Du recommandé traditionnel au recommandé électronique : vers une sécurité et une force probante renforcée
Par
ETIENNE MONTERO Professeur au FUNDP
Date de mise en ligne : 14 juin 2003
DU RECOMMANDÉ TRADITIONNEL RECOMMANDÉ AU ÉLECTRONIQUE:VERS UNE SÉCURITÉ ET UNE FORCE PROBANTE RENFORCÉES
Étienne MONTERO Professeur aux FUNDP (Etude publiée dansélectronique : de la théorie à la pratiqueLe commerce , Cahiers du CRID, n° 23, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 69-99)
PROPOS LIMINAIRES Le recours à la lettre recommandée présente un intérêt pour établir la réalité dun envoi, la date de celui-ci et, le cas échéant, sa réception par le destinataire. Les hypothèses sont légion, quil sagisse, pour une partie, détablir quelle a effectivement posé un acte unilatéral ou porté un fait à la connaissance dune autre partie (cf. les multiples hypothèses où une notification est requise, ou conseillée, en vue de produire certains effets juridiques) ou quelle sest acquittée, dans le délai légalement prévu, de lune ou lautre obligation contractuelle ou incombance1. En matière de contrats à distance, lenvoi recommandé joue également un rôle non négligeable, notamment lorsque les parties scellent leur accord par un échange de lettres missives. Le recours au pli recommandé trouve ici tout son intérêt pour permettre à lexpéditeur dune lettre de se constituer une preuve de son envoi (contenant acceptation dune offre, par exemple). Comme on le verra, le procédé ne résout toutefois pas tous les problèmes. A lheure où se généralise la communication électronique pour séchanger des informations ou pour poser ou conclure des actes juridiques, il simposait de reconnaître la possibilité deffectuer des envois recommandés sur support électronique. Cette reconnaissance étant désormais acquise, il convient de vérifier, dune part, si le recommandé électronique remplit les fonctions dévolues au recommandé traditionnel, dautre part, si subsistent des obstacles à son usage dans tous les cas où lenvoi dune lettre recommandée est indiqué ou légalement requis. Telles sont les questions que lon
1 Sur la notion dincombance, voy. M. FONTAINE, Obliegenheit, incombance in ?,Liber amicorum Hubert Claassens. Verzekering : theorie en praktijk Assurance : théorie et pratique, CRIS, Maklu, Academia-Bruylant, 1998, pp. 151 et s. Mise en évidence par la doctrine récente, la notion dincombance désigne des obligations dune nature particulière : elles ne confèrent à leur créancier aucune action en exécution forcée, leur violation exposant néanmoins le débiteur à de fâcheuses conséquences. A titre dexemples, on mentionne la nécessité pour le créancier de mettre en demeure le débiteur défaillant avant de le faire sanctionner ou, en matière dassurance, le devoir qui pèse sur lassuré de déclarer le sinistre à lassureur dans un certain délai (cf. les art. 19 et 21 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat dassurance terrestre).
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se propose dexaminer dans cette étude, ce qui suppose de cerner au préalable le régime juridique du recommandé traditionnel.
I. LE RÉGIME JURIDIQUE DU RECOMMANDÉ TRADITIONNEL Avant de dégager avec précision les différentes fonctions de lenvoi recommandé (B), il nest pas inutile de donner un aperçu des hypothèses où cette forme denvoi est généralement utilisée (A).
A. Le recommandé dans les usages Lenvoi recommandé est défini en droit belge comme un service consistant à garantir forfaitairement contre les risques de perte, vol ou détérioration et fournissant à lexpéditeur, le cas échéant à sa demande, une preuve du dépôt ou de lenvoi postal et/ou de sa remise au destinataire2. Comme lon sait, lenveloppe est déposée à La Poste, qui remet un récépissé en échange3. Le recours à lenvoi recommandé se justifie non seulement par le souci, volontairement assumé, de se ménager une preuve (1), mais également, dans bien des cas, sur la base dexigences légales (2).
