MUSEUM 02.03
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Département du Rhône - Musée des Confluences, Lyon
CATALOGUE DE LA COLLECTION TIBÉTAINE ET HIMALAYENNE DU MUSÉE DES CONFLUENCES(ANCIEN MUSÉUM DE LYON) Christophe ROUSTANDELATOUR*
RÉSUMÉABSTRACT Le musée des Confluences (ancien Muséum de Lyon) The Confluence museum (formerly Natural History conserve plus d’une soixantaine d’objets provenant du Museum of Lyon) possesses more than sixty Tibetan Tibet et de l’Himalaya1 and Himalayan objects. Assessing this little-known. Cette collection, largement méconnue, peut être abordée de deux manières. La collection requires a twofold approach. The first première consiste à décrire chaque objet séparément, method consists in cataloguing each object separately, ou par association typologique, sous forme d’une or within a typological grouping, by describing its notice succincte précisant ses caractéristiques, son uti- main features, use and iconography. Viewed under this lisation, son iconographie. Envisagée sous cet angle, light, several interesting pieces can be singled out ; yet la collection comprend plusieurs pièces intéressantes, the collection as a whole seems ill-documented and dont la présentation muséographique est pleinement somewhat random. The second method, however, con-envisageable. L’ensemble se présente cependant siders the collection as a coherent entity, whose mean-comme une accumulation fortuite, faiblement docu- ing should be sought within a broader context. From mentée et quelque peu disparate. La deuxième appro- this perspective, the collection no longer appears as a che, au contraire, considère cet ensemble comme por- fortuitous accumulation but as the result of specific teur de sens et tente de l’interpréter en adoptant une historical circumstances, which clearly influenced the perspective plus large. De ce point de vue, la collec- acquisition choices. The « reality » of the collection, tion apparaît non comme le fruit du hasard mais therefore, may be glimpsed from a middle ground, comme le résultat d’un contexte historique particulier, where object and whole are equally significant. qui a clairement pesé sur les choix d’acquisition. La « réalité » de la collection pourrait donc se situerKeywords: Tibet, Himalaya, Nepal, Buddhism, dans un regard croisé, qui permet de réconcilier spéci- shamanism, ethnography, museum, collection. ficité de l’objet et cohérence de l’ensemble. Mots clés: Tibet, Himalaya, Népal, bouddhisme, shamanisme, ethnographie, musée, collection.
*Adjoint au conservateur des musées de Cannes, responsable des collections extra-européennes. christophe.roustandelatour@ville-cannes.fr 1Le terme « Tibet » est pris dans son acception géographique. Les objets relevant de l'aire culturelle tibétainemais provenant de Mongolie ou de Chine n'entrent pas dans le champ de cette étude. Ils sont toutefois recensés, à titre indicatif, en annexe du catalogue. Sont également exclues 5 parures du nord de l'Inde, dont l'authenticité n'est pas avérée. Cahiers scientifiques 5-83 p.- Musée des Confluences, Lyon - N° 14 (2007)- Département du Rhône
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Centre de Conservation et d'Etude des Collections
PÉRNATIOSENT La collection tibétaine et himalayenne du musée des Confluences se compose principalement d’objets ethnographiques, à valeur esthétique et rituel-le pour la plupart, auxquels s’ajoutent un petit nombre d’œuvres d’art « classiques » (sculptures métalliques, peintures). Malgré la qualité indéniable de nombreuses pièces, l’ensemble paraît souffrir, au premier abord, d’un certain manque de cohérence. Constitué au gré des opportunités, il n’offre en effet qu’une vision très partielle des régions concernées. On remarque ainsi une forte disparité géographique (95 % des objets pro-viennent de l’aire culturelle tibétaine, alors que l’Himalaya « hindouisé » est quasiment absent), dou-blée d’une disparité typologique (peu d’objets domes-tiques, absence de vêtements et d’outils). Par ailleurs, aucune documentation directe n’accompagne les objets, ce qui rend leur identification problématique2. Mais gardons-nous d’un jugement trop hâtif. Toute collection s’inscrit dans une histoire et toute acquisition témoigne d’un choix. Mis bout à bout, ces choix reflètent l’évolution des connaissances, des goûts, des préjugés. A cet égard, la collection du musée des Confluences est véritablement exception-nelle car elle illustre près d’un siècle et demi de fasci-nation occidentale pour la Haute-Asie. Aussi est-il essentiel, avant de détailler les objets un à un, de resi-tuer la collection dans un contexte plus large, en évo-quant les circonstances qui ont favorisé, voire déter-miné les choix.
