LES GRANDS DEBORDEMENTS DE LA MOSELLE ET DE LA SEILLE A METZ D APRES LES SOURCES NARRATIVES XIIe XVIIIe SIECLES Laurent LITZENBURGER
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LES GRANDS DEBORDEMENTS DE LA MOSELLE ET DE LA SEILLE A METZ D'APRES LES SOURCES NARRATIVES XIIe XVIIIe SIECLES Laurent LITZENBURGER

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Niveau: Supérieur

  • mémoire


1 LES « GRANDS DEBORDEMENTS » DE LA MOSELLE ET DE LA SEILLE A METZ, D'APRES LES SOURCES NARRATIVES (XIIe- XVIIIe SIECLES) Laurent LITZENBURGER Agrégé d'Histoire-Géographie Docteur en Histoire médiévale (Université Nancy 2) Résumé Située à la confluence de la Moselle et de la Seille, la cité de Metz fut particulièrement vulnérable aux nombreux caprices de ces rivières durant le Moyen Âge et les Temps Modernes. Les sources narratives produites dans cet espace urbain entre le XIIe et le XVIIIe siècle rapportent ainsi plus d'une centaine d'évènements. Soumises à une analyse critique, ces riches descriptions permettent de réaliser un premier survol en longue durée de cette question et de faire « des chiffres avec des mots », en envisageant la fréquence, la saisonnalité et l'intensité de ces phénomènes. Les résultats de cette enquête préliminaire sont mis en perspective grâce aux recherches européennes récentes sur la question. Mots-clés : Inondations ; Evènements extrêmes ; Vulnérabilité ; Histoire du climat ; Petit Âge Glaciaire. Abstract Metz and the messin Country faced to severe floods of the Moselle River and its tributaries, XIIe-XVIIIe centuries. Located at the confluence of the Moselle and Seille rivers, the city of Metz was particularly vulnerable to the vagaries of these streams during the Middle Ages and Modern Times.

  • sources narratives

  • inondations indiquées pour l'année précédente par le curé de saint-eucaire

  • docteur en histoire médiévale

  • xviie siècle

  • cité

  • époque moderne

  • xiie-xviiie centuries

  • vulnérabilités urbaines


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Publié le 01 juillet 2011
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Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

 ________________________ ecnarF ,zteM - enialreV luaP étisrevinU ,1102 telliuj 80 te 70 )VC2R2( "noitatpada'd serusem xua ésilaitaps citsongaid ud : selliv sed euqitamilc tnemegnahc ua ecneilisér al recrofneR"  euqolloc ud setcA .egA ecI elttiL ;ygolotamilc lacirotsiH ;ytilibarenluV ;stneve emertxE ;sdoolF :sdrowyeK .tcejbus siht no hcraeser naeporuE tnecer htiw evitcepsrep ni tes era noitagitsevni yranimilerp siht fo stluser ehT .anemonehp eseht fo ytisnetni dna ytilanosaes ,ycneuqerf eht gniredisnoc ,sisylana evitatitnauq a hguorht ,eussi siht fo mret gnol eht revo weivrevo tsrif a ezilaer ot wolla snoitpircsed hcir seseht ,weiver lacitirc ot dettimbuS .stneve derdnuh eno naht erom etaler seirutnec htneethgie dna htflewt eht neewteb ecaps nabru siht ni decudorp secruos evitarran ehT .semiT nredoM dna segA elddiM eht gnirud smaerts eseht fo seiragav eht ot elbarenluv ylralucitrap saw zteM fo ytic eht ,srevir ellieS dna ellesoM eht fo ecneulfnoc eht ta detacoL .seirutnec eIIIVX-eIIX ,seiratubirt sti dna reviR ellesoM eht fo sdoolf ereves ot decaf yrtnuoC nissem eht dna zteM tcartsbA  .eriaicalG eg titeP ; tamilc ud eriotsiH ; étilibarénluV ; semêrtxe stnemenèvE ; snoitadnonI : sélc-stoM .noitseuq al rus setnecér senneéporue sehcrehcer xua ecârg evitcepsrep ne sim tnos erianimilérp etêuqne ettec ed statlusér seL .senèmonéhp sec ed étisnetni’l te étilannosias al ,ecneuqérf 1  al tnaegasivne ne ,» stom sed ceva serffihc sed « eriaf ed te noitseuq ettec ed eérud eugnol ne lovrus reimerp