centrait pas sur les institutions politiques servant un public amorphe, mais était dérivé d'un «complexe famille-État» qui légalisait les distinctions entre les sexes au service de la formation de la famille. La présente étude discute la formulation du complexe famille-État entre 1530 et 1640 et reconstruit des procès dont fut saisi le Parlement de Paris entre 1580 et 1730 en vue d'évaluer les conséquences qui résultent des rapports entre la «pratique de la structure» (les clauses du complexe) et la «structure de la pratique» (les actes d'agents humains). Elle montre comment les femmes, lésées par ce système, tournèrent les lois et les coutumes à leur profit et produisirent, en franchissant les démarcations de classe, une «culture de la feinte» qui minimisait les risques. Pour terminer, l'étude relève comment les plaideurs, qui imprimaient leurs doléances et les distribuaient dans les rues de Paris, transformèrent les procédures légales sur les droits sociaux jusqu'à la veille de la Révolution.
Engenderig the State. Family Formation and State Building in Early Modem France.
Sarah Hanley [45-65]
In Early Modern France the model for monarchic statebuilding was not political and constitutional, as heretofore imagined, but social and familial. This early early state model was not centered on political institutions that served an amorphous public, but was derived from a «Family-State Compact» that legalized gender distinctions in the service of family formation. This article discusses the formulation of the Family-State between the «practice of the structure» (the regulation of the compact) and the «structure of the practice» (the actions of the human agents). It shows how women, who were placed at risk in this system, appropriated law and custom to fit themselves and produced accross class lines a «conterfeit culture» that minimized risks. Finally, the study notes how the litigants, who printed their stories and distributed them in the streets of Paris, transformed legal procedures into street dramas thar informed public opinion and provoked public discourse on social entitlement right up to the eve of the Revolution.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 55
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Sarah Hanley
Engendrer l'État. Formation familiale et construction de l'État
dans la France du début de l'époque moderne
In: Politix. Vol. 8, N°32. Quatrième trimestre 1995. pp. 45-65.
Citer ce document / Cite this document :
Hanley Sarah. Engendrer l'État. Formation familiale et construction de l'État dans la France du début de l'époque moderne. In:
Politix. Vol. 8, N°32. Quatrième trimestre 1995. pp. 45-65.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1995_num_8_32_2089Résumé
Engendrer l'État. Formation familiale et construction de l'État dans la France du début de l'époque
moderne.
Sarah Hanley [45-65]
En France, au début de l'époque moderne, le modèle de structuration monarchique de l'État n'était pas
politique et constitutionnel, comme on l'imaginait encore récemment, mais social et familial. Ce premier
modèle de l'État ne se centrait pas sur les institutions politiques servant un public amorphe, mais était
dérivé d'un «complexe famille-État» qui légalisait les distinctions entre les sexes au service de la
formation de la famille. La présente étude discute la formulation du complexe famille-État entre 1530 et
1640 et reconstruit des procès dont fut saisi le Parlement de Paris entre 1580 et 1730 en vue d'évaluer
les conséquences qui résultent des rapports entre la «pratique de la structure» (les clauses du
complexe) et la «structure de la pratique» (les actes d'agents humains). Elle montre comment les
femmes, lésées par ce système, tournèrent les lois et les coutumes à leur profit et produisirent, en
franchissant les démarcations de classe, une «culture de la feinte» qui minimisait les risques. Pour
terminer, l'étude relève comment les plaideurs, qui imprimaient leurs doléances et les distribuaient dans
les rues de Paris, transformèrent les procédures légales sur les droits sociaux jusqu'à la veille de la
Révolution.
Abstract
Engenderig the State. Family Formation and State Building in Early Modem France.
Sarah Hanley [45-65]
In Early Modern France the model for monarchic statebuilding was not political and constitutional, as
heretofore imagined, but social and familial. This early early state model was not centered on political
institutions that served an amorphous public, but was derived from a «Family-State Compact» that
legalized gender distinctions in the service of family formation. This article discusses the formulation of
the Family-State between the «practice of the structure» (the regulation of the compact) and the
«structure of the practice» (the actions of the human agents). It shows how women, who were placed at
risk in this system, appropriated law and custom to fit themselves and produced accross class lines a
«conterfeit culture» that minimized risks. Finally, the study notes how the litigants, who printed their
stories and distributed them in the streets of Paris, transformed legal procedures into street dramas thar
informed public opinion and provoked public discourse on social entitlement right up to the eve of the
Revolution.Engendrer l'État
Formation familiale et construction de
dans la France du début de l'époque moderne*
Sarah Hanley
Université de l'Iowa
DANS L 'ARRIERE-BOUTIQUE de l'esprit où nous conviait Montaigne, les
historiens rêvent de changer d'habitat, de délaisser leurs archives et
d'adopter une posture ethnographique. D'emblée, cette visée signifie
pour eux de modifier les formes de l'enquête : l'ordinaire contre
l'exotique, le traditionnel contre le contemporain, la vie savante penchée sur
les papiers des morts contre celle partagée avec les vivants. Au vrai, pourtant,
l'historien-à-visée-ethnographique n'échappe pas à l'exotique, mais bien
plutôt au dilemme épistémologique attaché aux recherches circonscrites par le
temps passé, aux espaces non cartographies, aux documents parcellaires.
