DES COCHONS ET DES HOMMES
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Niveau: Secondaire, Lycée

  • mémoire


Ph ilo so ph iqu es 103 SITUATIONS DES COCHONS ET DES HOMMES « La truie reproductrice devrait être conçue comme, et traitée comme, un élément précieux d'équipement méca- nique dont la fonction est de recracher des porcelets comme une machine à saucisses. » National Hog Farmer, mars 1978 1 « Je me le dis quelquefois, quand je serai mort, mais qu'est-ce que les animaux vont penser de nous, qu'est- ce qu'on a fait là ? » Un éleveur de porcs breton 2 La réflexion philosophique contemporaine sur l'animal resterait incomplète si elle ne se penchait sur le statut de l'animal d'élevage. Le phénomène de l'élevage s'impose d'abord sur un plan quantitatif, car il concerne des dizaines de milliards d'animaux. Mais il retient aussi l'attention par le fait que dans tous les pays développés, l'élevage a revêtu depuis une cinquantaine d'années une forme nouvelle : l'élevage industriel. Georges Chapouthier 3 recense quatre grands domaines où se posent des questions morales dans nos relations avec les animaux : les animaux domestiques, l'élevage industriel, l'expérimentation biologique et médicale, les jeux sauvages (chasse, corrida). On peut ajouter à cette liste les espèces menacées. Mais si l'élevage industriel relève d'une approche morale, il ne peut aucunement s'y restreindre.

  • élevage industriel

  • éleveur de porcs breton

  • priorité par les objectifs industriels de rendement et de profit

  • modèle de production

  • commission de modernisation de la produc- tion animale

  • processus industriel


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Publié par
Publié le 01 mars 1978
Nombre de lectures 70
Langue Français