nu resilaér ed tnettemrep snoitpircsed sehcir sec ,euqitirc esylana enu à sesimuoS .stnemenèvé’d eniatnec enu’d sulp isnia tnetroppar elcèis eIIIVX el te eIIX el ertne niabru ecapse tec snad setiudorp sevitarran secruos seL .senredoM spmeT sel te eg neyoM el tnarud serèivir sec ed secirpac xuerbmon xua elbarénluv tnemerèilucitrap tuf zteM ed étic al ,ellieS al ed te ellesoM al ed ecneulfnoc al à eéutiS émuséR  rf.eerf@regrubneztil.l )2 ycnaN étisrevinU( elavéidém eriotsiH ne ruetcoD eihpargoéG-eriotsiH’d égérgA REGRUBNEZTIL tneruaL )SELCEIS eIIIVX-eIIX( SEVITARRAN SECRUOS SEL SERPA’D ,ZTEM A ELLIES AL ED TE ELLESOM AL ED » STNEMEDROBED SDNARG « SEL 
Introduction Ville épiscopale, Metz cumulait des aspects démographiques et monumentaux qui lui conféraient un statut de métropole régionale sans égale durant le Moyen Âge et les Temps Modernes. La cité rassemblait déjà entre 25 000 et 30 000 habitants au tournant des XIIIe et eXIV siècles. Elle contrôlait également un large territoire, qui faisait d’elle le « plus vaste Etat urbain que l’Europe médiévale ait connu, en dehorsd e l’Italie » (Schneider, 1950). Le « Pays de Metz », dont les limites ne varièrent guère durant l’époque moderne, s’étendait entre les côtes de Moselle et les vallées de la Seille et de la Nied. La ville, qui dépendait en théorie de l’Empire, disposait d’une indépendance de fait jusuq’en 1552, moment où elle passa dans l’aire d’influence française (Zeller, 1926). C’edsat ns ce cadre que fleurirent les annales, chroniques et journaux relatant la puissance de la « République messine », production qui perdura durant toute l’époque moderne. Membres de al bourgeoisie, de l’élite dirigeante ou paysans aisés, leurs auteurs furent d’attentifs obesrvateurs de la vie de la cité et de son plat-pays. Ils furent particulièrement sensibles aux caprices du temps, et notamment des rivières. La cité, située à la confluence de la Seille et de la Moselle (cf. figure 1), était vulnérable aux « grands débordements » de ces cours d’eau, pour reprendre l’expressiodn ’un témoin anonyme du XVIIe siècle (Anonyme, XVIIe siècle). Rivière à régime pluvial, la Moselle prend sa source dans le massif des Vosges. Elle draine, au long d’un parcours de 520 km, un bassin d’environ 29 000 km², avant de rjeoindre le Rhin à la hauteur de Coblence. Elle reçoit, à la hauteur de Metz, en rive droite, la contribution de la Seille, qui s’écoule sur 138 km, dans un bassin versant de 1 348 km (Frécaut, 1971). L’humanisation et la mise en valeur croissante de ce milieu, à partir du Moyen Âge, exposèrent la ville aux aléas hydrologiques. La construction en amont de la cité – à une date inconnue entre le XeI et le XIIIe siècle – de la digue submersible de Wadrineau, à la hauteur de Longeville-lès-Metz, en témoigne. Elle était chargée de dévier une partie des eaux de la Moselle vers l’intérieur de l’enceinte urbaine, afin d’alimenter les moulins dlea cité, nécessaires pour la production de farines et les activités artisanales (Ferber, 2009). Les sources narratives locales rapportent plus d’uen centaine de crues et d’inondations entre le début du XIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle. Cette mémoire écrite, forcément lacunaire et imparfaite, rend néanmoins possible la construction d’une première ébauche d’une chronique en longue durée de ce type d’aléa àMetz. Ces témoignages offrent en effet l’inestimable avantage de recouvrir une large plag echronologique, antérieure aux premières mesures instrumentales, qui débutèrent à la fin de l’époque moderne. Ces documents mêlent étroitement les observations objectives et les interprétations subjectives ; en cela, ils relèvent avant tout d’une histoire