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Extrait

DES
LITTÉRATURES
Monica Ali, une romancière entre deux mondes. Pablo de Santis. Pauline Melville.
page III
BANDE DESSINÉE JeanJacques Beineix, Claude Lelouch, Laurent Gerra, auteurs de BD. Sélection d’albums.
page VII
LIBRE 2004VRES VENDREDI 24 SEPTEM
ESSAIS Christianisme et antisémitisme. L’itinéraire d’un terroriste : Oussama Ben Laden.
page VIII
HISTOIRE LITTÉRAIRE RIMBAUD, ARTAUD e Le 150 anniversaire de l’auteur des « Illuminations » : les parutions. La publication des œuvres d’Antonin Artaud dans la collection « Quarto », chez Gallimard. pages IV et V
Le sorcier Volodine Un homme blessé va mourir. Sa migration vers l’Audelà, accompagnée d’une femmeoiseau et d’un bonze étrange, sera longue. Expert en mondes parallèles, l’auteur de « Bardo or not bardo » entraîne le lecteur dans une exploration pleine d’ivresse
aJean-Luc Douin
es ichneumons sont des parasites qui se nourris-sent du corps d’autres huôsitneLeà,eetrêipaotcniemriplaeeno-rfpeleesll animaux. Lorsque les femelles localisent un re transformé rent pour y introduire des œufs qui, dès éclosion, lâchent des larves programmées pour entre-prendre de sinistres travaux d’exca-vation interne. L’entomologiste Jean-Henri Fabre a raconté comment les victimes paralysées éprouvaient mille sensations avant d’être transformées en dépouilles vides. En un geste démiurgique qui fore l’inconscient de l’écrivain, de ses personnages et de ses lecteurs, pour injecter à chacun le même virus fantasmagorique, Antoine Volodine poursuit (pacifiquement et métaphoriquement) le même objectif que ces frelons barbares : lui, eux, vous, tous somnambules kidnappés du réel et embarqués dans l’ailleurs mental, entrelaçons des visions, des rêves, des scènes oniriques, un puzzle de références culturelles, de façon à nous appro-prier ce cocktail de réminiscences virtuelles, tressaillir et jouir des
mêmes glissements temporels et spatiaux, finir par abandonner le chaos terrestre pour entrer en dis-sidence poétique dans des mondes parallèles dont le Stalker Volodine assure la connexion. C’est ce qu’il appelle le post-exotisme.
dans ses décors.« Le livre traînait dans les déjections et le sang : il fal-lut, pour l’ouvrir, décoller au racloir la paille qui avait durci et coagulé le long des pages »(Biographie compa-rée de Jorian Murgrave).« La tortue écarta lentement une dernière bras-
ANTOINE VOLODINE
Antoine Volodine (pseudonyme choisi en hommage à sa grand-mère et à la langue russe qu’il enseigna durant quinze ans) s’amuse des incertitudes qui planent sur sa date et son lieu de naissance. 1949 ? 1950 ? Lettonie ? Lyon ? Chalon-sur-Saône ? Sans importance à ses yeux. Il considère que sa vie commence avec la publication de son premier roman,Biographie comparée de Jorian Murgrave(Denoël, 1985). Mais reconnaît avoir vibré en Mai 68 et pendant les années 1970, pratiquant le militantisme nocturne, le collage d’affiches dans des« minorités excitées ». Traducteur et écrivain, féru de l’Asie du Sud-Est et en particulier de cuisine thaïlandaise, il a publié 13 ouvra-ges, dontLe Post-exotisme en dix leçons, leçon onze(Gallimard, 1998) etDes anges mineurs(Seuil, 1999, prix Wepler et prix du Livre Inter).
Maître de l’incipit, Volodine maî-trise d’abord merveilleusement l’art de se saisir de sa proie. Capta-tion, hypnotisme, envoûtement. Peu de sorciers (lui, préfère s’iden-tifier aux chamanes) possèdent une telle science de nous aspirer
sée de lianes pourries ; le rideau s’accrochait à ses griffes »(Un na-vire de nulle part).« La boîte de conserve roulait sur le carrelage sale du couloir »(Dondog). La pre-mière page vous colle aux doigts comme un miel stupéfiant.Bardo
or not Bardone déroge pas à la règle :poules caquetaient« Les tranquillement derrière le grillage, lorsque le premier coup de feu retentit. » Voilà donc la première séquence de ce nouveau « roman », mot auquel il préfère parfois le terme de« narrat », ou de« romance », allusions aux récits et mensonges littéraires de ses narrateurs qui for-ment une caste d’hétéronymes pro-filés en abyme. Voilà des volailles dans l’hystérie, parce qu’un hom-me s’effondre sur leur grillage, cra-chant du sang, le ventre troué par une balle. Cet homme, appelé Kominform mais aussi Abram Schlumm, est un communiste révo-lutionnaire que les aléas de l’his-toire ont transformé en utopiste clandestin, poursuivi par un ex-agent du KGB repenti, au ser-vice de la Mafia (Volodine épingle sonlouche de militaire« aspect reconverti dans l’immobilier »), qui cherche à lui soutirer des rensei-gnements avant qu’il expire. Deux autres personnages assis-tent à son agonie : Maria Henkel, femme-oiseau, nue,peau« la recouverte d’une très fine couche de plumes argentées »et qui« se déplace avec une souplesse de dan-seuse ». Et Drumbog, un bonze du monastère du Lotus flamboyant, qui s’est échappé de la rituelle bénédiction des précieuses Cinq Huiles parfumées pour filer aux cabinets, torturé par une diarrhée consécutive à l’absorption des yaourts mongols maison. Tandis qu’« une petite brise d’été véhicule des sonneries de conques et les tintements des gongs », le bonze entreprend d’aider le mourant à « rencontrer la Claire Lumière », soit l’accompagner dans cette transmigration qui lui rendra moins angoissant le passage du trompe-l’œil (le réel n’est qu’illu-sions) aux extases (après la mort, plus de freins au toboggan des fic-tions). Il faudrait pour cela lui murmurer près de l’oreille le Bardo Thödol, ou Livre des morts tibétain. Mais Volodine est un fieffé far-ceur et ses créatures sont trou-blées par la chasse d’eau. A la suite d’un quiproquo, ce n’est pas le Bardoqu’on ramène dare-dare de la bibliothèque du monastère lamaïque proche, mais un manuel de cuisine sur l’art d’accommoder les animaux morts, puis (pour mourir de plaisir) une anthologie de phrases surréalistes. Komin-form expire en écoutant la brise des cadavres exquis. Suivent six autres histoires habi-tées par des êtres errant« dans le monde qui sert de passerelle entre la vie et la renaissance », et où Volodine s’amuse comme jamais avec les labyrinthes du monde flot-tant, l’union sexuelle des singes, la crainte du béribéri, un improbable meurtre dans un train chinois, un spectacle théâtral donné en pré-sence deobscurs et« coléoptères d’arbres mouillés »et nomméLe Bardo de la méduseà cause du
caractère gélatineux des voix qui le composent, des vannes contre les bureaucrates, un juke-box à repen-tirs et un insurgé remontant ses souvenirs« dans le sens du poêle ». Qui n’a pas encore lu Volodine ne sait rien de l’ivresse que procu-rent ses songes nécrophiles. Dans ses premiers romans réédités en un volume (1) suintent déjà ce goût d’explorer la« cervelle labou-rée par des ombres », de titiller la « somnolence de l’esprit », de plon-ger dans« le marécage incohérent des impressions d’enfance »et de démasquer les idéologies qui« cra-quent aux contours de[leurs]men-songes ». Rêveries psychiques que l’on retrouve chez cette poétesse qu’il a traduite, une« loutre gueu-se »qui lui inspira maintes figures féminines et qu’il croisa à Macao (2). Avec elle et lui, les fan-tômes vocifèrent.
(1)Biographie de Jorian Murgrave,Un navire de nulle part,Rituel du mépris, Des enfers fabuleux, Denoël, 786 p., 27¤. (2)Slogans, de Maria Soudaïeva, éd. de L’Olivier, 110 p., 15¤.
BARDO OR NOT BARDO d’Antoine Volodine. Seuil, « Fiction & Cie », 238 p., 18¤.
APARTÉ
Dépendance
LE MOT« roman » ne figure pas sur la couverture et c’est normal, puisqu’il s’agit d’un type d’ouvrage qu’on appelle-rait aujourd’hui autofiction. Seu-lement, quand sort le livre d’Edith Templeton,Gordon(1), en 1966, le terme n’est pas en-core d’un usage aussi répandu. Et c’est dissimulée sous un pseu-donyme que cet écrivain de lan-gue anglaise, née à Prague en 1916, a publié ce qui devait pro-voquer horreur et admiration. Interdit en Allemagne et en Angleterre, condamné sans appel pour son indécence et même son caractère pornogra-phique,Gordonévoque l’his-toire d’une relation sadomaso-chiste entre une jeune femme et un psychiatre écossais, dans le Londres de l’immédiat-après-guerre. Une histoire« vraie », comme tient à le préciser son auteur. Ce n’est pourtant pas l’érotisme (glacial), qui fascine le plus dansGordon, ni même l’extraordinaire étude sur la psy-chanalyse entreprise par le médecin auprès de sa victime consentante, mais la force de cette écriture avide et froide, qui semble chercher, à son tour, à placer le lecteur en situation de dépendance. Raphaëlle Rérolle
(1) Traduit de l’anglais par Marie-Hélène Sabard, éd. Robert Laf-font, 246 p., 19¤.
Philippe Forest
Sarinagara roman
"Il faut d'emblée mettreSarinagaraà l'écart. Le distinguer en raison de sa singularité. Le protéger tant sa matière est douloureuse, fragile, bouleversante." Patrick Kéchichian,Le Monde
Gallimard
II/LE MONDE/VENDREDI 24 SEPTEMBRE 2004
http://neveu01.chez.tiscali.fr/
ACTUALITÉS
« IL ESTdeux maîtres jurés de l’art de narrer », assurait Walter Benja-min : le paysan et le marin. Sans conteste, le Sénégalais Birago Diop relevait de la première lignée. Vétéri-naire de formation, conteur popu-laire par vocation, il avait beaucoup bourlingué. France, Soudan, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Tunisie… Mais il était toujours revenu à Dakar, indéfectiblement attaché à «son bio-tope ouest-africain »et à ses récits d’un autre âge. Léopold Senghor, rencontré à Paris, écrivait de lui qu’il« ressuscitait »et« rénovait » les contes de jadis,« avec un art qui, respectueux de la langue française, conservait toutes les vertus des lan-gues négro-africaines ». Decegrand-pèrefabuleux, Patrice Birago Neveu n’a guère le
Islande, de glace et de feu Dans le cadre de la quinzaine islandaise, une série de manifestations consacrées aux sagas, récits légendaires du Moyen Age scandinave, accompagnées d’une exposition de manuscrits islandais de la même époque (à la médiathèque Michel-Crépeau de La Rochelle). A Paris, la Maison des écrivains accueillera quatre auteurs islandais, présentés par Régis Boyer, pour une lecture d’extraits de leurs œuvres (le 4 octobre à 19 heures, 53, rue de Verneuil, 75007 ; rens. et rés. : 01-49-54-68-87). La Maison des cultures du monde abordera les nouveaux courants de la littérature islandaise au cours d’une table ronde (le 5 à 19 heures, 101, bd Raspail, 75006 ; rens. : 01-45-44-72-30).
