Une petite station balnéaire de la Côte Picarde, la dernière semaine d’août. En leur remettant les clefs d’un appartement de location, Sylvain fait la connaissance d’une jeune mère et de sa fille, aussi séduisantes l’une que l’autre. L’occasion rêvée de sortir ne serait-ce que quelques jours d’une vie solitaire dont les femmes sont désespérément absentes.
ne petite station balnéaire de la Côte Picarde, la dernière semaine d’août. En leur remettant les clefs d’un appartement de location, Sylvain fait la connaissance d’une jeune mère et de sa fille, aussi séduisantes l’une que l’autre. L’occasion rêvée de sortir ne serait-ce que quelques jours d’une vie solitaire dont les femmes sont désespérément absentes.
PRÉCÉDÉ DU COURT-MÉTRAGE LE NAUFRAGÉ L uc part rouler à vélo pour tenter d’oublier ses problèmes. Une succession d’incidents le contraint à passer la nuit dans une petite ville de Picardie. Il y fait la connaissance de Sylvain, qui s’efforce de l’aider, pour le meilleur et pour le pire …
entretien Après coup, j’ai compris que le fait de tourner j’ai dû envisager de faire le film sans Vincent. cette C ommentestnéLeNaufragé?Où,déjà,ilestdmaanvsaitperpmeitsitedevilclae,nasililsoeirn,ddeecmirocnoqnsucortiirdeiecne,Ja’catieumrsêmpeoucrolmemreemncpélacàerr.enMcaoinstrsearnsd’lauui,trlees questiondelaprésencedesfemmes que je voulais raconter depuis longtemps, de le projet n’avait plus aucun sens. J’avais une folle trans J étais parti faire une petite virée dans le Nord poser, en le déplaçant dans ce microcosme, n e é n t v a i i e t d q e u l u e n fi l pr m é e t r e , x e t t e d p ’u o n u e r s c a e i r s t i a r i n qu e e f l a q ç u o e n , c l h e o fi s l e m de la France avec une amie, sur les traces des qui me touchait profondément chez lui. films de Maurice Pialat et de Bruno Dumont. J’ai rencontré Laure Calamy un peu par hasard, Et à la toute fin du week-end on a atterri à Ault, un soir dans un bar, par lintermédiaire de complètement par hasard. J’ai tout de suite été Vincent,qui venait de travailler avec elle. Son fasciné par cette petite station balnéaire perdue énergie, sa fantaisie, sa liberté, mont tout de au milieu de ces immenses falaises. J’ai été séduit suite fasciné. Mais aussi cette fragilité que l’on par la douceur de la lumière et son atmosphère devinait déjà entre deux éclats de rire. Quelques mélancolique, transfigurée à chaque rayon mois plus tard, lorsque jai eu lidée de tourner de soleil. J’y suis retourné plusieurs fois, à une sorte de suite estivale du Naufragé, centrée différentes saisons. Je l’ai même traversée sur le personnage de Sylvain, confronté cette à vélo à l’occasion d’une course cycliste. Et fois -ci non plus à un homme mais à des femmes, à chaque fois, j’ai été transporté. dans ce petit monde en soi. D’une certaine façon, Laure s’est très vite imposée. C’est pour elle que Jai alors proposé à trois amis réalisateurs aller en terre inconnue ma aidé à raconter des j’ai écrit le rôle de Patricia, en me nourrissant de d’écrire chacun un film, dont Ault serait le décor choses très personnelles. sa manière d’être, de ses fêlures, en extrapolant unique. C’est dans ce cadre-là que j’ai écrit elle. Même si cela consti-LeNaufragé . Finalement, on a reçu une aide de C ommentavez-vousrencontrévosacteurs,t c u e ai q t u u e n j e p p a e r r i c r e i v s a q i u s é d , ’ cela mintéressait quelle la région Picardie, qui nous a permis de tourner notammentVincentMacaigne,quiinterprètesoit très proche en âge de sa fille, à la limite de la les films en pellicule. En travaillant sur les films Sylvain,l’autochtone,personnagecentralduvraisemblance, pour que Sylvain, ait vraiment le de mes amis, je me suis familiarisé avec les Naufragé etd Un monde sans femmes ? choix entre deux femmes. J’ai beaucoup pensé lieux,jairencontrédesgensquejaieuenvieP LeNaufr d an ur s a e n t t à l ’ c é e c r q it u u e r c e e à l a u p n o e u a va m i i t e a v q o u i i r a d e e t u r s o a u b fi l ll a e n t à d 18 e de filmer, comme Bouboule, le patron du bar ouragé,javaisdeuxmotivations où l’on prenait nos repas, ou Marie Picard, la d’égaleimportance : tourner à Ault et filmer les voir côte à côte. Comme Vincent Macaigne, gardienne de la résidence où l’on dormait. Leur deux comédiens, Julien Lucas et Vincent Laure Calamy est une comédienne exception-rencontre ma conduit à réécrire le scénario pour Macaigne, avec lesquels j’étais très lié depuis nelle, capable dans la même seconde de faire les faire participer à certaines scènes et ancrer plusieurs années. J’ai écrit pour eux. À un rire et pleurer. Elle a la générosité de ne pas se plus profondément encore le film à Ault. moment donné, pour des questions de dates, soucier de son image, daccepter de se mettre
