31   ivan aurenty figures de cyclopes dans la rome antique
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Incontri triestini di filologia classica 4 (2004-2005), 31-47 IVAN AURENTY Figures de Cyclopes dans la Rome antique Pour effrayant que soit un monstre, la tâche de le décrire est toujours un peu plus effrayante que lui (Paul Valéry, Variétés). Figure monstrueuse, divine ou encore amoureuse, le Cyclope hanta l’imaginaire antique de sa présence fascinante et ambiguë. Dès l’antiquité, Hellanikos distinguait trois types de Cyclopes: «ceux qui ont fortifié Mycènes, les compagnons de Polyphème et les dieux eux- 1mêmes» . Nous reprendrons à notre compte cette distinction désormais classique en détail- lant par ordre décroissant d’importance les éléments que nous nommerons «odysséens», nar- rant les aventures d’Ulysse et du géant anthropophage Polyphème, qui connut un avatar amoureux notamment dans les Idylles de Théocrite, puis les Cyclopes «hésiodiques», forces 2chtoniennes issues de Gaïa et d’Ouranos , et enfin les Cyclopes bâtisseurs que nous nomme- 3rons «pindaréens» . De cette complexité toute littéraire, les artistes grecs surent tirer le meilleur parti, figeant à loisir dans la pierre ou sur la céramique les épisodes de l’Odyssée dès le VIIe siècle av. J.- 4C. . La civilisation étrusque à son tour abonda en représentations, là encore limitées aux scè- nes homériques. Il appartenait dès lors aux Romains de produire de nouvelles figurations à partir de ces épisodes célèbres, mais également de s’inspirer de variantes ou de sources lit- 5téraires délaissées par les civilisations précédemment envisagées . 1 FGrH4 F88 2 López 1986, 57-71 présente ces divers types de Cyclopes dans la littérature grecque, d’Homère à Nonnos. 3 Précisons avant de nous tourner plus avant, que ce troisième type de cyclopes n’a connu de for- tune ni en littérature, ni dans l’iconographie, tout au moins à travers les documents qui nous sont par- venus. 4 Les références aux sources iconographiques sont tirées du LIMC. On consultera également avec profit l’étude d’Odette Touchefeu-Meynier 1968. 5 Nous avions eu l’occasion, au cours d’une précédente intervention, d’envisager la réception et la réécriture des mythes liés aux Cyclopes dans les premiers siècles de l’Empire, et d’insister sur les caractéristiques fondatrices de l’imaginaire mythique romain en littérature, oscillant entre imitatio et innovatio. Cf. Aurenty 2003. - 31 - IVAN AURENTY Nous avons choisi dans le cadre de cette brève communication de ne pas chercher à pro- duire une étude exhaustive des figurations de Cyclopes dans la période du Haut-Empire, mais de nous attacher à trois ensembles de représentations cyclopéennes qui nous paraissent caractéristiques des voies singulières qu’explore le génie romain Nous envisagerons ainsi dans cette étude les figures des Cyclopes ouraniens et forgerons, puis les amours contrariées de Polyphème et Galatée pour nous intéresser enfin aux représentations de l’épisode homé- rique dans le contexte novateur du banquet impérial. Le sens de notre enquête, limitée à ces trois ensembles relevant de l’iconographie, sera de pratiquer la lecture en synopse des repré- sentations figurées et littéraires des Cyclopes, afin d’essayer de dégager les choix d’un ima- ginaire proprement latin liés à ces récits. 1. Vulcain et les Cyclopes forgerons Les Cyclopes ouraniens, appelés à devenir forgerons, ne présentent en fait qu’un corpus littéraire et iconographique restreint. Ces figures mythiques, dès leur origine, ne proposent pas de mythe en propre et n’ont point trouvé de développements variés dans la littérature. Il revient à l’originalité artistique romaine d’avoir su adapter ces Cyclopes aux représentations figurées, inexistantes tant en Grèce antique qu’en Etrurie. En Grèce antique, Hésiode dans sa Théogonie est le premier poète à célébrer ces géants, dieux fils d’Ouranos et de Gaïa au nombre de trois: Brontès «le tonnerre», Stéropès 6«l’éclair» et Argès «la foudre» : Elle (Gaïa) mit aussi au monde les Cyclopes au cœur violent, Brontès, Stéropès et Argès à l’âme brutale en tout pareils aux dieux, si ce n’est qu’un seul œil était placé au milieu de leur front. Vigueur, force et adresse étaient dans tous leurs actes. Ce bref passage qui marque l’émergence d’un nouveau type de Cyclopes dans la littéra- ture, après les monstres anthropophages de l’Odyssée, se révèle essentiel par bien des points: Hésiode insiste sur la nature divine de ces figures, sur la difformité (oculaire; monstrum per defectum) qui les caractérise (un autre type de difformité caractérise leurs frères, les Hécatonchires; monstrum per excessum), sur leur brutalité (qui pourrait rappeler les cyclopes homériques) et sur leur adresse. «Vigueur, force et adresse» sont développées un peu plus loin par le poète, qui rappelle qu’après avoir été enfouis dans le sein de leur mère la Terre par 7Ouranos , puis avoir été libérés du Tartare où Cronos les avaient plongés, ils offrirent à Zeus 6 Hésiode, Th. 139-146. 