1. Le recours spontané à lenvoi recommandé Il existe de nombreuses situations où lon souhaite se ménager la preuve de lenvoi dun courrier afin déviter toute contestation ultérieure sur la réalité de cet envoi. Une telle précaution savère particulièrement opportune lorsquune relation senvenime et quun litige se profile à lhorizon. A titre dillustration, on peut songer, en matière de baux, à linsatisfaction dun locataire (infiltrations deau non résolues, grosses réparations non effectuées). Ce dernier aura intérêt à consigner ses reproches dans un écrit adressé par envoi recommandé, afin dêtre en mesure de prouver, dans le cadre dun litige ultérieur, quen temps utile, il avait effectivement averti son bailleur des désagréments quil subissait. En matière dentreprise de construction, le maître de louvrage aura pareillement intérêt à attirer lattention de lentrepreneur sur les malfaçons ou les défauts de conformité au moyen dune lettre recommandée. En cas de refus persistant dexécution conforme au
2 Article 131, 8°, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, tel que modifié par larticle 2 de larrêté royal du 9 juin 1999. 3 Une lexpéditeur remplit lui-même un : autre méthode existe pour effectuer un envoi recommandé récépissé, sur lequel le facteur appose un cachet de La Poste, prouvant la remise de la lettre entre ses mains. Sur lenveloppe, lexpéditeur colle une étiquette qui porte le même numéro de code-barres que le récépissé. La concordance entre le récépissé et lenveloppe est donc indiscutable. Cette méthode présente lavantage de pouvoir être utilisée à domicile.
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cahier des charges, il sera en effet bien avisé de ne plus se contenter de récriminations ou dinjonctions purement verbales. Par ailleurs, préalablement à toute sanction, une mise en demeure est nécessaire : le créancier est, en principe, tenu de manifester au débiteur, dune manière claire et non équivoque, sa volonté de voir exécuter lobligation en souffrance. La mise en demeure constitue un acte unilatéral4réceptice: son efficacité est donc subordonnée à une notification au débiteur et le créancier doit se ménager une preuve de sa réception. En ce qui concerne la forme de la mise en demeure, la jurisprudence fait preuve aujourdhui de la plus grande souplesse : aussi, en pratique, elle pourra fréquemment être adressée au débiteur par lettre recommandée (ou même par simple lettre)5 6. Enfin, lon songe aux nombreuses hypothèses où une notification est nécessaire, sans quaucune forme particulière soit imposée. Ainsi en est-il, par exemple, en matière de cession de créance : la cession nestopposable au débiteur cédé quaprès sa notification à ce dernier (cf. art. 1690, al. 2, C. civ.)7; ou encore, dans le droit commun du bail, dès lors quil ne précise aucune forme particulière pour le congé8. En pratique, ici aussi, il est souvent fait recours au pli recommandé. Lon pourrait naturellement multiplier des exemples similaires où lutilisation du recommandé est indiquée dès lors que la preuve de lenvoi est capitale pour qui veut attester sa diligence ou faire valoir certains droits.