I. Perspective historique : de la collecte savante à l’économie de marché. Les premières explorations (19esiècle) Au 19esiècle, l’Himalaya et le Tibet sont des terres de légendes, extrêmement isolées et souvent fer-mées au monde extérieur3. Les premières collectes y
sont le fait de voyageurs intrépides (militaires, reli-gieux, administrateurs coloniaux, etc.), qui n’hésitent pas à braver les interdits et à défier les hauts cols, afin d’accomplir des missions dont l’intérêt est surtout stratégique. De cette période pionnière, le musée des Confluences a la chance de conserver une pierre voti-ve (n° 5), collectée au Tibet en 1846 par le père Joseph Gabet, missionnaire lazariste et compagnon de route du père Evariste Huc4. Partis de Mongolie en 1844, les deux Français avaient péniblement rallié Lhassa le 29 janvier 1846, avant d’être expulsés du Tibet six semai-nes plus tard, sur ordre de l’ambassadeur de Chine. Huc et Gabet furent les seuls Européens à séjourner à Lhassa entre 1812 et 1904. Les expéditions savantes (1èremoitié du 20esiècle) Ces premières découvertes ouvrent la voie, au tournant du 20esiècle, à l’investigation scientifique. Délaissant l’orientalisme en chambre, une poignée d’explorateurs érudits entreprend alors de parcourir le Toit du monde. Lancés à« la recherche des antiquités et des manuscrits bouddhiques »5(Sylvain Lévi, 1898 ; Jacques Bacot, 1907-14), ils cartographient de vastes territoires (Sven Hedin, 1897-1909), déjouent fréquemment la vigilance des autorités locales, séjour-nent dans les monastères (Alexandra David-Néel, 1912-24) et jettent les bases d’une histoire de l’art de la Haute-Asie (Giuseppe Tucci, 1926-55). Leurs récits, parfois empreints de mysticisme (Nicholas Roerich, 1923-28), marqueront durablement l’imaginaire occidental. Quant aux collections rappor-tées – textes, œuvres dévotionnelles, objets rituels , elles affichent une prédilection pour le fait religieux, l’iconographie et le caractère exotique, voire inquié-tant, de la liturgie. Mais elles établiront aussi, dans les milieux savants, l’importance et l’originalité de l’art tibétain, qui fait alors son entrée dans les musées6. A Lyon, les objets acquis ou reçus en dépôt par le Musée Guimet et le Musée Colonial répondent à l’air du temps : une petite icône métallique
2En cela, la collection est bien différente des collectes méthodiques effectuées au Népal, dans les années 60-70, pour le compte du Musée de l'Homme à Paris (cf. Dollfus, s.d. : 9) 3Nous adoptons, bien entendu, un point de vue occidental. 4Dans ses souvenirs de voyage, le père Huc évoque la signification et l'usage de ces pierres (cf. Huc, 1853 : tome 2, 338-341 et 464). 5Lévi, 1986 : 37. 6Guimet de Paris, qui possède dès l'origine quelques objets lamaïques, acquiert ses premiersLe Musée thangkaen 1903, complétés en 1912 par l'importante donation Bacot (partagée ensuite avec le Musée de l'Homme).