culturelle des risques e tdes catastrophes. Leur analyse critique constitue donc un préalable à l’utilisation des inofrmations qu’ils relatent. Cette approche est d’ailleurs absente dans les œuvres réalisées par lse érudits et compilateurs du XIXe siècle, comme Maurice Champion (Champion, 1863). Après avoir isolé dans les textes les données les plus fiables, notamment les datations et les descriptions s’appuyant sur les éléments bâits bien connus de nos jours – qui servent de marqueurs de crues sommaires – il devient possible de « faire des chiffres avec des mots » (Garnier, 2010), c’est-à-dire de transformer les dsecriptions des observateurs de l’époque en données quantitatives (Bradzil et al., 1999, Glazer et al., 2010). Ce traitement rend possible l’analyse de la saisonnalité et de la fréquence de sévènements, de leurs causes directes, ainsi que de leurs intensités.   2
Cette enquête reste partielle, puisqu’elle ne pren dpas en compte les nombreuses sources qu’il est possible de mobiliser pour les XVIIe et XVIIIe siècles, notamment les fonds du Parlement de Metz, du bureau des finances, de l’intendance, des ponts et chaussées, etc. Celles-ci permettront de compléter et d’affiner cette première approche de la question. Ces réflexions restent celles d’un médiéviste, avec totues les faiblesses que cela suppose quant aux développements concernant l’époque moderne ou l’hryodlogie. Il n’y a donc ici aucune prétention autre que celle de tenter de prolonger en longue durée une partie du travail entrepris dans ma thèse, qui porte sur La Vulnérabilité urbaine : Metz et son climat à la fin du Moyen Âge, réalisée sous la direction de Pierre Pégeot et soutenue en décembre 2011 à l’Université de Nancy 2.  Figure 1 : Le bassin versant de la Moselle / Catchment area of the Moselle River (Source : CIPMS – Commissions Internationales pour la Protection de la Moselle et de la Sarre, http://www. www.iksms-cipms.org).   3
1. Quantité et fiabilité des informations disponibles dans les sources narratives Les chroniques, annales et journaux messins relatent 114 évènements hydrologiques entre 1137-1338 et 1784. La pertinence de ces mentions est réelle, mais limitée. Il n’existe pas de traces matérielles – de repères de crues, notamment – qu’il serait possible de croiser avec les informations disponibles dans les textes. Les sources administratives et comptables de la ville relatent de nombreuses dépenses de réparations ou de reconstructions tout au long de la période considérée, mais ces mentions sont loin d’têre explicites. Elles ne donnent presque jamais la date précise du phénomène à l’origine del a dépense, alors que les travaux peuvent avoir lieu longtemps après l’évènement, lorsque le sfinances de la ville peuvent le supporter. Dans la mesure où les activités humaines peuvent elles-mêmes avoir généré ces dépenses (conflits, incendies, entretien, améliorations, agrandissement, etc.), seule une confrontation systématique avec les sources narratives permet d’téablir un lien direct et absolument certain avec des crues ou inondations. Ces textes, malgré leurs lacunes, restent donc incontournables pour envisager la question dans la longue durée. Il faut toutefois considérer cette enquête comme préliminaire : elle est susceptible d’être amendée et enrichie très largement grâce aux trouvailles réalisées dans les sources conservées en dépôts d’archives. Les informations disponibles dans les sources narratives sont de deux natures : directes (de première main), lorsque le témoin relate des évènements dont il a été le témoin, ou indirectes (de seconde main), lorsque l’auteur recopie un texte antérieur. Ce second type d’information peut être remis en cause, puisque le stextes que copient les auteurs restent parfois inconnus, ce qui hypothèque leur validité. Il est donc nécessaire d’évaluer chaque témoignage disponible dans ces sources.  1.1. Les sources du Moyen Âge Les neuf évènements les plus anciens, qui concernent la période qui s’étend du XIeI au début du XIVe siècle, sont écartés du dossier. Les quatre inondations recensées par Pierre Alexandre dans les sources narratives médiévales les plus anciennes (en 1159, 1184 ou 1185, 1206 et 1296) ne sont pas retenues parce que leurs datations restent extrêmement incertaines et que ces épisodes ne sont pas documentés (Alexandre, 1987). Cinq autres évènements sont rapportés dans des compilations tardives, réalisées aux XVIIIe et XIXe siècles, sans références précises aux sources originales, ce qui les rendent douteuses. Seules leurs occurrences sont indiquées, avec de fortes incertitudes de datations. Sont concernées les inondations de 1137 (ou 1138 ?) et de 1312, rapportées par Michel Chabert (Chabert, 1851-1857), de 1224, mentionnées par Maurice Champion (Champion, 1863), de 1314 et 1315, citées par l’Abbé Bexon et Durival (Bexon, 1777 ; Durival, 1778). Ces deux derniers exemples sont d’ailleurs édifiants sur la méfiance dont il faut faire preuve vis-à-vis de ces compilations tardives. Le premier signale, pour l’année 1314, une grande famnie provoquée par « de grandes inondations causées par des pluies excessives et par des éruptions d’eau souterraines[ qui] perdirent les récoltes, produisirent des bouleversements et des vents orageux, qui détruisirent les habitations », alors que le second indique, au sujet de l’anneé 1315, que la famine fut précédée « d’inondations prodigieuses et de tremblements de trere ». Ces auteurs, qui puisent dans un matériau inconnu, comprennent mal leurs sources. La décennie 1310-1320 fut l’une des périodes les plus pluvieuses du Moyen Âge (Alexandre, 1987), ce que confirment les sources humaines comme naturelles (Le Roy Ladurie, 2004). Ces excès froids et humides, qui   4
constituent selon les historiens du climat (Pfister, 1996) la première offensive du Petit Âge Glaciaire, furent à l’origine d’une famine qui touhca la majeure partie de l’Europe du Nord-Ouest. Ce contexte, bien connu, laissa des traces sur les économies agraires jusque dans les années 1320 (Jordan, 1997). C’est cette famine – puet-être la seule de la période considérée à pouvoir être majoritairement imputable au climat – que Bexon et Durival confondent avec d’hypothétiques inondations. Les sources messines els mieux informées ne signalent ainsi que les difficultés frumentaires de la période. Dix inondations sont connues de seconde main pour la période 1330-1459. Les chroniques qui les relatent datent du XVe et du début du XVIe siècle. La Chronique du Curé de Saint-Eucaire (Calmet, 1973), la Chronique de Philippe de Vigneulles (Bruneau, 1927-1933), la Chronique de Jacomin Husson (Michelant, 1870), comme les compilations postérieures telles que La Chronique de Praillon (Praillon, XVIe siècle), reprirent presque systématiquement les observations de leurs prédécesseurs. Ces prélèvements furent en général de bonne qualité, puisque une seule erreur est à déplorer lorsque l’on compare ces mentions : Philippe de Vigneulles cite en 1427 les inondations indiquées pour l’année précédente par le curé de Saint-Eucaire et la Chronique des Maîtres-Echevins (Charrette, 1991). Les auteurs de ces textes, citadins instruits et bien au fait des écrits antérieurs ou qui leur étaient contemporains, avaient également accès aux sources administratives et comptables de la cité, qu’utilise par exemple abondamment Philippe de Vigenulles dans son immense