Le fait religieux et culturel Vodun au Bénin
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Présentation succincte du fait religieux et culturel Vodun dans l'aire culturelle du Golfe du Bénin (ou Golfe de Guinée), particulièrement le Sud Bénin, et spécifiquement, chez les peuples Fon: approches phénoménologique, socio-anthropologique et "inculturationnelle" en contexte de rencontre entre la culture vodun et le christianisme.

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Publié le 17 mai 2014
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Le fait religieux et culturel Vodún 1  auBénin
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Abbé Barthélémy C. D. ZINZINDOHOUE  Professeurde théologie morale  àl’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest - Abidjan (Côte d’Ivoire)
INTRODUCTION
Si nous pouvons dire quel’homo fabera précédél’homo sapiens, ces deux étapes de l’humanité ont été portées parl’homo religiosus, dimension essentielle de l’homme depuis l’éveil de sa conscience. En effet, le phénomène religieux n’est pas limité à un culte ou à un lien établi avec le transcendant, mais il naît de la prise de conscience de la finitude qui fait émerger le besoin du transcendant. Par conséquent, tout homme est « religieux »,même si certains le sont plus que d’autres, et les manifestations de la religiosité humaine sont nombreuses, diverses, etdoivent beaucoup aux cultures dont elles sont les âmes. Dans le cas spécifique des cultures du Sud Bénin (Afrique de l’Ouest), dont je présente ici succinctement l’âme religieuse, il apparait que c’est à l’intérieur du phénomène vodún qu’elles ont leur convergence. La plupart des peuples du Sud Bénin ont des racines culturelles similaires, sinon identiques, et ont presque toutes les mêmes origines historiques. C’est la raison pour laquelle le phénomène religieux dans cette partie du monde est généralement manifesté dans leVodún chez les peuples Aja, Ewe, Gên, Gun et Fon (et autres peuples de la même souche culturelle), ouOrisha, chez les peuples Nago ou Yoruba (et autres peuples de la même souche culturelle). Vodún désigne une divinité vénérée et adorée. Il définit aussi toute la structure sociale, psychologique et surnaturelle née de cette religiosité populaire. En effet, la réalité Vodún imprègne tout l’ensemble socio-culturel, socio-politique et socio-économique de ces aires culturelles. Avant l’avènement du christianisme, il était facile de voir comment toute la structure sociale, à commencer par la famille, en était imprégnée. Les premiers missionnaires, dans nos régions, n’avaient donc pas affaire à des êtres areligieux. Les difficultés qu’ils ont rencontrées, les conversions qui ont été faites sans un enracinement profond dans les cultures, la tendance à traiter cultures et cultes autochtones de réalités « sataniques » et à les jeter dans la même poubelle, nous interpellent aujourd’hui à mener une réflexion renouvelée sur le fait religieux et culturel vodún qui demeure vivace et constitue un défi face à la Nouvelle ou Seconde Évangélisation. Je me propose d’exposer en un premier temps une approche phénoménologique du Vodún. Ensuite, j’exposerai une brève explication de ce en quoi consiste la réalité vodún,
1  Leprésent article est un texte reformulé à partir d’une conférence que j’ai présentée dans le cadre d’un séminaire sur le dialogue interreligieux tenu en l’an 2000 au centre Jean XXIII à Yaoundé (Cameroun), sous le titre « Religion traditionnelle en Afrique : le phénomène vodun au Bénin ». Une traduction en anglais est publiée sous le titre « Traditional Religion in Africa : The Vodun phenomenon in Benin », in ISIZOH Chidi Denis (ed.),Christianity in Dialogue with African Traditional Religion and Culture, Rome, Ceedee Publications, 2001, pp. 137-168. Cette version anglaisese trouve sur internet sous le titreTraditional religion in Africa : The vodun phenomenon in Benin.
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avant de faire une appréciation critique de sa fonctionnalité. Je finirai par mette l’accent sur le fait que pour évangéliser en profondeur les cultures, il nous faut aller à une meilleure découverte de leur racine, de leur contenu et de leur projet existentiel et anthropologique.
I. APPROCHE PHÉNOMÉNOLOGIQUE : LA DIVINITÉ  SELONLA CONCEPTION DES AJA-FON
1.1. Mawu, le dieu suprême La religion traditionnelle vodún (ou orisha) se rencontre sur le Golfe de Guinée, du Nigeria au Ghana en passant par le Bénin et le Togo. Chez les peuples Aja, Ewe, Gên, Fon, Gun et les peuples de cette même souche culturelle, ont croit en l’existence d’un Être suprême et transcendant identifié par le termeMawu. Ce dieu Mawu, selon les Fon, est celui qui a créé «arbres et cordes» ;c’est là une expression idiomatique pour dire 2 qu’il a créé « tout ce qui existe » . Que Mawu soit le créateur de l’univers, de l’humanité et de tout ce qui existe est une conception admise fermement chez ces peuples avant l’arrivée des grandes religions monothéistes (Christianisme, Islam). Chez les Fon, ce dieu Mawu est aussi désigné par les termesDada-SêgboRoi Grand Esprit), (leSêmêdo(l’Esprit qui gouverne la personne humaine/Principe de l’être),Gbêdoto(Créateur de l’univers/Créateur de la vie). S’il n’y a aucun doute par rapport à la reconnaissance de Mawu comme l’Être divin suprême, pourquoi donc la pluralité de divinités dans le culte Vodún? Pour répondre à cette interrogation, il nous faut identifier la relation qui existe entre Mawu et Vodún dans la conception religieuse des peuples concernés.
