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Valoriser ses qualités sur le marché du travail : comment le jeune ...

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Langue Français

Extrait

rois messages principaux en
émergent, qui peuvent éclairer
un jeune diplômé encore hési-
tant sur sa démarche :
• même si elle se veut rationnelle, la
logique du choix du recruteur reste assez
largement de l’ordre du « sentiment »,
qu’il s’agisse de la confiance accordée à
l’école d’origine (effet de marque) ou
d’une prise en compte d’affinités sponta-
nées.
• Le jugement des entreprises se construit
de plus en plus par rapport à une grille de
compétences, qui se distingue notable-
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Valoriser ses qualités sur le marché
du travail : comment le jeune
diplômé peut-il relever le défi ?
par Claude MAURY, Délégué Général du CEFI
Observateur privilégié du monde des écoles et de l’emploi, le CEFI
(Comité d’Etudes sur les Formations d’Ingénieur) a accumulé au
fil des années une longue expérience sur les questions d’insertion
qui sert de fond aux analyses de cet article.
T
Dessin Jean-Antoine Malot
ment des échelles de performance que les
élèves ont connues en cours d’étude,
changement qui influe sur le mode d’argu-
mentation et sur les preuves à apporter.
• L’approche « compétences » (ou «
capacités »), qui devient le point de passa-
ge obligé de toute réflexion sur l’employa-
bilité, doit enfin être comprise de manière
ouverte : si elle place un peu à l’arrière-
plan les savoirs, elle ne néglige pas ceux-ci,
comme support d’évolutions futures. Tout
en mettant l’accent sur des qualités bien
identifiées en rapport avec le métier
qu’exercera le diplômé, et attendues dans
l’immédiat, elle accorde une place impor-
tante à des éléments de comportement
assimilables à des postures, qui seront
généralement déterminants pour la diffé-
renciation d’une carrière en tant qu’ex-
pression d’une forme de talent personnel.
Le spleen de l’élève de dernière année
qui va avoir son diplôme
Dès que se profile à un horizon proche la
fin de son cursus, l’élève de dernière
année de Grande Ecole sent monter en lui
l’appréhension de la recherche du premier
emploi. Futur détenteur d’un diplôme
socialement considéré, maître d’un savoir
scientifique et technique non contestable,
il a pourtant toute raison de se sentir plei-
nement rassuré, bien au-delà des aléas de
la conjoncture dont il faudra s’accommo-
der.
Mais au fond de lui-même il doute, car il ne
sait pas très bien ce qu’il sait faire vrai-
ment, pas au sens naturellement de ses
performances scolaires, ou de ses succès
dans l’équipe de volley de l’école, mais par
rapport aux attentes de son futur
employeur.
L’entreprise, dans laquelle il a déjà fait plu-
sieurs stages n’est pas un monde vraiment
étranger pour lui. Il se sent pourtant très
incertain sur ses capacités à relever un défi
dont il peine à définir la réalité. Lorsqu’il
sera embauché saura-t-il réagir dans les
délais aux questions très concrètes qui lui
seront posées ? Et d’ailleurs parviendra-t-il
à convaincre l’entreprise de le recruter ?
Interrogatif sur ses qualités, le jeune diplô-
mé en devenir reste tout autant perplexe
sur sa capacité à recueillir la préférence de
son recruteur, alors que tant de nombreux
candidats, certainement aussi valeureux
sur le papier, vont s’en disputer les
faveurs.
C’est à ces deux questions bien réelles que
nous allons tenter de répondre, non par
expérience directe, mais par une longue
observation des pratiques d’insertion.
Celle-ci va nous conduire à mettre l’accent
sur un certain nombre d’outils et de
concepts nouveaux mis aujourd’hui en
oeuvre pour décrire la qualification du
diplômé et mieux appréhender la relation
au fond assez subtile entre cette qualifica-
tion et le poste de travail tenu. En d’autres
termes nous allons chercher à rendre plus
facile la réponse aux deux questions-clés
que se pose le jeune diplômé :
-
De quoi est faite ma compétence effecti-
ve ?
- Comment peut-elle être valorisée par
rapport à celle des autres ?
Observons au passage que le sujet est loin
de se limiter à la recherche du premier
emploi. Même confirmé, le cadre d’aujour-
d’hui est astreint à gérer sa carrière et à
s’interroger en continu sur ses compé-
tences et sur son employabilité. Toute
l’analyse développée autour du concept de
compétence peut ainsi trouver d’autres
points d’application.
Comment emporter la conviction du
recruteur ?