4Il sagit dunactejuridique, et non dun fait juridique, car ses effets de droit sont voulus par le créancier, et dun acteunilatéralau motif quil émane de la seule volonté du créancier et nest pas subordonné à une acceptation du débiteur. 5Larticle 1139 du Code civil permet que la sommation (généralement un exploit dhuissier qui intime au débiteur de sexécuter) soit remplacée par un acte équivalent. En matière commerciale, il est admis, de longue date, que la mise en demeure ne doit répondre à aucune forme spéciale. La mise en demeure peut donc prendre la forme dune lettre recommandée (ou même dune simple lettre), pourvu quelle contienne uneinterpellation ferme du débiteur. Cette souplesse est suffisamment également de mise en matière civile, la notion dacte équivalent étant interprétée avec une extrême souplesse (cf. Cass., 28 mars 1994,Pas., 1994, I, p. 317). Pour dautres références, voy. P. WÉRY, La mise en demeure en matière dobligations contractuelles, inLes obligations contractuelles, Bruxelles, Editions du Jeune Barreau, 2000, pp. 296 et s., nos7 et s. ; B. DECONINCK, La mise en demeure Rapport belge, inLes sanctions de linexécution des obligations contractuelles Etudes de droit comparé, Bruxelles-Paris, Bruylant-L.G.D.J., 2001, pp. 144 et s., nos23 et s. ; S. STIJNS, D. VANGERVENet P. WÉRY ,, Chronique de jurisprudence. Les obligations : les sources (1985-1995) J.T., 1996, pp. 718-720 ; W. WILMS, De betekenis van de ingebrekestelling in de Code Napoléon, J.J.P., 1983, pp. 33 et s. 6 Larticle 1139 nétant pas impératif ni dordre public, les parties peuvent non seulement assouplir le formalisme de la mise en demeure, mais aussi dispenser le créancier de cette incombance. 7 W P.ÉRY, Le nouveau régime de lopposabilité de la cession de créance, inLopposabilité de la cession de créance aux tiers. Commentaire de la loi du 6 juillet 1994,Bruges, La Charte, 1995, pp. 1 et s., spéc. n° 34. Voy. aussi P.-A. FORIERS, M. GRÉGOIRE et A.-M. STRANART,La cession de créance, Bruxelles, Editions du Jeune Barreau, 1995. 8Cass., 20 mars 1947,Pas., 1947, I, p. 118.
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2. Les exigences légales denvois recommandés Dans une série dhypothèses, notamment, en droit civil et commercial, en droit judiciaire ou encore en droit administratif, la loi impose le recours à lenvoi recommandé. En matière civile et commerciale, ainsi quen droit du travail, il existe de nombreuses dispositions imposant unenotification9, à effectuer obligatoirement soit par lettre recommandée (tout court), soit par lettre recommandée à La Poste. Quelques exemples peuvent suffire10. Plusieurs lois particulières prescrivent que la partie faible est tenue de notifier une résiliation, un congé, ou sa décision de renoncer au contrat (pendant un délai de réflexion) par lettre recommandée (à La Poste)11. La loi sur les baux commerciaux impose au preneur de notifier, par lettre recommandée à La Poste, son intention deffectuer des transformations dans les lieux loués, de sous-louer ou de céder son bail, dexercer son droit au renouvellement du bail ou, au contraire, dy mettre fin12. En matière de contrat de voyage, la loi impose au voyageur de signaler le plus tôt possible par écrit ou sous toute autre forme appropriée aux prestataires de services locaux concernés les défauts dans lexécution du contrat constatés sur place, et de confirmer sa réclamation par lettre recommandée à La Poste à lorganisateur et/ou à lintermédiaire de voyage, au plus tard un mois après la fin du voyage13. Dans un souci de protection de la partie faible, diverses lois particulières prescrivent que lamise en demeurepar lettre recommandée à La Poste. Le se fasse défaut de paiement de la prime dassurance à léchéance peut donner lieu à la 9légal utilise le verbe notifier ou le substantif notification, tantôt il enjoint de porterTantôt le texte certains éléments à la connaissance de lautre partie, sans toutefois utiliser ces termes. 