«Je veux passer inaperçue»
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«Je veux passer inaperçue»

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Langue Français

Extrait

20
La Suisse et le monde 3/2003
Je viens d’une famille pauvre de Ré-
publique dominicaine. Nous vivions
à la campagne où nous ne pouvions
suivre que les deux premières années
scolaires. Ensuite, il fallait aller en ville, ce
qui était trop cher pour nous. J’ai appris à
lire et à écrire. En tant qu’aînée de huit en-
fants, j’ai dû commencer à travailler tôt.
A 14 ans, j’ai été engagée comme domes-
tique à Saint-Domingue. J’ai ainsi aidé ma
mère à subvenir aux besoins de la famille,
jusqu’à ce que je me marie. J’avais alors
22 ans. Nous n’avions pas grand-chose,
mais nous avons tout de même réussi à
donner à nos trois enfants une formation. Je
suis très heureuse d’y être parvenue.
Depuis trois ans, je vis en Suisse où je tra-
vaille comme femme de ménage. Lorsque
mon visa de touriste a expiré, j’ai décidé de
rester illégalement dans le pays. En Répu-
blique dominicaine, je ne trouve pas de
travail. Les emplois sont rares et les salaires
ne permettent pas de survivre. Très nom-
breux sont ceux qui émigrent.
Ici, je ne fais pas grand-chose en dehors de
mon travail. Je ne vais dans aucune fête et
ne me promène pas dans le parc. Dans la
rue, je marche toujours toute seule, jamais
en groupe car je ne veux pas me faire re-
marquer. Oui, j’ai peur. Plus autant qu’au
début, mais la peur est toujours là. Les
premiers temps, c’était terrible, je n’osais
pas sortir, j’avais mal au ventre et à la tête.
Je pensais avoir fait la plus grosse bêtise de
ma vie et je me sentais coupable. Je tra-
vaille autant que possible, le temps passe
ainsi plus vite.
Par chance, je n’ai fait aucune mauvaise ex-
périence jusqu’ici. Les gens sont très gen-
tils, ils paient toujours ponctuellement et
me traitent bien. Mais je suis contente de
ne pas vivre seule ici. J’habite chez mon fils
qui a épousé une Suissesse. Lorsque mon
salaire ne suffit pas, il m’aide à joindre les
deux bouts. Il a un emploi fixe. Je ne
manque donc de rien.
Lorsque tout va bien, je travaille 20 heures
par semaine. Mais, parfois, on me téléphone
pour me dire de ne venir que la semaine
suivante. Il y a ainsi des semaines où je ne
travaille que 10 à 15 heures. J’ai un salaire
horaire de 25 francs. Lorsque je suis ma-
lade, je ne gagne rien. Avec mon argent, je
ne peux pas me permettre grand-chose. J’ai
Boom du travail au noir
Selon une étude de l’Université de Linz, le
travail au noir n’a pas cessé de progresser
en Europe ces dix dernières années. En
Suisse, il représente 8 pour cent du PIB.
Selon des estimations syndicales, quelque
100 000 personnes gagnent leur vie dans
le secteur du nettoyage. Une très grande
partie d’entre elles est en situation illé-
gale. Pour bien des migrantes venant de
pays en développement – surtout celles
dont la situation n’est pas régulière – les
travaux domestiques ou la garde des en-
fants sont les seules possibilités de travail
en Suisse. Les employeurs profitent aussi
du travail au noir puisqu’ils n’ont aucune
charge sociale ni cotisations d’assurance
à payer. En cas d’accident ou de litiges
juridiques, les travailleurs ne jouissent
toutefois d’aucune protection.
terre des hommes schweiz
mène actuelle-
ment une campagne pour attirer l’atten-
tion sur le problème des employées de
maison mineures dans les pays en déve-
loppement. Ces jeunes filles ne bénéfi-
cient d’aucune formation scolaire et pro-
fessionnelle. Elles n’ont dès lors presque
aucune chance de trouver par la suite un
emploi qualifié. L’idée d’émigrer germe
alors tout naturellement.
Vous trouverez de plus amples informa-
tions sur la campagne à l’adresse sui-
vante: www.terredeshommes.ch
cherché un logement pour moi seule, mais
c’est trop cher. Il arrive qu’une de mes em-
ployeuses me donne des vêtements. Je vou-
drais avoir une petite maison en Répu-
blique dominicaine, mais je ne peux pas
beaucoup mettre de côté. Si j’avais un per-
mis, je resterais ici. Mais il n’y a aucune
chance. Je vais donc rentrer un jour, même
si je n’ai pas de travail au pays. Etre dans
l’illégalité, ce n’est pas agréable.
Dieu merci, je suis d’une nature optimiste.
Je considère donc l’avenir avec confiance.
Mes enfants m’aideront à m’en sortir. Je
suis réaliste, toute ma vie, j’ai été femme de
ménage. Je dois m’adapter, je n’ai pas
d’autres possibilités. Je vais travailler aussi
longtemps que je pourrai. Je me re-
poserai plus tard. La vie n’est pas
facile.
Sonja Matheson,
terre des hommes schweiz, Bâle
www.terredeshommes.ch
Z iv ilg e s e lls c h a f t
DOSSIER
«Je veux passer
inaperçue»
Estela*, 49 ans, vit en Suisse sans autorisation
de séjour. Elle travaille comme femme de ménage chez
des particuliers qui la paient à l’heure.
M ig r a t io n
«
»
*Nom d’emprunt
Iris Krebs
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