L'exode rural. Mise à l'épreuve d'un modèle - article ; n°25 ; vol.7, pg 59-72

Paul-André Rosental

Description

Politix - Année 1994 - Volume 7 - Numéro 25 - Pages 59-72
The drift from the land, calling the model into question.
Paul-André Rosental. [59-72].
A rereading of the statistics on population migration in 19th century France leads to calling into question one of the most deeply rooted models of our social history, that of the drift from the land. Such an analysis seeks to question the historical context and the social logics of the production of these figures and their contribution to the reinforcement of a belief in a massive drift from rural population to the towns. An alternative treatment of these data leads to a relativization of the real historical importance of this phenomenon.
L'exode rural, mise à l'épreuve d'un modèle.
Paul-André Rosental. [59-72].
Une relecture des statistiques portant sur les migrations de population en France au XLXe conduit à remettre en cause l'un des modèles les plus fortement ancrés de notre histoire sociale : celui de l'exode rural. Une telle analyse cherche à s'interroger sur le contexte historique et les logiques sociales de production de ces chiffres ainsi que leur contribution au renforcement des croyances relatives à un exode massif des populations rurales vers les grandes villes. Un traitement alternatif de ces données conduit au contraire à relativiser l'importance historique réelle de ce phénomène
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIX
• Publié le: 01 janvier 1994
• Nombre de lectures: 110
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Paul-André Rosental
L'exode rural. Mise à l'épreuve d'un modèle
In: Politix. Vol. 7, N°25. Premier trimestre 1994. pp. 59-72.
Abstract
The drift from the land, calling the model into question.
Paul-André Rosental. [59-72].
A rereading of the statistics on population migration in 19th century France leads to calling into question one of the most deeply
rooted models of our social history, that of the drift from the land. Such an analysis seeks to the historical context and
the social logics of the production of these figures and their contribution to the reinforcement of a belief in a massive drift from
rural population to the towns. An alternative treatment of these data leads to a relativization of the real historical importance of
this phenomenon.
Résumé
L'exode rural, mise à l'épreuve d'un modèle.
Paul-André Rosental. [59-72].
Une relecture des statistiques portant sur les migrations de population en France au XLXe conduit à remettre en cause l'un des
modèles les plus fortement ancrés de notre histoire sociale : celui de l'exode rural. Une telle analyse cherche à s'interroger sur le
contexte historique et les logiques sociales de production de ces chiffres ainsi que leur contribution au renforcement des
croyances relatives à un exode massif des populations rurales vers les grandes villes. Un traitement alternatif de ces données
conduit au contraire à relativiser l'importance historique réelle de ce phénomène
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Rosental Paul-André. L'exode rural. Mise à l'épreuve d'un modèle. In: Politix. Vol. 7, N°25. Premier trimestre 1994. pp. 59-72.
doi : 10.3406/polix.1994.1825
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1994_num_7_25_1825.
:
L'exode rural,
mise à l'épreuve d'un modèle
Ecole des hautes études Paul-André en sciences Rosental sociales
PEUT-ON REMETTRE EN CAUSE la notion d'exode rural ? Peut-on nier que
le XIXe siècle, avec ses transformations massives, ait marqué le
basculement d'une sédentarité rurale séculaire à un dépeuplement des
campagnes ? Un phénomène d'une telle ampleur pourrait-il reposer sur
une évidence statistique trompeuse ? Telles sont les questions que nous
aimerions poser ici, à partir d'un petit exercice quantitatif. Les résultats de
celui-ci, outre leur contenu intrinsèque, nous amèneront à une réflexion plus
générale sur l'application de l'outil statistique dans les modèles
historiographiques 1 .
La compréhension des migrations intérieures françaises au XIXe siècle est
dominée par un schéma, celui de l'exode rural. Les historiens ont souvent
interrogé la dénomination du phénomène, du fait de sa charge idéologique
trop visible2, mais jamais vraiment son contenu. Si leurs analyses divergent
par certains aspects, elles visent pour la plupart à chiffrer, décrire et
comprendre l'arrivée massive des ruraux à la ville, l'explosion démographique
de la population citadine, en particulier à Paris. Faut-il en rester là ? Nous
aimerions reprendre les éléments logiques, statistiques et, en partie,
idéologiques, qui fondent ce scénario, en explorer les fondements et les
limites, et lui proposer une alternative.
Pour ce faire, nous sommes parti de l'exploitation statistique de 44.534 actes