Nous ne détaillerons pas ici le processus
complexe que suit un dossier de candida-
ture, d’autres en parleront peut-être par
ailleurs. Disons qu’il est successivement fil-
tré, classé, soupesé, classé à nouveau avant
la décision finale. Pour en rester à l’essen-
tiel trois situations-types peuvent être dis-
tinguées :
La candidature est tirée par l’image (ou
l’aura) du diplôme au-delà de toute carac-
téristique personnelle. C’est pour le candi-
dat la situation rêvée, hélas de moins en
moins fréquente.
• La candidature est « soupesée » par rap-
port à ses caractéristiques fines avec en
final une évaluation pondérée, voulue pré-
cise.
• La candidature est perçue dans sa singu-
larité, on peut dire dans son exception, par
rapport
à une multitude mal différenciée.
Cette décomposition est bien sûr schéma-
tique ; si elle présente de l’intérêt, c’est
parce qu’elle traduit au fond le fait que le
jugement du recruteur se construit autour
de ces trois pôles : une relation de
confiance, cristallisée sur une dimension
de l’ordre de la marque (lien quasi affec-
tif ), un effort d’appréciation rationnelle
des qualités, qui devient à la limite dérisoi-
re dans sa précision, et la reconnaissance
d’un individu.
Comme le disait - un peu pour provoquer
mais dans une expression très juste - un
recruteur d’une entreprise de haute tech-
nologie : « je choisis les candidats avec
lesquels je sens que j’ai envie de travailler,
tout ce qui est test, études, et même stages
permet à mes collaborateurs de faire un tri
nécessaire, mais je n’en tiens aucun comp-
te dans ma décision finale ».
Bien peu de recruteurs tiendront en public
ce discours, mais beaucoup reconnaîtront
in petto la justesse du propos.
On peut donc à ce stade tirer une premiè-
re conclusion, pas immédiatement rassu-
rante pour le jeune diplômé (mais en y
réfléchissant il vaut mieux regarder les
choses en face) : la sélection pour un
poste se fait pour partie sur des éléments
rationnels, pour partie sur des perceptions
et sur l’idée d’une rencontre avec une per-
sonne saisie dans sa spontanéité, ses
envies, ses forces et ses faiblesses.
Il est de fait que les dispositifs de recrute-
ment cherchent avec persévérance à deve-
nir de plus en plus rationnels et se défient
de tout ce qui ressemble au coup de coeur
et au sentiment, ce qui conduit assez systé-
matiquement à écarter les profils origi-
naux. Mais quand on y regarde de près le
mouvement trouve vite ses limites (l’expé-
rience montrant d’ailleurs que le taux d’er-
reur est à peu près constant quelle que soit
la méthode, comme le rappellent avec
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humour les recruteurs).
Comment définir et représenter l’apti-
tude à tenir un poste ?
Depuis une quinzaine d’années, un nou-
veau regard est porté sur la relation entre
les personnes occupées et leur emploi.
Alors que traditionnellement on considé-
rait simplement qu’un poste correctement
tenu « qualifiait » son titulaire, il est appa-
ru progressivement utile de recourir à une
représentation sensiblement plus fine de
ce que l’on peut appeler l’aptitude à tenir
un emploi.
C’est ainsi que s’est progressivement
imposé le concept de compétence, qui
renvoie, dans son acception brute, à une
aptitude démontrée à faire face à une situa-
tion donnée. On introduit ainsi une sorte
de lecture à l’envers, toute qualification
étant alors décrite au travers d’un assem-
blage de compétences.
Cette nouvelle approche a connu une
bonne fortune exceptionnelle, au point de
devenir le point d’entrée obligé de toute
réflexion sur l’aptitude à tenir un emploi
(alors que dans le passé on respectait sim-
plement le diplôme). Il a été souligné à
l’envi que le discours compétence tradui-
sait opportunément l’obligation nouvelle
du monde du travail de recomposer en
continu les aptitudes nécessaires à l’ac-
complissement de tâches devenues très
évolutives.
Ce n’est que dans les toutes dernières
années que le concept de compétence
s’est relativement clarifié, à partir des tra-
vaux des spécialistes en sciences de l’édu-
cation, qui ont plus ou moins corrigé les
visions empiriques et souvent sommaires
des praticiens.
Il y a aujourd’hui un consensus pour
considérer toute compétence comme une
aptitude à faire face convenablement à une
situation de travail, en alliant de manière
indissoluble deux éléments :
• Une maîtrise de ressources cognitives,
concept à comprendre comme on le verra
plus loin de la manière la plus large.
