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Histoire du collège d'Alençon / par Léon de La Sicotière
Inspecteur divisionnaire de l'Association normande ; L'histoire du collége d'Alençon n'a rien de bien
remarquable. C'est, à quelques nuances près, l'histoire de tous les colléges de province. Elle peut cependant
offrir quelque intérêt à ceux qui s'occupent de de l'enseignement et qui aiment à voir se réfléchir dans le
cadre étroit d'une étroite localité le mouvement général des choses et des idées, à ceux qui ne dédaignent pas de
suivre la civilisation et le progrès dans leurs applications aux nécessités diverses des lieux et des temps. Pour
moi, je l'avouerai, c'est avec une sorte d'émotion que je trace ces pages. Elles seront remplies, vers la fin, des
souvenirs de ma première jeunesse et de mes premières amitiés, souvenirs ineffaçables et qui revivent dans le
coeur à mesure qu'on avance dans la vie. J'y retrouverai quelques-uns des noms les plus glorieux de notre
histoire et de notre littérature, et je serai lier de rappeler les liens qui
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les unirent à la ville et au collége d'Alençon. J'y rencontrerai aussi des noms plus modestes, mais consacrés par
le long et infatigable accomplissement des devoirs les plus saints et les plus pénibles, par le nombre et
l'importance des services rendus, et je serai heureux de leur payer mon tribut d'affection et de respect. Il y a dix
ans, je quittais le collége d'Alençon. Bien des changements se sont accomplis en moi et hors de moi depuis cette
époque ; mais je puis rendre à mes anciens maîtres et me rendre à moi-même ce témoignage que rien n'est venu
altérer ma reconnaissance pour eux. Loin de là, elle a grandi chaque année avec mon respect pour ces fonctions
si grandes et si modestes, si difficiles et si mal appréciées, que l'Université impose à ses professeurs, et pour la
manière dont ces fonctions sont généralement remplies. Il y a quelque chose de plus beau que la gloire, ce sont
les services rendus ; de plus touchant que les insurrections fougueuses contre l'indifférence et l'aveuglement du
siècle, ce sont les résignations modestes et sages de l'homme de pensée et de conscience !.... Ces services, ces
résignations, nos colléges les offrent en grand nombre.
L'instruction publique paraît avoir été fort négligée à Alençon avant le séjour qu'y fit la reine de Navarre. Elle y
résida presque constamment de 1509, époque de son mariage, jusqu'en 1549, année de sa mort. On connaît
l'amour de cette princesse pour les lettres. Elle avait réuni à sa cour beaucoup de littérateurs, et leur nombre
augmenta lors des poursuites dirigées contre les partisans de Luther. Alençon devint l'asile des savants
persécutés. A leur tête il faut placer l'illustre Charles de Ste.-Marthe,
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échappé aux flammes de l'inquisition qui le menaçaient à Grenoble ; il trouva chez nous le repos, la fortune et des
honneurs. Guillaume Le Rouillé, Thomas Cormier, Nicolas de Danguye, évêque de Séez ; Clément Marot,
Bonaventure Desperriers, Claude Gruget, Sylvius de la Haye, Antoine le Maçon, traducteur de Boccace, faisaient
avec lui les délices et l'ornement de la cour de Marguerite. Tout ce qu'une main royale a touché se convertit en or.
L'esprit du siècle poussait d'ailleurs aux études et aux recherches scientifiques. A l'exemple de leur belle
princesse, les bons bourgeois d'Alençon prirent goût à l'étude, et voulurent faire partager ce goût à leurs enfants.
Désireux de fonder une école latine dans leur ville, ils appelèrent pour la diriger Jacques Artésian (ou d'Artois),
natif de Roye en Picardie, célèbre grammairien, qui s'était fait connaître par une syntaxe latine et par ses voyages
pour visiter les savants des Pays Bas et de Paris. La misère l'avait forcé de se réfugier dans cette dernière ville,
où l'invitation des Alençonnois vint le chercher en 1557[1]. Il les trouva disposés à faire tous les sacrifiées
possibles pour l'éducation de leurs enfants ; les enfants eux-mêmes étaient pleins de zèle et de bonne volonté.
Dans l'ardeur de sa reconnaissance, il composa pour la jeunesse d'Alençon un nouvel ouvrage qu'il dédia aux
habitants sous ce titre : Jacobi Artisiani Roiani Alenconicoe scholoe pedagogi, de latinoe syntaxeos ratione, libri
undecim, ad cives
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Alenconicos[2]. Il le datait fièrement : è vestro musoeo Alenconico ; mais hélas ! tous ces beaux commencements
n'aboutirent à rien.On tenta en 1564 l'établissement d'un nouveau collége à Alençon. Louis de Rabodanges, alors bailli,
représenta, le 27 juillet, à une assemblée de ville les lettres que le roi venait d'accorder pour son érection. On
voulut taxer les confréries pour faire face aux dépenses ; mais elles soutinrent n'être pas en état d'y contribuer[3].
L'indifférence où les Alençonnois retombèrent bientôt pour l'enseignement, leur mérita les reproches du
célèbre avocat-général Loisel. Voici ce qu'il leur disait dans une remontrance adressée à l'échiquier, en 1576 :
« Je m'ébahis du peu de soin que vous prenez de l'instruction de vos enfants, n'y ayant dans toute votre ville
ni colléges, ni écoles d'instructions publiques aux bonnes
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lettres et discipline, ni une seule boutique de libraire, qui vous est grand reproche et vergogne ; votre ville n'étant
pas du nombre des petites... Ce qui me ferait volontiers monter en la plus haute tour ou clocher de la ville, et là
m'écrier de toute ma puissance, afin d'être entendu de tous les quartiers de la ville : Que faites-vous, habitants
d'Alençon ? Vous vous tuez les corps et les âmes pour amasser du bien à vos enfants de toutes parts, et vous ne
pensez nullement à ceux pour qui vous les amassez.... ! Vous me direz qu'il faut de la dépense...., des gages
pour les précepteurs, que vous êtes courts et mal garnis en deniers communs en votre hôtel-de-ville ; et je vous
répondrai en un mot : « Evertuez-vous, commencez seulement d'y vouloir entendre, et vous trouverez aide et
secours.....[4 ]»
Les nobles paroles de Loisel n'eurent pas un grand résultat. Ce fut en 1592 seulement que les habitants
présentèrent, le 9 septembre, une requête à Henri IV, à l'effet d'obtenir que les intérêts d'une somme de 2,000
écus qu'ils devaient lui prêter, fussent employés à l'entretien d'un collége. M. de Matignon, gouverneur et bailli,
ordonna en 1609 que les maîtres catholiques toucheraient 350 livres de la rente de 600 livres, et ceux de la
religion prétendue réformée, 250. La moitié des habitants avait donc adopté les opinions nouvelles[5].
La société de Jésus envahissait peu-à-peu l'enseignement tout entier. Les habitants d'Alençon obtinrent,
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le 12 mars 1620, de la reine Marie de Médicis, duchesse d'Alençon, la permission de donner leur collége aux
Jésuites ; ce qui fut confirmé par le roi Louis XIII, le 15 mai suivant. Il ordonna que la rente de 600 livres fût
affectée à l'entretien du collége. Les habitants d'Alençon obtinrent encore, le 26 janvier 1621, des lettres-
patentes, vérifiées en la Cour des aides, qui les autorisaient à lever un octroi, dont une partie devait être
employée aux réparations des murailles de la ville et du clocher, et l'autre à la construction d'un collége. Cet
octroi de 6 deniers par pot de vin, et de 3 deniers par pot de cidre ou de poiré détaillé dans la ville, fut affermé
3,120 livres par an[6].
En 1622, les Jésuites traitèrent avec la ville. Elle leur promit les 600 livres de rente sur les tailles et 1,400 livres
sur les octrois, 6,000 livres pour acheter une maison et 2,000 pour des meubles ; de leur côté, les Jésuites
devaient enseigner gratuitement les enfants de l'une et de l'autre religion, sans que ceux de la religion prétendue
réformée fussent contraints à aucun exercice contraire à leur profession. Ils s'engageaient en conséquence à
fournir autant de classes et de régents que l'exigerait le nombre des écoliers.
Ces conditions ne pouvaient convenir aux protestants. Ils y formèrent opposition, et un arrêt du Conseil de
1623 ordonna que sur la rente de 600 livres les Jésuites n'en toucheraient que 350, le reste devant appartenir
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