10 Pour dautres exemples, voy. D. GOBERT et E. MONTERO, Le traitement des obstacles formels aux contrats en ligne, inLe commerce électronique européen sur les rails ? Analyse et propositions de mise en uvre de la directive sur le commerce électronique, Cahiers du CRID, n° 19, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 218 et s. 11juin 1991 relative au crédit à la consommation, art. 18 (droit deCf., entre autres exemples, la loi du 12 renoncer au contrat dans un délai de sept jours) ; la loi du 20 février 1991 sur le bail de résidence principale, art. 3 (notification dun congé au moins six mois avant léchéance pour mettre fin au contrat) ; la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail, art. 37 (notification du congé pour résilier le contrat) ; la loi du 13 avril 1995 sur le contrat dagence matrimoniale, art. 18 (notification de la résiliation du contrat) ; la loi du 9 mars 1993 tendant à réglementer et à contrôler les activités des entreprises de courtage matrimonial, art. 7 (droit reconnu à chacune des parties de mettre fin anticipativement au contrat) ; la loi du 25 juin 1992 sur le contrat dassurance terrestre, art. 29 (résiliation du contrat) ; la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce, art. 41, § 2 (notification par le vendeur de son intention de vendre à perte), et art. 89 (en matière de ventes au consommateur conclues en dehors de lentreprise, droit de réflexion de sept jours pendant lequel le consommateur a le droit de faire savoir quil renonce au contrat) ; la loi du 11 avril 1999 relative aux contrats portant sur lacquisition dun droit dutilisation dimmeubles à temps partagé, art. 9 (notification de la renonciation au contrat dans un délai de 15 jours) ; la loi du 13 avril 1995 relative au contrat dagence commerciale, art. 18 (notification de la résiliation du contrat). 12Loi du 30 avril 1951, art. 7 (droit deffectuer des transformations dans les lieux loués), art. 10 (sous-location et cession du bail), art. 14 (exercice du droit au renouvellement du bail) et art. 3 (préavis pour mettre fin au bail en cours). 13 Loicontrat dorganisation de voyages et le contrat dintermédiaire de du 16 février 1994 régissant le voyages, art. 20.
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suspension de la garantie ou à la résiliation du contrat moyennant mise en demeure préalable de lassuré, laquelle doit être faite par exploit dhuissier ou par lettre recommandée à La Poste14 lemprunteur. En matière de crédit hypothécaire, lorsque reste en défaut de payer une somme due, le prêteur doit lui adresser dans les trois mois de léchéance un avertissement par lettre recommandée à La Poste15 de la 29. Larticle loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation prescrit, dans une hypothèse particulière, le dépôt à La Poste dune lettre recommandée contenant mise en demeure (sic)16 . En matière judiciaire, de nombreux textes imposent (ou permettent) aussi le recours à la formalité du recommandé (qui nest toutefois pas prescrite à peine de nullité) aux fins de réaliser une grande diversité de communications, notifications ou dépôts17. Ainsi, la requête contradictoire doit être envoyée, en autant dexemplaires quil y a de parties en cause, par lettre recommandée au greffier de la juridiction (ou déposée au greffe) (art. 1034quinquiesC. jud. ; voy. aussi lart. 704). Dans certains cas, le Code judiciaire autorise aussi à interjeter appel par lettre recommandée (art. 1056, 3°). Enfin, le Code fourmille de dispositions imposant à divers acteurs (huissiers, greffiers) lutilisation du pli judiciaire, qui est un type spécial denvoi recommandé par La Poste avec accusé de réception18 (lart. 46, § 1er, al. 2, détaille les modalités de cette formalité, qui nest cependant pas prescrite à peine de nullité). En matière administrative, les hypothèses ne manquent pas non plus dans lesquelles la loi impose le recours au recommandé postal. Ainsi, larticle 346 du C.I.R. prévoit quen cas de rectification des revenus et des autres éléments déclarés par le contribuable, ladministration fait connaître à celui-ci, par lettre recommandée à La Poste, les revenus et autres éléments quelle se propose de substituer à ceux qui ont été déclarés ou admis par écrit en indiquant les motifs qui lui paraissent justifier la rectification. Linobservation de cette formalité est sanctionnée par la nullité de la procédure de rectification. Entre autres exemples, le recours au recommandé est également exigé pour les notifications qui doivent être faites à ladministration