• Une capacité à mobiliser ces ressources
de manière concrète et efficiente.
Pour échapper à une multiplicité innom-
brable de compétences qui découlerait de
la même multiplicité de situations particu-
lières, il apparaît très vite qu’il faut reca-
drer le concept et en venir à des compé-
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tences génériques se référant à des classes
de situations. De fait il est même difficile
d’en rester là et de ne pas reconnaître l’im-
portance de compétences transférables
entre situations différentes.
Considéré sous cet angle, le processus for-
matif vise selon les cas, soit à développer
des compétences (aptitudes directement
applicables), soit à donner des capacités,
au sens d’aptitudes larges aptes à générer
le moment venu les bonnes compétences,
capacités elles-mêmes adossées à des
savoirs pratiques ou théoriques, sinon
même des langages. Il est clair que des for-
mations pré-professionnelles comme les
formations d’ingénieurs se situent presque
exclusivement sur ce second plan (celui
des capacités et des ressources cognitives
associées).
Comment décrire alors le profil de compé-
tence du jeune diplômé, dont on dit sou-
vent par habitude, selon une formule trop
simple pour être totalement honnête, qu’il
lie des savoirs, des savoir-faire et des
savoir-être ?
Le spectre de compétence du jeune
diplômé
Pour en rester à l’approche compétence,
dans un sens tout de même notablement
élargi, le jeune diplômé issu d’une école
peut faire état :
a) Des savoirs et des savoir-faire scienti-
fiques et techniques de base, adossés natu-
rellement à la maîtrise de langages : c’est
pour l’essentiel le bagage acquis dans les
études.
b) De compétences en rapport avec l’exer-
cice du métier d’ingénieur, qui relèvent
essentiellement, comme nous le verrons
plus loin, d’une capacité générale à
résoudre une certaine classe de problèmes
(identification, méthodes de résolution,
validation des propositions, mobilisation
de ressources, mise en oeuvre).
c) De compétences en rapport avec son
intégration dans une structure collective
(communication, travail en groupe).
d) De qualités personnelles qui peuvent
être rapportées à trois grandes catégories
de «postures» :
1 - Le fonctionnement de l’esprit (curiosi-
té, inventivité, sens du détail, qualité de la
réflexion, rapport au savoir…).
2 - Des facteurs de personnalité (leader-
ship, ténacité, motivation…).
3 - Des valeurs (intégrité, respect des
autres…).
Si cette présentation peut être discutée, au
sens où elle présente sur le même plan des
ressources (substrats de compétence) et
des compétences générales (ici les postes
b et c), elle reste commode pour mettre en
lumière les points importants et plus enco-
re l’équation du profil de qualification.
Ce qui intéresse spontanément l’em-
ployeur, et ce qui donne de l’attractivité à
un profil, ce sont naturellement les volets
b) et c) qui conditionnent
l’efficience
immédiate de l’ingénieur, et il faut
admettre que le candidat ne pourra s’ap-
puyer à ce sujet que sur une faible partie
de son cursus (stages et projets). Mais cette
vision au premier degré d’inspiration utili-
tariste se révèle vite comme insuffisante,
dès lors que les autres volets (savoirs et
caractéristiques personnelles) condition-
nent en profondeur l’aptitude de l’ingé-
nieur à régénérer de manière dynamique
ses compétences, et plus encore à les
dépasser en apportant une touche de
talent (originalité des propositions, curio-
sité, qualité de l’écoute…).
On prend donc ici la mesure du cadre
d’évaluation du recruteur. Il n’a pas de rai-
son tout d’abord de s’intéresser très préci-
sément à l’acquis en connaissances, d’une
part parce qu’il ne sait pas toujours préci-
sément (sauf exception) la part de celle-ci
qu’il voudra mobiliser, d’autre part du fait
d’un effet de confiance (ou d’effet de
marque) par rapport au diplôme détenu.
Il sera par contre très attentif
- à tous les éléments de preuve en rapport
avec l’exercice du métier, ce qui le condui-
ra à s’intéresser précisément aux projets et
aux stages,
- à toutes les caractéristiques personnelles,
qui se placent en fait en dehors du profil
de qualification assuré par l’école, et se
situent sur le plan de la reconnaissance
d’une individualité, dimension dont nous
avions déjà mentionné l’importance.
Quel parti tirer de ce modèle ?
Quelles leçons pratiques le jeune diplômé
peut-il tirer de ce modèle (qui pose tout de
même, remarquons-le au passage, des pro-
blèmes existentiels aux responsables de
formation, mais c’est un autre sujet) ?
