Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr Détournements au Sénat: la tirelire secrète de plusieurs sénateurs UMP PAR MATHILDE MATHIEU ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 15 SEPTEMBRE 2014 La justice enquête sur de possibles faits de « détournements de fonds publics », d'« abus de confiance » et de « blanchiment » au groupe UMP du Sénat. Des élus ont touché de l'argent par le biais d’une association écran. Mediapart a reconstitué en partie la liste des bénéficiaires, dont JeanClaude Gaudin, Gérard Longuet, Hubert Falco ou René Garrec. Un tonneau des Danaïdes percé de toutes parts. Alors que le Sénat déverse plusieurs millions d'euros par an dans les caisses du groupe UMP pour financer ses travaux parlementaires, une partie de cet argent public a fuité sur les comptes personnels de sénateurs UMP grâce à d'ingénieux canaux de dérivation que la justice est en train de mettre au jour, et sur lesquels Mediapart a enquêté. Selon l'un des circuits utilisés, des fonds du groupe UMP sont allés dans le plus grand secret alimenter une association baptisée URS (Union républicaine du Sénat, structure quasi fantoche au service d'anciens giscardiens et centristes), qui les a redistribués à certains de ses membres sous forme de chèques ou d'espèces, sans contrepartie connue.
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Détournements au Sénat: la tirelire secrète de plusieurs sénateurs UMP PAR MATHILDE MATHIEU ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 15 SEPTEMBRE 2014
La justice enquête sur de possibles faits de « détournements de fonds publics », d'« abus de confiance » et de « blanchiment » au groupe UMP du Sénat. Des élus ont touché de l'argent par le biais d’une association écran. Mediapart a reconstitué en partie la liste des bénéficiaires, dont JeanClaude Gaudin, Gérard Longuet, Hubert Falco ou René Garrec.
Un tonneau des Danaïdes percé de toutes parts. Alors que le Sénat déverse plusieurs millions d'euros par an dans les caisses du groupe UMP pour financer ses travaux parlementaires, une partie de cet argent public a fuité sur les comptes personnels de sénateurs UMP grâce à d'ingénieux canaux de dérivation que la justice est en train de mettre au jour, et sur lesquels Mediapart a enquêté.
Selon l'un des circuits utilisés, des fonds du groupe UMP sont allés dans le plus grand secret alimenter une association baptisée URS (Union républicaine du Sénat, structure quasi fantoche au service d'anciens giscardiens et centristes), qui les a redistribués à certains de ses membres sous forme de chèques ou d'espèces, sans contrepartie connue.
de confiance »de et « blanchiment », confiée aux juges d'instruction parisiens René Cros et Emmanuelle Legrand (dévoilée en mai dernier parLe Parisien). Après les révélations de cet été surles dérives au sein du groupe UMP de l'Assemblée nationale(au profit de Bygmalion notamment), cette affaire sème un vent de panique au Palais du Luxembourg, à quelques encablures des sénatoriales du 28 septembre qui devraient redonner la majorité à la droite, et rappelle l'urgente nécessité d'instaurer la transparence sur les dépenses des groupes parlementaires. Grâce à des sources proches de l'enquête, Mediapart a pu reconstituer une partie de la liste des sénateurs UMP destinataires de chèques douteux de l'URS signés entre fin 2009 et début 2012, dont l'addition avoisinerait les 200 000 euros : JeanClaude Gaudin (ProvenceAlpesCôte d'Azur), l'actuel patron du groupe UMP du Sénat et maire de Marseille, a ainsi encaissé 24 000 euros en six chèques Roland du Luart (PaysdelaLoire), vice président de la commission des finances, a bénéficié de 27 000 euros en six chèques Hubert Falcomaire de Toulon et ancien (Paca), secrétaire d’État sous la présidence Sarkozy, a touché 12 400 euros René Garrec (BasseNormandie), membre du Comité de déontologie parlementaire du Sénat, a empoché 12 000 euros en trois chèques Gisèle Gautiersénatrice de (LoireAtlantique), 2001 à 2011, ancienne présidente de la Délégation aux droits des femmes, a bénéficié de presque 12 000 euros JeanClaude Carle (RhôneAlpes), viceprésident du sénat et trésorier du groupe UMP, a reçu 4 200 euros Joël Bourdinmembre de (HauteNormandie), la commission interne chargée de contrôler les comptes du Sénat, a été gratifié de 4 000 euros Idem pourLadislas Poniatowski (Haute Normandie) Gérard Longuetancien ministre de la (Meuse), Défense du gouvernement Fillon et ancien président du groupe UMP, apparaît pour 2 000 euros
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De même queGérard Dériot(Auvergne) Le fondateur et président de l'URS, le sénateur UMP Henri de Raincourt, aurait carrément bénéficié, à un moment donné, d'un virement bancaire de 4 000 euros par mois, si l'on en croitLe Canard enchaîné. Cet ancien ministre du gouvernement Fillon a tout bonnement domicilié l'URS dans son château de l'Yonne – où il emploie par ailleurs son épouse comme assistante aux frais du Sénat. D'après nos informations, son plus fidèle collaborateur, Michel Talgorn, a pour sa part encaissé 25 000 euros de chèques de l'URS en 2011 et 2012.
