Comment en pratique évaluer le risque suicidaire ?
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Comment en pratique évaluez-vous le risque de passage à l'acte suicidaire ?
Pour ma part, je suis confrontée à une population de patients adultes épileptiques pharmaco résistants, candidats ou non à une chirurgie curatrice. La littérature internationale est unanime : les comorbidités psychopathologiques en particulier la dépression et les troubles anxieux sont surreprésentés au sein de cette population.
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Comment en pratique évaluez-vous le risque de passage à l'acte suicidaire ? Pour ma part, je suis confrontée à une population de patients adultes épileptiques pharmaco résistants, candidats ou non à une chirurgie curatrice. La littérature internationale est unanime : les comorbidités psychopathologiques en particulier la dépression et les troubles anxieux sont surreprésentés au sein de cette population. Après qq années de pratique et une évaluation systématique et formelle via un entretien semi-directif (Mini International Neuropsychiatric Interview - critères DSM-IV), les résultats observés sont (n=43): 74 % de trouble de l'humeur (EDM, dysthymie, dépression subsyndromique...), le risque suicidaire est notable chez près d'un patient sur deux (47%). Il s'agit d'une observation descriptive et non compréhensive publiée dans la revue "Les cahiers de l'épilepsies" (mai 2012) ayant pr but de sensibiliser les neurologues aux problématiques de leurs patients. Reste à savoir comment prendre en charge de façon optimale ces patients dits " à risque" ???
Michael Villamaux• Bonjour, Je viens de lire avec beaucoup d’intérêt l'article que vous avez rédigé de votre expérience (publié dans la revue Les cahiers d'épilepsies, N°2, 2012). Le taux de suicide chez ces patients semble très élevé. Savez-vous si les programmes de soins que vous avez étudiés, développaient des modalités spécifiques pour la prise en charge du risque suicidaire...
Le suicide inconscient, S. Freud
Dans son chapitre 8 de laPsychopathologie de la vie quotidienne 1, Freud étudie la possibilité d’une erreur dans les actes après avoir examiné les erreurs dans l’emploi du langage. Il distingue les actions symptomatiques et les méprises, selon que l’effet de l’acte parait absurde ou manqué. Après l’examen d’une série de cas, Freud montre finalement que peu importe l’effet de l’acte. Sa compréhension ne dépend pas de sa fonction, ni de sa signification quant au but. Le but n’est pas le référent qui permette d’en préciser la causalité. Il est nécessaire de prendre en compte les motifs inconscients de l’acte qui paraissent multiples.
Un certain nombre d’actes suicidaires ou d’actes dont les effets sont mortels, font partie de ces erreurs dans l’acte. Ce qui permet aussitôt de dire qu’il y a deux types d’actes suicidaires: les actes suicidaires par méprise et les actes suicidaires symptomatiques. Ces deux catégories font partie des « suicides inconscients ».
Il vaut la peine de passer en revue les exemples freudiens, dont certains empruntés à ses amis ou sa famille. L’idée de Freud est que les sujets ne peuvent pas reconnaitre le sens de leur acte autrement qu’en les qualifiant d’erreurs. Ce qui implique, et c’est un fait clinique de grande importance dans le quotidien de l’analyste, que le sujet ne peut reconnaitre ses motifs destructeurs que sous une forme déniée, négative. En effet, l’idée même d’avoir voulu se détruire ou de s’être mis en grand danger par ses actes, ne peut être directement abordée de face, consciemment.
Il ne faut pas croire pour autant que les suicides conscients, volontaires, n’existent pas. Mais, ce n’est pas l’objet de l’examen de Freud dans ce texte. En clinique aussi, les suicides conscients, délibérés, clairement voulus et projetés par le sujet, existent. Mais, dans ces cas, le travail de l’analyste est raccourci en quelques sortes. L’idée consciente de vouloir se détruire peut être directement discutée en entretien. Ce qui implique que la technique de l’entretien se trouve modifiée du fait de la forme dé négative des suicides inconscients où l’abord de la question est du coup indirecte et détournée. Le sujet devra consentir à tenir compte de ses erreurs et de ses absurdités.
C’est ce qui distingue l’analyse des psychothérapies de tout poil qui considèrent que nos actes sont forcément efficaces et cohérents. Un suicide, dans ce cas, est considéré comme tenté ou réussi. Ce qui réduit considérablement le champ de la question du suicide pour l’enfermer dans le petit espace des actes rationnels. Le suicide sera alors considéré par rapport à son effet. Il sera interprété selon la seule thématique de la suppression de soi.
L’analyse considère au contraire que le suicide s’étend bien au-delà de la zone des actes rationnels. Bien plus, elle pense que ce sont ces actes absurdes ou manqués qui permettent d’aborder la vraie causalité du suicide. C’est une façon de sortir la question du suicide de celui de la raison pour la tirer du côté du symptôme. C’est un renversement complet de point de vue où l’on passe d’une perspective centrée par le but, l’efficacité de l’acte, pour basculer dans le domaine de l’inconscient qui divise le sujet.
La suite viendra auprochain billetoù je compte examiner en détail les exemples apportés par Freud. Ces cas cliniques divers sont pertinents et gardent une fraîcheur utile à notre pratique actuelle.
1 – S. Freud,Psychopathologie de la vie quotidienne(trad. S. Jankélévitch), petite bibliothèque Payot, 11, Paris, 1967
Le sens ultime du suicide est le sacrifice du sens : "Parallaxe" de Zizek
27 sept 2008 • Catégorie:Le blog,Philosophie,bibliographie,sociologie
Dans le suicide, la notion de sacrifice est très difficile à aborder. Elle parait pourtant fondamentale. Quel est le véritable objet du sacrifice ? Quel est son sens ?