1.2. Larelation entre Mawu et Vodún
L’absolue transcendance reconnue à Mawu ne permet pas de concevoir qu’il puisse vivre une relation d’immanenceavec la création et avec l’humanité.Et pourtant l’esprit humain a besoin d’une relation de proximité salvatrice, d’un accès facile à l’Être Suprême. Et puisque les créatures manifestent le Créateur, l’homme considère que certains êtres, certaines manifestations cosmiques etcertains phénomènes de la nature qui dépassent son entendement sont des expressions de la puissance sacrée de l’Être suprême. C’està partir d’une telle conception de la transcendance qu’émerge le culte des réalités sacrées ou divinités que les Fon nomment Vodún. Pour les peuples du Sud Bénin, Mawu est bon,mais il ne s’occupe pas lui-même directement de l’homme; il est omnipotent, mais il a délégué ses pouvoirs aux Vodún. Par conséquent, les Vodún, reconnus comme créatures de Mawu, selon l’expression fon‟Mawuwê do Vodún lê”,de Mawu auprès des hommes ; ilssont les représentants sont le signe de l’immanence divine en réponse aux désirs spirituels de l’humanité.En ce sens, le concept vodún désigne tout ce qui est sacré, tout pouvoir venant du monde invisible pour influencer le monde des vivants, tout ce qui est mystérieux. Pour cette
2 Cf. témoignage recueilli par Paul FALCON, R.P.,‟Religiondu Vodun”, in Etudes Dahoméennes, nn. 18-19, IRAD, Juillet-Octobre 1970, p. 20.
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raison, Vodún est explicitement distinct de Mawu; et de façon explicite, il n’y a habituellement pas de rituels de célébrations directement en l’honneur de Mawu. Cependant, dans la vie courante et au cours des cultes rendus aux Vodún, on ne manque pas de faire des prières, des invocations ou des vœux spontanés en référence à Mawu. Par exemple :‟Mawu nablô”(Dieu fera);‟Kpêton” Mawu(par la grâce de Dieu). Les Vodún reçoivent l’adoration à cause de leur proximité avec l’homme. Il leur revient, eux, de reporter l’hommage à Mawu, l’Être suprême ; ils sont les médiateurs entre lui et nous les hommes. Des qualités divines sont attribuées aux Vodún. Etant donné leur caractère spirituel, ils sont considérés comme étant au-dessus de toute loi naturelle. Tous ces attributs dont ils bénéficient sont l’œuvre de Mawu. En examinant la dynamique interne du panthéon vodún, nous aurons une idée plus claire de la relation de dépendance que les Vodún entretiennentavec Mawu.
1.3. Lestypes de Vodún et leur origine mythique Ce serait une entreprise peu réaliste et une vaine prétention que de faire croire que l’on est en mesure d’énumérer de manière exhaustive les types de Vodún ou de les classifier dans une brève présentation comme la nôtre. Le R.P. Paul Falcon le faisait déjà 3 45 remarquer . Honorat Aguessyet Robert Sastreont, eux aussi, abordé la question. Étant donné l’importance d’une nomenclature, ne serait-ce que sommaire, du panthéon vodún, 6 je me réfère à celle proposée par Jacob Medéwalé Agossou. 7 Les Vodún sont les fils de Mawu-Lisa , l’Être suprême. Ils sont nombreux; les sept plus importants parmi eux sont : Sakpata :c’est le fils aîné à qui la terre a été confiée, et il est identifié à la terre; il est ‟AyiVodún” : Vodún de la terre. Son pouvoir est redoutable et il est craint. Ses attributs sont la varicelle, des ciseaux, une chaîne et des tachesnoires, blanches et rouges. Sakpata a plusieurs fils, parmi lesquels le Vodún de la lèpre (Ada Tangni) et celui des plaies incurables (Sinji Aglosumato). Il est la divinité de la Terre et de la Variole.
Hêbioso (ou Hêvioso) :c’est le Vodún du ciel (Ji Vodún) qui se manifeste par la foudre et letonnerre. Il est le second fils ; il est considéré comme étant un Vodún de justice qui punit voleurs, menteurs, criminels et faiseurs de mal. Ses attributs sont la foudre, la hache à double tranchant, le bélier, la couleur rouge et le feu. Hêbiosso a plusieurs fils parmi lesquels Sogbo, Aklombé, Avlékété.
3 Cf. Ibidem, pp. XI-XII. 4 Cf. Honorat AGUESSY, « Religions africaines comme effet et source de la civilisation de l’oralité », inLes religions africaines comme source de valeurs de civilisation, Colloque de Cotonou, 16-22 août 1970, Paris, Présence Africaine, 1972, p. 37. 5  Cf.Robert SASTRE, «Les Vodun dans la vie culturelle, sociale et politique du Sud-Dahomey», inLes religions africaines comme source de valeurs de civilisation, Colloque de Cotonou, 16-22 août 1970, Paris, Présence Africaine, 1972, pp. 341-342. 6 Cf. Jacob Medéwalé AGOSSOU,Gbêto et Gbêdoto. L’homme et le Dieu créateur selon les sud-dahoméens. De la dialectique de participation vitale à une théologie anthropocentrique, Paris, Beauchesne, 1972, pp. 125-126. 7 C’est l’appellation initiale de l’Être suprême considéré comme un couple. L’usage a fini par ne retenir que le premier membre et féminin de ce mythique couple. Voir des exposés plus détaillés sur le sujet, chez Paul Falcon et Jacob Medéwalé Agossou.
