La sociologie de léducation met souvent en avant les inégalités de réussite scolaire en fonction de la profession du père. Cependant, dautres facteurs, comme le revenu du ménage ou les diplômes des parents, ont aussi leur importance. Ces diplômes sont généralement interprétés comme la dimension « culturelle » du capital parental. Or cette dimension peut être appréhendée de bien dautres façons : pratiques culturelles, connaissance du système scolaire, compétences Sur ce dernier aspect, le présent article apporte pour la première fois un éclairage statistique grâce à lexploitation de lenquête Information et Vie Quotidienne (IVQ). Les parents les moins compétents en lecture et en calcul ont des enfants qui redoublent plus souvent que les autres. Cette corrélation persiste même quand on contrôle les autres caractéristiques disponibles : diplômes, revenu, profession Elle prend une forme différente selon le sexe du parent considéré. Il vaut mieux avoir un père bon en mathématiques et une mère bonne en français que linverse. Cela indique peut-être un partage de laide scolaire : les pères suivant les devoirs de mathématiques et les mères ceux de français. Cependant, les compétences ne sont pas les seules caractéristiques liées au retard scolaire. Des écarts importants apparaissent aussi selon les diplômes des parents, le revenu du ménage et ses pratiques culturelles.
Le etd scle en fnctn du mleuparental : l’influence des compétencesdes entsFbce Mut*
Lasociologiedeléducationmetsouventenavantlesinégalitésderéussitescolaireen fonction de la profession du père. Cependant, dautres facteurs, comme le revenudu ménage ou les diplômes des parents, ont aussi leur importance. Ces diplômes sontgénéralement interprétés comme la dimension « culturelle » du capital parental. Or cettedimension peut être appréhendée de bien dautres façons : pratiques culturelles, connais-sance du système scolaire, compétences Sur ce dernier aspect, le présent articleapporte pour la première fois un éclairage statistique grâce à lexploitation de lenquêteInformation et Vie Quotidienne (IVQ). Les parents les moins compétents en lecture et encalcul ont des enfants qui redoublent plus souvent que les autres. Cette corrélation per-siste même quand on contrôle les autres caractéristiques disponibles : diplômes, revenu,profession Elle prend une forme différente selon le sexe du parent considéré. Il vautmieuxavoirunpèrebonenmathématiquesetunemèrebonneenfrançaisquelinverse.Celaindiquepeut-êtreunpartagedelaidescolaire:lespèressuivantlesdevoirsdemathématiques et les mères ceux de français. Cependant, les compétences ne sont pasles seules caractéristiques liées au retard scolaire. Des écarts importants apparaissentaussi selon les diplômes des parents, le revenu du ménage et ses pratiques culturelles.
* Au moment de la rédaction de cet article, Fabrice Murat travaillait à la division Emploi de lInsee.
ÉCONOMIEETSTATISTIQUEN°424425,2009
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EnFrance,pendantlongtemps,lasociolo--giedeléducationasurtoutcherchéàétudier et à expliquer le poids des déterminismessociaux, en comparant la scolarité des enfantsavec leur milieu social (problématique desinégalités sociales à lécole) ou la professiondu fils avec celle de son père (problématiquede la mobilité sociale). Au moment où le sys-tème scolaire commençait à se démocratiser,lenquêtenationalesur lentrée en sixième etladémocratisationdelenseignement, lancéeparlIneden1962,amontréàquelpointlesinégalités sociales à lécole étaient fortes (Ined,1970). Même en contrôlant le niveau de réussitescolaire en primaire, le taux de passage en 6evariait très sensiblement selon la profession dupère (1). Différents modèles sociologiques ontété proposés pour expliquer ces inégalités. PourBourdieu et Passeron (1964), lécole serait uneinstitution reproductrice des rapports de domi-nance. En reprenant, de façon implicite, la lan-gueetlesvaleursdesclassessupérieures,lécolefavoriserait la réussite des enfants issus de cel-les-ci et validerait leur maintien dans une posi-tion sociale supérieure. Pour Boudon (1973),les inégalités sociales résulteraient surtout dela diversité des anticipations des familles, cel-les-ci escomptant un gain plus ou moins impor-tantdunescolaritéprolongée.Lescontraintesde revenu pesant sur les familles pour financerlascolaritéseraientalorslélémentdéterminantde la poursuite détudes.À côté de la vision globale du milieu social syn-thétisée par la profession du père, la dimensiondite « culturelle » des inégalités a aussi été miseen avant, généralement mesurée par les diplô-mes des parents. Les recherches de Berstein(1975) suggéraient des différences linguistiquesentre classes sociales, pouvant expliquer les dif-férences de réussite scolaire. Cependant, commele rappelle Duru-Bellat (2002), les sociologuesfrançais sont assez réticents à retenir un modèlefondé exclusivement sur la notion de déficitculturel et à prendre en compte des inégalitésspécifiquement cognitives. Selon Bourdieu etPasseron (1964), il sagirait surtout dun pro -blème de distance à lécole, portant plus surla nature du capital culturel que sur sa quan-tité. Les enfants de milieu populaire nauraientpas moins de capital culturel, mais un capitalculturel différent de celui qui est valorisé parlécole.Ces dernières années, plusieurs travaux ont aussiétudié l’influence des conditions matérielles surla scolarité des enfants. Goux et Maurin (2000)ont évalué limpact du revenu sur la scolarité
des enfants. Le rapport du Cerc (2004) sur lesenfants pauvres a consacré un chapitre aux iné-galités scolaires selon le revenu, montrant queles enfants pauvres sont nettement plus en retardensixième:ainsi,prèsdelamoitiédentreeuxsont en retard en sixième alors que cest le casdunquartdesautresenfantsetdeseulement12 % des enfants issus des 20 % des ménagesles plus riches. Par ailleurs, le surpeuplement dulogement semble aussi un facteur défavorableà la réussite scolaire (Goux et Maurin, 2003),autre façon peut-être de présenter la corrélationnégative assez nette, constatée depuis long-temps, entre la taille de la famille et la réussitescolaire (Merllié et Monso, 2007).1Sans négliger les composantes sociales et maté-riellesdesinégalitésderéussiteàlécole,cetarticle va surtout étudier l’influence du « capi-tal culturel » des parents. Dans les études surladémocratisationdelenseignement(Goux,Maurin 1997 et Thélot, Vallet 2000), la prise encompte du capital culturel se fait le plus souventen tenant compte de la scolarité des parents.Les écarts selon les diplômes des parents (enparticulier celui de la mère) tendent à être plusimportants que les écarts selon la professiondupère,cequimetenavantlimportancedu« capital culturel ». Cependant, celui-ci peutêtre appréhendé dautres façons :- les parents ont des savoirs scolaires (et nonscolaires) inégaux et peuvent ainsi plus oumoins facilement suivre et aider leurs enfantsdurant leur scolarité ;- cecapital culturel peut aussi prendre la formede différences matérielles. La présence de livresoudunordinateurparexemplepeutfavoriserlacquisition de savoirs et de compétences ;- certaines pratiques culturelles, comme les visi-tes au musée ou les sorties au cinéma, peuventaussi indiquer la transmission de valeurs plus oumoins proches de lécole. Le style éducatif desfamilles a probablement aussi une influence ;-enfin, il existe une dimension « stratégique »du capital culturel. La familiarité avec un sys-tème scolaire assez complexe permet de mieuxguiderlenfantlorsduchoixdunétablissement,dune option, dune orientation.Cetarticlesintéresseessentiellementàlapre-mière composante, c’est-à-dire l’influence des1.Àlépoque,environlamoitiédesélèvesseulemententraienten 6e.