La femme de trente ans
182 pages
Français

La femme de trente ans

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
182 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

1842. La Comédie humaine - Études de moeurs. Premier livre, Scènes de la vie privée - Tome III. Troisième volume de l'édition Furne 1842. Comment un mariage, même souhaité et même socialement brillant, peut conduire une jeune fille au malheur. Comment une jeune mère résiste à une passion adultère, mais sombre dans le chagrin. Comment une jeune femme dans tout l'éclat de sa maturité retrouve le goût de l'amour puis se trouve punie dans le destin tragique de ses propres enfants. Voilà la trame du roman. Extrait : La marquise, laissée à elle-même, put donc rester parfaitement silencieuse au milieu du silence qu’elle avait établi autour d’elle, et n’eut aucune occasion de quitter la chambre tendue de tapisseries où mourut sa grand’mère, et où elle était venue pour y mourir doucement, sans témoins, sans importunités, sans subir les fausses démonstrations des égoïsmes fardés d’affection qui, dans les villes, donnent aux mourants une double agonie. Cette femme avait vingt six ans. A cet âge, une âme encore pleine de poétiques illusions aime à savourer la mort, quand elle lui semble bienfaisante. Mais la mort a de la coquetterie pour les jeunes gens 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 15
EAN13 9782824709871
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LA F EMME DE
T REN T E ANS
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LA F EMME DE
T REN T E ANS
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0987-1
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LA F EMME DE T REN T E ANS
ÉDI É A LOU IS BOU LANGER, P EI N T RE.
D
n
1CHAP I T RE I
P REMI ÈRES F A U T ES
   mois d’av ril 1813, il y eut un dimanche
dont la matiné e pr omeait un de ces b e aux jour s où les Pari-A siens v oient p our la pr emièr e fois de l’anné e leur s p avés sans
b oue et leur ciel sans nuag es. A vant midi un cabriolet à p omp e aelé de
deux che vaux fring ants déb oucha dans la r ue de Riv oli p ar la r ue
Castiglione , et s’ar rêta der rièr e plusieur s é quip ag es stationnés à la grille
nouv ellement ouv erte au milieu de la ter rasse des Feuillants. Cee leste v
oitur e était conduite p ar un homme en app ar ence soucieux et maladif  ; des
che v eux grisonnants couv raient à p eine son crâne jaune et le faisaient
vieux avant le temps  ; il jeta les rênes au laquais à che val qui suivait sa
v oitur e , et descendit p our pr endr e dans ses bras une jeune fille dont la
b e auté mignonne aira l’aention des oisifs en pr omenade sur la ter rasse .
La p etite p er sonne se laissa complaisamment saisir p ar la taille quand elle
fut deb out sur le b ord de la v oitur e , et p assa ses bras autour du cou de son
guide , qui la p osa sur le tr ooir , sans av oir chiffonné la g ar nitur e de sa
2La femme de tr ente ans Chapitr e I
r ob e en r eps v ert. Un amant n’aurait p as eu tant de soin. L’inconnu de vait
êtr e le pèr e de cee enfant qui, sans le r emer cier , lui prit familièr ement
le bras et l’ entraîna br usquement dans le jardin. Le vieux pèr e r emar qua
les r eg ards émer v eillés de quelques jeunes g ens, et la tristesse empr einte
sur son visag e s’ effaça p our un moment. oiqu’il fût ar rivé depuis
longtemps à l’âg e où les hommes doiv ent se contenter des tr omp euses
jouissances que donne la vanité , il se mit à sourir e .
― L’ on te cr oit ma femme , dit-il à l’ or eille de la jeune p er sonne en se
r e dr essant et mar chant av e c une lenteur qui la désesp éra.
Il semblait av oir de la co queerie p our sa fille et jouissait p eut-êtr e
plus qu’ elle des œillades que les curieux lançaient sur ses p etits pie ds
chaussés de br o de quins en pr unelle puce , sur une taille délicieuse
dessiné e p ar une r ob e à guimp e , et sur le cou frais qu’une coller ee br o dé e
ne cachait p as entièr ement. Les mouv ements de la mar che r ele vaient p ar
instants la r ob e de la jeune fille , et p er meaient de v oir , au-dessus des
br o de quins, la r ondeur d’une jamb e finement moulé e p ar un bas de soie à
jour s. A ussi, plus d’un pr omeneur dép assa-t-il le couple p our admir er ou
p our r e v oir la jeune figur e autour de laquelle se jouaient quelques r