Parfois, c'est le type de recherche lui-même qui peut contrarier l'investigation
historique. Les séries de recherches répétitives — la compilation de faits qui
ne font, pour l'essentiel, que corroborer le déjà connu — sont dangereuses. En
revanche, les recherches qui s'attachent à la diversité — l'investigation de
couches de faits contradictoires — peuvent être fructueuses. Il y a des espaces
laissés inexplorés par les recherches qui se résignent à l'obscurité irrévocable
des textes. Mais ces espaces peuvent être balisés par un autre type de
recherche qui s'efforce de lire les phénomènes encodes, comme, par exemple,
la rhétorique des «genres», de la différence et des relations entre sexes, les
modèles symboliques et les rituels, les notions d'honneur et de honte. Les
historiens se sont toujours intéressés au pouvoir des droits ; aujourd'hui nous
intéressons aux rites du pouvoir. Nous avons toujours su qu'aucune rose d'un
autre nom ne pouvait sentir aussi bon ; aujourd'hui nous pesons l'énigme du
Nom de la rose1. C'est à la marge du discours historien, quand
Traduction de «Engendering the State : Family Formation and State Building in Early Modem
France», French Historical Studies, 26 (1), 1989 par Jean-Philippe Heurtin. Les italiques conservent
les expressions en français dans le texte.
* L'auteur remercie, pour leurs commentaires critiques, à l'occasion de la présentation d'une
première version de ce texte, ses collègues de l'Institut for Advenced Study : Franco Ferreresi,
Anna Elsibatta Galleoti, Carlo Ginzburg, Albert Hirschman, Phyllis Mack, Malcom J. Rohrbough,
Joan Wallach Scott, Carl Schorske, Carmen J. Sirianni, Lawrence Stone et Joan E. Vincent ; l'article
a également bénéficié des discussions avec Marilyn Hanley, Mianne Hanley, Michèle Fogel et
Shirley Jaffe.
1. Des nuances d'interprétation sont apportées par Geertz (C), Savoir local, savoir global. Les lieux
du savoir, Paris, PUF, 1986. Les «lectures« variées des documents historiques sont à la base des
confrontations entre R. Chattier («Texts, Symbols, and Frenchness«, The Journal of Modern
History, 57, 1985) et R. Darnton («The Symbolic Element in History«, ibid., 58, 1986) et des
commentaires de J. Fernandez, évaluant la diversité au regard de la répétition («Historians Tell
Taies : Of Cartesian Cats and Gallic Cockfights«, ibid., 60, 1988). Le pouvoir heuristique de la
notion de «genre« est démontrée par Wallach Scott (J.), «Gender : A Usefull Category of Historical
[suite de la note page suivante]
Polüix, n°32 1995, pages 45 à 65 45 Sarah Hartley
l'interpénétration de différents ressorts et de différentes voix n'est pas
immédiatement apparente, que le point de vue anthropologique peut se
révéler utile. En dépit des différences d'opinion en ce qui concerne l'usage de
concepts interdisciplinaires pour comprendre les phénomènes historiques1, le
défi général de revaloriser les modes insulaires d'appréhension retentit dans
le champ de l'histoire.
Comme dans des travaux plus anciens, cette étude historique de la culture
politique la France du début de l'époque moderne, rejette la dichotomie
entre structure et événement, et pose le procès historique comme un dialogue
continué, une dialectique culturelle, dans laquelle l'histoire est culturellement
ordonnée par les concepts existants, ou les schemes de compréhension à
l'œuvre dans un espace et un temps donné ; et la culture est historiquement quand les schemes de compréhension sont réévalués et révisés, à
chaque fois que les personnes les font jouer et rejouer dans le temps2. On peut
regarder ce processus de réordonnancement comme celui d'une «culture de la
feinte» ; c'est-à-dire, comme le processus de reproduction d'un original
reconnu, mais qui en même temps (consciemment ou inconsciemment) forge
quelque chose de tout-à-fait nouveau.
La première partie de cette présente étude identifie un «complexe famille-
État» forgé tout au long du XVIe et au début du XVIIe siècle entre d'une part
les légistes français (les titulaires d'office au Parlement de Paris et leurs pairs),
dont la survie sociale et la position politique dépendaient de leur réputation
professionnelle et d'une judicieuse organisation familiale ; et, d'autre part, les
rois (et les conseillers royaux) qui poursuivaient le projet

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