Musset baroque ? - article ; n°1 ; vol.39, pg 221-236
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1987 - Volume 39 - Numéro 1 - Pages 221-236
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 28
Langue Français

Extrait

Martine Bercot
Musset baroque ?
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1987, N°39. pp. 221-236.
Citer ce document / Cite this document :
Bercot Martine. Musset baroque ?. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1987, N°39. pp. 221-236.
doi : 10.3406/caief.1987.2436
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1987_num_39_1_2436MUSSET BAROQUE?
Communication de Mme Martine BERCOT
(Reims)
au XXXVIIIs Congrès de l'Association, le 24 juillet 1986
La question qui forme le titre porte sur Musset poète,
plus précisément sur l'auteur des Contes d'Espagne et
d'Italie (janvier 1830) et à'Un spectacle dans un fauteuil
(décembre 1832), c'est-à-dire sur le poète à ses débuts et
chez lequel, comme le montre Pierre Gastinel (1), le « à la
manière de » le cède par étapes à la manière personnelle.
De fait, c'est en Musset à l'école de ses devanciers, alors
qu'il essaie à sa vision des formes littéraires antérieures,
que pourrait transparaître un Musset baroque. En effet,
si l'épithète baroque a connu sa période protéiforme —
comme Pierre Charpentrat l'illustre dans Le Mirage baroque
(2) — , il ne peut plus s'appliquer aujourd'hui qu'à l'art
inhérent à l'époque qui Га vue et fait naître. Outre ces
limites, point de baroque, sinon d'imitation. Aussi est-ce
la contrefaçon baroque qui peut retenir l'attention chez
Musset débutant.
Et pourtant, la tentation est grande de se conduire en
hérétique face au credo contemporain en matière de
baroque, et de mettre en parallèle cet univers du « change »
et de l'ostentation que Jean Rousset décrit en 1954 (3) puis
illustre en 1968 de son Anthologie de la poésie baroque
française (4), et l'univers du changement, du masque et
(1) Le Romantisme de Musset, Rouen, 1933.
(2) Le Mirage baroque, Editions de Minuit, 1967.
(3) La Littérature de l'âge baroque, Corti, 1954.
(4) A. Colin, 1968. 222 MARTINE BERCOT
de l'inconstance qu'évoque la première poésie de Musset.
Qu'on en juge d'après ces deux textes dont l'un évoque
l'homme baroque « en voie de changement et de rupture,
pris de vertige entre des moi multiples, oscillant entre ce
qu'il est et ce qu'il paraît être, entre son masque et son
visage » (5) parmi un univers à son image, lui-même mouv
ant et en perpétuelle métamorphose, et dont l'autre, dirait-
on, lui donne la parole :
(...) que suis-je ? Une cervelle
Sans fond. — La tête court, et les piedjs après elle ;
Et quand viennent les pieds, la tête plus souvent
Est déjà lasse, et tourne où la pousse le vent ! (6)
et en désigne l'emblème : l'éventail qu'il donne à sa maît
resse en souvenir de lui et décrit en ces termes :
II est large à peu près comme un quartier de lune, —
Cousu d'or comme un paon — frais et joyeux comme une
Aile de papillon, ■ — incertain et changeant
Comme une femme. — II a des paillettes d'argent Arlequin. — Gardez-le, il vous fera peut-être
Penser à moi ; c'est iout le portrait de son maître (7).
Cette suite de textes est évidemment un montage fallacieux,
favorable au mirage baroque. Le portrait de l'homme
baroque est dû à Jean Rousset ; mais les paroles qui lui
sont attribuées reviennent à Musset, ainsi que ce héros, mi-
papillon, mi-paon, qui se nomme Rafaël Garuci dans « Les
Marrons du feu » en 1829.
Baroque, le héros Mussetien ? On peut tout au plus
examiner son portrait en costume baroque. Mais pourquoi
ce costume et comment est-il fait ? Musset imite-t-il les
poètes baroques et quels sont les traits et les tournures em
pruntés qui le manifestent ? En fait, l'étonnant serait que
(5) Jean Rousset, La Littérature de l'âge baroque, p. 229.
(6) Musset, Poésies complètes, « Les Marrons du feu », éd. Maurice
Allem, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1957, p. 25. Pour les citations
