Jugement du Tribunal de grande instance de Paris Airbnb contre la Mairie de Paris
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Airbnb réussit à gagner du temps dans son conflit face à la Mairie de Paris en obtenant la transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité de l'obligation qui pèserait sur les plateformes afin de respecter la réglementation parisienne.

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Publié le 30 octobre 2018
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Langue Français

Extrait

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S
÷ Service des référés
N° RG 18/54633  N° Portalis 352JWB7CCNCC 4
N° Minute :1/MP
JUGEMENT, en état de référé, (article 487 du Code Procédure Civile) DE TRANSMISSION DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
Demanderesses à la question prioritaire :
S.A.R.L. AIRBNB France 4 Place de l’Opéra 75002 PARIS / FRANCE
Société AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPAGNY 25/28 North Wall Quay Dublin 1D01 H104  IRLANDE
Représentées par Me Jeandaniel BRETZNER, avocat au barreau de PARIS  #T0012
Défenderesse :
LA VILLE DE PARIS Place de l’Hotel de Ville 75004 PARIS
Représentée par Maître Fabienne DELECROIX de l’ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocats au barreau de PARIS  #R0229
Le 30 Octobre 2018,
Le Tribunal de Grande Instance de Paris composé de : Didier FORTON, Premier VicePrésident Adjoint Nathalie RECOULES, Première VicePrésidente Adjointe Laurent NAJEM, VicePrésident
assistés de Olivier ALIDAL, Greffier,
Vu l’article 231 de l’ordonnance n°581067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et suivants ;
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Vu les articles 1261 et suivants du Code de Procédure Civile ;
Vu la demande d’examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 12 Juin 2018,
LA VILLE DE PARIS a fait assigner, par exploit en date du 7 mai 2018 AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY, au visa notamment de l’article 809 alinéa 1 du code de procédure civile et des articles L 32411 et L 32421 du code du tourisme, aux fins de voir, aux termes des ses conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement :
 ordonner à AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY de mentionner sur les 67 annonces publiées sur sa plateforme numérique, recensées par LA VILLE DE PARIS et jointes au présent acte, le numéro d’enregistrement de déclaration préalable auprès de la commune exigée pour toute location de courte durée, et à défaut de pouvoir se conformer à cette obligation légale, de supprimer les dites annonces de sa plateforme, le tout sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et jusqu’à ce que toutes les annonces mentionnent le numéro d’enregistrement de déclaration préalable ou soient supprimées de sa plateforme numérique ;
 faire défense à AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et par jour, huit jour après la signification de l’ordonnance à intervenir, de publier sur le site www.Airbnb.fr une offre de location de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, sur la commune de Paris, ne mentionnant pas un numéro d’enregistrement ;
 condamner AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
 Subsidiairement, renvoyer à la Cour de Justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant sur l’article 2a de la directive 2000/31 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 ;
Par mémoire distinct déposé le 12 juin 2018 et plaidé le 2 octobre 2018 AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY soutient que les dispositions de l’article L32421 du code du tourisme qui édicte une obligation de surveillance à la charge des exploitants de plateforme électroniques et qui impose à ces dernières d’assumer une succession d’obligations destinées à faire échec à la diffusion d’annonces illicites, sans même leur offrir une indemnisation, est incompatible avec le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques consacré par l’article 13 de la DDHC ;
Elles fait valoir que l’article L 32421 du code du tourisme prescrit aux exploitants de plateformes électroniques d’accomplir des diligences destinées à limiter le nombre de biens meublés susceptibles d’être offerts à la location pour une courte durée et que ce texte impose des exploitants de platesformes électroniques une succession d’obligations qui est une source de difficultés majeures au regard du principe d’égalité devant les charges publiques puisqu’il implique que les exploitants de platesformes électroniques exercent sans bénéficier d’une indemnisation une véritable police du marché au lieu et place des pouvoirs publics, assument des tâches qui sont prétendument destinées à l’intérêt général et qui excèdent celles qui leur sont dévolues en tant qu’opérateurs économiques privés ;
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Elle soutient que l’atteinte est amplifiée par le fait que les obligations instituées par les articles précités s’appliquent potentiellement dans toute commune et en tout point du territoire, instituent un mécanisme d’autorisation préalable et offrent aux communes une marge de manoeuvre qui n’est enserrée dans aucune limite ;
En réponse aux conclusions de LA VILLE DE PARIS elle soutient que seules doivent être examinées la nature et l’étendue de l’ensemble des obligations prescrites à la charge des plates formes électroniques par le texte invoqué par la demanderesse dont elle conteste la constitutionnalité et l’existence ou non d’une compensation et ce, alors que l’intensité de l’effort exigé d’elle est sans influence sur sa possibilité d’invoquer une violation du principe d’égalité devant les charges publiques et que cet effort est consenti pour un “motif d’intérêt général” ;
