Deedescirscirsneescurbisper,iamiedaieulqc,isavnétuibptaéielmsa7,e0.0nLa2 est la réplique du krach Internet de 2000 qui avait marquéla fin de la«nouvelleéconomie».Àl’époque, nombreuxétaient ceux qui avaient mis un grand espoir dans le développement simultanédes nouvelles technologies et des marchés finan-ciers. Les hérauts de cette nouvelleéconomie y voyaient alors les prémices d’un capitalisme vertueux, porteur de progrès durables pour l’ensemble de l’humanité. Grâce aux gains de productivitéprocurés par les nouvelles technologies,àl’éradi-cation de l’inflation,àl’entrée en scène des grands paysémer-gents avec leurs centaines de millions de nouveaux consommateurs, l’économie mondialeétait promiseàune expansion continue et infinie, sans soubresauts majeurs. Cette vision optimiste s’est révélée une belle illusion. S’il est vrai que le capitalisme a connu de profondes mutations, ces dernières n’ont pas apportétous les bienfaits escomptés. Loin de là! La série de crises qui ont secouéla plupart des pays de la planète depuis la fin duXXesiècle, dont la crise dessubprimeest la der-nière en date, en témoigne. Faceàcetéchec des analyses les plus répandues, une nou-velle interprétation du fonctionnement du capitalisme contemporain, et en particulier du rôle de la finance et des nouvelles technologies, s’imposait.
Le savoir et la finance Ce livre part du constat que le capitalisme contemporain repose sur deux piliers : la connaissance qui estàl’origine des nouvelles technologies, et la finance moderne qui contribueàla séfinancement des innovations. Mais, loin dlection et au ’être univoques et vertueuses, les relations entre finance et connais-sance sont en réalité équivoques et complexes. Ainsi, la Bourse et les droits de propriétéintellectuelle répondent aux besoins du capitalisme moderne fondésur l’exploitation de la connaissance, tout en exerçant des effets destructeurs sur celui-ci. Les récents développements de la crise dessubprimeillustrent bien les rap-ports ambivalents qu’entretiennent la finance et la connais-sance dans le capitalisme contemporain. Dans le secteur des biotechnologies, qui constitue l’un des secteurs clés de cette nou-velleéconomie de la connaissance, les entreprises doivent lever de l’argent tous les deux ou trois ans et ne peuvent espérer dif-fuser un médicament avant dix ans de recherche. La finance a permis de lancer ces innovations durant les années 2000 grâceà l’augmentation du nombre de sociétés cotées en Bourse. Mais, depuis la crise dessubprime, le secteur des biotechnologies est mis en péril par les dérèglements de la finance. En France, les levées de capitaux en Bourse ont chuté% entre 2007 et 2009 etde 98 les investissements dans les biotechnologies, de 79 %. Par ail-leurs, les investissements en capital-risque dans des sociétés non cotées ont baisséde 27 %. Plus inquiétant encore, ce sont les start-up, porteuses des projets innovants de demain, qui sont le plus frappées par la crise financière1. L’émergence de cette nouvelleéconomie fondée sur la connaissance est liéeàdeux phénomènes qui s’inscrivent dans uneévolution de long terme : d’une part, la tendance sécu-laireàl’augmentation des ressources consacréesàl’accumula-tion de capital immatériel2, en particulier dans le domaine des connaissances (éducation, formation, recherche et 1 Jérôme PORIER,«Fragilisées par la crise, de nombreuses sociétés de biotechnologie sont menacées»,Le Monde, 7 avril 2009. 2 Le capital immatériel comprend l’ensemble des actifs immatériels accumulables dans l’serieptren.
Introduction développement [R&D]) ; d’autre part, la diffusion massive des nouvelles technologies de l’information et de la communica-tion (TIC), depuis les trois dernières décennies,àl’origine d’une troisième révolution industrielle3. Dès 1973, le stock de capital immatériel aurait atteint auxÉtats-Unis la valeur du stock de capital physique. Depuis lors, l’investissement imma-tériel dépasse largement l’investissement physique, comme en témoignent plusieursétudes historiques4. Les conditions mêmes de la production seraient ainsi transformées radicale-ment par la combinaisonétroite des connaissances et de leurs nouveaux modes de production et de transmissionviales TIC.
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Des formes complexes de division du travail Sur les deux piliers du capitalisme contemporain –le savoir et la finance–plane une sorte d’illusion commune aux analyses de la plupart deséconomistes et des journalistes : l’idéque les TIC permettraient de supprimer les frontie ères et donc de mettre en contact l’ensemble des producteurs mon-diaux, de les mettreégalement en concurrence pour le plus grand bien-être des consommateurs. La décentralisation et la déterritorialisation généralisées de la production en seraient alors les conséquences ultimes. Or la réalitéest tout autre : polarisation accrue des activités, margi-nalisation des régions périphériques, déconnexion des anciens pays coloniaux de la mondialisation, inégalités sans précédent des rémunérations entre qualifiés et non-qualifiés, etc.
3 C’est la conception que défend par exemple Dominique FORAY, l’un des spécialistes français de l’économie de la connaissance. Voir en particulierL’Économie de la connais-sance, La Découverte, coll.«Repères», nº302, Paris, 2000, p. 18. Voir aussi COMMISSARIAT GÉNÉRAL DUPLAN,La France dans l’économie du savoir. Pour une dynamique collective, La Docu-mentation française, Paris, 2002. 4 Moses ABRAMOVITZet Paul DAVID,«Technological Change and the Rise of Intangible Invest-ments : the US Economys’s Growth-path in the Twentieth Century»,Employment and Growth in the Knowledge-based Economy, OCDE, 1996 ; John W. KNERDCIK,«Total Capital and Economic Growth», Atlantic Economic Journal, vol. 22, nº1, 1994, p. 1-8.
