La Vie criminelle d’Archibald de la Cruz de Bunuel Luis

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Extrait

La vie criminelle dÕArchibald de la Cruz Ensayo de un crimen de Lui FICHE FILM Fiche technique

Mexique - 1955 - 1h30 N. & B.

RÈalisateur : Luis BuÒuel

ScÈnario : Luis BuÒuel Eduardo Ugarte dÕaprËs le roman de Rodolfo Usigli

Musique : Jorge PÈrez

InterprËtes : Ernesto Alonzo (Archibaldo de la Cruz) Miroslava Stern (Lavinia) Rita Macedo (Patricia Terrazas) Adriana Walter (Carlotta) JosÈ Maria Linares Rivas (Willy Corduran) Rodolfo Landa (Alejandro Rivas)

L E

Ernesto Alonzo (Archibaldo de la Cruz) et son mannequin

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criminelle o˘ le rÈcit dÕun suspect re suscite des scËnes qui ouvrent de fausses pistes, les couloirs aseptisÈs dÕun hÙpital moderne, tout cela nou est familier mais nÕest ici quÕun ´emb lageª pour un produit dÕune autre nat re. (É) Archibald est un personnage dÕhomm qui Èclaire dÕautres figures masculine de lÕunivers buÒuelien, et notamme celle de Francisco dans…l, dont il est ‡ la fin du parcours le contraire positif. Les diverses femmes de la vie dÕArchibald reproduisent autant de st rÈotypes fÈminins quÕil y en a dans le mentalitÈs masculines : la mËre, inac- cessible et lointaine, ÈlÈgante et mon- daine, la gouvernante (ou institutrice) dÈsirÈe mais interdite, dÈsirable dans la mort avec ses jambes gainÈes de deuil sur lesquelles le sang ruisselle, rÈvÈla- tion Èblouie de lÕambiguÔtÈ du dÈsir du lien profond qui unit …ros et Thanatos, la femme entretenue, facile et insupportable, encombrante mais toujours offerte, la fausse vierge, pro- duit culturel des contradictions du catholicisme et refuge sexuel pour les fantasmes crÈÈs par les mythologies du culte de Marie, la belle-mËre entremet- teuse qui veut caser sa fille en trom- pant le fiancÈ sur la qualitÈ rÈelle de la marchandise, la religieuse, enfin, prise au piËge de sa propre contradiction puisque aprËs avoir admis que son plus grand souhait est dÕaller au ciel retro ver Dieu, elle refuse la proposition dÕArchibald, qui en lÕÈgorgeant sa rait son vÏu, sÕenfuit et se tue e mÍme. Reste Lavinia, la plus intÈressante elle semble emprunter ‡ toutes l conventions : elle a un galant plus ‚ quÕelle, elle loue sa beautÈ co modËle, elle est libre et indÈpenda et son apparition rÈveille pour Archib un fantÙme mystique, celui de Jean dÕArc. Pourtant, gr‚ce ‡ la scËne dÈdoublement avec le mannequ BuÒuel a montrÈ comment fonctionn les mÈcanismes du fÈtichisme et

transfert. Face ‡ une femme qui se dÈfend contre ses suggestions Èro- tiques et ses tentatives de sÈduction, Archibald caresse littÈralement son double, soulËve la jupe, rÈvËle les cuisses sous les bas noirs, frÙle les seins et baise sur la bouche lÕeffigie d cire impassible. CÕest quÕArchiba porte en lui, depuis lÕenfance, une fix tion fÈtichiste que symbolise la boÓte ‡ musique et sa premiËre expÈrience avec elle. Dans la mesure o˘ le fÈtichis- me cristallise lÕintÈrÍt sexuel sur de dÈtails, il entrave la possession de la totalitÈ ou, au mieux, contraint le sujet dÈsirant ‡ passer par le dÈtail pour atteindre lÕobjet dÈsirÈ. BuÒuel sÕ amusÈ ici ‡ jouer avec sa propre mytho- logie, notamment dans la sÈquence ÈvoquÈe o˘ le mannequin perd une jambe en route (comme Tristana et sa prothËse orthopÈdique) et o˘ Archibald reconstitue lÕintÈgritÈ du corps avant d lÕincinÈrer, avant de retrouver un souli de femme ÈgarÈ tandis quÕil reÁoit l visite de sa fiancÈe et de sa future belle-mËre, signe visible de sa culpabi- litÈ. Ensayo de un crimenest dÕailleurs u film sur la culpabilitÈ par intention dont le catholicisme a nourri bien des pÈchÈs. De toutes les femmes qui meurent dans le film, Archibald a voulu la mort sans jamais pouvoir passer ‡ lÕacte. Seul l hasard lÕa dÈpossÈdÈ, seules les ci constances lÕont frustrÈ de lÕassouvis