oule aux de che v eux br uns, et dont la blancheur et l’incar nat étaient r
ehaussés autant p ar les r eflets du satin r ose qui doublait une élég ante cap ote ,
que p ar le désir et l’imp atience qui p étillaient dans tous les traits de cee
jolie p er sonne . Une douce malice animait ses b e aux y eux noir s, fendus
en amande , sur montés de sour cils bien ar qués, b ordés de longs cils, et qui
nag e aient dans un fluide pur . La vie et la jeunesse étalaient leur s trésor s
sur ce visag e mutin et sur un buste , gracieux encor e , malgré la ceintur e
alor s placé e sous le sein. Insensible aux hommag es, la jeune fille r eg ardait
av e c une espè ce d’anxiété le châte au des T uileries, sans doute le but de
sa p étulante pr omenade . Il était midi moins un quart. elque matinale
que fût cee heur e , plusieur s femmes, qui toutes avaient v oulu se
montr er en toilee , r e v enaient du châte au, non sans r etour ner la tête d’un air
b oudeur , comme si elles se r ep entaient d’êtr e v enues tr op tard p our jouir
d’un sp e ctacle désiré . elques mots é chapp és à la mauvaise humeur de
ces b elles pr omeneuses désapp ointé es et saisis au v ol p ar la jolie
inconnue , l’avaient singulièr ement inquiété e . Le vieillard épiait d’un œil plus
curieux que mo queur les signes d’imp atience et de crainte qui se jouaient
3La femme de tr ente ans Chapitr e I
sur le char mant visag e de sa comp agne , et l’ obser vait p eut-êtr e av e c tr op
de soin p our ne p as av oir quelque ar rièr e-p ensé e p ater nelle .
Ce dimanche était le tr eizième de l’anné e 1813. Le surlendemain,
Nap olé on p artait p our cee fatale camp agne p endant laquelle il allait p erdr e
successiv ement Bessièr es et Dur o c, g agner les mémorables batailles de
Lutzen et de Bautzen, se v oir trahi p ar l’ A utriche , la Sax e , la Bavièr e , p ar
Ber nadoe , et disputer la ter rible bataille de Leipsick. La magnifique p
arade commandé e p ar l’ emp er eur de vait êtr e la der nièr e de celles qui e x
citèr ent si long-temps l’admiration des Parisiens et des étrang er s. La vieille
g arde allait e x é cuter p our la der nièr e fois les savantes manœuv r es dont la
p omp e et la pré cision étonnèr ent quelquefois jusqu’à ce g é ant lui-même ,
qui s’apprêtait alor s à son duel av e c l’Eur op e . Un sentiment triste
amenait aux T uileries une brillante et curieuse p opulation. Chacun semblait
de viner l’av enir , et pr essentait p eut-êtr e que plus d’une fois l’imagination
aurait à r etracer le table au de cee scène , quand ces temps hér oïques de
la France contracteraient, comme aujourd’hui, des teintes pr esque
fabuleuses.
― Allons donc plus vite , mon pèr e , disait la jeune fille av e c un air de
lutinerie en entraînant le vieillard. J’ entends les tamb our s.
―  C’ est les tr oup es qui entr ent aux T uileries, rép ondit-il.
―  Ou qui défilent, tout le monde r e vient  ! répliqua-t-elle av e c une
enfantine amertume qui fit sourir e le vieillard.
― La p arade ne commence qu’à midi et demi, dit le pèr e qui mar chait
pr esque en ar rièr e de son imp étueuse fille .
A v oir le mouv ement qu’ elle imprimait à son bras dr oit, v ous eussiez
dit qu’ elle s’ en aidait p our courir . Sa p etite main, bien g anté e , fr oissait
imp atiemment un mouchoir , et r essemblait à la rame d’une bar que qui fend
les ondes. Le vieillard souriait p ar moments  ; mais p arfois aussi des e
xpr essions soucieuses aristaient p assagèr ement sa figur e dessé ché e . Son
amour p our cee b elle cré atur e lui faisait autant admir er le présent que
craindr e l’av enir . Il semblait se dir e  : ― Elle est heur euse aujourd’hui, le
sera-t-elle toujour s  ? Car les vieillards sont assez enclins à doter de leur s
chagrins l’av enir des jeunes g ens. and le pèr e et la fille ar rivèr ent sous
le p éristyle du p avillon au sommet duquel floait le drap e au tricolor e ,
et p ar où les pr omeneur s v ont et viennent du jardin des T uileries dans
4La femme de tr ente ans Chapitr e I
le Car r ousel, les factionnair es leur crièr ent d’une v oix grav e  : ―  On ne
p asse plus  !
L’ enfant se haussa sur la p ointe des pie ds, et put entr e v oir une foule
de femmes p aré es qui encombrait les deux côtés de la vieille ar cade en
marbr e p ar où l’ emp er eur de vait sortir .

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents