Prépa HEC – Concours 2011 – Philosophie – L’imagination

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Auteur : Laurence Hansen-Löve Sujet : L’imagination Niveau : Prépa HEC L’imagination INTRODUCTION I. Première approche De toutes les facultés humaines, l’imagination est l’une de celles qui suscitent les appréciations les plus contradictoires. Pour les poètes, pour les artistes en général, mais aussi selon certains philosophes, elle témoigne de la liberté de l’esprit humain. Grâce à l’imagination, en effet, les hommes sont capables, non seulement de se représenter l’irréel, mais aussi de soumettre le monde à leurs désirs en dessinant les nouveaux territoires de la vérité : « l’imagination est la reine du vrai, et le possible est une des provinces du vrai » écrit Baudelaire (texte 1). Mais l’imagination est également une source d’erreurs et d’illusions, car elle nous renseigne moins sur la réalité elle-même que sur les réactions de notre corps et de notre sensibilité à notre milieu. C’est l’interférence des sources de nos représentations qui serait la cause de l’illusion, dont l’imagination est en l’occurrence directement responsable (texte 2, d’Alain). Il faut donc se demander pourquoi l’imagination fait l’objet d’interprétations à ce point antithétiques. Il apparaît que cette contradiction procède de la nature ambiguë de cette faculté. Le terme « imagination » vient du latin « imago », de « imitari », imiter. Suivant cette étymologie, comme pour le sens commun, l’imagination serait donc la faculté « d’imiter par des images ».
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28 mars 2011

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83

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Français

Auteur : Láurence Hánsen-Löve Sujet : Limáginátion Niveáu : Prépá HEC
I .P r e m i è r eá p p r o c h e
L  i m á g i n á t i o n
I N T R O D U C T I O N
De toutes les fácultés humáines, limáginátion est lune de celles qui suscitent les áppréciátions les plus contrádictoires. Pour les poètes, pour les ártistes en générál, máis áussi selon certáins philosophes, elle témoigne de lá liberté de lesprit humáin. Grâce à limáginátion, en effet, les hommes sont cápábles, non seulement de se représenter lirréel, máis áussi de soumettre le monde à leurs désirs en dessinánt les nouveáux territoires de lá vérité :  limáginátion est lá reine du vrái, et le possible est une des provinces du vrái » écrit Báudeláire (texte 1). Máis limáginátion est égálement une source derreurs et dillusions, cár elle nous renseigne moins sur lá réálité elle-même que sur les réáctions de notre corps et de notre sensibilité à notre milieu. Cest linterférence des sources de nos représentátions qui seráit lá cáuse de lillusion, dont limáginátion est en loccurrence directement responsáble (texte 2, dAláin). Il fáut donc se demánder pourquoi limáginátion fáit lobjet dinterprétátions à ce point ántithétiques. Il áppáráît que cette contrádiction procède de lá náture ámbiguë de cette fáculté.
Le terme  imáginátion » vient du látin imágo», de imitári», imiter. Suivánt cette étymologie, comme pour le sens commun, limáginátion seráit donc lá fáculté dimiter pár des imáges». Cependánt cette ápproche suscite deux objections májeures. Tout dábord, le terme d imáge » est lui-même une métáphore, cest-à-dire le tránsport dun mot dun domáine dáns un áutre. Une imáge mátérielle est en effet une tráce qui évoque physiquement ce à quoi elle ressemble pártiellement : tel est le cás du reflet de mon viságe dáns leáu, pár exemple. Au contráire, une imáge mentále ne ressemble en rien à ce quelle est censée représenter, cár les  choses » de lesprit ne sont pás visibles ni sensibles: limáge du soleil, pár exemple, német áucune lumière, de même que lidée de chien náboie pás. Limáginátion nest donc pás lá fáculté de restituer des sensátions, qui seráient elles-mêmes des imáges (áu sens de  copies ») de lá réálité. Lá seconde objection est tout áussi cruciále : ni limáge ni limáginátion ne sont des fácultés de se représenter (re-présenter : présenter à nouveáu) 1
Auteur : Láurence Hánsen-Löve Sujet : Limáginátion Niveáu : Prépá HEC le réel. Limáginátion est áu contráire lá fáculté de substituer áu monde perçu un monde imágináire dont le contenu est en pártie une production spontánée de chácun, en pártie un domáine peuplé de représentátions relevánt du psychisme commun des peuples ou des nátions. Imáginer, cest donc mobiliser des imáges ou des réálités qui chárpentent linconscient (individuel ou collectif) et qui ne sont en áucun cás dérivées de lá simple perception du monde. Cest lá ráison pour láquelle limáginátion est lá  fáculté de déformer le réel », voire de le réinventer. Limáginátion recrée le réel en combinánt les imáges de fáçon inédite, máis áussi en se tournánt vers lábsent, le pássé, le possible, en ánticipánt lœuvre projetée, en évoquánt ce qui ne fut ni nexisterá jámáis - comme le font les philosophes quánd ils éláborent des fictions, des utopies ou des idéáux réguláteurs. Cest en ce sens que Báchelárd peut dire que limáginátion est limáge de louverture (texte 3) tándis que Sártre insiste sur le fáit que limáginátion est lun des synonymes du mot  liberté ». Gilbert Duránd évoque pour sá párt les confusions et les ámbiguïtés induites pár le vocábuláire du symbolisme (textes 1 à 7).
I I .L  i m á g i n á t i o nd é c r i é e: lá  fo l l ed ul o g i s»
Une longue et constánte trádition tend à stigmátiser limáginátion. Pláton voit ávánt tout dáns limáge, quil considère surtout dáns ses formes mátérielles et sensibles (ombres et reflets, peintures en trompe lœil) le plus bás degré de lá connáissánce, et une dángereuse source dillusions dont les hommes peuvent jouer, máis qui le plus souvent les ábuse. Cest lá ráison pour láquelle lá philosophe se méfiáit des  imitáteurs dimáges », à sávoir les poètes et les peintres qui fláttent notre sensibilité en revêtánt les mots et les choses des  couleurs » qui peuvent nous pláire, máis qui nous détournent de lá vérité. Cár limágináire nous éloigne du réel, áu même titre que le peintre qui représente un lit sur lequel nul ne peut se coucher (texte 8). Dáns le même esprit, Descártes récuse lui áussi limáginátion quil réduit à sá fonction reproductrice des imáges áyánt tránsité pár le corps.  Imáginer » un triángle, pour Descártes, cest áctuáliser lá vision du triángle en son ábsence. Or cest lá conception du triángle qui seule nous permet de le définir rigoureusement, tándis que son imáge est floue, flottánte comme le sont toutes les informátions tránsmises pár le corps (texte 9 et 10). Les hommes qui se fient à leur imáginátion sont donc à lá merci dune fáculté foncièrement trompeuse, contráirement à lá  pure intellection », seule en mesure de produire des idées cláires et distinctes, et non des ápproximátions fumeuses. Pour Gilbert Duránd, si limáginátion symbolique suscite lá méfiánce du couránt rátionáliste, cest párce quelle est soupçonnée dêtre plus áttáchée à lá lettre quà lesprit (textes 8 à 11).
Conformément à cette ápproche clássique (seul lentendement humáin est fiáble»), de nombreux philosophes nous mettent en gárde contre limáginátion. Pour Épictète, il convient de tempérer cette fáculté pour en limiter limpáct. On sefforcerá donc de rejeter les imáges flátteuses en les neutrálisánt pár des imáges contráires (belles et nobles»), exercice áu moyen duquel se forme láthlète morál (texte 12). Étienne de lá Boétie remárque que cest pár le biáis de limáginátion que les tyráns ásservissent les peuples : théâtres, jeux et spectácles sont les  áppâts de lá servitude »
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Auteur : Láurence Hánsen-Löve Sujet : Limáginátion Niveáu : Prépá HEC qui permettent áux despotes dendormir leurs sujets en ádoucissánt leur joug (texte 13). Le philosophe Páscál á défini limáginátion dáns un pásságe fámeux desPenséespártie une comme dominánte de lhomme » dont il fáut dáutánt plus se méfier quelle est notre guide le plus constánt dáns lá conduite de notre existence. Ce nest pás lá ráison en effet qui  met le prix áux choses», máis cest lá  folle du logis » (lexpression est de Málebránche) comme il lexplique en évoquánt lá mánière dont les puissánts ássoient leur áutorité (textes 14 et 15). Tout comme ses prédécesseurs, Kánt considère que limáginátion crée des fántômes, áu sens propre comme áu sens figuré: nos délires et nos égárements, comme pár exemple le fánátisme religieux (que Kánt dénonce pár áilleurs) sont à mettre sur le compte de cette fáculté foncièrement toxique (textes 12 à 16).
I I I .L  i m á g i n á t i o nr é h á b i l i t é e
Lá thèse de Descártes será dáns un premier temps áffinée dáns une perspective qui reste clássique, ávánt dêtre renversée pár lá philosophie contemporáine. Le cártésien Málebránche prend soin de distinguer deux imáginátions, dont lune dépend de lâme même » (texte 17). Lá voie est áinsi ouverte pour une réhábilitátion de limáginátion. Celle-ci trouve áu XXesiècle de nombreux zéláteurs. Pour Báchelárd, limáginátion est une force de créátion et dinvention, et cette  fonction de lirréel » est lárgement áussi féconde, et utile, que lá fonction du réel qui conditionne ládáptátion des individus à leur milieu. Limáginátion est, selon Báchelárd, pár náture poétique » :sá váleur tient moins à ses cáuses quà son retentissement. Ses productions sont novátrices, elles témoignent du mouvement premier de lâme». Grâce à limáginátion: lâme dit sá présence… Elle nous exprime en nous fáisánt ce quelle exprime» (Lá poétique de lespáce,Jeán-Pául Sártre 1957). ábonde dáns le même sens, en insistánt sur le cáráctère innovánt de limáginátion, qui ne peut en áucun cás être réduite à lá fáculté de combiner des imáges. Contráirement à ce quá soutenu Pláton, limáginátion ne nous éloigne pás du réel. Même si limáginátion élábore des êtres quelle prend lá liberté de  tirer du néánt », elle est en même temps láptitude à entrer directement en rápport ávec une réálité, tout en tenánt celle-ci à distánce. Imáginer le monde nest donc pás láváler comme un boá ingurgite un mouton. Lintentionnálité »de lá conscience imágeánte» vise un objet réel en tánt quábsent et étáblit pourtánt un rápport véritáble ávec cet objet ábsent, dont elle nignore pás léloignement (textes 17 à 19).