œuvre. En conséquence, les aléas hydrologiques qu’ils rapporetnt de seconde main semblent bien documentés et sont conservés dans le catalogue construit ici.  1.2. Les sources de l’époque moderne Toutes les informations contenues dans les sources narratives à partir de la fin du XVe siècle sont de première main, ce qui règle la question de leur fiabilité. A la mort de Philippe de Vigneulles, dans le courant du printemps 1526, le paysage des producteurs de sources narratives locales changea toutefois radicalement, tout comme la forme de leurs écrits. Les grandes chroniques laissèrent la place aux journaux personnels, qui dépassaient rarement l’horizon social et quotidien de leurs rédacteurs,c omme l’illustre leJ ournal (1537-1587) de Jehan le Coullon, paysan riche d’Ancy-sur-Moselle,b ourgade agricole situé au Sud de la cité (De Bouteiller, 1881). C’est également le cas du Journal (1587-1638) de Dom Sébastien Floret, bénédictin de l’abbaye royale de Saint-Arnould de Metz (Chabert, 1862) ou encore de celui de Jean Bauchez (1551-1651), greffier de Plappeville (Abel et De Bouteiller, 1868). Dans le même temps, divers auteurs messins, appartenant à l’élite sociale et exerçant parfois des fonctions municipales ou religieuses, se lancèrent dans la rédaction de vastes compilations embrassant l’histoire de la cité depusi les origines. Il est possible de voir dans cette mode intellectuelle une conséquence de la perte d’indépendance de la cité, qui entra dans l’orbite française en 1552 (Zeller, 1926). L’infagtaible pasteur Paul Ferry (1591-1669), auteur eedes Observations Séculaires (Ferry, XVII siècle – a) et des Annales Metenses (Ferry, XVII siècle – b), reprit très exactement le contenu des chroniques de ses prédécesseurs, laissant d’ailleurs de côté toutes les donenées à caractères météorologiques. Les Annales de Metz, par Simon La Hière (La Hière, XVII siècle), puisent des informations dans les livres de comptes des receveurs de la cité et dans les sources narratives antérieures, mais sans rien apporter de neuf au sujet. Enfin, les Miscellenea Metensia, collection de six volumes – dont il ne reste aujourd’hui que quatre tomes – rassemblent divers émmoires thématiques et chroniques   5
abrégées, manuscreits ou imprimés, qui ne sont guère plus dissertes sur la question des crues (Anonyme, XVIII siècle). Entièrement absorbés par la réhabilitation du glorieux passé de leur cité, ces intellectuels des XVIIe-XVIIIe siècles n’ont finalement pas été de fins observatuers des phénomènes climatiques de leur temps. Ces lacunes peuvent partiellement être comblées grâce aux journaux rédigés par quelques auteurs vivant à proximité du Pays messin, comme le Journal (1587-1666) de Pierre Vuarin, garde-note à Etain (Recueil de documents sur l’histoire de Lorraine, 1859), ville localisée à environ 50 km au Nord-Nord-Ouest de la cité. Il faut attendre les Annales (1724-1756) du notaire Jacques Baltus (Paulus, 1974), pour retrouver une veine documentaire circonstanciée, en relation avec les préoccupations savantes de son temps. Les œuvres érudites de l’Abbé Bexon, de Durival, d el’ingénieur Raillard (Raillard, 1865) ou de Maurice Champion complètent utilement la chronologie des crues et inondations locales jusqu’à la fin de l’époque moderne, dont ils ont é tles témoins ou grâce à des documents de première main.  1.3. Premier bilan sur le catalogue des crues et inondations à Metz Les sources narratives recouvrent une large plage de temps, mais la crédibilité des informations les plus anciennes est remise en cause. Le catalogue pâtit également de plusieurs lacunes chronologiques et d’une inégale densité de stémoignages. Si les chroniques, annales et journaux messins relatent 114 évènements entre 1137-1138 et 1789 (cf. figure 2), les 9 descriptions les plus anciennes sont finalement rejetées du dossier. Celui-ci reste fort de 105 mentions de crues et d’inondations, qui sont faibles, pour la période 1330-1789.  