de mariage du XIXe siècle récoltés sur toute l'étendue du territoire national3.
Ces documents mentionnent de nombreuses informations sur les conjoints et
leurs parents. Celles que nous avons utilisées sont les dates et lieux de
naissance de chacun des deux conjoints, leur date de mariage, leur lieu de
résidence au moment du mariage ainsi que celui de leurs parents. Nous nous
sommes limité à l'étude des migrants mâles, les actes de mariage de la partie
masculine de l'échantillon ayant été mieux saisis que ceux de sa composante
féminine4.
1. Les développements qui suivent constituent, pour partie, la version remaniée et complétée d'un
article publié précédemment en langue italienne (-Paure e statistica : l'esodo rurale è un mito ?•,
Quademi Storici, 78, 1991).
2. Cf. Pitié 00) Exode rural et migrations intérieures en France, Norois, 1971, p. 13-
3. Ils ont été recueillis dans le cadre de l'enquête dite «3-000 Families', dirigée par J. Dupâquier et
D. Kessler. J'exprime tous mes remerciements aux deux responsables de l'enquête pour m'avoir
permis d'accéder aux informations requises pour cette recherche.
4. L'échantillon est défini par un critère patronymique il comprend tous les Français mariés entre
1803 et 1902 dont le nom commence par les lettres «Tra>. Les données sont saisies aux archives
par des bénévoles. Or, pour 25-000 actes environ de •Tra- hommes recueillis, on ne compte que
20.000 actes de -Tra- femmes. Ceci est dû largement au classement à l'intérieur des tables
décennales de l'état civil : dans ces index qui renvoient aux actes de mariage, les femmes ne sont
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Politix, n°25, 1994, pages 59 à 72 59 :
Paul-André Rosental
Les mesures des flux migratoires au point d'arrivée
Le fondement du modèle de l'exode rural
Nous allons d'abord tenter de montrer qu'une même source peut aboutir à
deux scénarios opposés sur l'évolution des migrations, selon le type de mesure
statistique que l'on adopte. Pour s'en convaincre, commençons par retrouver
les schémas migratoires connus1. Nous avons regroupé les départements en
quatorze grandes régions2 : la Bretagne, la Normandie, le Nord, le Pays de
Loire, le Centre-Ouest, le Sud-Ouest, les Pyrénées, le Sud-est, l'Auvergne, la
région Rhône-Alpes, la Bourgogne, l'Alsace-Lorraine, la Région parisienne ou
Ile-de-France, et la «Couronne» (cercle de départements autour de cette
dernière). Puis, nous nous sommes intéressé aux migrants «interrégionaux»,
c'est-à-dire ceux qui, entre leur naissance et le moment de leur mariage,
franchissent une frontière régionale3. Ils sont au nombre de 3355, soit 7,5 % de
l'échantillon. Nous avons ensuite représenté les régions en fonction de
l'importance de l'émigration vers la Région parisienne : quelles sont celles
dont plus de 20 % des migrants interrégionaux partent vers l'Ile de France,
celles pour lesquelles ce taux est seulement supérieur à 10 %, et celles pour
lesquelles il est inférieur à 10 % ? Le résultat est tout à fait cohérent avec les
cartes classiques sur les migrations vers la Région parisienne. Les
départements du Nord et de l'Est du Bassin Parisien fournissent les
contingents les plus massifs. Pour le reste de la France, plus éloignée, les flux
décroissent avec la distance, excepté pour l'Auvergne, très émigratrice.
Certaines régions sont encore à l'écart de ces flux, notamment la Bretagne et
l'extrême Sud du pays.
Il est une autre manière, plus parlante encore peut-être, de mettre en lumière
le pouvoir d'attraction de la Région parisienne. Elle consiste à raisonner
négativement, en se posant la question suivante : quelles sont les régions qui
pas toujours classées à leur nom de jeunes filles. La solution la moins aventureuse était donc de
travailler sur les hommes. Soulignons qu'au moment de l'exploitation, nous avons détecté un
certain nombre d'erreurs de codage des lieux dans le fichier brut. Dues le plus souvent aux
homonymies de communes sur le territoire français, elles augmentaient en particulier la mobilité
apparente, et l'importance des migrations rural/rural. Nous les avons corrigées sur un échantillon
aléatoire de cinq cents migrants interdépartementaux, et comparé les résultats ainsi obtenus avec
les données initiales (depuis, J. Dupâquier a mis en œuvre un travail systématique de correction du
fichier, qui s'est achevé après la rédaction de ce travail). Nous avons ainsi construit des taux de
redressement, en distinguant trois périodes de mariage (1803-1849, 1850-1879, 1880-1902) et deux
types de destinations (urbaines ou rurales). L'ensemble des résultats présentés ici sont pondérés à
l'aide de ces coefficients de redressement. Cette méthode nous a permis de réaliser l'essentiel des
mesures macroscopiques qui étaient nécessaires à notre raisonnement, mais pas certaines
estimations