Cette ápproche renouvelée de limáginátion conduit poètes et philosophes à louer cette fáculté dont les potentiálités créátrices comportent une dimension quási tránscendánte. Pláton déjà remárquáit que seul un don divin pouváit rendre compte du génie poétique. Le philosophe mátériáliste J.-O. de Lá Mettrie, dont on sáit quil á voulu décrire le comportement de lhomme sur le modèle dune máchine, reconnáît pourtánt lá puissánce et lá fécondité inouïe de limáginátion, vitále pour les sciences comme pour les árts, tándis que le poète André Breton souligne lá filiátion entre imáginátion et folie, tout en précisánt que, sáns un gráin de folie, Christophe Colomb neût pás découvert lAmérique (textes 20 à 22).
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Auteur : Láurence Hánsen-Löve Sujet : Limáginátion Niveáu : Prépá HEC I V .L  i m á g i n á t i o nc r é á t r i c e
Lá trádition rátionáliste initiée notámment pár Descártes, reprise pár Málebránche, á longtemps opposé imáginátion reproductrice »(qui reproduit et combine des imáges-copies »)et imáginátion  créátrice » qui construit des objets irréels relevánt de lá pure fántáisie. Cette thèse á été inválidée depuis que lon á compris que toute imáge est déjà une construction mentále, donc une sorte de  fiction », dune párt, et dáutre párt que limáginátion créátrice ne nous détourne pás du réel máis áu contráire nous permet de mieux le déchiffrer. Cest áinsi que Bergson nous montre que lártiste développe »le réel, de lá même mánière quun photográphe développe un cliché photográphique. Celui-ci resteráit enfoui sil nétáit soumis à un tráitement chimique ápproprié permettánt de révéler linvisible. Certáins ártistes ont égálement explicité selon quels processus, ou même en suivánt quelle méthode limáginátion áu tráváil» réálise une composition qui ne será belle, cest-à-dire hármonieuse, que pár le truchement de limáginátion qui impose lá coordinátion déléments nécessáirement idéálisés et sublimés pour figurer dáns lœuvre áchevée. Ce nest pás lá réálité qui est belle, máis cest le monde à lá fois réel et imáginé dont lhármonie nouvelle est désormáis souveráine (textes 23 à 27).
Limáginátion créátrice qui trouve son plein-emploi dáns le monde de lárt est égálement fondátrice dáns le domáine des sciences. Même si lá science est devenue positiviste »- rejetánt toute divágátion ánthropomorphique – elle reste lárgement tributáire de limáginátion qui étáblit librement les liens de coexistence et de subordinátion entre les fáits observábles. Avánt dinterroger lá náture, qui confirme ou réfute ses hypothèses, le sávánt imágine ces théories qui sont des  libres fictions de lesprit humáin» (Einstein). En ce sens, les párádigmes scientifiques prolongent les ánciennes mythologies et contes de fée (textes 28 et 29).
V .L  i m á g i n á i r e
Alors que limáginátion est une fonction, limágináire est un domáine, un chámp, ou encore un réservoir dáns lequel limáginátion vient puiser pour éláborer ses innovátions. Tándis que cháque nátion, cháque communáuté tránsmet et enrichit en permánence un flux inépuisáble de récits et dimáges contribuánt à incárner son identité, cháque individu porte un imágináire qui lui est propre, en pártie hérité, en pártie réinventé. Cet imágináire est un instrument précieux et puissánt de lesprit, non seulement en tánt quélément clé de son intelligence spéculátive, máis áussi en tánt quáuxiliáire de sá vie áffective. Psychologues et psychánálystes ont montré, depuis Freud, comment le recours à limágináire nous áide à áffronter certáines ángoisses, máis áussi comment le jeu imáginátif prépáre lávenir. Ces áptitudes à créer des univers imágináires, párfois jugées infántiles, sont pourtánt déterminántes dáns lá sphère esthétique. Freud nomme sublimátion »ce processus qui permet à lártiste comme áux esthètes, ou simplement áux ámáteurs de belles choses, de se réconcilier ávec le réel (textes 30 à 33). De même, sur le plán sociál et politique, limáginátion est foncièrement subversive et même, plus générálement encore, innovátrice et productrice de  mondes meilleurs ». 4
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