L épithèse vocalique en français contemporain : étude phonétique - article ; n°13 ; vol.7, pg 35-45
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L'épithèse vocalique en français contemporain : étude phonétique - article ; n°13 ; vol.7, pg 35-45

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Faits de langues - Année 1999 - Volume 7 - Numéro 13 - Pages 35-45
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1999
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Langue Français
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Extrait

Fernand Carton
L'épithèse vocalique en français contemporain : étude
phonétique
In: Faits de langues n°13, Mars 1999 pp. 35-45.
Citer ce document / Cite this document :
Carton Fernand. L'épithèse vocalique en français contemporain : étude phonétique. In: Faits de langues n°13, Mars 1999 pp.
35-45.
doi : 10.3406/flang.1999.1236
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/flang_1244-5460_1999_num_7_13_1236vocalique en français contemporain : L'épithèse
étude phonétique
Fernand Carton*
Un trait phonétique s'est beaucoup répandu en français non méridional :
l'adjonction d'une sorte de [э] en fin de mot, ce qui constitue une clausule
rythmique avec un cliché mélodique particulier : «Bonjour-e! Au r'voir^e!».
Avant d'étudier expérimentalement ce phénomène, souvent qualifié de
«nouveau», remontons à ses origines, qui sont anciennes.
1. HISTORIQUE ET DEVELOPPEMENT
1.1. Observations anciennes. Explications phonétiques
Chifflet observe en 1659 :
«e qu'on appelle féminin... est comme le reste d'une consonne qui sonne à la fin
d'un mot. Par exemple, animal : au bout de cet Z il y a un petit reste d'un e, lequel
estant un peu mieux exprimé, l'on entend animale. Ainsi marc, marque, coc,
coque.»
Mourgues, en 1685, remarque finement que
«les consonnes finales ne peuvent se faire entendre que par le secours d'un petit e
muet... Quelle différence l'oreille peut-elle percevoir dans la prononciation de bal et
haie, encor et encore, vis et vice?» (cité par Rosset 1911, p. 137).
Les grammairiens du XVIIIème siècle, même ceux qui plaident pour la
prononciation du e dans les rimes féminines, disent qu'il est complètement
muet dans le langage ordinaire, sauf après un groupe de consonnes et dans le
style oratoire.
Des e finaux, étymologiques ou non, se font entendre depuis longtemps en
finale dans l'emphase. Rousselot (1897) commente ainsi un de ses tracés :
«Dans un débit lent et emphatique, il arrive que l'explosion des consonnes sourdes
finales devienne sonore et donne naissance à une voyelle. C'est ainsi que, dans ce
vers de Racine : "Implacable Vénus, suis-je assez confondue", déclamé avec
emphase par M.xBrunot [il s'agit de Ferdinand Brunot (F.C.)], Vénus est devenue
Vénásce, avec un œ final... Les exemples de ce fait ne me manquent pas; ils sont du
reste faciles à constater par la simple audition dans le débit des orateurs et des
acteurs.» (p. 521-523).
* Université Nancy 2, Courriel : Fernand.Carton@clsh.univ-nancy2.fr Fernand Carton 36
Sur le kymogramme (inscriptions : nez, souffle, lèvres) reproduit p.522, on
constate que la voyelle [œ] dure 26 unités de temps, alors que [y] accentué dure
38 u. d. t. La fig. 190, qui illustre ces lignes, a pour titre «Voyelle finale
additionnelle». Rousselot a bien caractérisé ce phénomène : forte montée
mélodique sur la voyelle accentuée, durée importante de la voyelle
supplémentaire, emploi stylistique.
Straka (1964) précise :
«En finale absolue (p. ex. dans mat, bac...), la consonne est articulée avec plus
d'énergie qu'en position implosive (p. ex. dans mat(e)-faim, baqu(e)ter) et parfois
même intervocalique..., on entend nettement cette détente, par ex. dans coq, net,
cep, ours, mal, etc. Elle peut donner naissance à une véritable voyelle
additionnelle.» (p. 24).
Straka, citant Chlumsky (Slavia, XIII, 1935, p. 459), insiste sur l'énergie
articulatoire qui lui semble être à l'origine des e de détente après consonne
forte.
Marguerite Durand (1961), attribue principalement les cas de voyelles «non
perçues quoique de durée suffisante» à la constitution syllabique du français,
(p. 580)
Delattre (1966) remarque que, contrairement à l'anglais,
