EXTERNALISATION : DISCRIMINANTS ET FACTEURS DE SUCCES
article paru dans la revue trimestrielle « LExpansion Management Review » numéro 104 - mars 2002 pages 60-69
Eric FIMBEL Lauteur : Eric FIMBEL est docteur es-sciences de gestion, titulaire dun DEA en économie industrielle et analyse des marchés. Titulaire de lH.D.R (Habilitation à Diriger des Recherches), Professeur à Reims Management School, membre du laboratoire de recherche LIPSOR (Laboratoire dInvestigation en Prospective, Stratégie et ORganisation ) du CNAM, ses travaux de recherches et ses enseignements sont centrés sur les systèmes dinformation, la logistique, lexternalisation et les relations inter-entreprises. Après quelques années chez IBM, il continue dexercer depuis plus de 20 ans des missions daudit et de conseil auprès dentreprises privées et publiques.
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INTRODUCTION La problématique économique de lexternalisation (ou « outsourcing ») nest quune des nombreuses déclinaisons dune problématique plus générale : pourquoi, et surtout comment ceux qui dirigent une entreprise envisagent, décident, mettent en uvre, exploitent et optimisent les combinaisons variables des ressources internes et/ou externes qui leur sont nécessaires pour réaliser leurs objectifs ? Les variations des théories économiques autant que celles des pratiques managériales témoignent de la difficulté dynamique dadapter les frontières et les ressources de la firme aux exigences évolutives de lefficience économique. Durant la décennie 90-2000, la pratique de lexternalisation a progressé de manière spectaculaire. Cette croissance offre au chercheur un large et riche champ dinvestigation duquel il peut extraire, à destination des décideurs économiques et de la communauté scientifique, une grille danalyse rénovée de ce phénomène aux implications multiples pour la firme. Il en est de lexternalisation comme de nombreux actes managériaux. Lopportunité de la décision concentre plus fréquemment lattention des économistes que lexamen scientifique de ce qui fait le succès de leur mise en uvre et de leur fonctionnement. Or, ce sont pourtant ces deux derniers moments qui produisent et matérialisent léventuel et espéré retour sur investissement. Ils concentrent donc légitimement une part essentielle de la présente contribution , même si nos travaux nous permettent également déclairer utilement la phase décisionnelle. Les résultats de nos recherches sont étayés par létude de 94 opérations dexternalisation récentes et réussies 1 . Un nécessaire rééquilibrage de la vision trop communément admise de lexternalisation nous permettra, au-delà dun schéma explicatif éprouvé des différents types dexternalisation, détablir une cartographie des facteurs qui en font le succès, tant dans leur mise en uvre que dans leur fonctionnement opérationnel. Enfin, pour favoriser le progrès de la qualité des décisions et processus managériaux sur cette problématique, nous tenterons de répondre plus particulièrement à la question suivante : le fait quune externalisation soit pratiquée sur la totalité ou seulement sur une partie dune fonction de lentreprise modifie-t-il les facteurs de succès de ce type dopération ? LA NECESSITE PREALABLE DUNE VISION REEQUILIBREE DE LEXTERNALISATION La forte croissance du phénomène « externalisation » a entraîné de facto celle de sa médiatisation. A défaut dêtre fréquemment indépendante et scientifiquement rigoureuse, celle-ci a néanmoins utilement démontré lexistence déchecs et de réussites dans les deux modes de gestion (internalisée ou externalisée) dune activité et/ou dune fonction. Il ny a donc pas de lien mécanique avéré entre une de ces deux formules de gestion (internalisation ou externalisation) dune part, et lobtention de lefficience et du succès économiques dautre part. Létude de nombreuses publications de ces dix dernières années consacrées à lexternalisation témoigne en outre dune imprégnation quasi-culturelle dune majorité dauteurs par le double postulat suivant : lopportunisme mercantile du prestataire sopposant à la victimisation innocente de lentreprise-cliente compétente. Le jeu économique consisterait alors à prévenir le second contre les agissements du premier. Ce 1 Travaux réalisés entre 1997 et 2000 dans le cadre dune thèse en sciences de gestion soutenue en mai 2001 et consacrée aux facteurs de succès de lexternalisation (voir tableau 6 ) 2