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(n° 3) et trois objets rituels (n° 26, 35 et 36) déposés en 1913 par le Musée Guimet de Paris ; deuxthangka tibétains (n° 6 et 7, ce dernier provenant de la collec-tion Bacot) déposés par la même institution en 1924 ; une divinité tantrique en bronze (n° 4), acquise en 1936 par donation7.
Années de plomb et années d’ouverture : 1947 – 1976 Dès la fin des années 40, le rempart hima-layen commence à céder sous la pression de trois nou-velles puissances : l’Inde, le Pakistan et la République populaire de Chine. La partition indo-pakistanaise de 1947 plonge immédiatement le Kashmir dans un conflit sans issue. De son côté, en 1950, la Chine com-muniste envahit le Tibet. Face à la répression militai-re chinoise, leDalaï-lamaest contraint de fuir vers l’Inde en 1959. Au cours des années 60, quelque 80 000 Tibétains suivront leur chef dans l’exil, parmi lesquels« une majorité d’hommes, la plupart des membres de la noblesse et des dignitaires religieux, mais aussi des paysans et des nomades »8. Ces réfu-giés emportent avec eux quantité d’objets précieux, sacrés ou profanes, qu’ils soustraient ainsi au pillage et pourront monnayer en cas de besoin9. A la même période, cependant, la dynastie des Shah rétablit son pouvoir au Népal (1951) et déci-de d’ouvrir le pays, jusqu’alors fermé aux étrangers. Dès l’année suivante (avril-juin 1952), une mission scientifique genevoise y effectue l’une des toutes pre-mières collectes ethnographiques, non sans mal sem-ble-t-il :« nous nous aperçûmes très vite que plus on s’éloignait de la capitale plus le pays s’appauvrissait et qu’il était impossible d’acheter le moindre objet.
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Si nous avions continué à nous éloigner de la vallée de Katmandou, nous n’aurions rien rapporté! »10. Mais cette situation va rapidement évoluer, consécuti-vement aux grands bouleversements politiques. D’une part, la création d’un réseau routier himalayen, conçu à des fins militaires, facilitera bientôt les transactions économiques entre les hautes et basses vallées11. D’autre part, la guerre de 1962 entre l’Inde et la Chine entraîne le bouclage de nombreuses zones frontaliè-res12; de sorte que l’ouverture inespérée du Népal, accessible par la route dès 1956, transforme la vallée de Kathmandu en un véritable Eldorado13.
L’essor du marché (à partir des années 60) Pendant la Révolution Culturelle chinoise (1966-76), les quelque 6 000 monastères, couvents et sanctuaires du Tibet sont dévastés et pillés.« Les sta-tues qui ornent les autels sont détruites ou emportées en Chine (Chengdu, Pékin) où elles sont par centaines de tonnes stockées ou fondues jusqu’en 1973, date à laquelle Pékin commence à s’émouvoir de leur dispa-rition »14. Seuls douze monastères échappent à la ruine. Fuyant les Gardes rouges, les Tibétains affluent par milliers dans la vallée de Kathmandu, por-teurs d’objets en tous genres : images pieuses, sculp-tures, accessoires liturgiques, parures, objets de let-trés… Certains se négocieront à Delhi ou Calcutta, d’autres iront garnir les échoppes de Darjeeling ou de Kalimpong, mais la plupart sont achetés sur place, par les touristes et résidents étrangers15. Ancien carrefour du commerce trans-hima-layen, Kathmandu devient la capitale des antiquités tibétaines et himalayennes16.L’offre, désormais
7Il faudrait ajouter à cette liste une « divinité assise » en bois doré (don Emile Guimet, 1913), qui n'a pu être localisée. 8Deshayes, 1997 : 338. 9Dans le Tibet traditionnel, la vente d'objets sacrés était une pratique peu courante, comme l'atteste G. Tucci (1969 : 15) : «… quant aux sta-tues et objets du culte, les registres du monastère en conservaient la liste méticuleusement tenue à jour, et le moine chargé de leur surveillance aurait encouru de graves sanctions s'il en avait disparu[un seul]. Il en allait de même dans les chapelles privées : jamais l'appât du gain n'aurait triomphé de la répugnance qu'inspirait tout commerce d'objets sacrés, si le propriétaire n'était pas assuré qu'ils iraient à l'un de ses coreligionnaires. » 104. Cette collecte permit au Musée d'ethnographie de Genève d'acquérir 394 objets.Lobsinger-Dellenbach, 1954 : 11Dupuis, 1982 : 73. 12Leur ouverture au tourisme sera progressive : le Ladakh dès 1974, le Tibet en 1979 (ouverture partielle), le Mustang et le Spiti en 1992... 13Contrairement au Bhoutan, qui se modernise à la même époque mais refuse le tourisme de masse (Pommaret, 2005 : 76). 14Deshayes, 1997 : 349. 15L'un des intermédiaires de ce commerce naissant fut une certaine « Mrs. Scott », belle-mère du fameux Boris Lissanevitch (Peissel, 1990 : 263-264). 16Parallèlement aux filières licites, des réseaux de contrebande s'organisent entre le Tibet et le Népal, ainsi qu'au Népal même (Greenwald, 1990 : 90).