II) Elle soutient que les articles L 32411 et L 32421 du code du tourisme portent atteinte au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la DDHC et qu’il existe un doute en ce qui concerne le caractère proportionné de cette atteinte au vu de l’obligation de déclaration préalable et de l’interdiction d’excéder le seuil de 120 jours qui présentent un champs excessif puisqu’ils peuvent appréhender tous types de biens , en ce compris les résidences principales et les chambres chez l’habitant ;
Par conclusions déposées à l’audience du 10 juillet 2018 et soutenues oralement à l’audience du 2 octobre 2018 LA VILLE DE PARIS conclut au rejet des deux QPC ;
I) Elle fait valoir que, pour assurer le principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il poursuit sans que cette appréciation n’entraîne de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques et, à ce titre, elle soutient que le législateur s’est appuyé sur des critères objectifs et rationnels pour imposer l’obligation visée à l’article L 32421 du code de tourisme dans le but d’intérêt général de favoriser un logement stable et de permettre de soutenir efficacement l’objectif d’un droit au logement et ce, alors que AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY n’allègue pas l’existence d’une disproportion entre l’objectif de la loi et la sujétion imposée ;
Elle soutient que AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY ne justifie pas que la demande visant à rendre obligatoire la mention du numéro d’enregistrement entraîne l’existence d’une dépense, qui plus est incombant à la puissance publique ;
Elle fait valoir que l’action ne vise pas à voir imposer à AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY de procéder au décompte du nombre de nuits de location et que cette imposition entraînerait une dépense par la mise en place de procédés techniques coûteux ou disproportionnés et ce, alors qu’elle a créé un téléservice gratuit permettant l’obtention d’un numéro d’enregistrement et que, par ailleurs, cette dépense n’est pas de celles qui par nature incombent aux services publics ;
II) Elle soutient que les dispositions des articles L 32411 et L 32421 du code du tourisme n’instaurent pas de privation du droit de propriété en ce qu’elles ne sont pas constitutives d’une atteinte à celuici, ne le dénature pas, ne génère pas une diminution disproportionnée du patrimoine assimilable à une privation de propriété et sont édictées dans un but d’intérêt général de protection et de maîtrise des logements disponibles en location pour les habitants et la préservation dans les zones urbaines de l’activité économique ;
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Monsieur le Procureur de la République a fait valoir qu’il n’entendait pas conclure ;
MOTIFS
En application des articles 231 et suivants de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique, la juridiction devant laquelle est soulevé un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, statue sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation ;
Il est procédé à cette transmission, si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :
 la disposition contestée est applicable au litige,  elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution,  elle n’est pas dépourvue de sérieux ;
En l’espèce il est constant et il n’est pas discuté que les dispositions des articles L 32421, L 32411 du code du tourisme sont applicables au litige ;
Par ailleurs, il apparaît que les dispositions législatives contestées n’ont pas été déclarée conforme à la Constitution ;
Sur le troisième point, il convient de savoir si la question présente un caractère sérieux ;
I) Il y a lieu de rappeler que la Ville de Paris a entendu exercer son action au visa notamment de l’article L 32421 du code du tourisme en son entier ;
Celuici dispose que :
I.  Toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, à la mise en location d'un logement soumis à l'article L. 32411 du présent code et aux articles L. 6317 et suivants du code de la construction et de l'habitation informe le loueur des obligations de déclaration ou d'autorisation préalables prévues par ces articles et obtient de lui, préalablement à la location du bien, une déclaration sur l'honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale au sens de l'article 2 de la loi n° 89462 du 6 juillet 1989, ainsi que, le cas échéant, le numéro de déclaration du logement, obtenu en application du II de l'article L. 32411 du présent code.
II.  Toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d'une plateforme numérique, à la mise en location d'un local meublé soumis au II de l'article L. 32411 et aux articles L. 6317 et suivants du code de la construction et de l'habitation publie dans l'annonce relative au local, son numéro de déclaration, obtenu en application du II de l'article L. 32411 du présent code.
Elle veille à ce que le logement proposé à la location ou à la souslocation ne soit pas loué plus de cent vingt jours par an par son intermédiaire lorsque le logement constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89462 du 6 juillet 1989 précitée. A cette fin, lorsqu'elle en a connaissance, elle décompte le nombre de nuits faisant l'objet d'une
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occupation, et en informe, à sa demande, annuellement, la commune du logement loué. Audelà de cent vingt jours de location, le logement ne peut plus faire l'objet d'une offre de location par son intermédiaire jusqu'à la fin de l'année en cours.