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Agbeest le troisième fils ; c’est le Vodún de la mer (ToVodún). Il est aussi connu sous l’appellation de Xu (la mer). Il étend son empire sur la mer et les eaux. Il est représenté par un serpent, symbole de tout ce qui donne la vie. L’un de ses puissants enfants est Dan Tohossu qui se manifeste par la naissance de bébés‟monstres”(handicapés).
Gu; c’est le Vodún du fer et de la guerre. Vodún civilisateur qui donne: quatrième fils aux hommes la technologie et le savoir-faire métallurgiques. Il n’accepte pas de complicité avec le mal. Aussi, est-il capable de tuer tout complice d’actes infâmes quand on lui fait appel. Cela s’exprime à travers la sentence fon: «Da gu do» (confier quelqu’un au châtiment de Gu).
Agê : cecinquième fils est le Vodún de l’agriculture et des forêts. Il règne sur les animaux et les oiseaux.
Jo : sixièmefils, ce Vodún est caractérisé par l’invisibilité. Il est le Vodún de l’air. Il dirige le souffle tout autour de l’univers.
Lêgba :le fils cadet. Il n’a reçu aucun domaine de l’univers en partage, parce que c’est tout avait été déjà attribué à ses aînés. Il est jalouxd’eux et, pour cela,il crée la subversion au sein de la rigide structure du panthéon. C’est lui qui assouplit la rigide structure du panthéon. Il est le Vodún de l’imprévisible et de l’inassignable, de ce qui ne peut être confié à personne d’autre; tout ce qui transcende le bien et le mal. Il est le messager entre les autres Vodún et les hommes; il est le gardien des temples, des maisons et des cités ; il est le Vodún de la fécondité. Mais il est également à la source des désordres, des querelles,des accidents et des tragédies.
A côté de ces grands Vodún fils de Mawu, il y a des Vodún tutélaires et protecteurs de clans, de collectivités ou de familles: ces Vodún ont une importance existentielle pour les entités dont ils sont tutélaires. Il s’agit des Toxwyo. Un Toxwyo peut être un ancêtre éponyme divinisé ; un objet ayant appartenu à un ancêtre et considéré comme dépositaire de sa puissance (v.g. le siège royal) ; un animal ou un arbre qui a joué un rôle important dans la vie du clan. Ils font le lien entre le monde invisible et les êtres humains dans leur vie quotidienne.
A partir de ce qui précède, on peut classifier les Vodún comme suit :
LesVodún inter-ethniquesliés aux phénomènes de la nature: Jivodún (Xêbiosso), Ayivodún (Sakpata), Tovodún (Agbe), etc. LesVodún inter-ethniques qui sont des personnages historico-mythiques: Lêgba, Gu, etc.LesVodún ethniques(AkoVodún) :Nêsuxwe, Tohossu (pour les familles princières d’Abomey), Ajahuto (ancêtre des dynasties royale d’Abomey, d’Allada et de Porto-Novo), Agassu (Panthère de qui, selon la légende, est né Ajahuto, pour les Houégbajavi d’Abomey), Dangbe (serpent python del’ethnie Xwela).Les Toxwyo sont de cette catégorie-là. LesVodún modernes: ces Vodún viennent surtout du Ghana et représentent : - soit des puissances occultes de violence:Koku, dont les adeptes se tailladent à coups de couteau.
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- soit des puissances de défense contre la mort brutale provenant surtout de la sorcellerie :Gôrô, dont l’emblème est la noix de kola nitida.
Après ces investigations, il importe de tenter de donner une réponse à la question qui, légitimement se pose : Qu’est-ce exactementle Vodún ? Les Vodún sont une catégorie spéciale de créatures de Mawu. Ils sont au-dessus des hommes, mais on peut les confondre avec Mawu. Tous les chercheurs que j’ai consultés s’accordent à reconnaître que définir le Vodún n’est pas tâche aisée, même pour les adeptes des Vodún eux-mêmes. Les expressions fon telles que‟Vodúngongon”, ‟Vodúnd’ablu”(‟leVodún est profond”,‟leVodún est obscur”)le disent si bien. C’est pourquoi pour saisir quelque chose de plus explicite sur le Vodún, il nous faut, comme le 8 fait Robert Sastre, nous référer au contexte social et culturel dans lequel il s’exprime.
II. LA « THÉODICÉE » DU VODÚN
De ce qui précède émergent un certain nombre de questions: eu égard aux manifestations observées dans ses pratiques cultuelles, la religion vodún pourrait-elle être qualifiée de simple fétichisme ou être assimilée purement et simplement à un naturalisme ? Quelles sont les relations que cette religion établit entre la personne qui la pratique et l’ensemble de son environnement cosmique, social et spirituel ?