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régulée, rencontre une demande en pleine expansion, elle-même encouragée par la concentration et l’abondance de marchandise. Les œuvres majeures prennent le chemin des grands musées, galeries et col-lections privées17. Quasiment inconnues du reste du monde avant les années 50, elles s’exposent désormais en tant qu’art à part entière18, non plus comme simples vecteurs d’iconographie religieuse. Quant à la trentai-ne d’objets acquise par le Muséum de Lyon entre 1981 et 1991 (coll. Ozoux-Fatton, Berthel, etc.), elle est typique de ce que recherchent alors les amateurs de passage : des objets authentiques et souvent anciens, ayant une valeur esthétique et/ou rituelle, similaires aux curiosités rapportées par les explorateurs du début du siècle. On est bien loin, donc, des « objets du quo-tidien » collectés au Népal jusqu’en 1975 par les eth-nologues du CNRS (dont l’objectif avoué était de montrer la « réalité » du pays :« in the most « human » and truest light, delivered as it were from a certain aura of exoticism and unknowability, which, when it comes to the East, all too often prevents Westerners from seeing the genuine reality. »19). Toutefois, le marché local va s’orienter, peu à peu, vers de nouveaux débouchés. Peut-être est-ce dû, en partie, à la raréfaction des objets anciens. Peut-être aussi à la réglementation népalaise, qui interdit (en principe) l’exportation des « antiquités »20; ou bien encore, au flair de quelques entrepreneurs avisés… Quoiqu’il en soit, les marchands de Kathmandu com-mencent à proposer, au cours des années 70, des objets « tribaux », rabattus des collines ou de lointaines
vallées. Le collectionneur Marc Petit évoque« le mélange de curiosité et de réticence qui a accueilli […]l’apparition inattendue d’objets anciens, jusque-là inconnus, originaires pour la plupart des « monta-gnes moyennes » népalaises. Masques, guide-baratte, pots à lait, tambours et dagues de chamanes, statues protectrices des ponts et des fontaines[…]souvent chargées d’une épaisse couche de magie que la rareté de l’information ethnographique les concernant n’a pas manqué de rendre encore plus mystérieuse »21Ces objets acquerront une notoriété sur le marché international dans les années 80, notamment grâce à quelques expositions pionnières22. Une fois encore, le musée des Confluences n’est pas en reste : il peut s’enorgueillir de conserver, depuis un quart de siècle environ, deux tambours shamaniques népalais (n° 55 et 56), ainsi qu’une rare statuette « tribale » portant une inscription (n° 54), dont l’acquisition remonte à 1992. II. L’identification des objets : problèmes spécifiques Eu égard aux évènements qui viennent d’être évoqués (conflits, exil, essor d’un marché touris-tique…), les lacunes documentaires de la collection du musée des Confluences sont aisément compréhen-sibles. On peut supposer, en effet, que le parcours des objets fut souvent chaotique : emportés à la hâte, dis-simulés, troqués, écoulés dans les bazars… ils étaient déjà « décontextualisés » avant même leur entrée au musée. Or, en l’absence de documentation directe, il est parfois difficile de déterminer la provenance de ces