01-34-48-00-10 omc.com).
souvenir. Elevé en France par son père, il n’a fait que« croiser »son aïeul, lors de vacances au Sénégal, entre 6 et 12 ans. En 1999, il décide de consacrer un site Internet à l’œu-vre de Birago Diop.« Pour entrete-nir la mémoire familiale », racon-te-t-il, et transmettre à tous dires et récits, selon l’essence même du conte :« Devant la difficulté à faire rééditer l’œuvre de mon grand-père, la famille a décidé de mettre en ligne le plus de textes possible. »Photos, archives sonores et vidéos sont venues enrichir l’ensemble. A l’inter-naute, ensuite, de construire son parcours. En introduction àFari l’ânesse, Birago Diop n’écrivait-il pas que« sortir de son propos – sou-vent à peine y être entré – pour mieux y revenir »est l’accoutumée du conteur ? Marie Bélœil
Chaque semaine, LeMonde.fr propose aux lecteurs du « Monde des livres » la visite d’un site Internet consacré à la littérature. Le griot de Dakar
AVEC
aPREMIÈRE SÉLECTION DU FEMINA… Le jury Femina a annoncé sa pre-mière sélection en vue du prix, qui sera décerné le 3 novembre.Pour les romans français:Folle, de Nelly Arcan (Seuil) ;Les Jours fragiles, de Philippe Besson (Julliard) ;Une fin, de René de Ceccatty (Seuil) ; La Robe bleue, de Michèle Desbordes (Verdier) ;Une vie française, de Jean-PaulDubois(LOlivier);La Hache et le Violon, d’Alain Fleischer (Seuil) ;Korsakov, d’Eric Fottorino (Gallimard) ;Le Soleil des Scorta, de Laurent Gaudé (Actes Sud) ;Un secret, de Philippe Grimbert (Gras-set) ;J’ai nom sans bruit, d’Isabelle Jarry (Stock); Matins bleus, de Jean-MarieLaclavetine(Gallimard);Grandir, de Gilles Leroy (Mercu-re de France) ;L’Œuvre des mers, d’Eugène Nicole (L’Olivier) ;La Mort de Don Juan, de Patrick Poivre d’Arvor (Albin Michel) ;Les Ames inachevées, de Mathieu Riboulet (Gallimard) ;Bicentenaire, de Lyo-nel Trouillot (Actes Sud) ;La Partition, d’Alain Veinstein (Grasset). Pour les romans étrangers :Histoire d’une vie, d’Aharon Appelfeld (L’Olivier) ;La Souris bleue, de Kate Atkinson (Editions de Fallois) ; Les Règles du consentement, d’Anita Brookner (Fayard) ;Les Jours de mon abandon;, d’Elena Ferrante (Gallimard) Espions, de Michael Frayn (Gallimard) ;électriqueLciMe-lehegnA, de Sarah Hall (Chris-tian Bourgois) ;Sang impur, de Hugo Hamilton (Phébus) ;L’Anneau de la clé, de Hella Haasse (Actes Sud); Le Vent qui siffle dans les grues, de Lidia Jorge (Métailié) ;Maîtresse, de Valérie Martin (Albin Michel) ;A la recherche du voile noir, de Rick Moody (L’Olivier) ;Je vous emmène, de Joyce Carol Oates (Stock) ;L’Ombre du vent, de Car-los Ruiz Zafon (Grasset) ;L’InviténawHkoSged,(guZY-no;ml)a Lila, Lila, de Martin Suter (Christian Bourgois).Prochaine sélection le 29 septembre.
AGENDA
FRANÇAISE
Chaque année, les principaux éditeurs de dictionnaires usuels effectuent le toilettage de leurs ouvrages our les cent ans du Petit vement employés par un groupe Chez Larousse, on a intronisé,identitaire à travers ce bien authenti-P Larousse illustré – le fameux social, sont entrés dans le langage entre autres,altermondialisation,que qu’est la langue ». PLI –, l’éditeur a joué la carte de M. Tout-le-Monde. Et ils écou-altermondialismeetaltermondia-Robert ayant opté pour la publi-du « beau livre » en confiant au tent leurs enfants… qui rapportentliste, et aussi labonnotte, cette cation de deux dictionnaires, Le couturier Christian Lacroix le soin des établissements scolaires, ou exquise pomme de terre de Noir- Petit Robert – dictionnaire de la lan-de le décorer. Si le pissenlit tradi- des terrains de sport, les nouveau- moutier. Et puis, encore,kiffergue française s’applique à suivre les, ou tionnel est toujours sur la couver- tés d’un parler « djeun’s » en perpé-kifer, verbe transitif, au sens directives de… Pierre Larousse. ture, la devise« Je sème à touttuel bouillonnement. apprécier », d’« aimer, Celui-ci avait « prendre en effet mis, en épigra-vent »Le nombre des occurrences ne – qui a dû séduire des généra- phe de son Nouveau Dictionnairedu plaisir »… tions de « hussards noirs de la de la langue française :« Un diction-République », d’enseignantsnaire sans exemples est un sque-convaincus que le savoir devait êtrelette. »Eh bien, le Petit Robert n’a LES EXPRESSIONS DU HARRAP’S partagé par tous – y serait cherchée rien d’une carcasse, et ses auteurs en vain… Nostalgie ! ont depuis longtemps su associer la La « star » des dictionnairesS’il se bornait à refléter les maux et les mots de la modernité –richesse, l’abondance des exemples usuels fête aussi ses cent ans par lafatigue syndro-« chronic state », « rogue damage », « collateral et des citations avec la précision des