Les Mathématiciens envoyés en Chine par Louis XIV en 1685
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Les Mathématiciens envoyés en Chine par Louis XIV en 1685

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Arch. Hist. Exact Sci. 55 (2001) 423–463. cSpringer-Verlag 2001
LesMath´ematiciensenvoye´senChineparLouisXIV en 1685 IsabelleLandry-Deron Pr´esente´parJ.-C. Martzloff
Introduction Aprestroisann´eesdep´er´egrinations,ungroupedecinqj´esuitesfran¸caisqua`lasuite ` de Chateaubriand on a pris l’habitude de de´signer sous l’appellation de “Mathe´maticiens duRoi”arrivaa`Pe´kinle7fe´vrier1688.Cegroupe´etaitcompos´eduSupe´rieurdugroupe, JeandeFontaney(1643–1710)et,parordrealphab´etique,JoachimBouvet(1656–1730), Jean-Fran¸coisGerbillon(1654–1707),LouisLeComte(1655–1728)etClaudedeVis-delou(1656–1737).AlexceptionduP`ereLeComte,lesint´eresse´savaiente´t´enomme´s membrescorrespondantsdelAcad´emiedesSciencesle20de´cembre1684,quelques joursseulementavantleurd´epartdeParis.Cegroupeconstituelenoyaufondateurdela missionje´suitefran¸caiseenChine,formellementd´etache´edelaVice-Provinceje´suite portugaiseen1700,quiperdureraapreslad´ecisiondeproscriptiondelaCompagniede ` Je´sus en France en 1762 et la suppression de la Compagnie dix ans plus tard par de´cision romaine, le brefDominus ac redemptordu Pape Cle´ment XIV, du 21 juillet 17731. La mission je´suite franc¸aise en Chine est connue pour son effort continu d’une vul-garisation des connaissances sur la Chine qui se re´pandra dans toute l’Europe2. Les membresdelamissionj´esuitefranc¸aiseenChinefurentencontactaveclesacad´emies savantesdeParis,Londres,St-P´etersbourg3. Le mouvement d’information de l’Europe surlaChinened´ebutepasavecl´etablissementdelamissionj´esuitefranc¸aise4mais la commission royale que rec¸ut son groupe d’origine a imprime une dimension nouvelle, ´ enred´enissantsonactivit´eenliaisondirecteaveclesacad´emies,toutenseffor¸cant d’e´largir la diffusion aupre`s du public. Lepremierendatedesouvragesquiontontrenduc´ele`brelactivit´edesje´suitesde lamissionfranc¸aiseenChineestceluipubli´een1696parlundesmembresdugroupe, leP`ereLeComte,Nouveaux Me´moires sur l’estat de la Chineedroemuofsg´es´edi,r lettresadresse´es`adinuentsprotecteursdelamission5. Ce titre a e´te´ rendu sulfureux parunecondamnation,le18octobre1700,delaFacult´edeTh´eologiede´pendantdela Sorbonne6ealCthcioniedpnusbeli´esdannisolfamcr´tealo`iesbnruecsollres.LLettres e´diantes et curieuses,dont le premier recueil date de 1702, nourriront ensuite, par un savantdosageentrel´ediant”etlecurieux”,uni´enrteˆtcontinupourcepays.Nombre desr´ecitsetobservationsdesMath´ematiciensduRoiserontinte´gre´sdanslacompilation duP`erej´esuiteDuHalde(1674–1743)Description de l’Empire de la Chine et de la Tartarie chinoisecyceedelsiterteeioutnsonscibtrli´e,pub735,een1gaqeuorvtn´hiuys