à nu devant la caméra. Elle a tout de suite quelque chose dun peu diffus dans le 16mm qui L aportéedramatiquedestitresmefrappe:comprisenvoyantLeNaufragéquecequejecorrespondait particulièrement à ces deux films. LeNaufragéetUnmondesansfemmes,ainsicherchais avant tout, cétait une forme de vérité, Et puis, selon moi, il y a un sens à filmer des queladramatisation,lasolennité,aveclaquelle de sincérité. non-professionnels comme Bouboule, Francine vousabordezLeNaufragéparexemple,cette PourlerôledeJuliette,jesouhaitaisuneouMariePicardenpellicule.Ilsnavaientjamais musiquesombre,etLuc,lecycliste,têtebaissée comédienne à lopposé des autres personnages, été filmés auparavant, ils ne le seront sans doute danscegrandpaysagegris.Puis,dèslequi dénote dans l’univers du film. Je ne voulais jamais plus. Dans ma démarche - capter des deuxièmeplancettetensionestdésamorcéepas jouer sur la ressemblance physique avec petits fragments de vies - le numérique est un parlatrivialité,onlevoitcracher,autroisièmesa mère. Au contraire, je trouvais intéressant outil formidable, mais il banalise beaucoup, déverserdesjuronssursonvélo quelle soit presque son anti-thèse comme car on peut accumuler une matière énorme, L u si elle sétait construite contre elle. Javais vu doù surgissent presque nécessairement des c est un authentique naufragé, même ConstanceRousseaudansToutestpardonnééclatsdevérité.silarriveparlaterre.Dailleurs,lesdeux de Mia Hansen Löve, un film que j’adore. Quand personnages le sont, le second je lai rencontrée, ça a été une évidence. Elle peut-être même plus que le avait cette grâce que je recherchais. Et dès les premier, cest aussi cela que premiers essais, il y a eu une grande complicité nous raconte le film. Et puis j’ai entre Laure et elle. Pendant le tournage, je leur sans doute été frappé incons-aidemandédhabiterensemble,touteslesdeux,ciemmentparlalecturedusur le décor du film, pour que Laure la prenne NaufragédeThomasBernhard, sous son aile. un récit terrible sur léchec, la dépression, la solitude. P ourquoiavoirtenuàtourneren16mm? De façon plus générale, jai to écartelé entre lenvie C est vrai que tourner en 16mm peut paraître de u j f o ai u r r e s d ét e é s films légers, drôles anachronique à une époque où faire un film avec et celle de faire des films plus un 5D devient presque un argument marketing graves, plus sérieux. Ces deux en même temps quun gage de modernité. Surtout titres reflètent sans doute cette quand on a très peu dargent. Mais je tenais tension. Les histoires que jai durcommeferàtournerenpellicule.JavaisleCequiestbeauaveclapellicule,cestlarareté,enviederacontersontpourlaplupartassez sentiment que le numérique ne restituerait pas qui force à faire des choix, à déclencher au tristes. Mais pour éprouver du plaisir à les écrire, la douceur de la lumière, quil rendrait tout trop bon moment pour ne pas manquer linstant puis à les filmer, j’ai besoin de m’éloigner concret, moins mystérieux. Il y a une mélancolie, miraculeux. dun registre trop sombre.
Quand la gravité des enjeux plombe une scène, jessaie de casser cette atmosphère sérieuse par ungag.Àlinverse,lorsquejécrisunescènelégère,jaisouventenviedyinsérerundétailcruel, un relief coupant, comme une ombre qui renvoie à la solitude des personnages, à la gravité de la situation. Ce qui est beau au cinéma, ce sont les ruptures, les contrastes. Cela décuple les émotions. C ettesolennitédel’entréedanslefilmcommedansunespaceréeletpresquemythologiqueparticipedunecroyancedanslecinéma.Quelssontlesfilmsquivousontamenéàcettefoi? S ijedevaisparlerdunseulchocdespectateur,ce serait un film de Maurice Pialat. Le premier que jai vu, en loccurrence, Loulou . Ce nest pas forcémentcequelonmetleplusenavantdansmaisnhésitepasàécorcher,àpiquerauvif. I lvousadonnélesclefsdevotrecinéma?son cinéma, mais à chaque fois que je revois Je suis souvent agacé par le respect écrasant l’un de ses films, ce qui me frappe c’est à quel pour les « vrais gens », les « petites gens », que O ui,toutàcoup,cestcommesilecinéma point ils sont drôles. Parce qu’ils sont pleins de l’on rencontre dans certains films. Pialat, lui, devenait accessible. Cela tient peut-être à une vie,etquelavieimpliquenécessairementdelanapaspeurdemontrerleursridicules,sansformedamateurisme,dedilettantismeassumés maladresse, de curieuses façons de parler, des jamais pour autant se départir dune incroyable chez Rozier et que je revendique aussi. Ses films rencontres abruptes avec le réel. Dans ses films, tendresse. Il y a eu un autre choc, antérieur ne sont pas écrasants, ne mettent pas à distance. comme dans la vie, le fait dêtre désemparé, aux films de Pialat, c’est DucôtédOrouëtAucontraire,ilstendentlamain,respirentdans une situation de détresse, prend souvent de Jacques Rozier. En le découvrant, je me par leurs imperfections, leur inachèvement. des formes comiques. Jaime aussi cette gentille suis dit pour la première fois : « voilà le genre Je me suis aperçu récemment que tous ses films moquerie de Pialat pour ses personnages, d’histoires que j’aimerais raconter ». Et même mettaient en scène des parenthèses, des notamment pour ceux qui ne sont pas acteurs, si c’est un immense film, en le regardant, échappées hors du champ quotidien dans L’Enfancenue ou Passetonbacd’abord .pourlapremièrefois,jemesuissenticapabledutravailetdelaviesociale.CestunpointIl porte sur eux un regard très bienveillant, de faire un film, moi aussi… commun avec mes deux films.