17En 1965, à l'initiative duDalaï-lamaHouse Museum est inauguré à New Delhi, afin d'abriter 139 «, le Tibet rare and precious artefacts acquired from Tibetans in exile in India. Brought across the Himalayas under very great hardship, these artefacts symbolized the Tibetan's religious instinct and his sense of patriotism. There was a need therefore, for a proper sanctuary for objects for which so many people had sacrificed so much. The Dalai lama thought that what could be saved must be collected immediately and preserved for all.» (Anonyme, 1965 : intro.) 18Une première exposition d'art népalais a lieu à l'Asia House de New York en 1964, suivie d'une deuxième, organisée en 1966-67 à Paris (musée Guimet) puis Essen (Villa Hügel) par le Département de l'archéologie du Népal. En 1968-69, une exposition consacrée à l'art du Tibet est organisée par le Comité suisse d'Aide aux réfugiés tibétains ; tandis que le Miami Art Center expose « l'art des montagnes d'Asie » (De Mallmann 1970 : 71). En 1969, l'exposition « L'art du Tibet » est inaugurée à New York. Les publications et ouvrages de référence paraîtront dans les années 70 et 80. 19Népal, hommes et dieux(1970 : 9) traduit par P. Dollfus (s.d. : 9). 20 En pratique, elle protège surtout l'artCette législation s'applique à tout objet dont l'ancienneté est supérieure à 100 ans.newarancien, tan-dis que les antiquités tibétaines circulent assez librement et que l'exportation d'objets « tribaux », méprisés par l'élite népalaise et difficilement datables, est systématiquement autorisée. 21Petit, 1989 : 7. 22Citons, parmi les premières expositions consacrées aux masques « tribaux » : Galerie L'île du démon (1981) ; Hong Kong Land Property (1988) ; Galerie Le Toit du Monde (1989), accueillie par l'EPAD (Paris La Défense) puis le Musée de la Castre (Cannes) en 1991 ; Smithsonian Institution (Washington), organisée dans neuf villes des États-Unis et du Canada (1989–1991) ; Pace Primitive Gallery (1990). Cahiers scientifiques n° 148
objets, leur utilisation ou encore leurs matériaux cons-titutifs. Ces incertitudes, symptomatiques de notre étude, méritent quelques explications. La provenance Les objets tibétains ont, par nature, une voca-tion nomade23Conçus pour être roulés, pliés ou. suspendus, ils pouvaient voyager avec leurs proprié-taires ou être colportés, à dos de yak ou de mulet, à travers l’Himalaya. Ainsi, jusqu’au début des années 50, les caravanes tibétaines qui se rendaient à Bodnath, aux abords de Kathmandu, y échangeaient tapis etthangkades hauts plateaux contre bijoux, moulins à prières et pièces d’orfèvrerienewar. Peu ou prou, les objets ont toujours circulé, tout comme les artisans. Plus récemment, Kathmandu est devenue la plaque tournante d’un commerce international qui draine des objets de toutes origines, de la frontière indo-birmane à l’Hindu Kush. Regroupés dans la capitale népalaise, ils sont ensuite réexportés à travers le monde24 . S’ajoute à ce brassage une difficulté supplé-mentaire. Au cours des siècles, en effet, la culture tibé-taine a été adoptée, à des degrés divers, par les pays voisins du Tibet : le Bhutan, les hautes vallées du Népal (Mustang, Dolpo, Solu-Khumbu, etc.) et de l’Himalaya indien (Ladakh, Zanskar, Spiti, Haut-Lahul, Sikkim, Arunachal Pradesh). Quoique morce-lée sur le plan politique, cette « aire culturelle tibétai-ne » porte l’empreinte du bouddhisme tibétain, aussi appelé « lamaïsme », lequel constitue un développe-ment particulier du bouddhisme tantrique (Vajraya-na)25. Ainsi retrouve-t-on, d’une région à l’autre et selon les écoles, les mêmes iconographies et les mêmes objets cultuels. A défaut d’une inscription explicite, d’une particularité stylistique ou d’une information de collecte, la provenance de ce type d’objet reste purement conjecturale.
