Le droit du travail : les dangers de son ignorance

Grandazzi François, Conseil Economique Et Social

Description

15 millions de salariés et 1,5 millions d'employeurs sont aujourd'hui concernés par le droit du travail. Connaître cette législation est un enjeu majeur, son ignorance pouvant remettre en cause son efficacité. C'est sous l'angle de l'accès à ce droit du quotidien et dans le but d'en améliorer l'usage que le Conseil économique et social avance des propositions et esquisse les pistes d'une réflexion prospective. Il suggère de rendre la législation du travail plus accessible grâce à une communication adaptée. Source : Conseil économique et social

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• Droit du travail
• Conseil de prud'hommes
• Employeur
• Employé
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• Publié le: 01 mai 2002
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Extrait

III

SOMMAIRE

Pages

AVIS adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance du 15 mai 2002 ........................... I - 1

INTRODUCTION ...............................................................................................3

CHAPITRE I - LES ENJEUX D’UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DU DROIT DU TRAVAIL POUR SES USAGERS ..............5

CHAPITRE II - DEUX AXES PRINCIPAUX POUR FAVORISER LE RAPPROCHEMENT DU DROIT DU TRAVAIL DE SES USAGERS .................................................................................9

I

- AGIR SUR LES CAUSES : RENDRE PLUS INTELLIGIBLE LE DROIT DU TRAVAIL ................................................................9

A - MAÎTRISER ET ACCOMPAGNER LA PRODUCTION DE LA LÉGISLATION SOCIALE ..................................................................9

B - REPENSER LE RÔLE ET L’ARTICULATION DES ACTEURS ET DES NIVEAUX DANS LA PRODUCTION DE LA LÉGISLATION DU TRAVAIL.........................................................11

C - MIEUX ARTICULER LA JURISPRUDENCE ET LES AUTRES SOURCES DU DROIT SOCIAL.......................................................12

D - ENGAGER UN NOUVEAU CHANTIER DE CODIFICATION ....14

II - FACILITER L’ACCÈS À LA CONNAISSANCE : FORMER ET MIEUX INFORMER LES USAGERS AUX PRINCIPES FONDATEURS ET AUX DISPOSITIONS DU DROIT DU TRAVAIL..........................................................................................15

A - MOBILISER LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE, LES LIEUX DE TRAVAIL ET DE VIE SOCIALE..........................15

B - RENFORCER LES MOYENS DES ACTEURS DU DROIT DU TRAVAIL ..........................................................................................17

C - AMÉLIORER L’INFORMATION DES USAGERS ........................18  

D - FACILITER L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE .................19

CONCLUSION..................................................................................................21

ANNEXE A L’AVIS..........................................................................................23 SCRUTINS .........................................................................................................23 DÉCLARATIONS DES GROUPES...................................................................29

IV

RAPPORT présenté au nom de la section du travail par M. François Grandazzi, rapporteur ................ II - 1

INTRODUCTION ...............................................................................................5

CHAPITRE I - LE DROIT DU TRAVAIL : CONNAISSANCE, MÉCONNAISSANCE OU IGNORANCE DES DROITS ET OBLIGATIONS QUI LE COMPOSENT........................9

I - UN DROIT AUX ORIGINES VARIÉES ET AUX MULTIPLES FACETTES ................................................................9

II

A - DÉFINITION ET CONTENU .............................................................9 1. Le droit du travail, une notion à préciser ..........................................9 2. Un droit du travail ou des droits du travail ? ..................................11

B - HISTORIQUE....................................................................................13 1. La période libérale de l’après révolution ........................................13 2. La législation « industrielle » à partir du milieu du XIX e siècle.....14 3. L’apparition des normes conventionnelles et l’intervention tardive de l’Etat..............................................................................16

C - LES CARACTÉRISTIQUES, LES SOURCES ET LES ACTEURS DU DROIT DU TRAVAIL.............................................19 1. Ses caractéristiques.........................................................................19 2. Une pluralité de sources et d’acteurs ..............................................21 3. Le cas particulier du secteur public ................................................24