de Musset, nous renverrons à cette édition par l'abréviation « Pléiade »,
suivie du numéro de page.
(7) Ibidem. MUSSET BAROQUE ? 223
Musset n'ait pas imité ses devanciers du xvne siècle.
L'engouement du cénacle romantique pour « le baroque,
l'époque Louis XIII », que discerne Claude Pichois après
1826, faisait au néophyte qu'était Musset un devoir d'être
baroquisant, ou plus précisément, de contribuer à cette
réhabilitation des « victimes de Boileau », alors qualifiées
non de baroques mais de grotesques, d'irréguliers ou
d'excentriques, et de chercher parmi elles ses modèles :
« Théophile de Viau et ses contemporains, les « grotes
ques », voilà, écrit Claude Pichois, les poètes dont la géné
ration de l'autre Théophile demande le concours pour rompre
les contraintes classiques et faire trêve au morne ennui du
XIXe siècle » (8). Et c'est ce baroquisme orthodoxe à l'heure
romantique dont nous discernons les traits dans Les Contes
d'Espagne et d'Italie composés en 1829.
Musset fait son entrée au Cénacle vers 1828, indique
Pierre Gastinel qui le décrit alors aussi séduit par les
engouements de la jeune école qu'habile à se faire, d'une
plume agile, « l'écho du livre qu'il vient de lire ou de la
discussion qu'il vient d'entendre » (9). C'est un imitateur
doué, prompt à saisir et à reproduire la manière, la tour
nure, le trait observés chez d'autres, d'un coup de crayon
si sûr même que le lecteur ne sait si Musset imite ou parod
ie, s'il est sincère ou s'il raille.
Où les romantiques de 1828 que Musset imite prennent-
ils eux-mêmes leurs modèles ? Etre romantique alors, c'est
« faire l'éloge de l'excentricité, de l'originalité », c'est-à-dire
« réhabiliter les victimes de Boileau », écrit Claude Pichois
(10) ; l'attention se porte, note aussi René Jasinski, sur
« tous les auteurs secondaires du xvne siècle », sur « cette
littérature vivace qui, sous la littérature officielle, se déve
loppait alors si curieusement» (11). Maintes œuvres évo-
(8) Philarète Chasles et la vie littéraire en France au temps du romant
isme, Corti, 1965, tome I, p. 390.
(9) Op. cit., p. 44.
(10) Op. cit., p. 390.
(11) Les Années romantiques de Théophile Gautier, Vuibert, 1929. 224 MARTINE BERCOT
quent, ces années-là, les silhouettes de Scudéry, Colletet,
Chapelain, Hardy, Théophile, Saint-Amant ; de ces « irré
guliers » du xvne siècle, Nodier, Gautier, Philarète Chasles
se font bientôt les portraitistes et les historiens, témoignant
ainsi pour nous de l'image romantique qui s'en est alors
formée et répandue.
Il est visible que, dans les « victimes de Boileau », les
jeunes romantiques discernent surtout celles du classicisme
dans lesquelles ils se plaisent à se reconnaître ; l'insurrec
tion de Théophile et celle des romantiques sont superpo-
sables pour Gautier, qui écrit en 1834 : « C'est lui (Théop
hile), il faut le dire, qui a commencé le mouvement romant
ique » (12), proposant ainsi une première version de cet
anachronisme séduisant qui renaîtra sous la forme du
mirage baroque. Aussi les traits empruntés aux « victimes
de Boileau » composent-ils un portrait tendancieux où peut
se mirer le romantique. Et c'est ce portrait, non l'original,
que paraît imiter Musset, et dont les Contes d'Espagne et
d'Italie reflètent les traits encore accusés. En effet, « Son
Italie comme son Espagne sont celles que l'on imaginait au
Cénacle », écrit Pierre Gastinel (13), y reconnaissant les
nouveaux tirages d'un seul et même cliché ; et leurs héros
se ressemblent tous : « Appelez-les Don Paez, Etus de Gua-
dassé, Dalti, Onerio Luigi ou Rafaël Garuci », ils « vivent
uniquement pour l'amour ; ils s'irritent pour un rien et
tout de suite les épées sortent du fourreau ; leur existence
n'est qu'un rêve amoureux, coupé çà et là de duels ou
de meurtres » (14).
Entre la caricature faite par Pierre Gastinel de l'Hispano-
Italie stéréotypée de Musse

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