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L’utilisation La plupart des objets du musée des Confluences ont une utilisation connue, qui peut d’ailleurs varier selon les circonstances ou l’intention de l’utilisateur26(cf. les instruments liturgiques). D’autres, en revanche, demeurent relativement obscu-res. Ainsi, ce que nous identifions volontiers comme une « verseuse à eau lustrale »27(n° 29) a été publié ailleurs sous l’appellation « théière de voyage » (Dollfus et Hemmet, 1989 : 62). De même, la statuette tribale népalaise citée précédemment – et dont l’inscription n’a pas complètement livré le secret –, peut être interprétée comme la représentation d’un défunt, à moins qu’il ne s’agisse d’une « figure pro-tectrice » (Petit, 2006 : 9)… La prudence est donc de rigueur car il n’y a, en la matière, aucune certitude. Les matériaux Remarquons, pour conclure, que les objets du musée des Confluences sont presque toujours com-posites, étant parfois constitués d’une variété impres-sionnante de matériaux (par ex. n° 20 et 50). Identifier précisément ces constituants nécessiterait des analy-ses en laboratoire. Les alliages métalliques, par exem-ple, sont nombreux mais difficilement identifiables à l’œil nu, surtout en l’absence de corrosion caractéris-tique. De fait, le terme « bronze » désigne dans l’art tibétain et himalayen tout type d’alliage cuivreux, quelle que soit sa composition réelle (cuivre rouge, bronze ou laiton, avec ajout possible de fer, d’argent, etc.)28. Les matériaux organiques sont également très divers : bois, fibres, coquillage, ivoire, corail (teint ou non), corne, peau, cuir… dont on souhaiterait pouvoir spécifier la nature et l’origine.
23Cf. Blanchard et Blanchard, 2005 : 12. 24L'autorisation d'exportation est délivrée par le Département de l'archéologie du Népal, qui appose sur l'objet un cachet de cire rouge et déli-vre un certificat (rarement conservé) indiquant la taille, le poids, l'appellation et le matériau principal de l'objet, ainsi que les nom et nationalité du demandeur. 25Le Vajraya-na est lui-même issu du courant Maha-ya-na (« Grand Véhicule »). 26A ce titre, signalons que certains objets emblématiques du bouddhisme tibétain, tels que le « moulin à prières » (cf. n° 14 et 15), ont leur équivalent dans la religionbön. 27Cf. Peissel, 1986 : 192, ill. 194-195. 28sept métaux » (représentant les planètes) et l'usage de métal météoritique sont attestés par la tradition.L'alliage de «
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Un cas spécifique concerne les matériaux tels que l’os, dont l’emploi est prescrit par la religion. Dans les rares cas publiés, ces prescriptions ont pu être corroborées, ou infirmées, par l’analyse scienti-fique.Lexamendes.damaru(cf. Glossaire) conservés au musée Guimet, à Paris, n’a ainsi révélé« aucun os féminin, mais uniquement des éléments de squelettes masculins. De plus, l’usage de matériaux de substitu-tion est très largement répandu. Les moines dGe-lugs-pa,
29Béguin, 1990 : 163.
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par exemple, n’ont théoriquement pas le droit d’utiliser des instruments rituels en os humain. Les crânes et les peaux de singes, particulièrement des semnopithèques[…]sont largement utilisés »29.A ce titre, les cinq objets en os du musée des Confluences requièrent une étude complémentaire, qui contribue-rait à valoriser la collection et enrichir les connaissan-ces scientifiques.