2.1. Le Vodún : naturalisme, fétichisme ou animisme ? Les manifestations et les expressions extérieures du culte vodún peuvent amener à qualifier ce culte de naturalisme anthropologique, de fétichisme et d’animisme. Les arguments en faveur de tels qualificatifs ne manquent pas de pièces à conviction. En effet, les Vodún, comme dans toutes les religions primitives de la terre,ont pour supports des éléments de la nature, comme les minéraux, les végétaux et les animaux. Rien ne pourra empêcher de voir en cela, une attribution d’âmes et de pouvoirs à des objets ordinaires qui, par conséquent, acquièrent une terrifiante et prépondérante importance. Cependant, cela n’est que l’épiphénomène d’une réalité beaucoup plus profonde. Le phénomène vodún n’est-il qu’une simple manifestation d’esprits simplistes ou plutôtqu’une malicieuse structure religieuse et éthique mise sur pied pour servir l’autorité dans la société? Le concevoir ainsi reviendrait à ignorer que dans le Vodún s’articule en une fonction unique, par la médiation du religieux, les dimensions physique, cosmique et sociale. Sa fonctionnalité est donc plus riche, plus profonde et plus structurante que ses expressions « épiphénoménologiques ». Lorsque le Fon dit»« Mêwê non ylo do Vodún b’ê non nyi Vodún(c’est l’être humain qui appelle une chose Vodún pour qu’elle soit Vodún), cela voudrait-il dire que la réalité vodún n’est qu’une invention de l’esprit? Cela veut dire plutôt que c’est par l’adhésion de l’esprit à cette réalité qu’elle devient symbole. Le fait religieux, culturel et sociologique «Vodún »évoque le mystère et ce qui se rapporte au divin, au transcendant. Allant au-delà de l’apparence et des manifestationsextérieures, il nous faut nous intéresser surtout à l’essence de la réalité vodún.
8 Cf. Art. cit., pp. 343-352.
2.2. Vodún et monothéisme
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En identifiant le phénomène vodún à un fétichisme idolâtre ou à un animisme superstitieux, on pourrait, de manière hâtive, conclure qu’il n’est qu’une illustration parfaite du polythéisme, en stricte référence au panthéon des dieux grecs tel que nous le présente l’histoire des religions. Cependant, tout en restant dans le registre de l’analogie, 9 et toute proportion gardée, même le Dieu inconnuauquel un temple est dédié à Athènes au temps de l’apôtre Paul n’est pas parfaitement assimilable au Mawu du Sud Bénin: nous n’avons pas, en effet, de témoignage de culte rendu à ce dernier, et ce même Mawu est invoqué par les prêtres et adeptes de tous les Vodún. Mawu ne semble pas être un Vodún à part. Le phénomène vodún, bien qu’ayant une multiplicité d’expressions et de manifestations, n’a qu’un unique objectif: exprimerl’homo religiosustravers une à culture donnée. Dans l’imaginaire collectif de notre peuple, le culte rendu aux divinités désignées sous l’appellation générique Vodún est un raccourci vers l’Être suprême (Sêgbo, Sêgbo-Lissa ou Mawu) non accessible directement. De manière ultime, c’est à lui qu’est adressée toute louange; lui qui a créé tout ce qui existe, y compris les êtres humains et les Vodún qui leurs sont donnés comme intermédiaires. Par conséquent, qualifier la religion vodún de polythéisme tout court ne correspondrait pas tout à fait à la vérité. Il s’agirait plutôt d’un monothéisme qu’on pourrait qualifier de «polyédrique »(une réalité ayant un seul sommet, mais présentant plusieurs bases); un monothéisme «poly-intermédiatique »(un seul dieu joignable par de multiples intermédiaires ou représentants). On est en présence d’un unique Être divin suprême avec qui on entre en relation à travers le cosmos, la nature, les phénomènes naturels et les êtres humains défunts. Cela fait, certes, contraste avec un culte dans lequel la relation avec l’Être suprême est plutôt directe: ce à quoi nous engagent les grandes religions monothéistes à visée universelle. Par ailleurs, on ne saurait affirmer de manière absolue et péremptoire que la conception religieuse Vodún est un panthéisme (l’Être 10 suprême – Dieu – en toute chose) ;il s’agirait beaucoup plus d’un « panenthéisme »(to ute chose en l’Être suprême – Dieu –).
2.3. Vodúnet Gbê (la vie/le monde) : Cosmogonie Le mot‟gbê” quisignifie‟la vie”veut aussi dire‟l’univers”.surtout le C’est second sens qui nous intéresse ici. L’univers créé dans son déploiement cosmique n’est pas étranger au déploiement du Vodún. Dans les expressions concrètes du Vodún, il y a un Vodún de la terre (Sakpata), un Vodún du ciel (Hêbiosso), un Vodún de la mer (Agbé) et les Vodún représentant les ancêtres (Toxwyo) comme nous l’avons vu. En effet tous les éléments de l’univers sont impliqués dans les manifestationsdu Vodún. Cela ne veut pas dire que pour les Sud Béninois il y ait une cosmogénèse à partir d’un Vodúnqui serait le générateur ou le créateur de l’univers. L’entité à laquelle une telle faculté peut être attribuée ne peut être queMawu-Gbêdoto (Mawu-Créateurdu monde) qui est à l’origine de toutes choses. Les Vodún sont en lien avec tout ce qui existe dans l’univers,
9 Cf. Ac 17,23 10 Cf. Karl Christian Friedrich Krause,Vorlesungen übedas System der Philosophie, 1828, in www.fr.wikipedia.org/wiki/Panenthéisme(consulté, le 03/05/2014).