Le savoir et la finance La grille de lecture que nous proposons essaie de dépasser ces apparences trompeuses pour s’intéresseràla manière dont évoluent les logiques de division du travail, entre les travail-leursàl’intédes entreprises, mais aussi entre les entre-rieur prisesàl’échelle planétaire. Deux modèles de division du travail coexistent dans l’éco-nomie capitaliste actuelle : la division cognitive et la tradition-nelle division taylorienne. Le premier, sélectif, se fonde sur des bases d’excellence technologique ou, plus généralement, cognitive. Des mécanismes de concurrence féroce se dévelop-pent entre les entreprises et les pays qui participentàla divi-sion internationale du travail. Le second modèle correspond au principe taylorien de découpage des tâches et de dépossession des savoirs des ouvriers. Ce nouveau taylorisme a justementété réactivéet rendu compétitif grâce aux nouvelles TIC et aux progrès dans les transports et la logistique. Facteur aggravant, sous l’effet de la diffusion des TIC et de la libéralisation orga-nisée dans le cadre de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) par l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), les activités de services, longtemps restéesàl’abri de ce mouvement, sont de plus en plus concernées par les déloca-lisations (centres d’appel, services informatiques, centres de R&D). Les firmes combinent donc ces deux logiques de division du travail–l’organisation cognitive et le taylorisme–pour obtenir plus d’efficacitéet accroître leurs rendements. La plu-part des grands groupes mondiaux concentrent leurs compé-tences sur la R&D, la conception et le marketing, tout en mettant enœuvre une division taylorienne du travailà l’échelle mondiale pour les segments de production standardi-sables et facilement délocalisables.
Introduction La finance au cœur de l’économie du savoir Le rôle de la finance est fondamental pour expli-quer la dualitéplutôt que l’unicitédes modèles productifs post-industriels. Ainsi la finance contribue-t-elleàfavoriser età rendre compatibles ces deux logiques de division du travail. D’un côté, les systèmes financiers contemporains permettent de valoriser, de mettre enœuvre et de financer l’économie de la connaissance. Mais de l’autre, du fait de leurs exigences en matière de rendementàcourt terme, les acteurs financiers poussent les firmesàs’organiser de manière finalement très tra-ditionnelle, dans la continuitédu taylorisme. La finance permet de rentabiliser des investissements en R&D incertains. Simultanément, son exigence de rentabilité incite les firmesàfragmenter la chaîne de valeur des entre-prisesàl’échelle mondiale, pour obtenir les coûts de main-d’œuvre les plus bas, puisàrassembler les différents fragments de la production grâce aux TIC. Ces technologies sont donc au serviceàla fois des formes nouvelles d’organisation du travail et des logiques tayloriennes plus anciennes. Ainsi, la finance joue un rôle clédans le processus d’hybridation des logiques tayloriennes et cognitives d’organisation de la production et de division du travail. Certains auteurs ont une vision très négative de la finance, estimant que la financiarisation contribueàl’effondrement du capitalisme ou du moinsàune perversion accrue, comme semble le suggérer la crise financière qui a débutéen 2007. D’autres se sont faits les hérauts d’une vision très optimiste, estimant que la finance doit permettre de développer de nou-velles technologies, de stimuler une croissance beaucoup plus rapide, comme ce fut le cas dans la phase de la«nouvelleéco-nomie»de la seconde moitiédes années 1990. En réalité, la finance moderne est ambivalente. D’un côté, elle joue un rôle central dans l’économie de la connaissance en apportant des réponses au triple problème de l’évaluation des actifs et des entreprises, de l’appropriation de
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Le savoir et la finance la richesse produite et de la gestion des risques posés par les connaissances et le savoir. Mais, d’un autre côté, le fonctionnement du capitalisme financier recèle de profondes contradictions. La Bourse est sujetteàl’instabilité, du fait des comportements grégaires, mimétiques et court-termistes de ses acteurs. De plus, les entre-prises qui veulent accumuler du savoir pour se développer, et pourêtre plus performantes, doivent s’inscrire dans un horizon long alors que les financiers, en quête du maximum de liqui-ditéont de bien plus courtes vues. Cette contradiction entre, les horizons des uns et des autres est un facteur d’instabilité financière. Le krach Internet du début des années 2000 s’explique ainsi par le retournement brutal des anticipations des investisseurs, déçus par des perspectives insuffisantes de profitàterme dans le secteur des nouvelles techno-court logies. Quantàla récente crise dite des«subprime», elle pro-vient en partie des risques excessifs pris par des banques avides de profits rapides. Seconde contradiction du système : loin d’être capable d’irriguer l’ensemble des pays et des acteurs, la finance ren-force les inégalités et induit des phénomènes de polarisation. Ce système fait la part belle aux détenteurs du capital finan-cier, et aboutitàun partage des richesses défavorable au travail. Ce qui a des conséquences néfastes sur la croissance, puisque la principale composante de la demande, celle des ménages, est rendue moins dynamique du fait d’une progression du pou-voir d’achat des salaires inférieure aux gains de productivitédu travail. Le surendettement des ménages, au centre de la crise dessubprime, est lié àcette insuffisance des revenus salariaux. Au niveau international, la finance se localise en prioritédans les pays les plus riches, ignorant un grand nombre de pays en développement dont le potentiel est pourtant important.