14Art. 14 et 15 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat dassurance terrestre. 15Art. 45 de la loi du 4 août 1992 relative au crédit hypothécaire. 16Etant donné les termes de cette disposition, la Cour de cassation a estimé quil nest pas requis que le recommandé ait effectivement été présenté au destinataire. Cf. Cass., 17 nov. 1995, J.L.M.B., 1996, p. 1192, obs.; R.D.C., 1997, p. 175, note. Pour une critique de cette solution, voy. M. E. Storme, Het verrichten van rechtshandelingen door middel van nieuwe telecommunicatiemiddelen De nieuwe wetsbepalingen ingekaderd in de algemene leer van de kennisgeving, n° 24, http://www.storme.be/2281.pdf. Voir aussi lart. 36 de la même loi. 17A ce propos, L. GUINOTTEet D. MOUGENOTQuelles procédures pour le commerce électronique ?, in, Le commerce électronique : un nouveau mode de contracter ?, Editions du Jeunes Barreau de Liège, 2001, pp. 305 et s., spéc. pp. 366 et s. 18 Cf. L. GUINOTTE D. M etOUGENOT,Ibidem, et A. FETTWEIS,Manuel de procédure civile, 2e éd., Faculté de droit de Liège, 1987, n 247. °
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préalablement à la conclusion de certains contrats19, ou encore pour limmatriculation20 ou linscription21dun professionnel auprès de lautorité compétente.
B. Les fonctions assignées au recommandé : certitudes et zones dombre
1. La preuve de lenvoi Lintérêt incontestable de toute lettre recommandée est de ménager à lexpéditeur une preuve de la réalité et, au besoin, du moment de son envoi,ou plus exactement de son dépôt à La Postedouble preuve pourra être rapportée grâce au(voy. ci-après). Cette récépissé qui lui est remis par lagent de La Poste lors du dépôt du pli.
2. La preuve de la réception Comme cela vient dêtre suggéré, le dépôt à La Poste dune lettre recommandée natteste nullement que celle-ci est effectivement parvenue à son destinataire. Loccasion a été donnée à la jurisprudence de confirmer ce point de vue : Le seul fait pour les services de La Poste dapposer pour chaque envoi individuel un cachet établissant lenvoi recommandé napparaît pas suffisant pour en déduire que le 22 destinataire a reçu lenvoi qui lui était destiné ou quil en a eu connaissance () . Léventualité quun envoi recommandé ségare et narrive jamais à destination est dailleurs clairement envisagée dans les dispositions fixant la hauteur de lindemnité due par La Poste en cas de perte, de vol ou de détérioration dun envoi recommandé23. 19 Cest le cas, notamment, pour les ventes en liquidation (art. 48, § 1er, de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur linformation et la protection du consommateur) ou les concentrations dentreprises (art. 3, § 2, de larrêté royal du 23 mars 1993 relatif à la notification des concentrations dentreprises visée à larticle 12 de la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique ; art. 3, § 2, de larrêté royal du 23 mars 1993 relatif aux demandes et notifications visées aux articles 6 et 7 de la loi sur la protection de la concurrence économique). 20relatifs à des offres conjointes (art. 59 de la loi sur les pratiques duPour le vendeur qui émet des titres commerce). 21 Art. 2 de larrêté royal du 5 octobre 2000 relatif à linscription des vendeurs dun droit dutilisation dimmeubles à temps partagé. 22Par exemple, Mons, 21 octobre 1998,J.L.M.B.,1999, I, p. 456. 23 larrêté royal du 12 août 1994 fixant le montant maximum de lindemnité en cas de perte, de Cf. spoliation ou davarie dun envoi recommandé et le montant maximum de la déclaration de valeur dune lettre avec valeur déclarée,M.B., 14 sept. 1994. Pour plus de détails sur létendue de la responsabilité de La Poste, voy. les conditions générales en matière doffre des services de La Poste, spéc. les parties VII et IX. A titre dinformation, pour obtenir une indemnité, lexpéditeur dun envoi doit, au préalable, introduire une plainte et prouver la faute de La Poste, le préjudice subi et le lien de causalité entre les deux (cf. IX, point 1). Au niveau national, en cas de perte dun envoi recommandé, lindemnité correspond au préjudice direct réellement subi avec un maximum de 37, 18 EUR (cf. IX, point 2.1.2., deuxième tiret).
