Le retour en force de la droite et du centre sur les territoires

Pascal Perrineau

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Analyse du second tour des élections départementales.

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• Publié par: CEVIPOF
• Publié le: 31 mars 2015
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LE FIGARO mardi 31 mars 2015
DÉPARTEMENTALES POLITIQUE 772015
PASCAL
PERRINEAU Le retour en force de la droite
et du centre sur les territoires
Malgré sa progression, le Front national demeure une force politique solitaire.
ne semaine après avoir auquel on pourrait envisager de mier tour, l’apport de 29 % des élec- ches-du-Rhône, Nord,
Côtesboudé les urnes départe- confier les clefs, par exemple, de son teurs du Front national (65 % d’Armor) mais aussi des départements
mentales dans la pro- département : dans le sondage réalisé choisissant l’abstention et 6 % le binô- symboles pour la majorité au pouvoir
portion d’un sur deux, du 26 au 28 mars par Ipsos Sopra Steria me de gauche) alors que la gauche (la Corrèze de François Hollande,
l’Esles Français ne se sont pour France Télévisions, Radio France connaissait des pertes en ligne, particu- sonne de Manuel Valls, la Seine-Mariti-Upas davantage mobilisés et LCP, 68 % des personnes interrogées lièrement vers l’abstention et le vote me de Laurent Fabius). Cette poussée Professeur
pour élire des conseils départementaux considèrent que « ce serait une mau- blanc et nul (28 % des électeurs de gau- très forte de l’UMP et de l’UDI dans lesdes universités
dont les électeurs ne comprenaient pas vaise chose si le FN remportait les élec- che du premier tour ont choisi cette départements met fin à vingt ans deà Sciences Po,
toujours très bien les tenants et les tions et dirigeait le département pen- voie). Cette dynamique de la droite et progression continue de la gauche dans
chercheur au Cevipof aboutissants. Mais la France tripolaire dant les prochaines années » (73 % des cette fragmentation continue de la gau- les territoires. Aujourd’hui, la droite
dont le premier tour avait accouché sympathisants de l’UMP et 88 % de reprend pied
s’est, à l’occasion de ce second tour, ceux de l’UDI partagent ce sentiment). dans le Grand
La France tripolaire dont le premier tourLE SECOND tour des élections quelque peu rebipolarisée sous la Le Front national reste isolé : 63 % des Ouest, dans l’arc
départementales a révélé contrainte du mode de scrutin majori- électeurs proches de l’UMP et 76 % de avait accouché s’est, à l’occasion qui va de la Nor-«
les forces et les faiblesses taire à deux tours et des logiques qui ceux de l’UDI sont opposés à tout ac- mandie à l’Alsa-de ce second tour, quelque
du « tripole » politique. l’accompagnent. Et pourtant, jamais un cord avec le FN « pour diriger des dé- ce ainsi que sur
peu rebipolarisée sous la contrainte La dynamique unitaire second tour d’élections cantonales ou partements ou des régions », 70 % et toute la façade
de la droite républicaine départementales n’avait connu une of- 83 % des mêmes sont hostiles à tout orientale et dansdu mode de scrutin majoritaire»(UMP-UDI) recueille les fruits fre politique aussi éclatée en trois accord national avec lui. nombre de terres
de ses succès sur le terrain grands blocs : la droite associée au cen- En revanche, l’UMP associée à l’UDI che ont entraîné un véritable raz de de la France centrale. Cette dynamique
municipal en 2014 et ceux tre présentait 1 602 binômes, la gauche a su, dans les nombreux seconds tours marée de départements de gauche pas- doit beaucoup à une droite locale qui
de la remise en ordre de l’UMP en alignait 1 334 et le Front national où elle était en lice, s’ériger en pôle de sant à droite. Jamais la France des dé- avait déjà fait ses preuves sur le terrain
par Nicolas Sarkozy. 1 107. Les triangulaires touchaient 15 % rassemblement. Dans les cantons où la partements n’avait connu un tel rema- municipal, il y a un an. La remise en
orCette stratégie de conquête (278 cantons) des 1 905 cantons qui res- droite affrontait la gauche, la domina- niement politique en une seule journée. dre de l’UMP sous la houlette de son
« a mis fin à vingt ans de pro- taient à pourvoir et, parmi les duels, il y tion de la première sur la seconde a été La droite qui ne contrôlait que 40 des nouveau président et la stratégie