Les niveaux de lecture, les grilles, les lunettes avec lesquels nous examinons ce fait ne manquent pas. Lequel choisir ?
Faut-il privilégier une approche plutôt que l’autre et à quel moment de la discussion et de la réflexion ? Qu’est-ce qu’un sacrifice réellement ?
Même poser une définition initiale, de base, de départ paraît particulièrement problématique. À l’autre bout, à la fin du raisonnement, au moment de la conclusion aussi, les idées semblent échapper comme le sable entre les doigts. Il paraît difficile d’y apporter un point final.
C’est pourtant ce à quoi s’est voué Slavoj Zizek.
Le dernier livre de Zizek concerne surtout le concept deparallaxe[1]. La parallaxe est le fait que la réalité elle-même puisse changer selon la façon dont on l’aborde. Zizek reprend plusieurs de ses idées fortes, déjà développées dans quelques-uns de ses ouvrages précédents (Le sujet qui fâche, Flammarion, 2007,La marionnette et le nain, 2006,Lacrimae rerum. Essai sur Kieslowski, Hitchkock, Tarkowski et Lynch, Amsterdam, 2005). Par exemple, l’inexistence de l’Autre, l’antagonisme, le facteur évanouissant, et surtout le principe fondamental selon lequel le sujet est divisé avant toute chose.
La question du sacrifice est posée en temps que trame de sa pensée. C’est un fil rouge. En particulier, le sacrifice d’un sujet dans son rapport à l’Autre qui n’existe pas.
Car il s’agit d’un sacré paradoxe ! Si l’Autre n’existe pas, comment est-il possible de se sacrifier pour lui ?
L’Autre n’existe pas ? Il s’agit d’une idée développée par Lacan. L’Autre, par exemple Dieu, n’a d’autre consistance qu’articulée, logique.
C’est la lecture par Lacan de la pièce de Paul Claudel,L’Otage, qui apporte un éclairage utile à ce paradoxe. Sygne de Coûfontaine accepte d’épouser Toussaint Turelure, le fils de sa nourrice qu’elle méprise, pour sauver le Pape caché dans sa maison pendant la révolution française. Turelure est répugnant. Sygne aime Georges. À la fin de la pièce, Georges veut tuer Turelure. Sygne s’interpose et reçoit une balle mortelle. Il s’agit donc d’un suicide par sacrifice.
Comment le comprendre ?
Turelure est à l’opposé de ce pourquoi Sygne pourrait se sacrifier. L’acte de Sygne a pour effet de maintenir en vie tout ce qu’elle peut détester : Turelure n’a pas de rang social dans l’ordre politique révolu qu’elle a pourtant tenté de préserver en se mariant. Il a profité de la révolution, en tant que jacobin. Il a ordonné l’exécution de ses parents sous ses yeux. Elle en aime un autre, Georges.
L’acte de Sygne n’a pas de sens dans la mesure où il s’oppose à tout ce qui dans le monde a un sens pour elle.
Turelure lui-même est étonné. Il ne comprend pas ce geste et en demande la signification à Sygne agonisante. Sygne n’en dit mot. Dans un dernier spasme, elle signale simplement son refus. La porte est ainsi ouverte à toutes les interprétations possibles.
Que refuse-elle exactement ? Seulement de répondre à Turelure ? Ou autre chose encore ?
Zizek fait très justement remarquer l’existence d’au moins quatre temps dans cette pièce[2].
1- Sygne se fiance avec Georges dans l’espoir de préserver un ordre traditionnel qui s’écroulera avec la révolution française
2- son mariage avec Turelure est le sacrifice de ses ambitions amoureuses au profit du pape pour maintenir cet ordre religieux contre la révolution
3- en s’interposant, Sygne sauve la vie de Turelure mais sacrifie ses ambitions
4- son refus de répondre à Turelure dans un dernier soupir nous interdit d’inscrire son acte dans l’ordre idéologique et symbolique révolutionnaire
Il ne s’agit pas du proverbial « masochisme féminin ». Cette renonciation énigmatique « ne peut se produire que comme une sorte de geste vide accompli dans un univers sans Dieu ». Sygne a tout donné,pour rien. En cela, selon Zizek, elle nous permet de distinguer le « contenu matérialiste caché du sacrifice religieux kierkegaardien ». « Sygne a accompli cet acte pour lui-même, il ne s’inscrit pas dans une économie sacrificielle, dans un quelconque calcul stratégique ». C’est un acte depure perte.
Son acte est un démenti, un « non », qu’il est important de distinguer du « non » de l’interdiction. C’est un « non » qui sépare Sygne de l’ordre symbolique et crée une sorte de vide.
Zizek fait remarquer à quel point ce genre d’acte est « la forme même de l’entrée du sujet dans le symbolique ». C’est-à-dire que le sujet ne peut s’inscrire dans un ordre symbolique qu’à la condition d’y opposer un « non » radical (comme un suicide entre autres actes possibles).
Par la suite, Zizek discute des rapports entre le sens et le devenir. Version Nietzsche et version Kierkegaard. Pour finalement conclure que « le sens ultime du sacrifice est le sacrifice du sens lui-même[3]». S’il en était besoin, Zizek montre le refus de la transcendance existant dans le suicide.
[1]– Zizek S.,La parallaxe, Fayard, 2008 [2]– p. 114 [3]– p 119
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