019876543210Sources peu sûresSources de deuxième mainSources de première main non circonstanciéesSources de première main circonstanciées Figure 2 : Nombre (somme sur 10 ans) et qualité des informations dans les sources narratives messines (1130-1789) / Number (sum over 10 years) and quality of information in the messines narrative sources (1130-1789)  6
 La très grande majorité de ces 105 mentions sont de première main (95 cas), mais il existe un très net déséquilibre dans la répartition temporelle des témoignages, ce qui révèle les insuffisances de ce catalogue. La prééminence quantitative et qualitative des témoignages est très nette pour la période 1466-1526 (47 cas), ce qui ne manque pas de surprendre et pèse d’un poids notable sur le traitement statistique d ela question (cf. figure 2). Cela s’explique aisément par l’activité conjointe, durant ce laps ed temps, de trois auteurs différents : les bourgeois Jehan Aubrion (Larchey, 1857), Philippe de Vigneulles (auteur d’une Chronique, déjà évoquée, ainsi que d’un Journal ; Michelant, 1852) et Jacomin Husson furent des observateurs extrêmement attentifs de la vie municipale. Tous trois eurent à cœur de chanter les louanges de la cité. Fins observateurs de leur temps, ils ont scrupuleusement consigné tout ce qui affecta la vie de leur ville, de l’évènemen tapparemment le plus anodin jusqu’aux grandes évolutions politiques et sociales dont ils étaient les témoins. Ces entreprises semblent devoir trouver leur explication dans un moment de désenchantement marqué vis-à-vis de la vie municipale, dont l’indépendance était constammnet menacée par les duchés de Lorraine et de Bar, l’Empire ou le royaume de France (Gantelet ,2001). Au final, 105 épisodes de crues et d’inondations sont donc connus grâce aux sources narratives pour la période 1330-1789. Ils peuvent être considérés comme fiables et font l’objet d’une étude plus détaillée dans la suite de cette nequête. Celle-ci reste néanmoins incomplète et appelle de nouvelles recherches dans les sources d’archives, notamment pour l’époque moderne.  2. La qualité des informations disponibles dans les sources narratives La qualité des informations disponibles dans les sources narratives messines dépend des interprétations que les auteurs médiévaux et modernes firent du climat en général et des évènements hydrologiques extrêmes en particulier, ce qui conditionne la forme de leurs témoignages. Leur nature interroge, dans la perspective d’une histoire culturelle des catastrophes, envisagée par François Walter (Walter, 2008). Il s’agit là d’un préalable méthodologique : quelles informations peuvent être exploitées dans cette mémoire écrite pour construire aujourd’hui une chronologie détaillée dse inondations à Metz ? Il est nécessaire de jauger chacune des 105 mentions disponibles pour distinguer les informations purement subjectives et les données plus objectives, qui peuvent faire l’objet d’un traitement statistique sommaire.  2.1. L’inondation dans les sources narratives, unei mage littéraire ? Les images littéraires associées aux précipitations de fortes intensités se retrouvent sous la plume de la quasi-totalité des auteurs messins, mais restent finalement peu nombreuses et renvoient toutes à un même motif biblique, celui du déluge. Le terme est systématiquement employé pour qualifier les inondations les plus intenses. Il apparaît par exemple au sujet de dix inondations qui touchèrent la cité au tournant des XVe-XVIe siècles, qui eurent lieu en 1373 et 1374 (Calmet, 1973 – b), en 1398, 1399,   7