luxuriance des lettrines, où l’onme »… – leHarrap’s Shorter 2004serait triste à mourir. Ce qui rend cedéfinitions. La modernité est assu-retrouve, comme autrefois, les illus-cru savoureux, au contraire, c’est qu’il s’est enrichi d’un cahier derée, là aussi, par la mise à jour. Font trations de mots commençant par: « To be all mouth400 expressions idiomatiques. Connaissiez-vous leur entrée, notamment, au Petit chaque lettre. S’il devient pour sonand no trousers » (Etre une grande gueule) ? « To be too big for one’sRobert 2005 :accidentogène,com-centenaire quasiment un objetboots » (Avoir les chevilles qui enflent ?), ou « To have been left onmunautarisme,défèrement,proactif, d’art, le plus vendu des dictionnai-» (Etre en passe de devenir vieille fille) ? A ces images,the shelf multilatéralisme… etouin! res français n’en reste pas moins uns’ajoutent un florilège d’expressions intraduisibles telles que : « Fan-Hachette n’est pas en reste, et ouvrage indispensable, qui a l’in-kenstein food » (surnom donné aux aliments génétiquement modi-propose de son côté une édition contestable avantage éditorial d’of-fiés), ou « Duvet day » (jour de la couette ou jour de congé impromp-2005 actualisée, en se démarquant frir à ses lecteurs, en un seul volu-tu en Angleterre). Bonne nouvelle : « It does not cost an arm and atoujours par une présentation me, les noms communs et les nomsleg » (Il ne coûte pas les yeux de la tête) : 39,50¤pour 2 256 pages etalphabétique pratique regroupant propres.600 000 traductions. A bargain !les noms communs et les noms pro-A longueur d’année, les lexicolo- pres. Cet éditeur met l’accent sur gues et lexicographes dépouillent les définitions, sans sacrifier pour toute la presse, s’astreignent à écou- suffit pas à entraîner la lexicalisa- Du côté du Robert, on a joué la autant une riche illustration. ter les radios ou à regarder les émis- tion… Des termes pâtissent de la carte de l’étymologie pour le PetitJean-Pierre Colignon sions de télévision… Ils se transfor- concurrence de synonymes appa- Robert des noms propres : cette ment en « grandes oreilles » dans rus en même temps qu’eux ; année, 10 000 « rubriques de lan-ePetit Larousse illustré 2005, le métro, chez les commerçants, d’autres seront victimes du gue » – soit pour un mot sur qua-33,50¤; Petit Robert de la langue dans la rue, afin de capter les nou- « nez » aguerri des lexicographes, tre – viennent enrichir les articles.française, 58¤, et Petit Robert des veaux tics de langage, les accep- qui ne les « sentent pas », qui ne L’équipe de Josette Rey-Debove etnoms propres, 59¤(en grand for-tions qui évoluent ; pour noter les les voient pas faire une longue d’Alain Rey rappelle que l’étymolo-mat : 68¤chacun) ; Dictionnaire termes d’argot qui, naguère exclusi- carrière… gie nous aide« dans notre quêteHachette 2005, 17,90¤.
aLES 24 ET 25 SEPTEMBRE. EDWARD SAID. A Paris,les universités Paris-VII - Denis-Diderot et Columbia organisent, avec le soutien de la BNF et de France Culture, un collo-que consacré à Edward Said (inscrip-tion et programme : www.dide-rotp7.jussieu.fr).
LITTÉRAIRE
aDU 24 AU 26 SEPTEMBRE. PROTES-er TANT. A Paris,le 1 Salon du livre protestant s’articulera autour de cinq débats et quatre tables rondes. Noëlle Châtelet en sera l’invitée d’honneur ; Alain Boyer, Jean Bau-bérot, Henri Meschonnic, Alain Houziaux et Paul Ricœur en seront les principaux intervenants (le 24 à
aLE 28 SEPTEMBRE. PORTAL. A Paris, le Centre culturel canadien reçoit Louise Portal pour débattre de son dernier roman,L’Actrice(Hurtubis HMH), (à 20 h 30, 5, rue de Constan-tine, 75007 ; réservation. : 01-44-43-24-91).
www.auvers
aLE 29 SEPTEMBRE. SAGAN. A Cham-béry,soirée de l’association ŒIL, autour de l’œuvre de Françoise Sagan avec Patrick Longuet (à 19 heures, 27, rue Marcoz ; rens. : 04-79-26-13-25).
ou
(1)Les Dictionnaires de langue française, « Que sais-o je ? » n 3622, (2002), 7,50¤. (2) Larousse 20¤. (3) Albin Michel (1998), 27,44¤.
jours rigoureuses, il va de soi ; la disparition des termes liés à la France rurale ; la dimen-sion ludique et artistique des vignettes, des lettrines, des planches d’illustrations et des cartes, toutes équitablement réparties ; les célèbres « pages roses » des locutions latines et grecques, des proverbes, etc. Organisateur depuis 1994 d’une Journée des dictionnaires réunissant, dans l’amphithéâ-trePierre-LaroussedeluniversitédeCergy-Pontoise lexicologues allègres et lecteurs enjoués, Jean Pruvost n’omet pas de rendre hommage à l’instituteur et directeur d’école de Toucy (Yonne) qui décida de se consacrer à la lexicographie et à la transmission du savoir à tous. J.-P. C.