1) L’acquis de savoirs doit être relativisé
Il ne s’agit pas du tout de négliger le devoir
d’acquisition de connaissance qui accom-
pagne l’élève tout au long de sa scolarité. Il
est clair que pour un poste donné le recru-
teur sera amené à vérifier que tel ou tel
savoir de base n’est pas à reconstruire, ce
qui serait lourd voire hasardeux.
Mais à l’évidence l’essentiel est ailleurs : le
capital de savoir acquis donne tout
d’abord une chance de mobilité théma-
tique dans une trajectoire de carrière. Il est
ensuite l’indice plus ou moins fiable d’une
capacité à apprendre, qui est au fond la
capacité essentielle sur la durée dans des
métiers très évolutifs.
2) Les compétences métiers sont cen-
trales, mais elles doivent être appré-
ciées dans une perspective dynamique,
par rapport à l’horizon professionnel
retenu.
Ce que peut attendre une entreprise qui
recrute un ingénieur c’est pour le moins
de disposer de quelqu’un à même de
résoudre des problèmes relevant d’une
expertise d’ingénieur, ce qui met à juste
titre l’accent sur la méthodologie d’ap-
proche et de résolution de problèmes (on
retrouve l’idée d’une aptitude à faire face à
des classes de situations).
Cette capacité générale devra naturelle-
ment être déclinée selon les situations pro-
fessionnelles les plus diverses (nous y
reviendrons plus loin) avec tout de même
quelques constantes :
• Capacité à identifier ou caractériser une
situation à problème.
• Capacité à poser le problème et à mobi-
liser les ressources utiles à sa solution.
• Validation des résultats (réalisme des
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propositions).
• Capacité à mettre en oeuvre individuelle-
ment ou en équipe.
3) Chaque profil métier porte en lui ses
priorités
Les généralités précédentes se déclinent
comme on l’imagine en fonction des situa-
tions professionnelles, dont la variété
semble plutôt à décrire par rapport aux
grandes fonctions plus que par rapport
aux secteurs (qui ont pourtant une inci-
dence). On voit ainsi l’intérêt de se posi-
tionner vis à vis d’une série de profils types
(on peut dire profils métiers) dans lesquels
le jeune diplômé se reconnaîtra plus ou
moins bien :
• La fonction recherche et développement
des technologies, où la situation type est
celle de l’expérimentation, mais où des
postures de curiosité ou d’ouverture aux
autres seront essentielles.
• La fonction développement d’éléments
ou de systèmes, où la clé d’organisation du
travail est la maîtrise de la conception
(sans pour autant négliger les dimensions
technologiques).
• La fonction ingénierie ou architecture de
systèmes, qui se structure autour de la
définition et de la conduite d’un projet de
conception.
• La fonction exploitation et production,
qui implique vigilance et sens du détail,
sens de l’animation d’équipes, et le cas
échéant des technicités annexes autour
des achats, de la qualité ou de la logistique.
• La fonction de relation avec le client qui
part du marketing pour aller à l’avant-
vente, puis à l’après vente…avec une
importance des qualités d’écoute, de dia-
logue…
Il est de fait que les formations d’ingé-
nieurs restent généralement assez loin de
ces analyses et peinent à prendre en comp-
te les perspectives « métiers » ; pourtant
diverses intiatives ont été prises ces der-
nières années pour intégrer la dimension
métiers, et sensibiliser en tout cas les
futurs diplômés à cette dimension incon-
tournable de leur avenir proche.
On sait qu’à l’Ecole Centrale chaque élève
se positionne par rapport à un grand
champ technique et de manière complé-
mentaire par rapport à un métier. Le choix
de l’ENST a été quelque peu différent
puisque les élèves, totalement libres de
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A préciser selon le profil de la fonction visée (ingénierie de systèmes d’information et de communication, développement de composants ou de sys-
tèmes complexes, génie industriel, relations client…)
Matrice des «ressources cognitives» constitutives d’une qualification d’ingénieur
leurs choix de modules en seconde et en
troisième année, sont invités à construire
une cohérence de leurs choix autour de
grands profils métiers (chercheur, architec-
te, entrepreneur…).
4) Le poids des «postures» dans les tra-
jectoires professionnelles
Nous avons mentionné dans notre tableau
d’ensemble des compétences du jeune
diplômé une rubrique de postures person-
nelles, qui déborde de fait du concept de
qualification, dès lors qu’elle met l’accent
sur des caractéristiques strictement indivi-
duelles, difficiles à prendre en compte
dans des visions sociales des réalités de
l’emploi.