1491, 1494, 1495 (Bruneau, 1927-1933), en 1509 (Michelant, 1852), durant l’hiver 1523-1524 et enfin en 1526 (Bruneau, 1927-1933). Le terme de « déluge » n’est jamais utilisé dans une perspective eschatologique. C’est tout simplemnet la façon la plus commode, pour ces observateurs, de signaler en quelques mots l’intenisté et la durée des événements pluvieux exceptionnels dont ils furent les témoins, qui provoquèrent systématiquement des inondations de très fortes intensités. Cette pratique perdura tout au long de l’époque moderne. Le « déluge de la Saint-Crépin », expression qui qualifia dans la presse l’épisode d’origine pluviale qui débuta le 25 octobre 1778 et concerna tous les cours d’eau de l’Est de la France, atteste encore tardivement de cet usage (Maudheux, 1869 ; Champion, 1863). Punition divine, miracle et édification de la société ne se retrouvent pas dans ces mentions. L’inondation n’est pas considérée comme n uvecteur de la parole divine sous la plume des auteurs messins. Ce privilège revenait à la foudre, au tonnerre, aux chutes de grêles et autres météores, signes visibles et audibles de la colère divine. La qualité des relations rédigées par les témoins locaux ne pâtit donc pas des interprétations religieuses qui auraient pu en découler. Cela permet d’envisager avec une rleative sérénité ces descriptions.  2.2. Une mémoire écrite des risques et des catastrophes ? Lorsqu’il relate les inondations de l’hiver 1374,e lcuré de Saint-Eucaire affirme que « les eaues furent si grandes par tout le monde, qu’leles furent par tout fuer de rive, que dés le déluge elles ne furent oncques si grandes » (Calmet, 1973 – b). Il ne s’agit pas d’une simple formule vide de sens. En ce qui concerne les faits qui lui sont contemporains, cet auteur se fie régulièrement à sa propre mémoire. Cet usage est manifeste à plusieurs reprises, par exemple lorsqu’il décrit le temps pluvieux du édbut du mois de mai 1435, « ceu que on n’avoit oncques plus veu t» (Calmet, 1973 – b). Sur le même modèle, la référence aux témoignages des anciens est également une constante dans tous les écrits messins. Cette mémoire vivante est considérée comme incontestable par les divers auteurs messins. Or, cette mémoire était nécessairement imparfaite, ce que démontrent les travaux d’Alain Corbin et de Martin de la Soudière sur la esnsibilité et les souvenirs météorologiques (Corbin, 2005 ; La Soudière, 1999). Elle peut donc être remise en question. Une observation détaillée des textes le montre aisément : lorsqu’i lrelate l’inondation du 23/3/1521, Philippe de Vigneulles précise que l’amplitude des crues de la Moselle et de la Seille « ne furent jamaix veue sy grande sans neige ou sans glaice, ne en aussy peu de temps » (Bruneau, 1927-1933), ce qui montre qu’il a déjà oublié le processus idetnique qui s’est déroulé en novembre 1515, qu’il décrit pourtant par le menu, et dont témoign eun autre auteur, Jacomin Husson, qui indique que « furent les yawes [eaux] si très grandes que tous hommes disoient qu’ils nel es avoient jamais veues si grandes sans glaice » (Michelant, 1870). De la même manière, les auteurs de la Chronique en vers, lorsqu’ils évoquent l’inondation de janvier 152(4C almet, 1973 – a), affirment assez abruptement que : Et puis sans grande neige ny pluye Vindrent les eaues en tel déluge, Plus grandes en rivieres et estangs Qu’elles n’avoient esté en cent a1n. s                                                 1 La Chronique en vers, p. cccxxiv.   8