2 tomes de 1 850 pages aux éditions Rive droite) (à 9 heures à l’hôtel des Sociétés savantes, 190, rue Beauvoi-sine, 76000).
aDU 23 AU 25 SEPTEMBRE. DESSINS. A Paris,L’Art à laà la galerie-agence page, exposition-vente exception-nelle de dessins originaux d’Elzbie-ta : « Variations sur trente cha-meaux » (de 15 heures à 21 heures le 23, et de 15 heures à 20 heures les 24 et 25 ; 8, rue Amelot, 75011 ; rens. : 01-43-57-84-95 ou www.arta-lapage.com).
aLE 25 SEPTEMBRE. MAUPASSANT. A Rouen (76),Journée Maupassant proposée par l’association Les Amis de Flaubert et de Maupassant, avec six conférences, dont celle de Gérard Delaisement, « Pourquoi il faut lire les chroniques », éditeur desChroniques(252 chroniques en
mis
jour…
à
les
SI UN ATLASest un « jeu de cartes » –jeu devant être pris, naturellement, au sens de « série complète d’objets de même nature » –, alors un dictionnaire est un… « jeu de mots ». C’est d’ailleurs avec l’attirance que l’on éprou-ve pour les jeux, étant enfant, voire plus âgé, que les passionnés de la langue française se plongent dans les pages des « dicos ». Jean Pruvost, professeur de linguistique à luniversitédeCergy-Pontoise,estunlexico-phileinvétérénepossède-t-ilpas,personnel-lement, 10 000 dictionnaires ! ? –, ce qui en fait aussi et surtout un irrécupérable lexico-phage, puisque le contenu l’intéresse plus que l’objet. Dirigeant, au CNRS, d’un laboratoire (Métadif) dédié au lexique et aux dictionnai-res,ilestlauteurdun«Quesais-je?»consa-cré à ces savants ouvrages (1) et, tout récem-ment, d’une étude très fouillée sur un vigou-reux centenaire de l’édition,Le Petit Larousse illustré(«PLI»):LaDent-de-lion,laSemeuseet le Petit Larousse(2).
La semeuse, c’est, bien sûr, la jeune femme qui, sur la couverture du« PLI », souffle depuis 1905surunedent-de-lionunpissenlit,autre-ment dit ! – afin de « semer à tout vent » les graines du savoir. Expert ès dictionnaires, lexi-ques, glossaires, et autres lexicons, gradus, onomasticons, thesaurus, panlexiques, etc., Jean Pruvost épluche avec jubilation le conte-nu et la présentation duPetit Larousse illustré, de la première édition (1905) à la dernière parue, celle de l’été 2004 (datée 2005). Le Petit Larousse illustré a reçu la consécra-tion suprême : son nom propre a été banalisé – cela est dû à son succès, évidemment – et est employé couramment au sens de « diction-naire ». Indissociable de l’« exception culturel-le française », il figure au nombre des objets recensés dans leGrand Inventaire du génie français, de Jérôme Duhamel (3). Rien ne semble échapper à l’auteur : l’évolu-tion des définitions, beaucoup moins traditio-nalistes et compassées qu’autrefois, mais tou-
aET DU RENAUDOT…Le jury Renaudot a rendu publique sa première sélection en vue du prix qui sera attribué le 8 novembre.Pour les romans :Une fin, de René de Ceccatty (Seuil) ;La Dernière Leçon, de Noëlle Chatelet (Seuil) ;Le Nez sur la vitre, d’Abdelkader Djemaï (Seuil) ;Une vie françaiseviei)r;ed,naeJau-PublDs(oiOlLKorsakov, d’Eric Fottorino (Gallimard) ;Bartabas, roman, de Jérôme Garcin (Gal-limard) ;La Nuit des calligraphes, de Yasmine Ghata (Fayard) ;J’ai nom sans bruit, d’Isabelle Jarry (Stock) ;Matins bleusei,deJean-Mar Laclavetine (Gallimard) ;Les Menteurs, de Marc Lambron (Grasset) ; Les Revenants de midiMan-eaeJnaageMrid,);erLen(chRoVéréna et les hommes, d’Hugo Marsan (Mercure de France) ;La Reine du silence, de Marie Nimier (Gallimard) ;Dans la marche du temps, de Daniel Rondeau (Grasset) ;Poétique de l’égorgeur, de Philippe Ségur (Buchet-Chastel) ;La Partition, d’Alain Veinstein (Grasset).Pour les essais : Valise diplomatiqueReL(cnal;)rehcod,rre-ePiesdeBLouiMadame ProustEvd,lenyBeolhcD-na(oGrasset);Un homme à la mer, d’Olivier Frébourg (Mercure de France) ;Mosaïque du feu, d’Olivier Germain-Thomas (Le Rocher) ;A la rencontre des disparus, de Mathurin Maugar-lonne (Grasset) ;Yogurt et yoga, de Gabriel Matzneff (La Table ronde). Prochaine sélection le 8 octobre.
savoir
18 heures et, à 11 heures, les 25 et 26 au cloître des Billettes, 22, rue des Archives, 75004).
LE
NET
Larousse
Petit
100
ans
Jean
Pruvost
conte
avec
délice
aLE 29 SEPTEMBRE. PRIGENT/ VERHEGGEN. A Auvers-sur-Oise (95), soirée littéraire autour des lectures de poésie de, et par, Christian Pri-gent et Jean-Pierre Verheggen (à 20 h 30, au Café de la paix, 11, rue du Général-de-Gaulle ; rens. :
aLE 25 SEPTEMBRE. JOYCE. A Lyon,à la bibliothèque de La Part-Dieu, Michèle Rivoire et Francis Marman-de débattront autour d’«Ulysse, comment lire ce livre aussi célèbre que réputé illisible ? ». Avec Jac-ques Aubert, Pascal Bataillard, Patrick Drevet et Bernard Hoepf-fner (à 15 heures, 30, bd Vivier-Mer-le, 69003 ; rens. : 04-78-62-19-41).
aPER-LE 25 SEPTEMBRE. SAINT-JOHN SE. A Paris,à la Sorbonne, homma-ge à Saint-John Perse avec Edouard Glissant, Pierre Oster, Patrick Cha-moiseau, Kenneth White, Claude Vigée, Fortuné Chalumeau, Jean Guillou et Pierre Brunel (à 9 heures, à l’auditorium des cours de civilisa-tion française, 16 bis, rue de l’Estra-pade, 75005).