424I. Landry-Deron ant´erieuresd´eja`paruesdanslesLettres e´diantes et curieusesdont le meˆme Pe`re Du Haldeassuraitlasupervision.Jusqu`alanduXVIII`emesi`ecle,lesgrandsnomsdu courantdesLumi`eresquisint´eresseronta`laChine,Leibniz,Voltaire,Montesquieu, Turgot, Quesnay et beaucoup d’autres s’appuyeront sur ces titres pour engager leurs r´ xions. e e Laquestiondel´evaluationdelacontributionscientifiquedelamissionj´esuite fran¸caise`aPe´kin`alhistoiredessciencesenChinefaitactuellementlobjetdenouv-ellesrecherches,occidentalesetchinoises.LesMath´ematiciensduRoifurentasso-ciesauxtravauxdelAcade´mieRoyalenaissante.Ilsfurentles´emissairesenChinedu ´ groupedetravailqui,souslimpulsiondeColbert,s´etaitconstitue´autourdudirecteurde l’Observatoire de Paris, Jean-Dominique Cassini, pour approfondir l’oeuvre dastrom´etrieetdemesuredelaTerre.Cetarticleapourbutderevisiterlecontexte historiqueetpolitiquedanslequelseffectualede´partdugroupefondateurpourpr´eciser ladynamiqueengag´eeparlenvoidesMathe´maticienstoutcommeleslimitessur lesquellesellebuta.Apartirduncroisementsyst´ematiquedessourcesimprim´eesavec les informations disponibles dans divers fonds d’archives et d’un examen minutieux de lachronologie,ilseproposederede´nirlesambitionsformule´esaud´epart,deretracer lamiseenoeuvreduprojetetdesuivrelactivit´edugroupe.
I. Les origines du projet La de´cision de l’envoi des Mathe´maticiens du Roi en Chine fut prise dans les der-niersmoisde1684parleRoi-Soleil,LouisXIV(1638–1715).Lentrepriseae´te´assur´ee avec le nancement royal7est´emoiprojet,lpsra-nggaseedA.edtejusubola´elduontira ticipants´evoquentunmuˆrissementlong,marque´deretardsduˆsauxdifculte´spratiques auxquelles se heurtait sa mise en oeuvre. Les circonstances favorables qui permettront ´ sarealisationsepre´senterontdunemani`eretellementfortuitequellesdonnerontlieu `aunde´partpre´cipite´marqu´eparunecertaineimprovisation.Dansunelettreadresse´e auconfesseurduroi,leP`erej´esuiteFran¸coisdeLaChaise(1624–1709),r´edig´eeen 1703,quifutimprime´edanslasepti`emelivraisonparueen1707des´serideetnasLett et curieusesnnepeydontandeFolvaesednee`uogrvurenteeunretuenliuqeeP,lre`e eutavecColbert(1619–1683)`aunedatenonpr´ecis´eemaisquidoitsesituerentre1681 et 1683 au cours de laquelle le Surintendant de la Marine, Directeur des Sciences, Arts et Manufactures de France aurait eu cette phrase: Les Sciences, mon Pere, ne me´ritent pas que vous preniez la peine de passer les mers, &devousr´eduire`avivredansunautremonde,´eloign´edevotrepatrie&devosamis. MaiscommeledesirdeconvertirlesIndeles,&degagnerdesames`aJesus-Christporte souventvosPeres`aentreprendredepareilsvoyages,jesouhaiteroisquilsseservissentde loccasion;&quedansletempsou`ilsnesontpassioccup´esa`lapre´dicationdelEvangile, ils ssent sur les lieux quantite´ d’observations, qui nous manquent pour la perfection des 8 sciences & des arts . Selon le Pe`re de Fontaney, ce projet n’eut pas de suite i ´diate faute d’occasion. mme CemeˆmePe`renousapprendparailleursquilsollicitaitdepuis1672sonenvoidans les missions de Chine9biilL.Baqeeuto`harcndeFenolaanitanuseunms`edeposnontirc
