La rhétorique grecque - cours de littérature SP 2010
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Description

maîtrise, Supérieur, Maîtrise (bac+4)
  • cours - matière potentielle : justice
  • cours - matière : littérature
Cours de littérature SP 2010 : La rhétorique grecque – 22.02.10 : Définition et « rhétorique » dans les poèmes homériques 1 La rhétorique grecque – cours de littérature SP 2010 « Le discours de Nicolas Sarkozy séduit, c'est évident. Mais une élection présidentielle n'étant pas tout à fait, ou ne devant pas devenir le concours du discours le plus habile, il est intéressant d'observer de plus près la belle mécanique rhétorique qui fait ainsi ronronner si joliment aux oreilles des Français les paroles de ce candidat.
  • techniques oratoires du futur président des états- unis
  • rhétorique romaine
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  • poèmes homériques
  • politique des états-unis
  • rhétorique
  • ulysse
  • discours

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Cours de littérature SP 2010 :La rhétorique grecque– 22.02.10 : Définition et « rhétorique » dans les poèmes homériquesLa rhétorique grecque – cours de littérature SP 2010 « Le discours de Nicolas Sarkozy séduit, c’est évident. Mais une élection présidentielle n’étant pas tout à fait, ou ne devant pas devenir le concours du discours le plus habile, il est intéressant d’observer de plus près la belle mécanique rhétorique qui fait ainsi ronronner si joliment aux oreilles des Français les paroles de ce candidat. Et surtout, au-delà du ronronnement, quelle réalité pouvons-nous entendre ? » Voilà un extrait d’un article publié le 14 février 2007 par le quotidien en ligne Agoravox. Il était intitulé « Sarkozy : déconstruction d’une rhétorique ». Vous le savez, on aime bien opposer M. Sarkozy et M. Obama. Un article également publié sur internet, le 29 novembre 2008, et intitulé : « Obama, ou la rhétorique : le président américain, un Cicéron moderne ? », commence ainsi : « La recette d'Obama pour un discours au poil : un peu de Martin Luther King, une pincée de Cicéron, un soupçon d'allusions et liez le tout avec un rythme. Obama serait-il le Cicéron du XXIe siècle ? C'est en tout cas à cet orateur de génie qu'il est comparé par Charlotte Higgins dans les colonnes du Guardian. Elle signe un papier très intéressant analysant les techniques oratoires du futur président des États-Unis. Celui-ci aurait usé dans ces discours de nombreux procédés et figures de style littéraires. L'emploi des allusions constitue un exemple intéressant, il permet de valoriser son auditoire tout en créant une connivence avec lui. Barack Obama est aussi comparé à Martin Luther King, et certains de ses discours auraient eu des accents du très célèbre «I have a dream !» On évoque aussi sa grande maîtrise du rythme et des ponctuations avec notamment le «yes, we can !» qui venait ponctuer chaque fin de phrases. » L’auteur de l’article fournit le lien pour accéder à l’article de Mme Higgins, tout en avertissant que tout le texte est en anglais. De l’article de Mme Higgins je ne retiendrai qu’un phrase, que je vous traduis en français : « Voici le clou : pour comprendre la politique des États-Unis les quatre ans à venir, vous aurez besoin de comprendre quelque chose à la politique de l’ancienne Grèce et de Rome ».  La rhétorique grecque étant le sujet de ce cours de littérature, Mesdames et Messieurs, si je me suis permis de commencer par ces clins d’œil, c’est pour rappeler à quel point la rhétorique est omniprésente dans notre quotidien et que la référence qu’elle appelle toujours est celle de la Grèce et de Rome. Ce que nous entendons aujourd’hui par « rhétorique » est d’emblée exprimé par la première citation : un discours persuasif, un discours donc qui fait adopter l’avis du locuteur par ses auditeurs. Par là, aussi un discours manipulateur. Et surtout
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Cours de littérature SP 2010 :La rhétorique grecque– 22.02.10 : Définition et « rhétorique » dans les poèmes homériquesun discours composé avec art, comme le souligne surtout la seconde citation, usant de nombreux procédés littéraires et de figures de style, de rythme, se rattachant à des modèles et créant une connivence avec le public. Cette définition et cette image ambiguë caractérisaient-elles également la rhétorique antique ? Et, autre question induite par le contexte politique de mes deux citations, quel était le lien, dans l’Antiquité, entre rhétorique et politique ? Voilà deux questions auxquelles nous allons tenter de répondre durant ce semestre ; la première constitue partiellement le sujet de la séance d’aujourd’hui ; l’autre sera traitée une autre fois. Voici le programme que je vous propose : (cf. même feuille que la bibliographie).  Aujourd’hui, nous verrons donc une, ou plutôt des, définitions de « rhétorique » et nous jetterons un coup d’œil à l’Iliadeet à l’Odyssée.  Les deux prochaines séances seront consacrées aux sophistes.  Nous passerons ensuite, le 15 mars, à Athènes et nous verrons à quelle occasion on s’adonnait à la rhétorique.  Les deux séances qui précèdent les vacances de Pâques seront dévolues au canon des dix orateurs.  Puis, le 12 avril, nous verrons l’enseignement et la théorie de la rhétorique.  La question de la philosophie et de la morale en rhétorique constituera le sujet de la séance du 19 avril.  Le 26, nous passerons à la période hellénistique pour nous occuper d’abord des « progrès » que la rhétorique connut à cette période, avant de passer, le 3 mai, au rôle de plus en plus grand que la philosophie joue dans la rhétorique. Le 10 mai, nous passerons à la dimension identitaire de la rhétorique et nous conclurons. La durée du cours – 11 séances (une conférence occupera une des deux dernières séances – impose, comme vous le voyez, des bornes : nous ne dépasserons pas la période hellénistique. Et forcément, comme il s’agit d’un cours de littérature grecque, nous ne traiteront pas de rhétorique romaine ; quelques exemples seront néanmoins puisés dans les textes latins.  Lors des diverses séances, je distribuerai un exemplier avec des textes en grec, en latin et en traduction, de même qu’une petite bibliographie, comme aujourd’hui. Il va de soi que cette bibliographie est sélective et indicative. Pour des questions de temps, il est impossible d’approfondir les nombreuses questions que pose notre sujet. Mon but ici est de vous donner
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Cours de littérature SP 2010 :La rhétorique grecque– 22.02.10 : Définition et « rhétorique » dans les poèmes homériquesun aperçu. Il en va de même avec la bibliographie. Celle que je vous indique constitue un début, qui peut vous permettre d’aller plus loin.  Ceux qui ne peuvent pas venir à l’une ou l’autre séance trouveront le document en format PDF sous l’adresse suivante :http://home.adm.unige.ch/~koldea.  Vous savez qu’à la suite de cette heure a lieu une « lecture de textes en marge du cours », càd une séance de lecture en langue grecque de textes étroitement liés au cours et à la thématique du jour, sous la houlette de Sophie Gallnö. Avant de commencer, je vous propose de parcourir rapidement la bibliographie d’aujourd’hui. Passons à présent aux définitions de rhétorique. Dans le deuxième livre de sonDe Institutione Oratoria, le rhéteur latin du Ier s. de notre ère Marcus Fabius Quintilianus – Quintilien – propose plusieurs définitions. TEXTE 1 Quint. 2, 15, 1-6 (extraits) On le voit bien : qu’on dise qu’il s’agit d’uneforce, d’unescience, d’uneroutine, d’un mauvais art– κακοτεχνία – terme qui cache que d’autres l’appellent aussi un art – τέχνη - ἡ ῥητορικὴ τέχνη – abrégé en ἡ ῥητοτική – nous en reparlerons, gardons pour l’instant à l’esprit que la τέχνη n’est pas ce que les modernes entendent par art créatif, mais plutôt une méthode, un ensemble de règles pour l’usage pratique – bref, son but est toujours de persuader. Et c’est ce sur quoi insiste également Quintilien : après avoir passé en revue encore beaucoup d’autres définitions, qui ne se distinguent pas substantiellement de ce que nous avons vu, il conclut TEXTE 2 Quint. 2, 15, 38.Bien direest donc la fin de la rhétorique, lascientia bene dicere; et ce qui ressort du termescientia, tout comme de ma remarque de tout à l’heure relative à τέχνη, dont le terme latinscientia est une traduction, c’est qu’elle propose un ensemble de règles pour l’usage pratique. Cela soulève la question de savoir à quel point la rhétorique peut être apprise, donc enseignée, et à quel point elle relève d’un don. C’est la question, en d’autres termes, de l’inné et de l’acquis. Nous y reviendrons plus d’une fois. Notons en passant que dans ce passage, Quintilien remplace le « persuader » du premier extrait par « bien dire ». S’agit-il d’une simple variation ? Ou faut-il en conclure un élargissement de la finalité de la rhétorique, passant du but de vouloir persuader quelqu’un par un discours qu’on lui adresse à celui de s’exprimer bien dans toutes sortes de propos, même autre qu’un discours, et cela du point de vue non seulement de l’influence exercée par les propos en question mais aussi des points de vue de la correction grammaticale, de la beauté esthétique, de la valeur morale ?