L’ÉDITION
aJULIA KRISTEVA DISTINGUÉE PAR LE PRIX HOLBERG.Décerné pour la première fois en Norvège, le prix Holberg, qui récompense des tra-vaux en sciences humaines, en sciences sociales, en droit ou en théo-logie, a été décerné, mercredi 15 septembre à Oslo, à Julia Kristeva. Par ce prix (doté de 4,5 millions de couronnes norvégiennes, soit plus de 536 000¤– créée en 2003 sur), la Fondation Ludvig-Holberg décision du Parlement norvégien pour revaloriser les sciences humaines et sociales – récompense l’écrivain et psychanalyste pour « ses travaux novateurs consacrés à des problématiques qui se situent au croisement entre langage, culture et littérature ». Jan Fridthjof, pré-sident de la fondation, a souligné aussi que,« grâce à son profil large-ment pluridisciplinaire et à son étude approfondie des aspects fonda-mentaux de la communication et des échanges entre les hommes, Julia Kristeva a dépassé les limites traditionnelles entre les disciplines scienti-fiques ».
aNOUVEAU CONFLIT JUDICIAIRE AUTOUR D’ARTAUD. Au moment où paraît une édition des œuvres d’Antonin Artaud en « Quarto », qui semble mettre un terme au conflit entre Gallimard et le neveu de l’écri-vain, Serge Malausséna(lire page V), ce dernier intente un procès à la revuek-ParanuL, que dirige Marc Dachy, pour avoir publié un texte, en janvier 2003, sans autorisation (après deux autres publications d’inédits, en 1979 et 1985). Il demande notamment 20 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte au droit patrimonial, estimant que« le fait que le texte “Le corps humain” aurait été fourni à l’associa-me tionLuna-ParketàM.MarcDachyparMPauleThéveninnesaurait constitueruneautorisationdepublicationpuisquecelle-ci,quisest livrée à une transcription bien souvent très hasardeuse et aléatoire des cahiers d’Antonin Artaud, ne détenait aucun droit de propriété intellec-tuellesurlœuvredecelui-ci». Marc Dachy, qui avait fourni il y a plus d’un an des explications sur cette publication à Serge Malausséna, s’étonne de la coïncidence entre cette assignation en justice et la sor-tie du « Quarto ». Il fait en outre remarquer que les textes parus dans Luna-Parksont repris dans ce volume, sans mention – sauf pour l’un d’eux – de la parution dans la revue et sans que la question de leur authenticité – l’un des arguments avancés par Serge Malausséna – « semble désormais se poser ».
Le
du
fondamental
Une
LITTÉRATURES
héroïne
entre
deux
mondes
LE MONDE/VENDREDI 24 SEPTEMBRE 2004/III
De père bangladais et de mère anglaise, la romancière Monica Ali a trouvé refuge, avec sa famille, en Angleterre, en 1971, fuyant le conflit indo-pakistanais. Imprégnée d’une double culture, elle met en scène, dans une saga brillante, une femme confrontée à son destin et à ses propres choix
RENCONTRE
SEPT MERS ET TREIZE RIVIÈRES (Brick Lane) de Monica Ali. Traduit de l’anglais par Isabelle Maillet, Belfond, 468 p., 20,60¤. rick Lane, ça sonnait bien, non ? Dommage que les Fran-titBre. »Dans sa maison de Dulwich, çais n’aient pas conservé mon au sud-est de Londres, Monica Ali découvre la traduction française de ce qui fut l’un des événements litté-raires de 2003, au Royaume-Uni. A l’époque, cette jeune femme de 35 ans n’est pas encore publiée, mais son nom a déjà circulé par-tout. Sous forme de manuscrit, son premier roman,Brick Lane, lui a valu – fait rarissime – d’être sélec-tionnée par la revueGrantaparmi les meilleurs écrivains britanniques de la décennie. Bientôt,Brick Lanesera finaliste du Man Booker Prize, lauréat de nombreux prix et traduit dans une quinzaine de langues. Quant à Moni-ca Ali, on la salue comme« la nou-velle Zadie Smith », cette jeune Anglo-Jamaïcaine qui fit sensation, en 2000, avec son étonnantSourires de loup(Gallimard, 2001). Un an plus tard, le succès n’a rien changé aux habitudes de Monica Ali qui reçoit sur sa table de cuisine, au milieu des dessins de ses deux enfants. Oui, elle aurait préféré gar-der ce titre,Brick Lane, le nom
d’une rue de l’East End, en plein cœur de ce que les Londoniens appellent « Banglatown » – la rue où l’on sert les meilleurslassi(bois-son au lait caillé) de toute l’Angle-terre, et où les « Memsahib » (les Européennes) viennent acheter leur raïta pour leurs dîners exotiques. Car Brick Lane est comme le cœur battant de son roman :« Aujour-d’hui, c’est devenu un endroit bran-ché avec des boutiques à la mode, mais si vous faites quelques pas, vous découvrirez, une population qui, elle, n’a pas changé. C’est vraimentA Tale of Two Cities», note Monica Ali, en clin d’œil à Dickens.