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afin de servir à la protection des êtres humains et à leur médiation avec l’Être suprême (Mawu-Gbêdoto). La relation du Vodún avec‟Gbê” (l’univers) ne trouve son sens qu’à travers sa relation avec‟Gbêto”(l’être humain).
2.4. Vodúnet Gbêto (l’être humain) : Anthropologie La religiosité qui se manifeste chez l’être humain (Gbêto) à travers le phénomène vodún le place dans toute une chaîne de symbolismes dans lesquels l’homme rend un culte aux Vodún pour en obtenir, en retour, puissance, protection et faveurs. Ce que l’homme appelle Vodún, c’est l’inconnu, le mystérieux, l’ineffable, lorsqu’il s’agit des éléments de la nature ; c’est l’extraordinaire, le héros, l’imbattable, le tout puissant, lorsqu’il s’agit des êtres humains. Tout ce qui est de l’ordre du numineux est pour les Fon,Numêsên (choseà vénérer, chose digne d’adoration). C’est à partir du moment où la réalité concernée est identifiée et reconnue subjectivement qu’elle est nommée Vodún et fait l’objet d’un culte. De là, toute la vie et l’existence du sujet religieux est portée par sa relation cultuelle avec la Divinité. 11 Le, messager des Vodún, intervient dans toutes les étapes de la vie de la personne, et dans les différents événements qui surviennent au cours de son existence. De sa gestation dans le sein maternel jusqu’à sa mort, en passant par les différentes situations existentielles, l’homme du culte et de la culture vodún sera porté et accompagné par l’omniprésence des Vodún; il vivra sous le regard protecteur du panthéon vodún, avec les droits et devoirs liés à une telle sollicitude. La consultation régulière, périodiqueou circonstancielle du Fá permet de connaître ce qu’il faut faire pour que les événements de la vie se déroulent sous le regard et bonne protection des Vodún. Mais curieusement et paradoxalement, le Vodún n’«accompagne »pas ses adeptes ou ses consacrés dans la mort ou dans l’au-delà. Lors des funérailles d’une personne consacrée à un Vodún, il y a un rite spécifique qui consiste à lui enlever l’esprit du Vodún dont elle a été l’«épouse ».L’homme va dans l’au-delà, libéré des prérogatives et des insignes de sa consécration et de ses liens avec le Vodún. On pourrait donner deux explications à une telle conception.D’une part, les exigences de notre consécration à un Vodún se limitent au monde des vivants et ne nous accompagnent pas 11 Le Fá, science de la divination par la terre (géomancie) « est venu du Levant au Dahomey, écrit Paul Hazoumê ; ce fut sous le règne d’AGADJA, le quatrième roi dahoméen, que cet oracle, plus sûr que tous ceux que le pays subissait, fut introduit par deux hommes – Gougou et Jissa – dont la tradition a consacré les noms» (Paul HAZOUME,Le pacte de sang au Dahomey, Paris, Institut d’ethnologie, 1956, p. 119). Cette information de Paul Hazoumê trouve confirmation et complément chez Barthélemy Adoukonou. Voici ce qu’en dit celui-ci:Fá n’est pas n’est pas originaire du Sud-Dahomey, mais il s’y est bien acculturé; le« Le Dahoméen y a greffé en effet toute sa vision du monde depuis que le Bokonon Jissa l’a introduit à Abomey au temps du roi Agaja (1708-1740). Il a été importé d’Ifê, la capitale religieuse de l’ancien royaume d’Oyo. Mais son ème ème origine première serait, dit-on, à chercher hors de l’Afrique, dans la Perse des 8et 9siècles où fleurissent, au dire de Maupoil qui s’appuie en cela sur A. Rouhier, les deux grands centres universitaires alors connus : Gondé – Chapour (sic) et Bagdad. C’est de là, semble-t-il que, par l’intermédiaire des savants arabes et juifs, la géomancie atteignit Damas, Alexandrie, le Caire et s’enfonça en Afrique par la Haute-Egypte jusqu’au Soudan et au Darfour, et d’autre part, par la voies méditerranéenne, gagna le Maghreb où la civilisation arabe allait atteindre tout son éclat » (Barthélemy ADOUKONOU,Jalons pour une théologie africaine. Essai d’une herméneutique chrétienne du Vodun dahoméenParis, Ed. Lethielleux, Coll., T. II,‟LeSycomore”, 1980, p. 144). Ce système de divinisation est appréhendé chez nous «sous la forme d’une divinité à cause du caractère inexorable, mystérieux et redoutable de la destinée qu’il traduit… » (Honorat AGUESSY,Convergences religieuses dans les sociétés AJa, Ewé et Yoruba sur la côte du Bénin(études réunies par),MEDEIROS (de), in FrançoisPeuples du Golfe du Bénin (Aja-Ewé),Paris, Karthala/Centre de Recherches Africaines, 1984, p. 239.