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Cours de littérature SP 2010 :La rhétorique grecque– 22.02.10 : Définition et « rhétorique » dans les poèmes homériquesUn autre élément qui découle du passage que nous venons de lire est celui-ci : la rhétorique persuade par la parole, et non par un des autres moyens possibles – comme l’argent, les cadeaux, la force physique. Quintilien est un orateur latin du Ier s. de notre ère. Nous n’avons lu que de petits extraits du chapitre qu’il consacre à la définition de la rhétorique. Il en transparaît néanmoins qu’il se situe à une époque où la rhétorique se prévaut déjà d’une longue histoire. Nous verrons la semaine prochaine de quand on peut dater la naissance de ce que Quintilien appelle « la science de bien dire ». Indépendamment d’un tel point d’ancrage dans un contexte historique, social, politique, les Anciens ont toujours ressenti le besoin de faire tout remonter
à un individu, à quelqu’un que l’on peut nommer un πρῶτος εὑρετής, généralement un dieu, un héros ou, si c’est un homme, un homme extraordinaire. Vu le statut d’encyclopédie universelle qu’est celui des poèmes homériques à travers toute l’antiquité, ce n’est autre que le poète homérique. TEXTE 3 Quint. 10.1.49-51. Dans ce passage, Quintilien d’une part énumère nombre de procédés et figures stylistiques auxquels recourt le poète homérique. D’autre part, il se réfère explicitement à un discours, celui que Priam tient à Achille au vingt-quatrième chant de l’Iliadepour récupérer le cadavre d’Hector dans le but de l’enterrer. L’épilogue est la dernière partie d’un discours, celle où l’orateur tente une dernière fois de persuader son auditoire du bien-fondé de sa thèse, autrement dit une partie dans laquelle il doit être particulièrement convaincant. Que Priam l’a été et qu’il a obtenu qu’Achille lui restitue le corps de son fils, nous le savons tous. Le poète homérique est donc le πρῶτος εὑρετής non seulement des procédés littéraires, mais aussi de discours qui peuvent être considérés comme des modèles. On peut dans un premier temps s’en étonner, si on se dit que l’Iliadeest avant tout un poème qui relate un épisode guerrier et l’Odyssée une série d’aventures. C’est oublier que près de 45 % des vers de l’Iliadedes discours directs. Narration et discours se constituent partagent donc à parts presque égales la relation des événements. Dans l’Odysséeégalement, les discours jouent un grand rôle. Il suffit de penser à une scène très connue, celle de la rencontre d’Ulysse avec Nausicaa. Vous connaissez tous le passage : après une tempête particulièrement violente qui a démembré le radeau sur lequel Ulysse avait quitté l’île de Calypso et à la suite de laquelle il avait dérivé pendant 3 jours, à cheval sur le mât, Ulysse avait fini par aborder à Schérie, l’île des Phéaciens. Il a passé la nuit sous le couvert des arbres, épuisé, et est réveillé le lendemain par les éclats de voix de Nausicaa et de ses