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TRANSLITTÉRATION DES TERMES ASIATIQUES :  Les termes asiatiques sont indiqués enitaliques. Ceux qui figurent dans le Glossaire sont indiqués engras. Sauf mention contraire, les termes sont en sanskrit.  La translittération du sanskrit (skrt.) suit le système IAST (International Alphabet of Sanskrit Transliteration) : !,"et #sont des voyelles longues ese prononce « é » aiest une diphtongue !se prononce « ri » cse prononce « tch » $et"se prononcent « ch » #,$et %sont des rétroflexes &indique une nasalisation  La translittération du tibétain (tib.) suit le système international Wylie. Elle est généralement complétée, entre parenthèses, d'une transcription usuelle plus proche de la phonétique française.  GLOSSAIRE : abhayamudr!: « geste de l'absence de crainte » – Main droite levée, paume vers l'extérieur ; geste de protection, sérénité, bienveillance.  Amit!yus : « Vie Infinie » – Nom donné aujina Amit!bha Lumière Infinie ») sous son aspect paré.Amit!bha symbolise la pureté de l'Éveil spirituel, tandis qu'Amit!yus procure santé et longue vie. Il règne sur le paradis de l'Ouest (Sukh!vat", la « Terre des Bienheureux »), où ses fidèles peuvent espérer renaître. Il fait partie, avecAvalokite"varaet#!kyamuni, d'une triade majeure du bouddhismeMah!y!na. a!"amangala : « les 8 signes de bon augure » [tib.bkra-shis-rdas-bryad ;tashi-tak-gye] – Ensemble de motifs fréquemment représentés dans la décoration religieuse tibétaine. La liste des motifs peut varier.  Avalokite"vara: « le Seigneur qui regarde d'en haut » [tib.sPyan-ras-gzigs(Chenrezig)] – L'un des principaux  bodhisattvaduMah!y!na. Symbole de la Compassion universelle.  bdud-rtsi (dutsi) : tib. « ambroisie » [skrt.am"ta] – Substance sacrée liée à la félicité et aux pouvoirs spirituels. Lors des cérémonies lamaïques, lebdud-rtsiest fabriqué au moyen de pilules à base d'herbes (?) mélangées à une solution aqueuse (parfois dosée d'alcool ?)  bh$mispar"amudr!« geste de la prise de la Terre à témoin:  » – Main droite touchant le sol, généralement du bout des doigts. Geste caractéristique duBuddhaet dujina Ak#obhya; symbolise l'Éveil spirituel.  b%ja : « syllabe-germe » [tib.sa-bon] –mantramonosyllabique.  bodhisattva « : être d'Éveil » [tib.byang-chub sems-dpa' (changchub sempa)] – Dans leMah!y!na et le Vajray!na, unbodhisattva un être de  estcompassion, céleste ou terrestre, qui a choisi de différer son propre salut afin d'aider tous les êtres vivants à atteindre l'Éveil spirituel. #amaru: Tambour-sablier à boules fouettantes [tib.cang-t'eu;thod-rnga « crâne-tambour »] – utilisé dans la liturgie lamaïque, parfois en conjonction avec lagha$"!ou lerkang-gling trompe-fémur »). Tenu de la main droite, le#amaruest agité par rotation du poignet afin que les boules frappent alternativement les 2 peaux. Les caisses de résonance peuvent être constituées par 2 calottes crâniennes dans certains rites, tel lechö(méditation tantrique). Un grand#amaruen bois est utilisé aussi pour cette pratique.  D'origine indienne – il est l'attribut de#iva N!tar!ja, dont il rythme la danse –, le#amarufigure dans l'iconographie du bouddhisme tibétain en tant qu'attribut de plusieurs divinités tantriques courroucées (Mah!k!la...) et de certains maîtres religieux. Il symbolise la maîtrise des énergies corporelles et la transcendance de la dualité.  dhy!namudr!: « geste de la méditation » – Mains posées l'une sur l'autre dans le giron, paumes vers le haut.
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