- UN DEGRÉ ET DES MODES DE CONNAISSANCE TRÈS VARIABLES.....................................................................................27

A - PARTICULARITÉS DU DROIT DU TRAVAIL ET POIDS DE L’HISTOIRE ......................................................................................28 1. Un droit marqué par des spécificités ..............................................28 2. Le poids de l’histoire des relations sociales....................................31

B - CONNAISSANCE ET APPROPRIATION DU SAVOIR ................31 1. La notion même de connaissance demande à être précisée ............31 2. Les difficultés d’appropriation du savoir et le partage de la connaissance ..................................................................................32 3. La judiciarisation des relations du travail : phénomène de méconnaissance du droit ? .............................................................34 4. Un niveau de connaissance différencié selon les acteurs................35 5. Une prise de conscience tardive du manque de connaissance ........39

C - LA DIFFUSION DE L’INFORMATION JURIDIQUE ....................40 1. L’administration .............................................................................41 2. Les organisations professionnelles et syndicales ............................45 3. La presse spécialisée et les autres médias.......................................47 4. Les autres vecteurs d’information ..................................................48

V

CHAPITRE II - CAUSES ET CONSÉQUENCES D’UN DROIT MÉCONNU.............................................................................51

I

II

- COMPRENDRE LES RAISONS DE LA MÉCONNAISSANCE OU DE L’IGNORANCE...........................51

A - STRUCTURATION DU MONDE DU TRAVAIL...........................51 1. Développement et diversification du salariat..................................51 2. Croissance du nombre et diversité des employeurs ........................55 3. Modification de la structure des entreprises ...................................57

B - LA COMPLEXITÉ DU DROIT DU TRAVAIL ...............................58 1. Un droit du travail volumineux et peu lisible .................................59 2. Une insécurité juridique naissant de la jurisprudence ? ..................60 3. La codification de la législation sociale en question ......................62

C - UNE DIMENSION SOCIALE DÉVALORISÉE ..............................64 1. La place de l’information sociale dans les médias..........................64 2. Le droit social, peu ou pas présent dans l’enseignement ................66 3. Une méconnaissance du paritarisme...............................................68

D - UNE INSUFFISANCE DE RELAIS .................................................70 1. Les organisations professionnelles et syndicales, les institutions représentatives du personnel ..........................................................70 2. Les administrations et organismes sociaux.....................................72 3. Utilisation du droit d’expression ....................................................74

- IDENTIFIER LES DANGERS QUI EN RÉSULTENT................75

A - L’ÉVENTUELLE RÉTROACTIVITÉ DE LA JURISPRUDENCE ............................................................................76

B - LES EFFETS D’UNE INAPPLICATION PARTIELLE OU TOTALE DU DROIT DU TRAVAIL ...............................................78 1. Le travail dissimulé ........................................................................78 2. Le cas desstart-up........................8.4................................................. 3. Inactivation du droit du travail : l’exemple du Sentier ...................85

C - LES CONSÉQUENCES DE L’IGNORANCE DU DROIT DU TRAVAIL SUR LE PLAN CONTENTIEUX ...................................86 1. Le contentieux du droit du travail...................................................87 2. Les conseils de prud’hommes.........................................................87

CONCLUSION..................................................................................................91

TABLE DES SIGLES .......................................................................................93

I - 1

AVIS

adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance du 15 mai 2002

I - 2

I - 3

Par décision en date du 11 janvier 2000, le Bureau du Conseil économique et social a confié à la section du travail la préparation d’un avis sur« Le droit du travail : les dangers de son ignorance » 1 .La section a désigné M. François Grandazzi comme rapporteur.