Farrelly, Apatow. Avec toujours brables soirées ensemble. J’ai donc pu l’écouter, cette idée qu’il y a le monde des l’observer durant des centaines d’heures. hommes et celui des femmes, Dansla vie, il est évidemment très différent du qui sont comme une espèce personnagede Sylvain. Il suffit de voir ses inconnue. D’où un douloureux spectacles pour s’en convaincre. Et pourtant, apprentissage pour lever les ma- il y a une part de lui qui s’en rapproche, qui lentendus et les incompréhen- me touche profondément et que j’ai choisi sions entre les deux sexes… d’isoler, de mettre en lumière. Du début à la fin, il y a eu entre nous une confiance C ommentavez-voustravaillétrès belle. Lui aussi s’est mis à nu. aveclesacteurssurletournage?Pour autant, il y a eu un vrai travail sur le plateau. Souvent, c’étaient des réglages, des J e n’ai pas de méthode avec ajustements. Avec Vincent, par exemple, même les acteurs. Je sens juste quand si la plupart de ses propositions étaient d’une Mais j’ai eu d’autres influences. Les films d’Eric l’émotion est vraie et quand elle est fabriquée, grande justesse, j’ai dû lutter pour préserver Rohmer, très souvent des films de vacances même si je ne sais pas forcément dire pourquoi. cette timidité, cette retenue qui caractérisent d’ailleurs.Enparticulier,LeRayonvert,dontAprès,pouryparvenir,ilyabeaucoupdelepersonnagedeSylvain.Faceàl’exubérance on a beaucoup parlé avec mon chef-opérateur, tâtonnement, d’intuition. Mais sur ce film, le et l’énergie de Laure Calamy ou de Laurent Tom Harari et qui constitue un peu la matrice plus souvent, les comédiens étaient vrais, tout Papot, il avait souvent la crainte d’être trop lisse, d Un monde sans femmes avec Du côté de suite. trop effacé et éprouvait une certaine frustration dOrouëtetTwo Lovers de James Gray. TwoD’une certaine façon, une grande partie de la de comédien. Il lui arrivait du coup d’avoir la Lovers, c’est un film qui nous a bouleversés direction d’acteurs s’est faite en amont du tour- tentation d’en faire plus. Vincent Macaigne et moi. J’adore sa structure nage. Lorsque j’ai écrit le film, je connaissais Avec Constance Rousseau, il y a eu un travail très simple : un homme fragile pris entre deux déjà trois des quatre acteurs, Vincent et Laure, pour la faire sortir d’elle-même. Il a fallu qu’elle femmes. Sauf que chez James Gray c’est du donc, mais aussi Laurent Papot qui interprète accepte de perdre le contrôle. Ce nest jamais mélodrame et donc une autre forme. Dans une le gendarme. J’ai pu me nourrir de leur façon facile pour une jeune actrice. D’autant que moi-scène, j’ai fait porter à Vincent un tee-shirt de parler, de leur gestuelle, de ce que je pouvais même j’avais peur de la brusquer. Mais à un JohnnyCash,unpetitclind’œilàJoaquinprojetersureux.Ilyavaitdoncuneincarnationmomentdonné,ilyaeucommeundéclicetPhœnix, dont le jeu l’a d’ailleurs beaucoup très forte dès le stade du scénario. En ce qui elle a fait des choses étonnantes. inspiré. Et puis, il y a une dernière influence, concerne Vincent Macaigne, ça a été encore Le scénario était très écrit et généralement peut-être moins visible, mais tout aussi im- plus loin, puisque c’est l’un de mes meilleurs j’exigeais que les dialogues soient respectés au portante, c’est la comédie américaine, les amis depuis des années. On a passé d’innom- mot près. Mais il y a quelques scènes, celle du