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En tout état de cause, le destinataire peut toujours prétendre navoir pas reçu le courrier recommandé que lexpéditeur affirme avoir déposé à La Poste. Lexpéditeur peut toutefois se prémunir contre ce risque, en faisant recours à un type particulier de recommandé : lerecommandé avec accusé de réception. Dans cette hypothèse, le destinataire est invité à signer un accusé de réception du courrier qui lui est présenté par le facteur. Ce dernier doit vérifier lidentité du destinataire et remettre la lettre en main propre. En principe, lexpéditeur sera alors en mesure de prouver que la réception de son envoi a bien eu lieu à la date et à lheure indiquées sur laccusé. Sur le plan de la preuve, la situation de lexpéditeur sera particulièrement confortable si laccusé de réception est effectivement signé de la main du destinataire. Celui-ci ne pourra alors plus prétendre quil na pas reçu le courrier24. Tous les problèmes ne sont pas pour autant parfaitement résolus. Tout dabord, il arrive parfois que le signataire de laccusé de réception ne soit pas le véritable destinataire de lenvoi. Dans cette hypothèse, si un litige survient, la responsabilité de La Poste pourrait être engagée puisque lemployé na pas procédé à une vérification didentité. Ensuite, le destinataire peut toujours refuser le pli recommandé qui lui est présenté. Toutefois, il y a lieu de considérer quest parfaitement valable lincombance (ex. une mise en demeure) accomplie par lettre recommandée au destinataire qui, sans motif plausible, refuse le pli, alors que les circonstances devaient lui faire deviner le contenu25. Cette attitude de refus apparaît pour le moins suspecte et, en principe, ne permet donc pas déviter les effets dune mise en demeure ou dune notification. Enfin, des contestations peuvent encore naître à propos du contenu de lenvoi recommandé. A cet égard, en effet, La Poste ne procède à aucune vérification. Le destinataire peut donc prétendre que lenveloppe était vide ou que la copie de la lettre qui sy trouvait ne correspond pas à loriginal conservé et produit ultérieurement par lexpéditeur. Ici aussi, il ne faudrait pas exagérer le risque au plan probatoire : dheureuses solutions sont apportées par la jurisprudence (voy. ci-après).
3. La preuve du contenu de lenvoi
a) Lhypothèse de lenveloppe vide Tout en ne contestant pas lavoir reçu26, le destinataire dun courrier recommandé peut néanmoins soutenir que lenveloppe était vide. Le problème est assurément délicat, même sil faut souligner son extrême rareté. 24 M R.OUGENOT,La preuve, Tiré à part du Répertoire notarial, 3e revue et mise à jour par D. éd. MOUGENOT, Bruxelles, Larcier, 2002, p. 244, n° 180. 25En ce sens, Gand, 29 avril 1929,B.J., 1931, col. 621 (en lespèce, le destinataire était un commerçant). 26Cette contestation serait vaine en cas denvoi recommandé avec accusé de réception. Le juge disposera, en effet, de deux pièces (le récépissé et laccusé de réception) qui attestent que la lettre est 7