*

*

*

INTRODUCTION

«Nul n’est censé ignorer la loi». Ce principe, qui trouve à s’appliquer dans tous les domaines de la vie en société, présente une acuité toute particulière s’agissant du droit du travail, auquel sont confrontés les employeurs et les salariés dans leur quotidien, tout au long de leur vie professionnelle, avec des implications tout à fait concrètes. Il est donc indispensable, pour l’ensemble de ces usagers comme pour la société tout entière, que les règles qui le composent soient accessibles et compréhensibles par tous. Le droit du travail français est un droit aux sources multiples et variées : normes supranationales, textes législatifs et réglementaires, conventions et accords collectifs de niveau national, régional ou local, solutions juridiques consacrées par la jurisprudence administrative et judiciaire. Cette législation, évolutive parce qu’en prise avec les enjeux économiques et sociaux, forme un ensemble volumineux, à la fois « droit vivant » et « droit du quotidien ». Près d’un siècle après la codification de la législation sociale, la question de la connaissance de la multitude de ces règles se trouve posée avec régularité, tant par les usagers directs du droit que par les acteurs sociaux, les praticiens, les pouvoirs publics ou la classe politique. Partant du constat que le droit du travail n’a cessé de croître en volume, ces dernières décennies et de se complexifier, au point d’être qualifié par un panel de responsables de management, dans une récente enquête d’opinion, de « millefeuille », il semble important de chercher à repérer, dans la perspective d’en combattre les effets, les difficultés de tous ordres qui sont liées à ce problème de lisibilité.

                                                           1 et 31 abstentions (voir résultat du du projet d’avis a été adopté par L’ensemble voix contre 27  101 scrutin en annexe).

I - 4

La méconnaissance du droit du travail porte préjudice aux salariés et aux employeurs, dans des conditions bien évidemment différentes, et atteint plus largement la société. C’est pourquoi le Conseil économique et social entend formuler dans le présent avis des propositions visant d’une part à rendre plus intelligible le droit du travail, et d’autre part à en faciliter l’accès et la connaissance par l’ensemble de ses acteurs et de ses usagers (employeurs, salariés, organisations syndicales et professionnelles, cabinets d’avocats, cabinets d’experts comptables...).

I - 5

CHAPITRE I

LES ENJEUX D’UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DU DROIT DU TRAVAIL POUR SES USAGERS

Le droit du travail, droit quotidien aux implications concrètes pour les employeurs et les salariés, semble largement méconnu, voire totalement ignoré par une partie de ses usagers. La diversité des modes de construction du droit du travail, la multiplicité des sources et des normes qui le composent et l’évolution de l’environnement économique et du monde du travail, expliquent pour partie que son approche et son appréhension ne soient pas aisées. Par ailleurs, les difficultés d’appropriation de ce savoir et le niveau de connaissance que peuvent en avoir les divers acteurs diffèrent, en particulier selon la formation et l’expérience des salariés et des organisations qui les représentent. S’agissant du degré de connaissance ou d’ignorance du droit du travail par les employeurs, il apparaît que la situation est très diversifiée selon la taille des entreprises et le secteur d’activité considéré. Il est patent que les plus grandes sociétés sont dotées de services spécialisés et n’encourent pas directement le risque de l’ignorance, ce qui ne les met pas pour autant automatiquement à l’abri de difficultés d’application et d’interprétation des textes. En revanche, les PME et les entreprises artisanales, qui ne disposent pas de spécialistes permanents et n’ont recours à des conseils que lorsque les problèmes sont avérés, sont susceptibles d’être plus affectées par les dangers de la méconnaissance. Ce qui vaut pour les entreprises vaut évidemment aussi pour les salariés de ces structures. Le droit du travail, marqué par l’histoire de son édification, par ses strates successives, la nature des rapports sociaux et les luttes sociales, constitue une somme de solutions originales, dont le Code du travail constitue le principal recueil, construites dans le temps par une multitude d’acteurs. La construction de normes prenant en compte la spécificité du monde du travail et des relations individuelles et collectives qui s’y nouent, a conduit à dégager progressivement ce droit d’une approche civiliste, et à lui assurer la reconnaissance et la large autonomie dont il jouit aujourd’hui. Les normes qui en résultent, dont la vocation est de gérer les rapports entre employeurs et salariés du secteur privé, inspirent par ailleurs de plus en plus le corps des règles applicables dans le périmètre statutaire des trois Fonctions publiques. Cette pénétration du Code du travail dans la sphère publique, plus fréquente dans la dernière décennie, joue par le biais de l’application directe de règles issues du code du travail aux agents contractuels de droit public mais aussi par l’énonciation de grands principes généraux du droit, pour l’essentiel issus du droit du travail. La distinction entre le droit privé et le droit public tend, à la faveur de ce phénomène, à se faire moins claire.