Vigneulles ne dit pas autre chose à ce sujet, ce qui signifie qu’il a déjà oublié l’épisode qui s’est déroulé trois ans plus tôt, dont il témogine pourtant lui-même (Bruneau, 1927-1933). Malgré tous ses efforts pour consigner par écrit la mémoire de la cité et chanter ses louanges, sa relation au passé reste donc inconstante. Ce constat n’est pas systématique, puisqu’il n’oublie pas de comparer l’inondation du début de’ lannée 1526 – la dernière dont il témoigna – avec celle de l’année 152 :4 à l’ocasion de celle pluye et des neyge qui fondirent en Woulge [Vosges] et aultre pairt, lez ripviers devindrent cy très grande et hors de ripve que jamaix homme vivant ne les vit cy grande, sinon environ deux ans devant, c’on disoit l’année du déluge. Eàt peu près furent celle cy aussy grande ; et firent autant ou plus de dopmaiges en Mets que les aultres, pour ce que l’on ne c’en gairdoit p.a sLes sources narratives fournissent donc une mémoire très imparfaite des risques climatiques et des phénomènes extrêmes. La mémoire vivante ne dépassait pas l’horizon d’une génération, tout en se montrant souvent lacuanire à l’échelle d’une vie. Cela souligne les limites du catalogue qu’il est possible de contsruire à partir des seules sources narratives.  2.3. Les sources narratives, témoignage de la vulnérabilité urbaine Il apparaît finalement que les sources narratives constituent avant tout une mémoire de la vulnérabilité urbaine face aux inondations, dont l’évolution en longue durée est difficilement perceptible à l’aide de ces seuls tetxes. En cas de crue majeure, la fuite restait la seule alternative lorsque les eaux envahissaient la ville. Les mêmes scènes apparaissent sous la plume de Philippe de Vigneulles, qui témoigne de l’inondation majeure de janvier 1524 (Bruneau, 1927-1933), et sous celle de Jacques Baltus (Paulus, 1974), lorsqu’il relate lac rue de très forte intensité de Noël 1740 : les habitants fuirent en désordre, où ils le pouvaient, parfois en s’abritant avec leurs effets personnels les plus précieux dans leurs greniers, alors que d’autres étaient secourus en bateau. Dès la fin de ces évènements, la priorité allait aux réparations des infrastructures fluviales, quais, moulins, ponts, qui étaient nécessaires au bon fonctionnement de la cité. Cette attitude constituait en soi une forme d’adaptation à ces évnèements climatiques extrêmes. La seule politique de prévention envisageable consistait à prier Dieu pour la sérénité du temps. C’est d’ailleurs à uen momeent où les inonatdions semblent avoir été récurrentes et intenses – au tournant des XV-XVI siècles – qu’émergea localement la figure de saien tSérène (Wagner, 2000). A partir de 1497, ses reliques furent systématiquement exhibées lors de processions pour demander à Dieu d’apaiser le temps, ou au contraire de mettre fin à la sécheresse. Dom Sébastien Floret (Chabert, 1862) en témoigne par exemple en 1611 (pour le beau temps) et 1612 (pour la pluie), alors que ces cérémonies sont encore indiquées dans le Ceremonial de l’eglise cathedralle de Met,z rédigé en 1697 (Davy-Rigaux, 2009). Malgré leurs lacunes, les sources narratives montrent clairement que les plus instruits conservaient une mémoire des risques climatiques, même s’il est incontestable que l’oubli constituait, dans les sociétés anciennes, une forme de résilience permettant de dépasser les déplétions humaines et matérielles, de reconstruire la ville, et de remettre la société en ordre de marche (Walter, 2008). Mais si la mémoire écrite fixait les événements, elle restait avant tout un témoignage du quotidien et du moment présent. La mise en perspective dans l’espace et dans le temps, par le biais de comparaisons entre des phénomènes similaires, n’était pas   9
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