gression continue de la gauche avait même davantage de duels avec le forte (56 % contre 44 % selon le sonda- 101 départements en a conquis 25 et en d’ouverture au centre ont fait le reste.
dans les territoires », souligne FN (832 cantons) que de classiques ge Ifop cité ci-dessus). Celle-ci a pu a perdu un seul (Lozère). Cette conquê- Sauf dans le Grand Sud-Ouest où elle
Pascal Perrineau qui voit là duels entre la gauche et la droite s’établir grâce à une meilleure fidélisa- te massive a fait tomber dans son escar- fait de la « résistance », la gauche
le signe « d’un vrai processus (538 cantons). En dépit de cette disper- tion des électeurs des droites du pre- celle des bastions de la gauche (Bou- connaît un vrai processus de
délitede délitement de la gauche ». sion des configurations de candidatu- ment. Elle perd la plupart de ces
Partie divisée, celle-ci perd res, l’ordre bipolaire a fait retour et le conquêtes des années 2000
(Seine-etses bastions et départements Front national n’a réussi à s’imposer Marne, Hautes-Alpes, Saône-et-Loire,
phares (Nord, Bouches- que dans quelques dizaines de cantons. Oise, Drôme, Doubs, Cher, Charente,
Départements de droite et de gauche en 2015du-Rhône, Côtes-d’Armor, Certes, cela n’annule pas la réelle dy- Somme, Deux-Sèvres, Indre-et-Loire,
Corrèze, Essonne, etc.). namique de premier tour et la capacité Allier, Ain…) et craque au cœur de son Les départements sont caractérisés par
Seine-C’est, souligne Pascal du Front national à progresser entre les vieux dispositif historique. On a parléla majorité absolue ou relative des sièges St-DenisPerrineau, « la fin de cycle deux tours mais, la plupart du temps, longtemps dans les congrès socialistesde conseillers départementaux favorables Pas-de-Calais
Hautspour la gauche, celle insuffisamment pour s’imposer, que ce à la droite ou à la gauche des « Bouches du Nord » commede-SeineNord
du socialisme départemental soit à la majorité relative dans les trian- constituant l’axe du socialisme fran-Val-de-Droite Sommeet celle de la gauche gulaires ou à la majorité absolue dans Marne çais. Aujourd’hui, les deux bouts deSeine- Aisne ArdennesGaucherassemblée », les régionales les nombreux duels où il figurait. Dans l’axe (Bouches-du-Rhône et Nord) Maritime Oise
de décembre prochain les triangulaires, le Front national est le sont passés sous contrôle de la droite.
MoselleManche Calvados Val-d’Oise Meusepouvant porter « le coup courant qui connaît en moyenne le Eure Tout le travail de soubassement desMarne
de grâce ». plus de difficultés à fidéliser tout Yvelines Seine- victoires nationales par la pénétrationMeurthe- Bas-RhinOrne et- et-MoselleBien que se révélant comme son électorat du premier tour. Essonne des territoires est profondément mis àCôtes-d’ArmorFinistère MarneEure-et-la troisième force politique Selon le sondage « Jour du Aube mal. La victoire de François MitterrandIlle-et- Mayenne Haute- VosgesLoiret comme « une puissance vote » réalisé par l’Ifop Fiducial en 1981 avait été préparée par les vic-Vilaine Marne Haut-RhinSartheMorbihan Loiretélectorale » le Front national pour i-Télé, Paris Match et Sud Ra- Haute- toires locales de la gauche des annéesYonne
SaôneLoire-« peine à fidéliser son dio, les binômes du FN n’ont gardé que Loir-et- 1970, celle de François Hollande par lesMaine- Côte-d’OrAtlantique Indre- Cherélectorat ». Il est encalminé 78 % de leurs électeurs du premier tour succès des années 2000. et-Loire Doubs Territoireet-Loire Cher Nièvredans le statut de « puissance alors que ceux de la gauche en capitali- Aujourd’hui, l’avenir national de lade Belfort
solitaire qui n’a que de faibles saient 82 % et ceux de droite 89 %. De Deux- gauche s’assombrit fortement car le solIndre Saône-et- JuraVendée Sèvrespouvoirs d’attraction sur les même, dans les duels contre la gauche, Loire des territoires se dérobe sous ses pieds.Vienne Allierautres électorats afin de déga- il n’a pu compter que sur le renfort de Les élections régionales de la fin de
HauteAinger une coalition majoritaire ». 22 % des électeurs de droite du premier Creuse Savoie l’année pourraient être, à cet égard, le Charente- Haute-De plus, le FN n’a pas encore tour (18 % choisissant la gauche et 60 % Puy- Loire Rhône coup de grâce. Ces élections départe-Maritime Charente Vienne de-Dômeconvaincu l’opinion qu’il peut l’abstention ou le vote blanc ou nul). mentales signent bien une fin de cycleSavoie
prétendre au statut d’un parti Dans les duels qui opposaient le FN à la Corrèze pour la gauche : celle du sociali