«la consonne finale se prononce presque comme si elle commençait une nouvelle
syllabe : la bouche se rouvre légèrement et un embryon de voyelle se fait entendre.»
(p. 13).
C'est pour lui un effet du «mode croissant» du français. En anglais, où ce
phénomène est inconnu, le /1/ de feel p.ex. est implosif, en rapport avec la
voyelle précédente, alors que celui du français fil est explosif et appelle, en
quelque sorte, un e de détente : c'est l'anticipation vocalique.
Léon (1971) a analysé expérimentalement la séquence «Euh... ce fihn(e)
tchèqu(e)...» et a observé que l'élément de détente, distinct de celui des
méridionaux, où il est un phonème, est plus variable que les trois autres, surtout
au niveau du 3ème formant ( p. 68).
1.2. E additionnels socialement marqués
Mais il ne s'agit encore là que d'un e sans fonction sociolinguistique, que
chaque francophone produit p.ex. quand il annonce des lettres ou des chiffres
isolés comme [sisa, жэ, seta] . Il n'en est pas de même pour les e additionnels
que nous avons relevés dans Fric-frac (film de Maurice Lehmann) : Arletty fait
du tandem avec Michel Simon et crie : Arrête!.. La môme est encore en rade}
L'analyse acoustique montre que le ton traînant «faubourien» allonge les e (ici
soulignés), qui ont presque la même durée que les voyelles accentuées (18 à 20
es). L'implication (protestation : «mais enfin!») induit une montée forte de la
voyelle accentuée et une lente descente mélodique sur ces e. Même schéma
dans : et Marcel-e?, sur la tron-çhe., chuis d'Barbès- e. Ce film est de 1939. En
1947, Juliette Gréco chante Si tu t'imagines : le e final de groupe est à l'octave vocalique en français contemporain 37 L'épithèse
inférieure. Yves Montand fait de même: c'est alors une marque de
nonchalance.
1.3. Extension du phénomène
A la fin des années 70, le phénomène est mieux repéré du fait de sa fréquence
en divers milieux et de son rôle de marqueur. La thèse de Caroline Péretz-
Juillard (1977) en fait état à Paris et le situe dans la dynamique des âges. Nous
en avons noté beaucoup dans des interviews de jeunes défavorisés en 1980
(France Inter : Les enfants de la détresse). Mais il est de moins en moins lié à
un «accent populaire». Léon (1987) note que l'apparition d'une voyelle parasite
finale est un trait plutôt féminin : 24,6% contre 13,4% chez les hommes en
parlé spontané. Léon (1993 p. et 1996 p. 145) aborde l'aspect phonostylistique
de ce trait. Henriette Walter (1977) mettait en lumière une résurgence générale
du e caduc en toutes positions ( p. 51), mais notre phénomène semble avoir
d'autres causes. En 1988, elle mentionne
«. . . une intonation qui [s'entend] avec une grande fréquence chez les jeunes. В s'agit
d'une modulation montante à la fin des phrases ou des groupes de mots,
particulièrement sensible dans les mots terminés par une consonne grande, troupe,
mais aussi dans but ou bac. On y entend de plus en plus souvent une espèce d'écho
vocalique. . .» (p. 301).
Fónagy (1989, p. 238-245) s'est attaché à montrer, à partir de nombreux
exemples, l'emploi de ce trait dans différentes modalités et contextes, ainsi que
le cliché mélodique généré.
Anita В. Hansen (1991 et 1997), qui se situe dans le courant variationniste, a
traité en détail du phénomène dans une étude sociolinguistique comparative de
deux corpus parisiens (1977 et 1989). Elle étudie les facteurs linguistiques et
extralinguistiques de ce qui lui paraît une évolution en cours, et l'emploi de ce e
dans différents contextes linguistiques.
Pickles (1998) a trouvé dans son corpus (enregistrement d'interviews de
jeunes Perpignanais en 1997) une très forte proportion de [э] finaux de mot,
adjonctions presque systématiques, même après voyelle : icize, j'ai r'doublé-ç,
аттаи(х)-&, activité(s)-e_.
2. REDEFINITION DU PHENOMENE. REALISATIONS
2.1. Redéfinition du phénomène
A la prolifération de e finaux servant d'appuis expressifs après une consonne
forte (type je çraqu-e!), s'est ajoutée l'adjonction fréquente d'une vocoïde
parasitaire après diverses consonnes (type au r'voir-e!) qui fonctionne comme
une marque sociolectale ou idiolectale. C'est là, à notre avis, un phénomène
voisin mais différent du e

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