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rasoir. En se libÈrant de son objet fÈtiche, il peut ‡ nouveau rencontrer Lavinia puisque cÕest en retrouvant la boÓte ‡ musique quÕil lÕavait rencontrÈe pour la premiËre fois. Elle-mÍme, dÈbarrassÈe dÕun homme qui reprÈsentait la figure paternelle, est enfin disponible pour lÕhomme qui lui convient et lui a dÈj‡, sans ambiguÔtÈ, manifestÈ son dÈsir ‡ travers le double. En reprenant ici le discours dÕUn chien andalousous une forme plus commer- ciale, mieux accessible au public, BuÒuel ne lÕa nullement ÈdulcorÈ : il lui a donnÈ dÕautres expressions. Ensayo de un crimen- mais au fond, de quel crime sÕagit-il vraiment ? - par son humour, par son enjouement mÍme, par sa libertÈ de ton, rÈvËle un Luis BuÒuel assez maÓtre de sa problÈ- matique pour montrer lÕeffort ‡ fournir par lÕhomme et la femme dans leur quÍte convergente du bonheur. CÕest hors de la sociÈtÈ - police, armÈe, …glise - que chacun doit trouver lÕÍtre qui lui convient : IÕhomme en se libÈrant de lÕenfance et de lÕemprise maternelle, la femme en effaÁant lÕempreinte paternel- le et en se libÈrant dÕune dÈpendance Èconomique. Il est assez significatif, de ce point de vue, que toutes les femmes rencontrÈes par Archibald dÈpendent dÕun autre homme et nÕont pas dÕauto- nomie rÈelle dans une sociÈtÈ profondÈ- ment ´machisteª. Don Luis BuÒuelpar Marcel Oms

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Les scËnes les plus incongrues alter nent avec celles o˘ la convention s craquelle de toutes parts. Le tout form une assez rare anthologie Èrotique e merveilleuse dont le ballet dÕArchibal entre Lavinia et le mannequin de cire sa ressemblance forme la piËce maÓ tresse : il y a l‡ du Marivaux revu pa Barbey, un jeu dont le danger serai seulement pressenti. Et BuÒuel ajout ‡ ce sentiment dÕÈtrange, qui, po tourner certains plans (jÕen ai repÈr trois) a substituÈ lÕactrice au mann quin. On respire dans ce film un air d libertÈ, que lÕon se plaÓt aussitÙt ‡ tro ver naturel. Alors que tant dÕhomme sÕÈpuisent ‡ recenser le champ du po sible, est-il propos plus noble, et plu agrÈable en tout cas, que dÕen repou ser les limites ? Je nÕen demande pa davantage. Philippe Demonsablo Cahiers du CinÈma n∞76 - Nov. 195

La vie criminelle dÕArchibald de l Cruzest, pour le moins, un film Ètran ge et inquiÈtant En tout cas, un fil quÕil est nÈcessaire de voir plusieur fois. DÕabord, parce que de tous le films que BuÒuel a rÈalisÈs a Mexique, il est s˚rement lÕun de meilleurs et des plus importants. Ensuite, parce quÕil est ´dans lÕessen des symboles dÕÍtre symboliques (Jacques VachÈ) et que plusieur visions sont indispensables pour com prendre en profondeur les idÈes ici impliquÈes. La sortie dÕun film de c trËs grand cinÈaste est toujours mar quÈe par des critiques condescen dantes ou enthousiastes. Par un incomprÈhension totale aussi. Je croi que, cette fois encore, les plumes von sÕentrechoquer, ‡ la grande satisfactio de BuÒuel, qui sÕen amusera bien. LÕhistoire empruntÈe ‡ Rudolfo Usig va fournir ‡ BuÒuel un cadre parfai pour dÈvelopper les idÈes, toujours le