I - 6

Du côté des salariés, la présence d’institutions représentatives du personnel et plus particulièrement la présence syndicale, liée à la taille des entreprises, rend possible une meilleure connaissance et compréhension des ressorts et des dispositions du droit du travail, favorisant et garantissant son application. Les jeunes salariés entrant sur le marché du travail, les entreprises de taille réduite, les créateurs d’entreprises, ou encore les employeurs particuliers et les salariés qu’ils emploient, semblent en revanche plus exposés que d’autres à un risque de méconnaissance juridique. Les raisons de l’ignorance totale ou partielle du cadre juridique applicable aux relations individuelles et collectives de travail sont plurielles. Elles se trouvent pour partie dans la diversification du salariat, dans la multiplicité des types de structures productives comme dans celle des contrats de travail et de modes de mise en œuvre de ces contrats dans l’activité de l’entreprise (contrats précaires, sous-traitance…). Les facteurs de l’ignorance sont également à rechercher dans les difficultés que rencontrent les organisations, patronales ou syndicales, pour assurer la formation et le conseil en matière de droit du travail, en fonction des attentes et des besoins des publics qui les consultent. De la même façon, les médias, qu’il s’agisse de la presse écrite ou de la presse audiovisuelle, n’assurent que très partiellement l’information et la mise à jour des connaissances du grand public en matière de droit du travail. Le volume croissant et la complexité du droit du travail ainsi qu’un mode de production pour bonne part à distance de ses usagers directs (normes supranationales, lois et règlements, jurisprudence), peuvent sans doute contribuer à expliquer les difficultés de son appropriation et de sa compréhension par tous. Par ailleurs, l’affaiblissement relatif de la pertinence de la loi, dans un contexte plus général de diversification des sources du droit et d’aspiration à plus d’autonomie et d’implication dans les processus de décision, mérite également d’être mentionné. Au demeurant, c’est moins la méconnaissance du droit qui est visée que la volonté d’une partie des partenaires sociaux de prendre une part plus importante et plus active dans la détermination du cadre juridique dans lequel s’exercent les relations individuelles et collectives de travail. Si l’on s’attache à mesurer les effets de l’ignorance d’un droit qui concerne directement près d’un million et demi d’employeurs et quinze millions de salariés, on observe que la mauvaise application ou l’absence de mise en œuvre de ce droit porte préjudice à la collectivité, tant dans le fonctionnement de son économie que dans les fondements mêmes de sa cohésion sociale. Il convient donc d’éviter autant que faire se peut le risque d’une inactivation progressive du droit du travail, du fait d’un accroissement continu de son volume et de la croissance de sa complexité et des difficultés qui s’attachent à sa diffusion en direction de ses utilisateurs.

I - 7

A ce titre, il convient d’une part, de rechercher et d’assurer une meilleure intelligibilité du droit, d’autre part, de développer les moyens dont disposent les acteurs, dans la perspective de mieux former et informer les employeurs et les salariés et de rendre plus aisé l’accès, pour chacun, à ces règles de société indispensables. Tel est l’objet des deux axes de réflexion formulés dans le présent avis, autour desquels se déclinent un certain nombre de propositions.