«   ’ » C’est justement dans les coulisses de Banglatown que nous entraîne la romancière. Une réalité qu’elle a elle-même découverte sur le tard. Née en 1967 à Dacca, dans l’an-cienne province du Pakistan orien-tal, Monica Ali a 4 ans lorsqu’en pleine guerre – celle qui opposa, en 1971, l’Inde et le Pakistan à propos de la répression de la révolte au Ben-gale – elle trouve refuge en Angle-terre avec sa famille. Son père est bangladais, sa mère anglaise. Elle grandit à Bolton, dans les Midlands, où son père travaille dans une usine sidérurgique.« Parce que la commu-nauté bangladaise y était peu nom-breuse et que j’avais une mère britan-nique, je me suis trouvée en position d’outsider,se souvient-elle.Je n’étais ni d’un bord ni de l’autre. J’observais. Une situation idéale pour qui veut devenir écrivain. » A l’époque, Monica Ali est une lec-trice infatigable. A 13 ans, elle a lu
Monica Ali
tout Jane Austen. Brillante, elle entre à Oxford pour étudier la philo-sophie et les sciences politiques. En réalité, venant,« non pas d’Ox-bridge, mais d’un milieu ouvrier », elle s’applique surtout, dira-t-elle, à paraître« aussi sophistiquée et sûre d’[elle]que[s]es camarades ». Quel-ques années plus tard, elle renoue avec ses racines, enquête sur les émeutes des jeunes « Paki » à Old-ham et Bradford en 2001, entame
des recherches sur les Bangladaises ouvrières du textile à Londres et à Dacca, puis se lance dans l’écriture. Le résultat : cette saga où l’on suit les pérégrinations de Nazneen, une petite fille laissée pour morte à la naissance, mais que l’on retrouve ensuite à Londres, mariée à Chanu, un gros homme ennuyeux qui pour-rait être son père et ne lui laisse guère de choix hors de la soumis-sion dans les tâches ancillaires. Peu
à peu, Nazneen va prendre en main son destin. Tout le roman oscille entre deux pôles, la prédestination et le libre-arbitre. D’un côté, un bébé considéré comme mort-né mais qui va vivre« parce que le Des-tin en a décidé ainsi ». De l’autre, une femme qui prend le contrôle de sa vie et découvre que « dire non » ne mène pas nécessairement à la catastrophe. Il fallait de l’audace pour s’attaquer aux thèmes ances-
EXTRAIT
« Chanu s’appuya contre le placard. Il n’avait pas baissé sa capuche ni enlevé ses gants. Il croisa ses bras, qui se retrouvèrent ainsi calés sur l’étagère formée par son ventre. Nazneen percevait son souffle (…). Tout son être se hérissait sous l’effet d’une sensation plus physique que la haine – le genre de sensation qu’el-le éprouvait autrefois quand elle allait nager dans l’étang et en ressortait avec une sangsue collée à la jambe ou sur le ventre. » (p. 58)
traux du hasard et de la nécessité. Monica Ali s’en tire avec brio. D’abord parce qu’elle les traite avec une fraîcheur, un sens de l’observa-tion et un humour qui font mouche. Ensuite parce qu’elle connaît ces questions de l’intérieur.« Fille d’im-migré arrivée à Oxford à force de volonté, j’ai longtemps pensé que je maîtrisais tous les paramètres, confie-t-elle.Mais plus j’y pense, plus cette conviction s’érode, et plus ces questions me taraudent. » La suite ? Hormis un recueil de nouvelles sur Calcutta pour le comp-te de l’Unicef, la jeune femme affir-me qu’elle n’a aucun vrai projet en cours. En la quittant, on a pourtant une intuition : Monica Ali ne ressem-ble guère à l’auteur d’un seul livre. Florence Noiville
Aux sources de l’aventure, l’écriture Un roman d’apprentissage de l’Argentin Pablo de Santis, où la calligraphie, art voué à l’obsolescence, se fait arme de combat
LE CALLIGRAPHE DE VOLTAIRE (El caligrafo de Voltaire) de Pablo de Santis. Traduit de l’espagnol (Argentine) par René Solis, Métailié, 180 p., 16¤. u soir de sa vie, échoué dans un port A d’Amérique latine où il transcrit des arrêts de justice, rattrapé par la pro-fession qui l’a chassé d’une Europe où les diatribes et les imprécations balaient l’écrit, plaideur aphone dans le nouveau concert des nations, Dalessius se souvient d’avoir été le calligraphe de Voltaire. Son agent secret, en mission à Toulouse pour enquê-ter sur l’affaire Calas, puis à Paris où s’our-
dissent les cabales visant à ruiner l’influence des Encyclopédistes. Ses confidences conju-guent la science d’une énigme à élucider, argument romanesque pour plaider la liberté de l’esprit, à la façon duNom de la rose, et le souffle de l’aventure, aux frontiè-res du fantastique, puisque, dans ce roman d’apprentissage, on voyage en corbillard, on égorge des automates ou on compose des messages sur la peau nue des femmes. On y rencontre encore un évêque pro-grammé en machine de guerre grâce à des fiches perforées comme on décapite les bourreaux… Le jeune héros s’égare-t-il, happé par tant de situations improbables, qu’on le rassure placidement :« un détour sur le chemin est aussi un chemin ». Diderot
Ames
LA TRANSMIGRATION DES ÂMES (The Migration of Ghosts) de Pauline Melville. Traduit de l’anglais (Guyana) par Christian Surber, éd. Zoé, 272 p., 19¤. En librairie le 27 septembre. es nouvelles de ce recueil, avant de séduire et, pour cer-L taines, d’enthousiasmer le lecteur, frappent par la diversité des cadres et des thèmes ainsi que par la modulation des tons et des rythmes employés : on en ressent une impression de surabondance des dons, de générosité bouillon-nante de l’inspiration. Riche de ses origines – en Guya-na – et de son expérience profes-sionnelle – à Londres –, curieuse de la vie, appuyée sur des intui-tions pénétrantes et sûre de son talent, Pauline Melville explore tout ce qui l’intéresse, tout ce qui l’amuse… et tout ce qui la blesse. Le thème principal, s’il est besoin d’en préciser un, est que les esprits de la forêt descendent où ils veu-lent, sur qui ils veulent. Les âmes vont et viennent à leur guise. La latitude n’a rien à voir avec cette transmigration du titre : leduendequi envahit soudain la danseuse andalouse et lui inspire le plus subtiltaconeoest cousin de celui qui châtie les pollueurs de
en
liberté
fleuves,là-bas,surlesbergesde l’Essequibo. On se trouverait donc entre spiritisme et spiritualité si la vie matérielle, quotidienne – le réel en somme –, n’était elle aussi prise en compte, avec quelques constantes comme l’amour, l’ami-tié, la politique et, plus gravement, le Mal. D’ailleurs, la métaphysique première, ici plus indienne qu’afri-caine, ne sert pas dans ces textes troublants à ébaubir le lecteur, mais à souligner, sans pesanteur didactique, l’universalité du surna-turel et les limites de la raison.