III.  Les modalités de contrôle et de sanction aux manquements aux obligations prévues par le II du présent article sont fixées par décret;
Par ailleurs, l’article 13 de la DDHC dispose que :
Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés” ;
En l’espèce il apparaît que l’article L 32421 du code du tourisme précité met à la charge des exploitants de plateformes électroniques les diligences suivantes :
 informer le loueur des obligations de déclaration ou d'autorisation préalables;
 recueillir une déclaration sur l'honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale ;
 faire apparaître le numéro de déclaration du logement, obtenu en application du II de l'article L. 32411 dudit code ;
 veiller à ce que le logement proposé à la location ou à la souslocation ne soit pas loué plus de cent vingt jours par an ;
 informer, à sa demande, annuellement, la commune du logement loué. Audelà de cent vingt jours de location ;
Ce texte fait donc notamment assumer aux seuls exploitants de platesformes, tel en l’espèce la société AIRBNB, les charges générées par la recherche du nombre de jours de location d’un logement et ce, alors qu’il apparaît que cette recherche participe de la préservation de l’intérêt général et relève d’une tâche dévolue à l’état ;
Il y a lieu en outre, de constater que cette charge est d’autant plus importante que le logement est susceptible d’être loué par le biais de plusieurs plates formes ou même directement par le loueur, ce qui a pour effet d’alourdir la recherche ;
Par ailleurs, en vertu des dispositions de l’article L32411 du code du tourisme, le texte met à la charge des exploitants de platesformes la recherche des communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable ;
Surtout, en vertu des dispositions combinées des articles L32411 du code du tourisme et L 6317 du code de la construction et de l’habitation ce texte met à la charge des exploitants de platesformes la recherche d’un éventuel changement d'usage des locaux destinés à l'habitation et donc celle du caractère répété des locations pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile afin de procéder ou non à la publication de la déclaration litigieuse ;
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Il apparaît donc que l’article L 32421 du code du tourisme est susceptible de rompre le principe d’égalité devant les charges publique au regard de l’article l’article 13 de la DDHC et il y aura lieu de faire partiellement droit à la demande et de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
L’article L32421 du code du tourisme en ce qu’il met à la charge des exploitants de plateformes électroniques les diligences suivantes :
 informer le loueur des obligations de déclaration ou d'autorisation préalables ;
 recueillir une déclaration sur l'honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale ;
 faire apparaître le numéro de déclaration du logement, obtenu en application du II de l'article L. 32411 dudit code ;
 veiller à ce que le logement proposé à la location ou à la souslocation ne soit pas loué plus de cent vingt jours par an ;
 informer, à sa demande, annuellement, la commune du logement loué. Audelà de cent vingt jours de location ;
Estil compatible avec le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques consacré par l’article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDCH)” ?
II) AIRBNB IRELAND UNLIMITED COMPANY n’est pas propriétaire des locaux proposés à la location, elle n’a donc pas qualité pour invoquer une atteinte au droit de propriété et il y aura lieu en conséquence de rejeter sa demande à ce titre ;
LE TRIBUNAL,
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par jugement contradictoire, non susceptible de recours ;
TRANSMETla Cour de cassation la question prioritaire de à constitutionnalité suivante :
“L’article L32421 du code du tourisme applicable au litige, en ce qu’il met à la charge des exploitants de plateformes électroniques les diligences suivantes :
 informer le loueur des obligations de déclaration ou d'autorisation préalables ;
 recueillir une déclaration sur l'honneur attestant du respect de ces obligations, indiquant si le logement constitue ou non sa résidence principale ;
 faire apparaître le numéro de déclaration du logement, obtenu en application du II de l'article L. 32411 dudit code ;
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 veiller à ce que le logement proposé à la location ou à la souslocation ne soit pas loué plus de cent vingt jours par an ;
 informer, à sa demande, annuellement, la commune du logement loué. Audelà de cent vingt jours de location,
Estil compatible avec le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques consacré par l’article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDCH)” ?
REJETTEle surplus des demandes ;
DITque le présent jugement sera adressée à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;
DITque les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;
SURSOITà statuer sur les demandes des parties ;
DITque l’affaire sera rappelée à l’audience dumardi 5 février 2019 à 9 heures 30;
RESERVEles dépens.
Le Greffier
Olivier ALIDAL
Le Président
Didier FORTON
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