La parité sans théorie : retour sur un débat - article ; n°60 ; vol.15, pg 19-32
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La parité sans théorie : retour sur un débat - article ; n°60 ; vol.15, pg 19-32

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politix - Année 2002 - Volume 15 - Numéro 60 - Pages 19-32
Parity Without Theory : Rereading The Debate Eric Fassin The debate on parity seemed so uniquely French because it was a debate among intellectuals. In order to understand the role played by philosophical references, whereas a theoretical approach must be avoided, a historical reading reveals that theory only prevailed because of the rhetorical conjuncture of the 1990s. Invoking the universalism of the Republic served to disqualify minority politics, thus reduced to so-called American-style identity politics - by definition alien to French political culture. Responding with an argument about the universality of sexual difference in order to justify parity thus makes sense as an attempt to circumvent this rhetorical constraint. There was no necessity to the alternative between universalism and differencialism : parity could have been framed in an anti-discriminatory logic, restricted neither to politics nor to gender.
La parité sans théorie : retour sur un débat Eric Fassin Si le débat sur la parité est apparu si spécifiquement français, c'est qu'il s'agissait d'un débat d'intellectuels. Pour comprendre l'importance qu'y tenaient les références philosophiques, il convient toutefois d'écarter une approche théorique : c'est une lecture historique qui permet de voir que le détour théorique s'est imposé en raison de la conjoncture rhétorique des années 1990. L'invocation de la République universaliste disqualifiait alors tout discours minoritaire, en l'assimilant à un communautarisme réputé américain, et donc étranger à la culture politique française. L'argument de l'universalité de la différence des sexes invoqué pour fonder la parité n'a de sens qu'en tant qu'effort pour contourner cette contrainte rhétorique. L'alternative entre universalisme et différentialisme n'avait pourtant rien de nécessaire : on aurait pu penser la parité dans une logique antidiscriminatoire, qui ne s'arrête ni à la politique, ni au genre.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 115
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eric Fassin
La parité sans théorie : retour sur un débat
In: Politix. Vol. 15, N°60. Quatrième trimestre 2002. pp. 19-32.
Abstract
Parity Without Theory : Rereading The Debate
Eric Fassin
The debate on parity seemed so uniquely French because it was a debate among intellectuals. In order to understand the role
played by philosophical references, whereas a theoretical approach must be avoided, a historical reading reveals that theory only
prevailed because of the rhetorical conjuncture of the 1990s. Invoking the universalism of the Republic served to disqualify
minority politics, thus reduced to so-called American-style identity politics - by definition alien to French political culture.
Responding with an argument about the universality of sexual difference in order to justify parity thus makes sense as an attempt
to circumvent this rhetorical constraint. There was no necessity to the alternative between universalism and differencialism :
parity could have been framed in an anti-discriminatory logic, restricted neither to politics nor to gender.
Résumé
La parité sans théorie : retour sur un débat
Eric Fassin
Si le débat sur la parité est apparu si spécifiquement français, c'est qu'il s'agissait d'un débat d'intellectuels. Pour comprendre
l'importance qu'y tenaient les références philosophiques, il convient toutefois d'écarter une approche théorique : c'est une lecture
historique qui permet de voir que le détour théorique s'est imposé en raison de la conjoncture rhétorique des années 1990.
L'invocation de la République universaliste disqualifiait alors tout discours minoritaire, en l'assimilant à un communautarisme
réputé américain, et donc étranger à la culture politique française. L'argument de l'universalité de la différence des sexes invoqué
pour fonder la parité n'a de sens qu'en tant qu'effort pour contourner cette contrainte rhétorique. L'alternative entre universalisme
et différentialisme n'avait pourtant rien de nécessaire : on aurait pu penser la parité dans une logique antidiscriminatoire, qui ne
s'arrête ni à la politique, ni au genre.
Citer ce document / Cite this document :
Fassin Eric. La parité sans théorie : retour sur un débat. In: Politix. Vol. 15, N°60. Quatrième trimestre 2002. pp. 19-32.
doi : 10.3406/polix.2002.1239
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2002_num_15_60_1239parité sans théorie : retour sur un débat La
Eric FASSIN
Alors qu'il s'est déroulé dans le double registre de l'universalité (de la
différence des sexes) et de Yuniversalisme (républicain), force est de
constater que le récent débat sur la parité n'est guère sorti des
frontières de l'Hexagone. Il ne s'agit pas (seulement) d'ironiser sur le
parisianisme quelque peu incestueux des échanges, même si les tribunes
publiées dans la presse ont parfois semblé se nourrir des dîners en ville -
plutôt que l'inverse. Plus fondamentalement, il apparaît qu'à la différence
de la controverse simultanée sur les unions de même sexe, qui aura été prise
dans un mouvement européen, voire mondial, le débat sur le sexe de la
représentation marque une exception française : sur la scène internationale,
la parité constitue une sorte d'hapax politique.