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dans le séjour des morts : les Vodún prennent soin des vivants et non des morts, car ceux-ci passent dans le monde des Vodún et le monde des vivants ne peut plus rien pour eux, ni sur eux. D’autre part, le Vodún est essentiellement un intermédiaire entre les hommes et l’Être suprême : c’est à ce dernier que la créature humaine est livrée à l’heure de son passage du monde des vivants à celui des morts, du monde visible à celui invisible. Entre les deux mondes, c’est celui visible qui a besoin d’accompagnement. Enfin, en tant que principe de médiation entre la source de l’existence et la personne humaine, le Vodún joue un rôle de premier plan dans l’organisation et la vie sociales des hommes.
III. LES IMPLICATIONS SOCIOCULTURELLES DE LA  RELIGIONVODÚN DANS L’EXISTENCE DES HUMAINS
3.1. Initiationreligieuse et projet éducationnel
3.1.1. Agbassa-yiyi(‟accèsau salon” et découverte du Joto) : Intégration intra- familiale,intra-lignagère et intra-clanique
La cérémonie de Agbassa-yiyi est d’une importance capitale dans la vie de l’homme fon. C’est le premier d’une série de trois rites d’initiation au Fá par lesquels 12 passe le Fonnu. Des trois, Agbassa-yiyiest fondamentalement le plus important, celui par lequel tout le monde doit passer. Jeunes filles et jeunes gens peuvent être initiés au second degré du Fá, mais seuls les hommes (mâles) accèdent au troisième degré d’initiation. L’initiation, comme le souligne l’Abbé Adoukonou, «représente un des moyens essentiels inventés par le Noir pour transmettre de manière vivante et existentielle ce qu’à défaut d’une autre expression, nous nommerons les paramètres fondamentaux de la vie. Ces trois initiations au Fá sont d’un type religieux intermédiaire entre l’initiation purement profane à l’Histoire… et la consécration au Vodún pouvant 13 aller jusqu’à la crise de possession». La cérémonie de Agbassa-yiyi n’a pas de date rigoureusement fixée. Elle n’a pas lieu 14 avant trois mois lunaires après la naissance. Le but de Agbassa-yiyi est de présenter l’enfant à la communauté familiale dans le salon (Agbassa) du représentant de l’Ancêtre éponyme. C’est le rite d’intégration d’un enfant ou de plusieurs enfants de la même génération dans la communauté familiale englobant les membres défunts, les vivants et les Esprits tutélaires de la famille. La 15 consultation du Fá par leBokonon(Devin-guérisseur )révélera leJotode l’enfant,c'est-16 à-dire le Vodún(divinité )ou leMêhôparfois divinisé) qui, à travers sa (Ancêtre,
12 Ainsi est désigné en langue fon l’homme ou la femme d’origine fon. 13 Barthélemy ADOUKONOU,Jalons pour une théologie africaine. Essai d’une herméneutique chrétienne du Vodun dahoméen, T. II,Paris, Ed. Lethielleux, Coll.‟LeSycomore”, 1980, p. 146. 14 Trois, cinq ou sept mois sont les délais les plus courts. On préfère souvent attendre que dans la même famille, il y ait plusieurs enfants à‟initier”ensemble. Pour des raisons majeures, on peut laisser passer plusieurs années. De nos jours, il arrive que des personnes nées loin de chez elles ne soient soumises à ce rite qu’à l’âge adulte, parfois en même temps que leurs propres enfants. 15 Celui-ci est l’expert en cette matière ; invité pour la circonstance, il perçoit des honoraires pour le service rendu. 16 Les cas de Vodun-Joto sont moins fréquents que ceux de Mêhô-Joto, et s’appliquent surtout aux enfants
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personne, est‟envoyé”à la famille par leGrand Sê. Le Joto est une « référence » à une force protectrice. C’est «… un élément dynamique qui intervient dans la constitution de 17 la personnede l’individuLe Joto est l’Ancêtre dont l’influx vital anime l’enfant. On» . dit de lui qu’il estSê-jotoouSê-mêkokanto(Sê préleveur de la terre du corps humain) : celui qui a présenté au Dieu-Créateur le limon dont a été façonné le corps du nouvel arrivé au Pays de la vie (Gbêtômê). Il est la force, l’énergie vitale et spirituelle qui modèle et dirige l’existence de la personne; d’où le titre dequ’on lui (Protecteur) 18 donne .Le Joto est « Père de la venue à l’existence », collaborateur direct de Mawu dans 19 la génération de l’enfant.  