etc.), en complément des cotisations versées par les élus (un million d'euros par an). Même en interne, le culte du secret est tel que le trésorier du groupe UMP, JeanClaude Carle, n'a jamais fait la moindre présentation des comptes à ses collègues. Interrogés par Mediapart, ceux qui ont encaissé ces chèques de l’URS optent pour le silence (Gaudin, du Luart...) ou avancent des explications hasardeuses – sinon sur le plan pénal, en tout cas sur le plan éthique. Ainsi Joël Bourdin tientil un discours pour le moins alambiqué :« Je crois que j'ai retrouvé le fil, nous ditil par téléphone, après quelques heures de réflexion.C'est le remboursement d'une vieille dette de l'UDF à mon égard, d'avant la création de l'UMP [en 2002]. Ça correspondait à des repas avec des élus, des meetings, des choses comme ça, que l'UDF devait me prendre en charge. Quand mon parti, l'UDF, s'est fondu dans l'UMP en 2002, je me suis retrouvé chou blanc. Depuis, je râlais au groupe UMP du Sénat, mais ils mégotaient. Le groupe a fini par me rembourser mes 4 000 euros en 2011. »Une dizaine d'années plus tard ?! Et d'oser :« C'est un cheminement logique... » Loin de là, en réalité. Quand bien même l'élu conservaitil une créance à l'égard de son parti (UDF, puis UMP), c'était au parti de la régler sur ses propres deniers, pas au groupe UMP du Sénat. Que vient faire l'argent de la haute chambre dans cette histoire ?« Je n'ai pas cherché à comprendre, balaye Joël Bourdin. C'est de l'argent qu'on me devait, je n'allais pas faire la fine bouche pour savoir qui payait ! » At il déclaré cette somme aux impôts en 2012 ?« Pour moi, ça ne correspondait pas à un revenu mais à la restitution d'une charge, rétorque Joël Bourdin.Il est donc probable que non. » Des chèques pour les sénatoriales Hubert Falco se montre plus direct pour justifier ses chèques de l'URS.« Je crois que je touchais de l'ordre de 1 000 euros par mois. Ça correspond à un
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complément d'indemnité que nous attribuait le groupe UMP du Sénat », avance sans ciller le sénateur et maire de Toulon, comme une évidence.
René Garrec, lui, propose encore une autre explication à ses chèques de l'URS, assez ahurissante. On découvre, en l'écoutant, que certains sénateurs UMP qui n'épuisaient pas leur « crédit collaborateurs » offraient leurs "restes" au groupe UMP (c'est autorisé), mais obtenaient ensuite que le groupe reverse discrètement cet argent public (censé servir à l'emploi d'assistants) sur leur compte bancaire personnel – en transitant par l'URS en l’occurrence. Une ingénierie financière difficilement justifiable.« Je pense que c'était légal », souffle René Garrec, tout en admettant : « Ça aurait peutêtre dû être clarifié... » En fait, tout est fait pour embrouiller les curieux. Pour mieux cerner les règles – et traditions – relatives aux budgets des groupes, les enquêteurs se sont tournés vers un questeur socialiste, JeanMarc Todeschini, auditionné avant les vacances d'été. Mais d'après nos informations, le "dignitaire" s'est bien gardé de dire quoi que ce soit susceptible d'enfoncer ses collègues UMP. La tâche de la justice est d'autant plus complexe qu'en dehors de l'URS (et d'une association plus petite baptisée le Crespi et soupçonnée de faits similaires), le groupe UMP a luimême distribué, en direct, des chèques et des espèces à certains sénateurs dans des conditions surprenantes. Une sacrée pagaille. Les policiers sont ainsi tombés sur un chèque de 2 000 euros encaissé par JeanPierre Raffarin en 2011, que JeanClaude Carle, son principal lieutenant au Sénat, déclare avoir signé comme trésorier du groupe UMP. De quel droit ?« JeanPierre Raffarin a effectué un voyage au Canada, où il a notamment donné des conférences, explique l’attachée de presse de l’ancien Premier ministre.Le groupe l’a défrayé d’une partie de ses frais sur place, parce qu’il a aussi organisé des réunions avec des Français de l’UMP. Ça n’a rien d’anormal. »« C'est le seul chèque qu'il a touché, j'ai vérifié », tient à préciser JeanClaude Carle, entendu
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par les enquêteurs l’an dernier. Mais quel rapport avec le groupe UMP du Sénat ? Avec le travail parlementaire ?
Directeur de la publication: Edwy Plenel Directeur éditorial: François Bonnet Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatrevingtdixneuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 32 137,60€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Gérard Cicurel, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), MarieHélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, MarieHélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart.
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impétrants n'ayant jamais mis un pied au Sénat.« Entre 7 000 et 10 000 euros par candidat », calcule Jean Claude Carle, qui confirme, quand on lui demande, que l'ancien président du Sénat Gérard Larcher en a luimême bénéficié (ce dernier n'a pas retourné nos appels). Il faut dire que jusqu’à présent,aucune loi n'encadrait le financement des campagnes sénatoriales, à l'inverse des législatives, présidentielles ou cantonales. Une exception enfin corrigée pour le scrutin du 28 septembre. [[lire_aussi]] La justice n'en a pas fini de démêler toute cette tuyauterie, de distinguer les faits délictuels et le reste – pas toujours louable mais pas forcément répréhensible pénalement. JeanClaude Carle pourrait bien sûr faciliter la tâche des juges en transmettant toute la comptabilité du groupe, mais s'y refuse.« Il y a l'article 4 de la Constitution, ditil.Je n'ai pas à fournir les comptes. » En plein cœur de l’été, le bureau du Sénat, composé de toutes les tendances politiques, a fini par publier un communiqué en réaction à cette affaire :« Les aides financières consenties(aux groupes politiques)par le Sénat seront désormais exclusivement destinées aux dépenses nécessaires à l’activité des groupes. »Une forme d'aveu.
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