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Cours de littérature SP 2010 :La rhétorique grecque– 22.02.10 : Définition et « rhétorique » dans les poèmes homériquessuivantes, qui jouent à la balle – Athéna avait égaré la balle vers Ulysse. Ulysse s’approche d’elles, elles s’enfuient, seule Nausicaa reste. TEXTE 4Odyssée6, 141-148. Vous savez le parti que prend Ulysse : celui du discours. Il est si flatteur, subtil et convainquant qu’il obtient ce qu’il désire. Le poète aurait pu décrire la scène autrement. Il n’était pas obligé de faire parler son héros, ni de le faire parler de façon aussi persuasive. S’il l’a fait, c’était pour une bonne raison. C’est que la capacité de bien s’exprimer appartient autant à ce que doit maîtriser un chef grec dans les épopées homériques que le maniement des armes et la réussite des épreuves ; comme les autres domaines où il est appelé à exceller, il doit aussi s’y entraîner. TEXTE 5,Il. 9, 442-443. L’épopée nous montre que l’éloquence aussi permet des prouesses. Aussi les occasions de prendre la parole sont-elles nombreuses dans l’Iliade et l’Odyssée: monologues, dialogues, questions et réponses, prières, narrations, catalogues, insultes, défis, consolations, transactions etc sont autant de situations où le poète préfère souvent le discours direct à la narration. Outre ces moments d’échanges entre individus, on en trouve beaucoup d’autres qui sont situés dans des cadres institutionnels, où la fin persuasive du mot prononcé est particulièrement forte, comme les assemblées – humaines et divines – ou les missions diplomatiques (Il. 9, où Ulysse, Ajax fils de Télamon et Phénix tentent de convaincre Achille à revenir au combat) ou encore les tribunaux – sur le bouclier d’Achille (Il. 18, 497-508) est représentée une cours de justice. Dans cette énumération des divers discours mis en scène dans les poèmes homériques, il convient de ne pas oublier les discours trompeurs, comme celui que tient le Songe à Agamemnon, puis Agamemnon lui-même à l’assemblée, au chant 2 de l’Iliade, ou ceux d’Ulysse dans la seconde moitié de l’Odyssée. TEXTE 6Od. 13, 253-255 (Ulysse parle à Athéna). Faire parler ses personnages relève d’un choix du poète, comme le montre l’utilisation de leurs discours tant dans la structure des poèmes que dans leur trame. Pour ce qui est de leur rôle structurant, il suffit de penser aux nombreuses expressions formulaires qui servent à introduire ou clore un discours ou un changement de locuteur. En ce qui concerne l’importance des discours au niveau de la trame, on peut citer en premier l’utilisation qu’en fait le poète pour caractériser ses personnages, puisque certains se distinguent par leur habileté oratoire, comme Ulysse et Nestor TEXTE 7Iliade1, 247-249 et TEXTE 8Iliade2, 370-374 (Agamemnon à Nestor), et d’autres par leur maladresse, comme Thersite ou Iros. L’article de H. M. Roisman cité dans la bibliographie compare justement Ulysse et Thersite de ce point de vue.