Ayant eu à se prononcer à ce sujet, la Cour de cassation française a estimé que la remise dune [lettre recommandée avec accusé de réception] fait présumer, jusquà preuve contraire, que la notification [dun congé, en lespèce] était régulière et quil appartient dès lors au destinataire qui affirme avoir reçu une enveloppe vide dapporter des éléments de preuve à lappui de son allégation27. Cette solution est conforme au principe énoncé à larticle 1315 du Code civil, dont le fondement est unevéritable présomption légale implicite, en vertu de laquelle la situationnormale et habituelle présumée exister en lespèce. Cest à celui qui est invoque un fait contraire à cette situation à en démontrer la réalité28. Ainsi, le recours à lenvoi recommandé (éventuellement avec accusé de réception) crée une présomption en faveur de lémetteur : il est présumé, jusquà preuve du contraire, que le destinataire a reçu le courrier invoqué par lémetteur. Si le destinataire conteste le contenu de lenveloppe, en soutenant quelle était vide, il lui faudra fournir la preuve de cette allégation contraire aucours normal et habituel des choses. Etant donné que la contestation porte sur un fait juridique, cette preuve peut être administrée par toutes voies de droit. Ainsi, la démonstration de la sincérité, ou au moins de la vraisemblance, de laffirmation selon laquelle lenveloppe reçue était vide pourrait résulter aux yeux du juge des démarches et investigations effectuées par le destinataire, immédiatement après la réception de lenvoi, auprès de La Poste ou de lexpéditeur afin didentifier lauteur de cette curieuse correspondance et de senquérir de ses intentions : Que, dailleurs, si par impossible et quelquinvraisemblable que cela puisse paraître en la cause, lappelant avait par inadvertance omis dinsérer dans lenveloppe le congé, encore est-il que lintimé () serait en faute pour navoir fait aucune démarche ou investigation en vue de démontrer que lenveloppe reçue par lui ne contenait aucun écrit29.
b) Contestation relative au contenu de lenveloppe En cas de contestation portant sur le contenu de lenveloppe ou du document lui-même, le même genre de solution que celle dégagée au point précédent devrait prévaloir, à défaut de procédure de certification. Ainsi, il a été jugé que la preuve que deux lettres se trouvaient dans une enveloppe recommandée exige que linvraisemblance du fait soit renversée par des éléments précis. En lespèce, une partie alléguait que la lettre notifiant une cession dactions au porteur figurait dans le même pli recommandé quune autre lettre relative à la effectivement parvenue à son destinataire (sauf si laccusé de réception est signé par un autre, auquel cas cest la responsabilité de La Poste qui pourra éventuellement être engagée). 27Cass. fr. (ch. civ., sect. soc.), 11 juin 1964,J.T.même sens : Civ. Verviers, 13, 1965, p. 120. Dans le mai 1925,Jur. Liège, 1925, p. 220. 28H. DEPAGE,Traité,t. III, 3eéd., 1967, p. 731, n° 726. Voir aussi N. VERHEYDEN-JEANMART,Droit de la preuve, Bruxelles, Larcier, 1991, p. 40, n° 65 ; M. ANTOINE, La certification électronique, R.D.C., 1995, p. 6 ; D. MOUGENOT,La preuve,op. cit., 2002, p. 244, n° 180. 29Civ. Verviers, 13 mai 1925,Jur. Liège, 1925, p. 221.
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convocation dune assemblée générale. Cette allégation, contestée par la partie adverse, apparaît invraisemblable aux yeux du juge, en considération dindices divers : quen effet, seule la lettre relative à la demande de convocation dune assemblée générale porte la mention recommandé ; que si lautre lettre avait été jointe au même envoi, elle eût normalement porté la même mention ; que lon remarque aussi que les caractères dimprimerie utilisés pour ces lettres ne sont pas les mêmes, alors quelles sont signées par la même personne ; ( )30.