Extrait

Cahiers Philosopihuqse1 10q.dx  054//026  537:  301 egaP
DES COCHONS ET DES HOMMES
« La truie reproductrice devrait être conçue comme, et traitée comme, un élément précieux d’équipement méca-nique dont la fonction est de recracher des porcelets comme une machine à saucisses. » National Hog Farmer , mars 1978 1
« Je me le dis quelquefois, quand je serai mort, mais qu’est-ce que les animaux vont penser de nous, qu’est-ce qu’on a fait là ? » Un éleveur de porcs breton 2
La réflexion philosophique contemporaine sur l’animal resterait incomplète si elle ne se penchait sur le statut de l’animal d’élevage. Le phénomène de l’élevage s’impose d’abord sur un plan quantitatif, car il concerne des dizaines de milliards d’animaux. Mais il retient aussi l’attention par le fait que dans tous les pays développés, l’élevage a revêtu depuis une cinquantaine d’années une forme nouvelle : l’élevage industriel. Georges Chapouthier 3 recense quatre grands domaines où se posent des questions morales dans nos relations avec les animaux : les animaux domestiques, l’élevage industriel, l’expérimentation biologique et médicale, les jeux sauvages (chasse, corrida). On peut ajouter à cette liste les espèces menacées. Mais si l’élevage industriel relève d’une approche morale, il ne peut aucunement s’y restreindre. Il pose des problèmes moraux, sans doute, mais aussi juridiques, économiques, écologiques, politiques. Et au total, il suscite, en tant que réalité exemplaire, une interroga-tion sur la culture occidentale, son mode de développement, son rapport au phénomène technique. L’agriculture, essentiellement assimilée aujourd’hui à l’alimentation, ne peut être considérée comme un problème purement agronomique. L’élevage industriel illustre, de manière très concrète, l’interrogation heideggerienne sur l’arraisonnement technique de la nature, le Gestell . Et l’on verra que, comparé à une ferme industrielle tournant à plein régime, le barrage sur le Rhin reste quelque peu bucolique. Mais on peut aussi examiner l’industrialisation de l’élevage du point de vue d’un questionnement écologiste sur la durabilité
1. Nous remercions Florence Martin-Kessler pour l’importante documentation qu’elle a réunie, et dont nous avons bénéficié. 2. Cité par Porcher Jocelyne, dans Burgat Florence, Dantzer Robert et alii , Les animaux d’élevage ont-ils droit au bien-être ? , Paris, Inra, 2001, p. 56. Voir note 7. 3. Voir Chapouthier Georges, Qu’est-ce que l’animal ? , Paris, Le Pommier, 2004, p. 50.
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de notre mode de développement ; d’une interrogation sur la manière dont les logiques éco-nomiques et techniques organisent notre vie et son contexte ; ou encore, d’une réflexion critique sur ce que les rapports des hommes aux animaux révèlent et impliquent quant aux rapports des hommes entre eux. L’élevage industriel L’élevage industriel est un phénomène économique, technique, social et culturel, qui a pour corrélat, autant effet que cause, ce qu’on peut appeler le modèle alimentaire occidental. Il s’agit de standards alimentaires qui mettent en avant la consommation de viande, et qui n’ont rien d’universel ou de naturel, puisqu’ils se sont développés en Occident pendant les Trente Glorieuses 4 . Ce modèle a été quelque peu freiné par des phénomènes spectaculaires d’épizooties que nous avons tous en mémoire : l’encéphalopathie spongiforme bovine de 1985-1991 et la grippe aviaire de fin 2003-2004. Ces épizooties, évidemment liées au mode industriel d’élevage, ont frappé l’opinion publique, mais n’ont conduit ni à des chan-gements profonds des mœurs alimentaires, ni à une contestation massive du productivisme agricole. D’autre part, il est très douteux que la propagation de ce modèle alimentaire à l’échelle de la planète soit techniquement possible, et écologiquement supportable. La logique économique qui tend à cette propagation rencontre ici une limite. Cependant, à l’heure actuelle, à l’échelle de la planète, la consommation carnée croît plus vite que la popula-tion humaine. En France, par exemple, elle a historiquement connu une évolution remar-quable, qui peut être ressentie ou présentée comme une conquête sociale. En 1790, la consommation annuelle de viande par individu est estimée à 19 kg. En 1960, elle est de 79 kg ; en 2000, de 95 kg (dont 36 kg de porc, la viande la plus consommée). De plus, de 1781 à 1938, la consommation de viande a connu une évolution assez régulière : tous les dix ans, elle a progressé de 1 à 3 kg, et jamais de plus de 5 kg (en 1938, elle était de 46,4 kg). Or, pour la période 1955-1959, elle s’élève à 70 kg, soit une augmentation de 25 kg sur une période de dix-quinze ans 5 . Il s’agit d’une accélération spectaculaire. Comme on va le voir, la transformation technique des méthodes d’élevage, et leur industrialisation, ont entrainé un accroissement énorme des quantités de viande, de lait et d’œufs produites ces cinquante dernières années, du fait de l’accroissement de la productivité. Cela a évidemment eu pour conséquence une transformation radicale des modes de consommation, caractérisée par l’abondance de produits animaux standardisés. Cette transformation des modes d’alimentation a été rendue possible par une mutation des conditions de vie des animaux d’élevage. Mais cette mutation est restée dans une large mesure un phénomène invisible, en raison de ce que Florence Burgat appelle « la prééminence du produit (la viande) sur l’animal dont il est tiré 6 ». Le fait de manger de la viande, donc de l’animal, s’est banalisé. De plus, le corps de l’animal de boucherie est en quelque sorte effacé par la pratique de la découpe des morceaux : il disparait dans la sérialité de formes auxquelles notre regard est habitué. De temps en temps, on voit s’ou-vrir un camion de livraison dans lequel s’entassent ou pendent des parties de carcasses. Mais cela reste fugitif, à peine entrevu, et ne fait pas vraiment sens. Les considérations
4. Voir Hervieu Bertrand, Du droit des peuples à se nourrir eux-mêmes , Paris, Flammarion, 1996, p. 121-122. 5. Pour ces chiffres, voir le tableau présenté à la fin du livre de Florence Burgat, L’Animal dans les pratiques de consommation , Paris, PUF, 1996, coll. « Que sais-je ? ». 6. Voir L’Animal dans nos sociétés , dossier réalisé par Florence Burgat, Paris, La Documentation française, janvier 2004, « Avant-propos », p. 8.
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