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Cours de littérature SP 2010 :La rhétorique grecque– 22.02.10 : Définition et « rhétorique » dans les poèmes homériquesÀ quel point ces discours se distinguent non seulement par leur qualité, mais aussi par leur nature même est par ailleurs explicité par la grande variété de leurs désignations. Ils ne sont pas tous qualifiés tout simplement de ἔπεα ; on trouve notamment des termes comme ἡ παραίφασις – l’encouragement, ἡ ἐφετµή – l’ordre, la prescription, la recommandation, τὰ µήδεα – la pensée, le dessein, συµφράζεσθαι – consulter, méditer avec quelqu’un, κελεύειν – exhorter, etc. Avec leur nature, leur finalité varie aussi, et, avec elle, l’influence qu’ils vont avoir sur la suite des événements – c’est la deuxième utilisation au niveau de la trame : si une prise de parole est une insulte lors d’une scène de combat, par exemple, et non une supplication, l’effet qu’elle produira sera bien évidemment différent. Il y a encore une troisième utilisation au niveau de la trame. En effet, un même genre de discours peut avoir des effets différents. Ainsi, une supplication, pour reprendre cet exemple, peut en effet provoquer la pitié, comme elle est censée, mais elle peut aussi au contraire exacerber l’envie de l’adversaire d’en finir. En insérant ainsi les discours dans l’action, le poète instaure une distance critique : l’efficacité du discours en question est en quelque sorte jugée par les événements. Elle peut aussi être appréciée ou dévaluée par d’autres acteurs, qui expriment leur avis, comme l’a montré le texte 8, l’éloge qu’Agamemnon adresse à Nestor. Quelque fois aussi, plusieurs personnages s’expriment sur le même sujet, ce qui permet une comparaison implicite de leurs discours, comme lors de l’ambassade au chant 9 de l’Iliade: Ulysse, Ajax et Phénix. Il arrive aussi que le poète compare l’éloquence de deux orateurs, comme dans le TEXTE 9,Iliade3, 212-224.L’usage que le poète homérique fait des discours se situe, dans une perspective anthropologique, au niveau du « discours-dialogue », plus rarement à celui du « discours magico-religieux », deux concepts que distingue M. Detienne. Le « discours magico-religieux » est celui d’un « maître de vérité » : il est doté d’un pouvoir immédiat. Parmi eux on peut citer les discours trompeurs, comme celui du Songe à Agamemnon au début du chant 2 de l’Iliadepar contre n’est pas immédiatement efficace ; il. Le « discours-dialogue » possède plutôt une dimension temporelle, en ceci qu’il ne constitue pas une action en lui-même mais qu’il prépare, qu’il provoque ou qu’il commente les actions des héros. Il est porteur de pensées, mais aussi d’émotion, de ruse, et il recourt à des arguments et des effets stylistiques et structurants. Mais jamais leur forme n’est codifiée comme le sera plus tard celle des discours rhétoriques. C’est à cause de cela que l’on ne peut pas parler de rhétorique dans un sens technique dans les poèmes homériques. Les discours dans l’Iliadel’ et Odysséepossèdent un intérêt que l’on pourrait qualifier de documentaire, en ce sens qu’ils nous
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Cours de littérature SP 2010 :La rhétorique grecque– 22.02.10 : Définition et « rhétorique » dans les poèmes homériquesrenseignent sur la valeur du mot prononcé notamment dans les assemblées dans ce que l’on se plaît à appeler la « société homérique ». Il convient cependant de se rappeler ici que le « monde homérique » est une fiction, une construction, comprenant des éléments originaires de diverses époques. De plus, il ne faut pas oublier que ces épopées, même si elles charrient nombre d’éléments attestés historiquement (comme le casque aux défenses de sanglier), illustrent un monde fictionnel, celui des héros, et qu’elles transmettent l’échelle de valeurs de ce monde-là. Dans cette échelle, l’éloquence, nous l’avons vu, est prisée et l’épopée en est une vitrine. Impossible donc de considérer les épopées comme des témoignages historiques. Gardons-nous donc de commettre la même erreur épistémologique que les Anciens qui considéraient non seulement Homère comme le πρῶτος εὑρετής de la rhétorique, comme nous l’avons vu, mais également comme maître de rhétorique qui aurait déjà développé tout le système de règles que l’on trouve plus tard. Comme illustration de cette théorie de « rhétorique homérique », on peut encore une fois citer Quintilien 12, 10, 64 TEXTE 10, selon qui Ménélas illustrerait ce que l’on appellera plus tard, le style simple, et Ulysse le style élevé. On le voit donc bien : aussi important et nuancé que soit l’usage du discours direct dans les poèmes homériques, il serait anachronique et donc faux d’affirmer que le poète homérique pratiquait déjà, ou faisait pratiquer à ses personnages, la rhétorique. De fait, même si la dimension de l’influence escomptée sur l’autre ou les autres est souvent présente, les codes manquent. Une des caractéristiques essentielles de la rhétorique sera justement de les établir. Mais pour que la rhétorique puisse naître, plusieurs conditions devront être réunies. Ces conditions préalables et nécessaires seront un des sujets de notre séance de la semaine prochaine.
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