7 Tradition hésiodique reprise par Apollodore, Bibliothèque I 1,2: «Après eux, d’Ouranos Gaïa enfanta les Cyclopes, Argès, Stéropès et Brontès, qui avaient un seul oeil au milieu du front. Mais Ouranos enchaîna ses propres enfants et les jeta dans le Tartare». - 32 - FIGURES DE CYCLOPES DANS LA ROME ANTIQUE (leur neveu) son foudre, appelée à devenir le symbole de la toute puissance du maître de 8l’Olympe : Ceux-là (les Cyclopes) n’oublièrent pas de reconnaître ses bienfaits, ils lui (Zeus) don- nèrent le tonnerre, la foudre fumante et l’éclair, qu’auparavant tenait cachés l’énorme Terre et sur lesquels Zeus désormais s’assure pour commander à la fois aux mortels et aux immortels. Dans ce passage essentiel de la Théogonie se situe la première trace littéraire du don d’un «objet d’investiture» effectué par les Cyclopes. Les géants monophtalmes y révèlent leur 9fonction de «maîtres des éléments» (chtoniens, puisque «cachés (par) l’énorme Terre» ), auxquels correspondent leurs noms, mais ils n’ont pas encore acquis la caractérisation de for- gerons comme dans les traditions ultérieures (même si Hésiode insiste vivement sur leur vigueur et leur adresse qui sont aussi l’apanage de ce métier). Pour le moment surtout, ils n’entretiennent aucun rapport avec Héphaïstos, l’«Illustre Boiteux», qui est présenté indépendamment des Cyclopes dans la Théogonie: rien ne permet encore de rapprocher ces figures divines, ni un quelconque lien narratif structurel, ni aucun lien symbolique fonctionnel. Les évocations littéraires ultérieures vont opérer un glissement qui va rapprocher les Cyclopes ouraniens de l’Héphaïstos olympien. Callimaque, le premier, va consacrer ces Cyclopes ouraniens dans leur rôle et leurs attri- butions de forgerons dans son Hymne à Artémis; il place les géants au service du maître de l’élément igné dans un antre des Iles Lipari, en Sicile; c’est ici la première mention littéraire, fort développée, de cette association entre le maître des forges et ceux qui sont devenus ses ouvriers, promise à une certaine postérité dans la littérature et l’art romains. Les Cyclopes, affairés à forger un abreuvoir pour les coursiers de Neptune, se voient intimer l’ordre de for- ger les flèches et le carquois de la fille de Léto. De ces Cyclopes, ouraniens chez Hésiode, for- gerons chez Callimaque, ne naquit aucune représentation iconographique en Grèce antique. Dans la littérature latine, l’honneur revient à Virgile d’avoir procédé à la fusion des élé- 10ments cyclopéens issus de diverses traditions littéraires : le huitième livre de l’Enéide offre une longue description des forges etnéennes où les vigoureux Cyclopes façonnent les attri- buts divins (de Jupiter, Mars ou encore de Pallas) et doivent s’empresser, sur ordre de leur 11maître, de modeler les armes du fils de Vénus . Dans cette évocation qui fait des géants de 8 Th. 503-506. 9 Ibid. 505. On notera également la fonction magique et symbolique des Cyclopes ouraniens qui font passer ces éléments de leur état chtonien à un état céleste, comme la royauté du monde suit, dans la Théogonie, le chemin de la terre vers le ciel. 10 Cf. Aurenty 2003. 11 Aen. VIII 416sq. Cf. autres évocations des Cyclopes dans les forges de Vulcain: georg. I 470- 473; IV 170-177. - 33 - IVAN AURENTY véritables alchimistes, un des Cyclopes issus de la tradition hésiodique change de nom: Pyracmon remplace l’Argès hésiodique, et Virgile impose ici encore durablement sa marque 12littéraire . Placés dans l’antre d’Héphaïstos par Callimaque, les cyclopes forgerons, dans leurs attri- buts et leurs fonctions, n’évoluent dès lors plus vraiment au cours de siècles de réécriture. Ils mettent alors leur talent et leur mètis au service des dieux comme des héros, sans dévelop- per d’épisodes narratifs propres. Identifiés dès lors seulement à leur charge de maîtres du feu, les géants au service de l’«illustre boiteux», voient leur nature se déliter dans l’imaginaire: forces divines primordiales, ils ne seront plus ensuite que serviteurs d’un dieu et perdront même jusqu’à leur immortalité dans de rares versions que nous envisagerons plus avant. Ainsi dévalués dans l’imaginaire, leur place dans la littérature se figea peu à peu sous la forme d’une convention. Ce n’est donc pas tant en littérature qu’il faut chercher l’originalité de l’esprit romain en rapport avec ces récits cyclopéens, mais dans l’art qui offre des repré- sentations, certes convenues, mais uniques en leur genre puisque sans modèle préexistant. De Grèce et d’Etrurie, nous ne conservons en effet aucune trace de représentations figu- 13rées de Cyclopes forgerons ; confinés dans l’antre de Vulcain où ils travaillent toutes sor- tes de métaux, les Cyclopes se sont trouvés figés, souvent dans le marbre, à l’époque romaine. Les représentations, peu nombreuses, relèvent d’un unique programme iconogra- phique: toujours à proximité de Vulcain, les Cyclopes sont figurés en pleine action, affairés à marteler les éléments à tour de rôle, en unissant leurs forces, forgeant divers «objets d’in- vestiture». Le mouvement est marqué et inte
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