mÍmes, quÕil reprend sous des forme diffÈrentes dans tous ses films, depuis LÕ‚ge dÕ.orLa rÈvolution mexicaine ba son plein. De violents combats se dÈroulent non loin dÕune riche maiso appartenant ‡ la famille de La Cruz, dont le plus cher dÈsir dans le moment prÈsent, est de voir ´pendre tous ces ÈnergumËnesª (Dialogue). Pour assagir son fils, enfant cruel et capricieux, obsÈdÈ de corset de femme et de sou- tien-gorge, Mme de La Cruz lui reme une boÓte ‡ musique ‡ laquelle se rat- tache une merveilleuse lÈgende : u gÈnie lÕavait jadis lÈguÈe ‡ u monarque qui, en en dÈclenchant l mÈcanisme, pouvait ‡ son grÈ occire tel ou tel de ses amis. LÕenfant, ravi, ve tout de suite Èprouver le pouvoir de la poupÈe magique, il la fait danser en souhaitant que sa gouvernante meur sur le champ. La fusillade gronde sous les fenÍtres de la maison, les gouver- nantes sont dÕun naturel curieux et le balles de fusil se perdent facilement. La jeune et jolie femme aux jambe bien faites s'Ècroule, morte. Des annÈes ont passÈ, le pouvoir a changÈ de mains et la famille de La Cruz est toujours aussi riche. Un jour, par hasard, Archibald retrouve la boÓte ‡ musique et ses instincts meurtriers s rÈveillent. Il va concevoir toute une sÈrie de crimes quÕil ne pourra jamai accomplir et que dÕautres se chargero de rÈaliser ‡ sa place. Il y avait plusieurs faÁons de traiter un semblable rÈcit.On pouvait adopter l tonNoblesse obligeet conclure su une pirouette, ou le ton humour noir ‡ la Lewis Caroll : ´Certes, se dit Alice, cela eut fait un enfant terriblemen laid, mais au fond, comme cochon, il est plutÙt joli.ª BuÒuel, en axant son film sur une critique ‚pre et fÈroce de la sociÈtÈ symbolisÈe par un oisif aris tocrate frËre du Francisco deEL, a prÈ fÈrÈ sÕappuyer sur un schÈma qui l permettait de traiter avec une assez grande libertÈ, ce vieux thËme qui lui est cher : IÕhomme neeut vivre seul

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sans amour ou, alors, il nÕest plus un homme. Certes, il est restÈ admirateur de Sade et profondÈment surrÈaliste. Mais, tout en conservant la note ´Cadavre exquisª, il ne sÕest pas dÈpar- ti de ´ses dadas sociaux et philoso- phiquesª comme le croit Mr Eric Rohmer, bien au contraire. Il est Èvi- dent que tout le film est basÈ sur la for- mation du couple en rÈvolte contre lÕordre social Ètabli et la morale. Je veux bien que la perception de lÕunivers buÒulien se fasse souvent au second degrÈ et queLa vie criminelle dÕArchibald de la CruznÕait pas la lumineuse clartÈ deCela sÕappelle lÕauroremais il nÕest pas possible quÕil y ait dÕÈquivoque, il nÕest plus possible de jongler avec les mots et de disserter sur la ´merveilleuse ambiguÔtÈ deElª que lÕon retrouve..., etc. Si BuÒuel est surrÈaliste et justement parce quÕil est surrÈaliste, il est aussi rÈvolutionnaire et moraliste, on lÕoublie trop souvent. RamenerLa vie criminelle dÕArchibald de la Cruzaux dimen- sions du Grand-Guignol, de la sÈrie noire et de lÕÈrotisme de bas Ètage de certains films commerciaux, cÕest ne pas aimer et se refuser ‡ comprendre BuÒuel. (É) Jacques Trebouta CinÈma n∞22 - Novembre 1957

Le rÈalisateur

RÈalisateur mexicain dÕorigine espagno- le, 1900-1983. FormÈ par les jÈsuites puis ‡ lÕuniversitÈ de Madrid, o˘ il fonda en 1920 un cinÈ- club, il vient ‡ Paris Ètudier ‡ lÕAcadÈmie du cinÈma. Il est assistant de Jean Epstein pourMaupratetLa chute de la maison Usher. AssociÈ au peintre Salvador Dali, il tourne un court mÈtrage,Un chien andalou, qui