  La ville de Prague elle-même, chef-dœuvrederaffinementcivi-lisé, peut dans certaines circons-tances ressembler à l’œuf de pier-re où les dieux ont jadis emprison-né la nuit ; c’est ce que découvre un couple mixte, lui anglais, elle amérindienne, qui se repose de l’Equateur à l’ombre de Kafka. L’histoire du perroquet de Descar-tes, drôle et savante à la fois, exprime élégamment la stupéfac-tion narquoise d’un Amazonien devant les élucubrations du ratio-naliste : c’est une des clés dont on peut user pour saisir le propos de l’auteur. L’humour, souvent présent dans ces nouvelles, en est une autre, et c’est d’ailleurs l’un des moyens par lesquels Pauline Mel-
plutôt qu’Eco, donc. D’autant que ce servi-teur des livres éprouve vite la vanité de sa foi. Trouve-t-il dans la bibliothèque du fils Calas de sûrs indices de son suicide, que le soldat en faction ruine son enthousiasme : « Les livres n’ont jamais sauvé personne. » Pas de secours à attendre de l’imprimeur parisien Hesdin :« Notre métier nous habi-tue à tout lire à l’envers. C’est seulement lors-que les livres provoquent le scandale et par-tent au bûcher que nous autres, imprimeurs, nous nous rendons compte de ce que nous avons publié.(…)On ne lit jamais mieux un livre qu’à la lueur des flammes. » Bravement Dalessius s’efforce toutefois de remplir sa mission, s’aguerrissant, plume et encrier en main. Calas agonise-t-il, les
ville parvient à se distancier sans effort des conteurs de village, par-fois abusivement érigés en roman-ciers, qui se bornent à exploiter un fonds de commerce d’assom-mantes croyances. L’engagement politique de cet écrivain, la vivacité féroce avec laquelle elle dénonce les saccages des puissants renforcent cette ori-ginalité : par la simple mise en scène de son entrée dans un dîner de gala, l’épouse d’un PDG dé-nonce toutes les turpitudes de son mari et de ses collègues. Le para-normal n’est pas, on le voit, un leit-motiv omniprésent. On n’en trou-ve pas trace dans les dialogues enjoués et cruels, très britanni-ques, de deux buveurs invétérés ni dans le portrait d’une abondante Antillaise qui défile dans un carna-vallondonien:cesmorceaux-là sont des instants de délassement tonique, mais proches du réel com-me l’est le désarroi d’un vieux mime dont une journaliste déchif-fre la grimace ou, sur le mode tra-gique, la narration effrayante des progrès d’un cancer, liée littéraire-ment à certain passage de Dante : unpetitchef-dœuvredesensibi-lité et de compassion. Déjà primée et couronnée à Lon-dres, l’auteur n’est pas une débu-tante, elle devrait se tailler un joli succès chez les francophones. Jean Soublin
membres rompus ?« Ma calligraphie, bien que toujours pressée, devenait de plus en plus parfaite, comme si j’eusse voulu me tenir à distance du martyr en me réfugiant dans la sereine élaboration des lettres. » Dans un monde de complots où chacun redoute de ne savoir parer les coups, le calli-graphe est au combat. Visite-t-il le jardin des dominicains où abondent poisons et épi-nes, qu’il y apprend que« tout ce qui nous sert pour écrire sert aussi pour tuer ». A ce jeu-là, son art promis à l’obsolescen-ce – il le tient de son ami le bourreau Kolm, méditant sur la machine qui va ruiner son art, première guillotine :« On nous oubliera, comme les calligraphes »– le range du côté de l’ennemi, à en croire l’abbé Mazy, irré-
ductible ennemi de Voltaire contemplant le travail d’un maître calligraphe halluciné (« la concentration est une forme de priè-re ») :« Nos ennemis possèdent l’Encyclopé-die et la volonté de tirer au clair toute chose ; nous autres possédons la calligraphie et notre devoir est de convertir le monde en énigme. » Lui reste la conscience d’une grâce qui justi-fie de ne jamais désarmer :« Le meilleur cal-ligraphe n’est pas celui qui ne se trompe jamais, mais celui dont les ratures conservent un peu de sens et un reste de beauté. » Philippe-Jean Catinchi
eSignalons la reprise en poche roman traduit de Santis,La (Métailié, « Suites », 154 p., 8¤).
du premier Traduction
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