Unefois le Joto connu, on lui souhaite la bienvenue:‟Sê,nu we” (Sois le dôô bienvenu, ô Sê !), et en la personne de son‟autrelui-même” et protégé, on l’accueille par le rite duJonon kpikpeaccueil de l’étranger, de l’hôte). L’enfant ne reçoit (rencontre, pas, en principe, le nom de son Joto. On peut cependant s’adresser à lui de temps en temps sous le nom de son Joto afin d’en entretenir le souvenir et l’idéal en lui. Ce nom peut parfois prévaloir si l’intéressé se trouvait un jour réclamé et consacré au culte de son Joto. «En ce cas, le nom devient un véritable nom de religion. Interdiction formelle, sous 20 peine très sévère, d’appeler le sujet d’un autre nom» . Malgré les ambigüités terminologiques rencontrées inévitablement dans la formulation du 21 concept de Joto, toute idée de ré-incarnation comme telle doit être absolument écartée: l’enfant n’est pas la ré-incarnation de son Ancêtre Joto. La croyance religieuse fon confesse que le Sê individuel est immortel. Lorsque l’individu meurt et rentre dans le Yêswinmê(monde des Esprits, le monde métaphysique), le Sê individuel retourne auprès du Sêgbo (Grand Sê), c'est-à-dire, aux origines, à l’état originel. Le Joto a pour rôle de « mettrela main sur la tête» (Alodôtanumêto) du nouveau candidat à la vie «pour le 22 prendre d’une certaine façon sous son ombre tutélaireIl n’y a pas de ré-incarnation à» . proprement parler, mais une transmission de personnalité. L’âme individuelle du Joto ne s’incarne pas dans son protégé, mais le Joto transmet à ce dernier « sa part sociologique, 23 son statut et son rôle» .Pour preuve de cela, plusieurs personnes, vivant « contemporainement », peuvent avoir et, de fait, ont le plus souvent un même Joto. Le «Sê-mêkokanto (l’ancêtre qui a prélevé l’argile dont est façonné le corps du nouveau-né) imprime à l’enfant sa personnalité sociale, ce qu’il est devenu‟parson engagement social et actif dans le devenir historique”,‟la conscience historique” qu’il‟aincarnée de son vivant et qui est maintenue par le groupe qui éduquera le nouveau-né selon le patron” (…) Personnalité sociale,
destinés à devenir plus tard Hunsi (consacrés au Vodun). 17 Montilius GUERIN, op. cit., p. 25. 18 Cf. Ibidem. 19 Cf. Paul K. VIEIRA,La vie selon Saint Jean et dans la culture Gên, Thèse de doctorat en théologie biblique, Roma, Pont. Univ. Urbaniana, 1981, Vol. I, p. 45. 20 Etienne SOGLO, «Agbassa », inVoix de Saint Gall, Bulletin des Grands Séminaristes de Ouidah (BENIN), 1957, p. 10. 21  Nousn’ignorons pas le grand débat qui, de nos jours, se déroule autour de la question de la‟ré-incarnation”,spécialement sous l’influence de religions asiatiques comme le Bouddhisme et l’Hindouisme. Mais là n’est pas notre propos. Le concept de‟Joto”est loin d’entrer dans ce cadre. 22  AntoineGANYE,Problématique anthropologique et juridique des droits de l’homme. Etude analytique et comparative sur la conception des droits de l’homme d’après le monde moderne, le Magistère de l’Eglise et l’anthropologie‟juridique” Fon, Roma,Pont. Univ. Urbaniana, 1983, p. 32; l’auteur se réfère lui-même à B. ADOUKONOU. 23 Ibidem, p. 33
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engagement actif et conscience historique que l’ancêtre lègue à son descendant constituent un patrimoine psychologique qui donne sens à sa vie, et coïncide avec les axes directeurs sus-mentionnés. L’ancêtre protecteur vient matérialiser le droit de sauvegarde et de maintien de la vie ainsi que celui d’agir pour son plein épanouissement et développement. Le Sê-mêkokanto (l’ancêtre protecteur) assure de cette manière l’accroissement de la vie familiale dont il a été le 24 premier ou l’un des premiers maillons importants…» .
Le Joto est parfois secondé dans sa tâche par un autre Ancêtre ou un Esprit divin qui joue le rôle de Joto auxiliaire ou accompagnateur aux côtés du premier. Cette disposition entre pleinement dans la logique du renforcement de lien, réalité que la pensée fon tient comme une valeur inaliénable. Pour identifier le Joto, il faut avoir déterminé auparavant lequi le révèle. Dù est le 25 nom donné aux signes ou figures porteuses de sens dans le système divinatoire Fá. Il s’agit ici de celui de ces signes qui servira à la révélation de soi du Joto. Désormais le Dù révélateur et le Joto constituent deux données inséparables l’une de l’autre et intrinsèquement liées à la destinée personnelle et socio-religieuse de l’individu, ainsi qu’à son projet d’accomplissement. Si Joto est le référent « typologique » de l’individu, Dù est « lavolonté recherchée et accueillie d’un Tiers-Postulé» (Sêgbo) mise en épiphanie, c'est-à-dire manifestée par le Joto. Dù est la «parole oraculaire», la voix de l’Etre suprême sur chaque personne qui accède à l’existence. Voix du Sê, Dù est aussi la voie que Sê trace et indique à l’homme. Car, «le monde s’étend sans mesure, mais on y vit 26 pas sans mesure», ainsi parle l’angoulevan. Dù est la parole de vie livrée et confiée provisoirement aux parents comme mesure d’orientation pour celui qui vient de faire son entrée dans le pays de la vie (Gbêtomê) et dans le monde des hommes (Gbêtolêmê). Il lui 27 trace le chemin à suivre, c'est-à-dire qu’il établit pour lui les ordonnances ou lois () selon lesquelles il devra éviter de poser des actes mortifères à la fois pour lui-même et les autres, ou des actes de désintégration pour toute la communauté. En attendant que son enfant ait l’âge de raison, c’est la mère qui respecte pour lui les ordonnances de son Dù.