L'invocation occasionnelle de références étrangères en vue d'étayer les
arguments, loin de contredire ce constat, ne fait que le confirmer. Dans le
débat, les comparaisons ont toujours joué négativement : elles n'ont jamais
eu vocation qu'à souligner la singularité française. Pour mieux justifier la
parité, on a ainsi évoqué la France « lanterne rouge de l'Europe » : le
contraste permettait en effet de dénoncer le retard de notre démocratie en
matière d'accès des femmes à la sphère publique - aujourd'hui dans la
représentation, comme hier avec le suffrage. A l'inverse, pour mieux faire
obstacle à la parité, on a entendu célébrer la résistance de notre république à
l'américanisation, en l'occurrence au péril communautariste : on s'en prenait
alors aux « quotas à l'américaine », pour leur opposer le charme d'une
tradition nationale d'harmonie entre les sexes. Bref, le débat s'est révélé,
jusque dans la comparaison internationale, bien français.
Politix. Volume 15 - n° 60/2002, pages 19 à 32 Politix n° 60 20
Distance culturelle, recul chronologique
La francité de la parité ressort tout particulièrement au miroir
transatlantique, c'est-à-dire pour peu qu'en regard du discours français sur
« l'Amérique », on examine les représentations américaines de la France. De
ce point de vue, en effet, le débat aura eu quelque chose de paradoxal. D'un
côté, sa forme renvoyait à une image de notre pays presque
conventionnelle : ainsi, pour le New Yorker, « l'air du temps à Paris
aujourd'hui n'est pas une fragrance de Nina Ricci » - c'est la parité :
Françoise Gaspard y est croquée en Gavroche, et Sylviane Agacinski en
Liberté armée sur les barricades1... L'amusement de la journaliste ne va pas
sans émerveillement : des intellectuels qui se disputent sur la place
publique, donnant (et partageant) le sentiment, peut-être illusoire, mais
assurément empreint de grandeur, que la politique est un effet de la théorie.
Qu'une philosophe, épouse d'un Premier ministre, se définît en référence à
Simone de Beauvoir, ne pouvait qu'accentuer l'effet de familiarité : la
grande histoire de l'intellectuel français, parfois même écrite au féminin, se
jouait là dans le rapport au pouvoir. C'est la France traditionnelle, sinon
éternelle, qui se trouvait ainsi mise en scène.
D'un autre côté pourtant, le fond du débat venait démentir une
représentation de notre pays tout aussi convenue. Si en France on s'est
généralement plu, durant les années 1990, à dénoncer la « tyrannie des
minorités » censée sévir sur les campus américains, il faut bien voir qu'en
retour, aux Etats-Unis, beaucoup d'universitaires n'ont pas manqué de faire
grief à la France de son refus de toute politique minoritaire. A l'accusation
de communautarisme différentialiste venait ainsi répondre le soupçon
d'indifférence aux différences - qu'il s'agît d'ethnicité, d'orientation sexuelle
ou de genre. En effet, il ne s'agissait pas uniquement de multiculturalisme :
l'aversion de nos intellectuels (sinon même, disait-on alors, de notre culture)
pour le féminisme américain, dont le puritanisme supposé condamnait
l'Amérique à la guerre des sexes, rendait la nouvelle politique féministe, et
plus encore son succès, impensable. C'est donc une France radicalement
nouvelle qui s'est trouvée mise en scène avec la parité.
Bref, vue des Etats-Unis, la controverse paritaire était tout à la fois attendue
(par son style) et improbable (dans son objet), tant la France, réputée
intellectuelle et antiminoritaire, semblait éprise de théorie et hostile au
féminisme. Sur ces deux points, quelques années écoulées depuis l'adoption
de la parité permettent de réviser l'analyse : le recul chronologique vient
corriger la mise à distance culturelle. D'une part, tout se passe comme si la
parité (sans doute conjointement avec le PaCS) introduisait une rupture
dans la rhétorique antiminoritaire qui, en France, avait dominé les
1. Kramer (J.), « Liberty, Equality, Sorority », The New Yorker, 29 mai 2000. La parité sans théorie 21
années 1990. L'interrogation sur la discrimination, loin de se restreindre aux
seules questions de genre, s'est répercutée dans le domaine de l'ethnicité, où
l'on en vient à parler de discrimination positive. On pourrait dire (et l'on y
reviendra) que le cheval de Troie de la parité a effectivement ouvert une
boîte de Pandore - conformément aux craintes de certains, mais aussi aux
espoirs de quelques autres.
D'autre part, tout se passe comme si la montée en théorie qui accompagnait
le débat avait cédé la place, une fois la parité entrée en vigueur, à un
pragmatisme non moins radical. On ne songe pas ici à l'indifférence
nouvelle aux questions fémini

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents