histoire d une rupture - Marges linguistiques - Numéro 6, Novembre ...
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histoire d'une rupture - Marges linguistiques - Numéro 6, Novembre ...

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Marges linguistiques - Numéro 6, Novembre 2003 - M.L.M.S. éditeur
http://www.marges-linguistiques.com - 13250 Saint-Chamas (France)
145
Novembre 2003
De
Paname
à
Ripa
: histoire d’une rupture
Par Thierry Petitpas
UFR LASH – Sections FLE-EFE
Université de Nice-Sophia Antipolis, France
1. Introduction : la traversée de Paris
Contrairement à ce qu’en dit P. Merle (1990), qui s’émeut de la disparition de l’argot et du
Paris d’après la Libération, l’argot ne disparaît pas. Il se transforme selon les évolutions socio-
économiques et les politiques urbanistiques, il se déplace au gré des migrations qu’on impose
à ses usagers, son histoire est faite de ruptures et de continuités, comme celle des groupes
sociaux qui le pratiquent. Aussi, ces ruptures et ces continuités sont-elles directement obser-
vables dans le vocabulaire des argotisants.
Ainsi, lorsqu’on analyse les désignations géographiques dans les lexiques d’argot qui nous
sont parvenus depuis le XVIe siècle, on constate que les argotisants ont connu deux ruptures
avec leur environnement spatial. La première, qui est traditionnellement admise, a eu lieu au
début du XIXe siècle, lorsque la pègre rompt son isolement social et « perd le bénéfice de son
isolement linguistique » (Guiraud, 1956 : pp. 15). À cette époque, les classes dangereuses
s’intègrent à la vie sociale des villes — principalement Paris (Dauzat : pp. 36) — et côtoient,
sans pourtant s’y fondre, le monde des ouvriers et des déshérités. Une partie du vocabulaire
argotique se mêle alors au français populaire, donnant ainsi naissance à ce que G. Esnault
(1965 : pp. IX) appellera « l’argot populaire parisien ». Au milieu du XIXe siècle, les travaux
d’Haussmann (1860-1890) accélèrent un mouvement entamé quelques années plus tôt : la
déprolétarisation de la capitale et la migration en masse des plus défavorisés et des classes
criminelles des quartiers du centre vers la périphérie. Et aux « sauvages » d’Eugène Sue tapis
dans les ruelles étroites et sombres de la Cité, succèdent les « barbares » des faubourgs, puis
les « apaches » de la
zone
au début du XXe siècle. Dans les années 50-60, la banlieue s’étend,
et ses limites s’éloignent encore du Paris intra-muros. C’est l’époque des « blousons noirs » et
des « barjots » qui valorisent encore les identifications de classe sociale, mais aussi de géné-
ration. Insensiblement repoussés aux marges de la capitale, ces groupes, qui se distinguent de
leurs aînés par leur caractère juvénile et peu professionnel, entretiennent cependant une cer-
taine relation avec le centre de Paris jusqu’à la fin des années 70. Vers 1980, ce lien se brise.
Les nouveaux argotisants, qui « sont moins proches des héritiers de la classe ouvrière que de
ses ancêtres, ceux que L. Chevalier nommait les « classes dangereuses » » (Dubet et La-
peyronnie : pp. 135), se retrouvent littéralement mis au « ban du lieu ». Dès lors, ces derniers
revendiquent la banlieue comme leur unique territoire. Pour « les jeunes des cités », la
« racaille » ou la
caillera
comme ils s’auto-proclament, Paris devient « l’autre », et cesse d’être
le centre de l’argot comme il le fut pendant presque deux siècles. C’est cette seconde rupture
que nous souhaiterions mettre ici en lumière au travers du vocabulaire des usagers.
2. Cadre méthodologique et données
Partant du principe que tout groupe social, citadin ou non, marque en langue l’espace qu’il
doit s’approprier pour donner un sens social à son identité, nous avons considéré que tout mot
argotique désignant un lieu, atteste que les locuteurs se sont approprié le lieu en question. Par
cette étude, qui s’inscrit donc dans une perspective onomasiologique, nous chercherons à dé-
terminer et à décrire les lieux qui ont, ou qui avaient, une importance dans la réalité des argo-
tisants d’hier et d’aujourd’hui. Nous verrons quels sont les lieux que ces derniers partagent et
la manière dont les locuteurs les appréhendent selon les époques. Au terme de cette analyse,
nous nous apercevrons que pour l’argotisant d’autrefois, Paris est un espace maîtrisé, alors
que pour le locuteur actuel, qui ne s’est pas ou peu approprié les espaces parisiens, la capitale
représente un monde extérieur, étranger au sien.
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