Malgré cette restriction, cette facette pèse
d’un poids lourd dans les décisions profes-
sionnelles, au niveau du recrutement
comme de la carrière. On se situe ici dans
un espace où on ne sait plus très bien quel
est le poids de l’école (traditionnellement
élevé en rapport avec la tradition du
cocooning) et celui de l’élève lui-même.
Sur le plan de la forme d’esprit, on peut,
par exemple, mettre en exergue la curiosi-
té, qui a un impact large et introduit la
capacité à bien observer, l’intuition et l’ori-
ginalité, mais aussi le sens du jugement
(qui apparaît de fait dans les compétences
techniques de l’ingénieur) ou le sens du
détail et la capacité à s’organiser.
Au niveau de la personnalité on retrouve
des grands classiques comme l’engage-
ment (commitment), la ténacité, le leader-
ship ou même l’optimisme…
Mais il faut également porter attention aux
valeurs, qui font intégralement partie,
comme le souligne Philippe Perrenoud,
Professeur en Sciences de l’éducation de
l’université de Genève, des ressources
cognitives mobilisables (ce qui surprendra
peut-être) : à côté de l’intégrité (sens des
valeurs morales), il y a des dimensions
aussi cruciales que le respect des autres, la
tolérance ou la mise en oeuvre de relations
de confiance.
Que conclure ?
La promenade que nous avons faite dans
ce champ souvent méconnu de la repré-
sentation des aptitudes à l’emploi ne
prend son sens que si elle véhicule des
messages utiles.
Le premier message, d’une banalité évi-
dente, est que le cadre de jugement qui
sera imposé aux jeunes diplômés dès l’en-
trée dans la vie professionnelle n’a que
peu à voir avec la logique d’évaluation qui
les a conditionnés durant leurs études.
Face à ce constat, on peut réagir de bien
des façons :
• Imaginer que les écoles en viennent à
juger plus les capacités acquises que les
savoirs : en soi l’idée est séduisante mais
elle méconnaît les obligations qui sont les
leurs d’assurer à juste titre à leurs diplô-
més un bagage de savoirs, gage d’évolution
future. Il ne suffit pas d’apprendre à
apprendre, il faut aussi avoir appris.
• Recommander aux élèves d’accumuler
tout au long de leur scolarité des preuves
de leur progression et de constituer une
forme de portfolio d’expériences ou de
réalisations, à coté du bulletin de notes, ce
qui est déjà plus raisonnable.
• S’interroger enfin sur l’équilibre à trou-
ver, dans les études, entre une logique du
savoir, sanctionnée par un diplôme tradi-
tionnel, et une logique de préparation à la
vie professionnelle, sanctionnée par un
titre professionnel particulier (un peu à la
manière des Anglais) comme cela existe
pour les avocats ou maintenant pour les
architectes.
On peut simplement pour positiver recom-
mander à chaque élève d’assumer pleine-
ment ce changement de règle du jeu, en
souhaitant une aide des écoles sous forme
de quelques signaux d’alerte, peut-être dès
le début de leur scolarité.
Nous recommandons en second lieu à tous
les jeunes ou moins jeunes diplômés
confrontés à une situation d’emploi de se
familiariser avec les référentiels de compé-
tence, et d’en mesurer l’utilité comme les
limites. Ce qui apparaît au fond derrière
les grilles que nous avons succinctement
présentées, c’est qu’elles révèlent que
toute qualification allie :
• un volet de l’ordre du savoir acadé-
mique, de l’ordre du nécessaire, mais clai-
rement non suffisant,
• un volet d’exigences en rapport avec
l’exercice d’un métier, potentiellement suf-
fisantes, qui traduit l’aptitude à faire face à
des situations professionnelles,
• un volet de différenciation où, sous des
formes diverses, s’expriment des qualités
individuelles et au fond des formes de
talent.
A chacun de bien le comprendre et de
construire son jugement en conséquence.
Claude MAURY
Délégué Général du Comité d’Etudes sur les
Formations d’Ingénieurs (CEFI) centre de res-
sources sur les questions de formation et
d’emploi lié aux associations d’ingénieurs
(CNISF), aux écoles et aux entreprises. Auteur
de nombreuses d’études et articles sur les thé-
matiques des besoins en ingénieurs et des
politiques de formation. Ingénieur diplômé de
l’Ecole des Mines de Paris, Diplômé de l’Ecole
polytechnique (X 61).
Directeur Technique de
l’Ecole des Mines de Nancy
(1967-1973) , Directeur des
relations internationales à
l’Ecole polytechnique
(1988-1994).
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