4. La preuve de lidentité des parties Contrairement à ce que lon pourrait croire, le recommandé ne prouve pas nécessairement lidentité de lexpéditeur, ni celle du destinataire. En principe, il devrait en être ainsi, et, dans la majorité des cas, ce point ne pose pas problème. Il arrive cependant que tel agent de La Poste ne procède à aucune vérification didentité. La personne qui dépose le courrier à La Poste doit bien signer un récépissé, mais il ne lui est pas systématiquement demandé de présenter sa carte didentité. De même, lorsque le recommandé est accompagné dun accusé de réception, le facteur se contente parfois dune signature quelconque, quelle soit apposée par le destinataire ou une autre personne. On ne peut donc affirmer, avec certitude et en toute hypothèse, que ce sont bien lexpéditeur et le destinataire qui ont réellement envoyé et reçu le recommandé. Il est cependant permis de considérer, ici aussi, quil existe une présomption relative à lidentité de ces personnes, à charge pour celle qui la conteste dapporter la preuve contraire.
II. LE RÉGIME JURIDIQUE DU RECOMMANDÉ ÉLECTRONIQUE
Force est de reconnaître que le recommandé postal est une institution relativement modeste eu égard aux garanties quelle apporte. Le dépôt à La Poste dune lettre recommandée permet tout au plus détablir la date du dépôt (sans certitude que la lettre soit parvenue à destination !) et, le cas échéant, sa bonne réception par le destinataire (recommandé avec accusé de réception). Pour le reste, il faut sen remettre à des présomptions sérieuses certes, mais simples présomptions tout de même qui , trouvent leur justification dans lequod plerumque fit du fonctionnement des services postaux (dordinaire les lettres parviennent à leur destinataire) et dans la philosophie sous-jacente à larticle 1315 du Code civil (contenu de lenvoi). On sen souviendra au moment denvisager le mode de fonctionnement et le régime juridique du recommandé électronique.
30Comm. Bruxelles, 30 juin 1982,Rev. prat. soc., 1984, p. 59.
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A. Siège de la matière Le recommandé électronique est aujourdhui reconnu légalement, tant au niveau européen quau niveau belge. Il est donc susceptible de produire au moins les mêmes effets juridiques que le recommandé traditionnel.
1. Lexigence européenne Le Parlement européen et le Conseil des Ministres ont adopté une directive le 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et lamélioration de la qualité du service (directive 97/67/CE)31. Lenvoi recommandé est défini à larticle 2, 9), comme un service consistant à garantir forfaitairement contre les risques de perte, vol ou détérioration et fournissant à lexpéditeur, le cas échéant à sa demande, une preuve du dépôt de lenvoi postal et/ou de sa remise audestinataire. Comme on la vu plus haut, cette définition a été reprise telle quelle en droit belge32. Il y a lieu dobserver quil nest nullement fait référence à lexigence dun support papier. Larticle 7 de la directive énumère les services susceptibles dêtre réservés, à titre provisoire (voy. le considérant n° 19), au(x) prestataire(s) du service universel (en Belgique, il sagit de La Poste). Le service de recommandé électronique ny est pas mentionné. De plus, le considérant 21 précise que les nouveaux services (services clairement distincts des services classiques) ne font pas partie du service universel et que, dès lors, il ny a pas de raison de les réserver aux prestataires du service universel. Une lecture conjointe de larticle 7 et du considérant n° 21 nous porte à considérer que, pour le législateur européen, le recommandé électronique, en tant que nouveau service, ne peut être accompagné dun monopole au profit de La Poste33. Cette opinion est confortée par une interprétationa contrariola directive, qui prévoit que les Etats larticle 8 de de membres ont le droit dorganiser, conformément à leur législation nationale, le service denvois recommandés utilisé dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives. La portée de cette disposition est explicitée par le considérant n° 20, dont il résulte que, pour des raisons dordre public et de sécurité publique, les Etats membres peuvent désigner la ou les entités chargées de la prestation du service du courrier recommandé utilisé au cours de procédures judiciaires ou administratives conformément à leur législation nationale. 31J.O.C.E., n° L 15 du 21 janv. 1998, p. 25. 32 Article 131, 8°, de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, tel que modifié par larticle 2 de larrêté royal du 9 juin 1999. 33service, mais à une nouvelle modalitéEncore pouvait-on estimer que lon na pas affaire à un nouveau dexécution dun service classique.