Thinkers

Gilles Fontaine

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• Publié par: didischwyter
• Publié le: 09 juillet 2019
• Nombre de lectures: 1 392
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

E N T R E P R E N E U RS C I TOY E N S
 P O U R U N E P RO S P É R I T É PA RTAG É E .

Nous, entrepreneurs et grandes entreprises, constatons qu’une minorité d’idées continuent à

diriger le monde. L’idée que la croissance économique est une fin en soi. L’idée que nous

n’avons qu’à nous adapter au changement climatique, et qu’il n’est que la rançon du progrès.

L’idée que seuls quelques hommes d’Etat autoritaires pourront résoudre les problèmes sociaux

et politiques. L’idée que les inégalités sont justifiées et porteuses de dynamisme économique.

Ces idées sont des spectres qui continuent à nous hanter, à nous diviser, à décomposer

l’humanité et la nature. Nous y sommes encore attachés car elles sont l’héritage du 20ème

siècle, mais nous savons désormais que les solutions du 20ème siècle sont les problèmes du

21ème siècle. Il nous faut enfin être modernes, entrer dans le futur pour le sauver. Les

générations futures ne sont plus une belle image, ce sont nos enfants qui défilent dans les rues

pour espérer vivre une vie décente. Nos entreprises doivent changer d’alliances, pactiser avec

le futur et rompre avec le passé.

Les crises sociales et écologiques ont atteint une telle ampleur que nous devons créer des

coalitions nouvelles. Nous vivons dans un monde global et horizontal, où des entreprises

pèsent plus que des Etats, où des ONG communiquent plus que la télévision, où des individus

influent par millions sur les mentalités. Nous avons besoin de tous ces moyens d’action pour initier un mouvement sans précédent, une mobilisation générale en temps de paix. Nos

entreprises doivent se réinventer pour y prendre toute leur part.

Pour cela, nous ne devons sauter aucune étape : avant d’obliger à des résultats tangibles, il

faut se retrouver sur des intentions, convaincre et bâtir une majorité morale. Cette majorité

commence par une minorité qui rayonne : un leadership exemplaire, un premier tiers de

bonnes pratiques, un cas d’école pionnier peuvent sufire à faire basculer dans les esprits un modèle de consommation, de production, de gestion. Nos entreprises doivent se convaincre

que la société est bien plus mûre que le marché, qu’il y a un citoyen dans chaque

consommateur, chaque salarié, chaque producteur. A nous d’éduquer et de sensibiliser, à

nous de créer de l’irréversible, d’entrer dans le futur sans peur ni remords.

A l’heure où l’opinion est plus organisée et plus exigeante que jamais, nos entreprises n’ont pas

à attendre une contrainte réglementaire pour organiser une compétition vers le haut, vers plus

de justice, plus d’écologie, plus de transparence. C’est dans cette émulation que nous

conquerrons de nouveaux marchés, que nous attirerons les talents, que nous nous enracinerons

dans la société. Dans tous les secteurs, nos entreprises doivent oser répondre à la demande de

sens. Le numérique nous ofre des opportunités : pour convaincre et entraîner, nous avons moins

besoin d’idéologie que de données et d’indicateurs. Mesurer l’impact de la finance, l’état de la

nature, l’attractivité des territoires, l’eficience de la diversité humaine, l’eficacité des

technologies, c’est démontrer scientifiquement que sont possibles et nécessaires une finance

solidaire, une agriculture sans chimie, des communautés à taille humaine, des collectifs de

travail reflets de la société. Que le coût de l’inaction est immense. Contre les préjugés et l’inertie, le progrès social peut être accéléré et attesté par les données.

Pour cela, nos entreprises doivent revoir le dogme de la propriété exclusive et abusive : dans

un monde fini, nous ne pouvons plus nous permettre la spéculation, le secret et la destruction

dans la gestion des ressources. Nous devons apprendre à créer de la valeur à partir du

partage, de l’accès et de la transparence, qu’il s’agisse de logiciels, de logements, de

semences, de recherche ou de matières premières. La citoyenneté de nos entreprises passe par de nouveaux biens communs à exploiter et respecter ensemble, par des partenariats

inédits entre le public et le privé.

Tout cela doit nous faire passer d’une majorité d’idées à une majorité d’actions. La masse de

ces actions efacera le temps perdu, reliera le court terme au long terme, il n’est pas trop tard.

Pour durer, séduire ou produire, nos entreprises doivent incarner chacune à sa façon le

progrès social. Rien n’est acquis, nous ne sommes pas infaillibles, la conscience de l’urgence

peut nous amener à faire bloc et à changer d’échelle, tout comme à chaque étape, elle peut

nous paralyser. La voie est étroite, les délais serrés, nous avons besoin du concours de la

société et des Etats pour atteindre la vitesse qui nous libèrera d’un modèle de société en crise,

et nous fera retrouver la confiance des générations futures.