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Ïil coupÈ au rasoir, scËnes Èrotiques).tout marqu Le scandale vient avecLÕ‚ge dÕ,ocrhef Jean-Claud dÕÏuvre du cinÈma surrÈaliste. Parlaplus classiq duChien andaloucipe dÕune, BuÒuel Ècrivait : ´L foule imbÈcile a trouvÈ beau ou poÈsouvent ‡ tique ce qui, au fond, nÕest quÕun dÈsexemple q pÈrÈ, un passionnÈ appel au meurtre.dÈsir, o˘ B Aucune inquiÈtude ‡ avoir avecLÕ‚gthËme du dÕo,rsous le patronage de Sad placÈfemme et l et de LautrÈamont. Une Ïuvre subversi-Conchita es ve que symbolisait la scËne du tombene se resse reau et une exaltation de lÕamour fomadone, IÕ LÕAction franÁaise vint manifester loLes situati des projections et le film fut interdit pasÕachËvent la censure.Las Hurdes, qui suivit, Ètaijute, IÕexpl un terrifiant documentaire sur les paysion, notai sans dÕun petit village vouÈs ‡ lÕignorsÕamuse d ce et ‡ la misËre.En rÈalitÈ, Entre 1933 et 1935, BuÒuel travaillsavoureux pour des compagnies amÈricaines. L(Julien Bert guerre civile qui Èclate en Espagne lcutant du p bouleverse. Il collabore ‡ un documenparant ses taire prorÈpublicain,Madrid 36tiques de, pui passe aux Etats-Unis. Les projets quÕBelle de j Èlabore ‡ Hollywood nÕaboutissent pbourgeoise et il se voit contraint dÕaccepter deLÕ‚ge dÕ besognes alimentaires.une Ïuvre En 1947, il est au Mexique. Il repren une activitÈ de rÈalisateur.Los olvida dos, prÈsentÈ ‡ Cannes, rappelle quÕ est toujours un grand rÈalisateur.Ele Archibald de la Cruz, ses meilleur films mexicains sont pleins de rÈfÈ rences ‡ Sade, ‡ la religion, ‡ la bour geoisie ÈvoquantLÕ‚ge dÕ.orBuÒuel nÕ pas changÈ.Subida al cieloest u Filmog film surrÈaliste.Nazarinmarque lÕap gÈe de la pÈriode mexicaine de BuÒuel dont on retiendra aussi les adaptation Un chien deRobinson CrusoÈ(les fantasme LÕ‚ge dÕ sexuels nÕy sont pas ÈludÈs) et de Las Hurde Hauts de Hurleventau sombre roman Terre sans tisme. Madrid 36 Un bref retour en Espagne avecViri Gran Casi diana. On ne comprendra jamais com El gran Ca ment le gouvernement de Franco a p Los olvida autoriser la production de ce film don Les rÈprouv les clochards, dans un plan fameux Susana parodiaient la CËne. Le film fut finale Suzanne la ment interdit en Espagne. La derniËr La Hija de pÈriode de lÕÏuvre de BuÒuel est su

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Una mujer sin amor Une femme sans amour Subida al cielo La montÈe au ciel El bruto1952 LÕenjÙleuse Robinson Crusoe Robinson CrusoÈ El Tourments Abismos de pasion / Cumbres borrascosas Les Hauts de Hurlevent La ilusion viaja en tranvia1953 On a volÈ un tram El rio y la muerte1954 Le rio de la mort Ensayo de un crimen1955 La vie criminelle dÕArchibald de la Cruz Cela sÕappelle lÕaurore La mort en ce jardin1956 Nazarin1958 La fiËvre monte ‡ El Pao1959 The Young One1960 La jeune fille Viridiana1961 El angel exterminador 1962 L'ange exterminateur Journal dÕune femme de chambre1963 Simon del desierto1965 Simon du dÈsert Belle de jour1966 La voie lactÈe1969 Tristana1970 Le charme discret de la bourgeoi- sie1972 Le fantÙme de la libertÈ1974

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CinÈma n∞22 - Novembre 1957 Don Luis BuÒuelpar Marcel Oms -7Art Luis BuÒuel par Charles Tesson -Èd Cahiers du CinÈma