Mathe´maticiensenvoy´esenChine,1685425 signe´,nondate´,quiguredansunvolumeint´egr´ea`unes´eriedarchivesprovenantdela Maisonprofessedesje´suites,etentraparconscationdanslescollectionsnationales`ala R´evolution,apre`sunse´jourentre1763et1793`alAbbayedeSt-Germain-des-Pr´es.Le document,re´dig´edansunepr´esentationtr`essoigne´e,ressemble`aunecopiededocument remis`alaChancellerie10setiusuajseduse´´esdrssipoexlese.lInieenChnvoielejetd demath´ematiciensissusdeleursrangs,ene´nume´rantlesobstaclesquilsimaginaient` a lar´ealisationduprojet.Acestade(vraisemblablemententre1680et1683),lesje´suites sugg´eraientlenvoideplusieursgroupesquirallieraientMacaopardesvoiesdivergentes transitant par le Golfe Persique et les Indes. Il n’y pourroit avoir que deux obstacles qui pourroient traverser ce dessein, l’un qui pourroit venir de la part des Portugais s’ils envient en jalousie les Je´suites Missionnaires fran¸cois.MaisoutrequelesSupe´rieursdesJe´suitesPortugaisdanslesIndesnesont nullementoppose´sauxJ´esuitesFranc¸ois[. . .] les Pe`res Portugais tireront eux-meˆmes un grandavantagedelaSciencedesmath´ematiquesdesPe`resFran¸coispourlesucce`sde leursmissionsquinont´et´ee´tablies&nontsubsiste´jusqua`maintenantqueparlecre´dit queleurontacquisdesJ´esuitesMathe´maticiensquinestoientpointPortugaisnisujets de la Couronne de Portugal11. Quelquesanne´esavantled´eparteffectif,lesgrandeslignesdelexp´editione´taientdonc esquisse´essansquepourautantl´epineusequestiondutransportsoitre´solue.Acette e´poque, les vaisseaux de la Compagnie royale franc¸aise des Indes ne s’aventuraient pas danslesmersorientalesquin´etaientsillonn´eesdepuislEuropeque,ducoˆt´desnations e catholiques,parlaotteportugaiseet,ducoˆt´edesnationsschismatiques,parlesottes hollandaises et anglaises.
II. Le contexte politique: le jeu complexe de la France entre le Portugal, laHollandeetleSaint-Si`ege Depuis le Traite´ de Tordesillas de 1494, la supervision des missions d’Orient avait e´te´de´le´gue´eparlaPapaut´eauPortugal.Cedroithistoriquedepatronageestconnusous le nom dePadroadoamitnorssausartn.End´epitdesafreivnedtnduescudontmeoqu lire, les autorite´s portugaises ne souhaitaient pas (la suite le prouvera) la venue en Chine de je´suites qu’elles soupc¸onnaient de repre´senter le pavillon du roi de France, tandis que LouisXIV,parsoucideprestige,nevoulaitpasquelesj´esuitesfran¸caissembarquent surlesbateauxportugaisqui,auxtermesdesr`eglementsduPadroadotransportaient ordinairement les missionnaires. Les voies de passage terrestres vers la Chine imag-in´eesdansledocument,relay´eesparsautdepucesmaritimessurdespavillonsind´eter-mine´s, e´taient d’autant plus incertaines qu’on envisageait de transporter comme cadeaux diplomatiquesduroideFrance`alempereurdeChineKangxi(r`egne1662–1722),des instruments astronomiques semblables a` ceux envoye´s au shah de Perse. Pour que ce dessein ambitieux longtemps caresse´ put enn se re´aliser sous l’autorite´ de Louvois (1641–1691), le successeur de Colbert, il fallut la circonstance exceptionnelle de l’envoi d’une ambassade extraordinaire au Siam en 1685. En septembre 1684, Louis XIV rec¸ut a` Versailles une ambassade du roi de Siam (Thailande actuelle) dont l’arrive´e surprit tout le monde en meˆme temps qu’elle ravit