24 Ibidem. 25 Il comporte 16 signes de base appelé Duta (Tête de Dù) : oracles mères ou oracles fondamentaux. Une première série de combinaisons donne 256 signes. En allant plus loin dans l’approfondissement scientifique du système, on obtient 65.336 signes. A la base de la calebasse qui représente le monde et la vie, figurent comme racines les 4 premiers signes allant par paire de droite à gauche :
I I I II I I II I I I Dì-mêji
 II II  II  II  II II  Woli-mêji
I II II I I II II I I II II I I II II I  Yêku-mêjiGbè-mêji
‟Laterre et le ciel sont ensemble comme la calebasse fermée que l’on appelle Odu, dont le nom complet est une invocation, et comme un cri de détresse: Oduwa la n Kpe l’Odu (V), Inconnaissables, sauvez-nous”. Odù ou Dù serait alors synonyme de Mawu (Dieu). Cf. Honorat AGUESSY, «Convergences religieuses dans les sociétés AJa, Ewé et Yoruba sur la côte du Bénin», in François MEDEIROS (de) (Études réunies et présentés par),Peuples du Golfe du Bénin (Aja-Ewé), Paris, Ed. Karthala/Centre de Recherches Africaines, 1984, p. 237. 26 Artifice littéraire qu’on rencontre sous presque tous les cieux et qui est aussi courant chez les Fonnu, de mettre des proverbes dans la bouche des animaux. 27 Ce mot est souvent rendu en français par le terme‟interdit”.Cette traduction quelque peu malheureuse ne rend pas entièrement compte de la charge sémantique du mot. Le terme‟loi”exprimerait mieux le concept de‟Sù”.
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En général, les mères prennent sur elles la responsabilité et le souci de suivre ces ordonnances tout le reste de leur vie pour et avec leurs progénitures même adultes. Elles manifestent par ce geste que la vie qui se conserve dans un membre de la famille est un gain de vitalité pour tous et que tous doivent coopérer à la maintenir. Par le rite de Agbassa-yiyi le sujet fon est reconnu comme appartenant réellement à sa famille, puisque son lien avec les Ancêtres, fondements mystiques de la famille, s’en trouve déterminé. Par son Joto, il est d’autant plus intégré aux membres vivants de la famille qu’il est rattaché à ses membres défunts. Le rite de Agbassa comporte deux dimensions :alors que le fait d’avoir un Joto confère à la personne un statut social, la détermination de son Dù, «Parole oraculaire en puissance d’accomplissement», lui reconnaît un caractère individuel. Il y a donc inter-action réciproque entre le statut social et le statut individuel. Celui sur qui le rite de Agbassá-yiyi n’a pas été accompli n’a ni statut personnel, ni communautaire: «il n’est soutenu dans l’existence par aucune parole oraculaire» (E dô dù de ji a). Ses points de repère, en l’occurrence Joto et Dù, n’étant pas connus des membres de sa famille, il est comme un «inconnu »,un homme sans racine. De là l’interrogation empreinte d’inquiétude du Fonnu en présence de toute personne qui manifeste un déséquilibre habituel de comportement,‟E?” :yì àgbassa n’i à ka‟a-t-onaccompli le rite de Agbassa-yiyi pour lui ?”. La même interrogation vient souvent sur les 28 lèvres à propos de la cérémonie du Sunkúnkún,‟Eka kosun n’íi à ?” :‟a-t-onaccompli le rite de Sunkúnkún pour lui?” Une personne dont le comportement suscite de telles interrogations est dite n’avoir pas l’esprit au repos ; elle a l’esprit agité :‟Ayiton húhwê a ;ayi ton j’ayi a”. Cette agitation est la manifestation d’une dysharmonie intérieure, sociale et religieuse. On estime qu’il ne peut en être autrement, car, ni cette personne elle-même, ni les autres n’ont connaissance de la Volonté sublime du «Grand Sê» qui donne sens à son existence, la‟Paroleoraculaire” qui gouverne et oriente sa vie. L’écoute de l’histoire et des contes fortifie le caractère des jeunes ; leur formation morale, largement basée sur les exemples reçus, combine l’imitation des ainés, particulièrement des ancêtres (histoire) et celle des héros (contes).
 3.1.2.L’éducation religieuse
a/.L’initiation communeen vue de la maturité religieuse Uneéducation qui n'assume pas les valeurs morales et religieusescomme essentielles n'estpas une éducation dequalité. Laconviction religieusedonne sensà la conduite et aux choix moraux. L’éducation religieuse fon, selon le mot de Monseigneur AnselmeT. Sanon, achemine la personne à«pressentir l'invisible dans le 29 visible concret» : Nu kplon mê on,L'éducation (morale), e nonze doon la met sur Numêsênlê sin ali nu :la voie des "Etres-à-adorer"  (Divinitéset Ancêtres) : Vodún le do le ;un tel Vodúna ordonné telle chose;
28 Rite de reconnaissance, de dation de nom et de« sortie » de l’enfant nouveau-né. 29 Anselme T. SANON, René LUNEAU,Enraciner l’Évangile, Paris, Cerf,Coll.‟Riteset symboles”, 1982, p. 161.
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