426I. Landry-Deron lesamateursdexotismelorsquelestroisenvoye´sseprostern`erentdanslaGaleriedes Glaces.Cetteambassade´etaitaccompagne´eparunmissionnairedesMissions´etrange`res deParis,M.B´enigneVachet(1641–1720)1261(¨ara)8861–23itta´eL.eroideSiam,PhraN inquiet des vise´es sur son pays des Hollandais, dont la Compagnie re´unie des Indes ori-entales,Verenigde Oost-Indische Compagnieadsn´r,epoe´avti.C)a(V.O,6016es´ennsale unblocusnavaldelaM´enam,larte`reuvialequiirriguetoutelaplainecentraleet conduisait a` sa capitale Ayuthia. Ecoutons Voltaire conter l’occasion de l’ambassade dansLe Sie`cle de Louis XIV: LextreˆmegouˆtqueLouisXIVavaitpourleschosesde´clatfutencorebienplusatt´e par l’ambassade qu’il rec¸ut de Siam, pays ou` l’on avait ignore´ jusqu’alors que la France existaˆt.Il´etaitarrive´,parunedecessingularit´esquiprouventlasup´eriorit´edesEurop´eens surlesautresnations,quunGrec,lsdecabaretierdeCe´phalonie,nomm´ePhalkCon-stance, e´tait devenu barcalon, c’est-a`-dire premier ministre ou grand vizir du royaume de Siam.Cethomme,dansledesseindesaffermiretdes´eleverencore,etdanslebesoin quilavaitdesecours´etrangers,navaitose´seconerauxAnglaisniauxHollandais, ce sont des voisins trop dangereux dans les Indes. Les Franc¸ais venaient d’e´tablir des comptoirssurlescoˆtesdeCoromandel,etavaientport´edanscesextre´mite´sdelAsiela r´eputationdeleurroi.ConstancecrutLouisXIVpropre`aeˆtreatt´eparunhommagequi viendrait de si loin sans eˆtre attendu. La religion dont les ressorts font jouer la politique dumondedepuisSiamjusqu`aParis,servitencorea`sesdesseins.Ilenvoya,aunom duroideSiam,sonmaˆtre,unesolennelleambassadeavecdegrandspe´rsentsa`Louis XIV,pourluifaireentendrequeceroiindien,charm´edesagloire,nevoulaitfairede trait´edecommercequaveclanationfranc¸aise,etquiln´etaitpasmeˆmee´loigne´dese fairechr´etien.Lagrandeurduroiatt´ee,etsareligiontromp´ee,lengag`erent`aenvoyera ` Siam,deuxambassadeursetsixj´esuitesetdepuisilyjoignitdesofciersavechuitcents soldats13. Le premier ministre du Siam qu’e´voque Voltaire, de son vrai nom Constantin Gherakis (1647–1688), dit Phaulkon, que les textes fran¸cais du temps appellent Monsieur Con-stance,´etaitunaventuriergrec,nedanslˆleioniennedeCe´phalonie.Ile´taitpartien ´ Asie au service de la Compagnie anglaiseEast India Companyet s’e´tait e´tabli au Siam vers1680.SanspourautantsuivreVoltairedanssonjugementsurlasup´eriorit´edes Europ´eens”,forceestdeconstaterquelintelligencedePhaulkon,sondondeslangues etsonadaptabilit´eluiavaitpermisdecapterlaconanceduroiNara¨quilavaitnomm´e en 1683Phra Khlangnotcf,qu´eueiqitolnpiotnelavimutatis mutandisa` celle de premier ministre.Convertiaucatholicismeparunj´esuite,ilenvisageaiteffectivementdecon-solidersapositionen´etablissantunprotectoratfran¸caisquitourneracourtenlentraˆnant dans la mort. Dans cette affaire, c’est la pre´sence des je´suites a` bord de l’Oiseau, le bateau qui quittaleportdeBrestle3mars1685aveclapremiereambassadefran¸caiseauSiam ` emmen´eeparlechevalierdeChaumont(1640–1710)quinousint´eresse.Ilsagitbien dugroupedesMathe´maticiens.SiVoltaireend´ecomptesix,cestquilinclutlePe`re Guy Tachard (1651–1712), membre du groupe au de´part de France mais qui se de´tacha desescompagnons`alescaledeSiampourrevenirenEurope,dansdesconditionssur lesquellesnousreviendrons.LeP`ereTachardnerallierajamaislaChine.Paruncon-cours de circonstances, au moment meˆme o `u les envoye´s du Siam arrivaient en France, lePe`rePhilippeCouplet(1622–1693),je´suitemissionnaireenChinerevenuenEurope
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