La lutte contre le trafic de cannabis, un système à bout de souffle ?
6 pages
Français

La lutte contre le trafic de cannabis, un système à bout de souffle ?

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
6 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

3RXU XQH FRPPLVVLRQ SDUOHPHQWDLUH YLVDQW j pYDOXHU OµHIILFDFLWp GH OD OXWWH FRQWUH OH WUDILF GH FDQQDELV /D OXWWH FRQWUH OH WUDILF GH FDQQDELV XQ V\VWqPH j ERXW GH VRXIIOH " 4XDUDQWH DQV DSUqV OµDSSDULWLRQ GX WUDILF GH FDQQDELV GDQV OHV TXDUWLHUV SRSXODLUHV OH QRPEUH GH WUDILTXDQWV LQFDUFpUpV D DWWHLQW XQ FKLIIUH KLVWRULTXH 7pPRLQV SULYLOpJLpV GH OµpYROXWLRQ GHV GpOLWV HW GHV SHLQHV OHV DYRFDWV VµDFFRUGHQW VXU OH FRQVWDW VXLYDQW GHV SHWLWHV PDLQV DX[ FHUYHDX[ GµRUJDQLVDWLRQV FULPLQHOOHV MDPDLV OHV VDQFWLRQV QµRQW pWp DXVVL VpYqUHV (Q SHUVRQQHV RQW pWp FRQGDPQpHV HW pFURXpHV SRXU GHV LQIUDFWLRQV j OD OpJLVODWLRQ VXU OHV VWXSpILDQWV DORUV TXµHOOHV pWDLHQW j SHLQH HQ 'pVRUPDLV OD GURJXH FRQVWLWXH OD GHX[LqPH FDXVH GµLQFDUFpUDWLRQ GDQV QRWUH SD\V DSUqV OHV YLROHQFHV DX[ SHUVRQQHV &HWWH VLWXDWLRQ SRXUUDLW IDLUH FURLUH j XQH EDLVVH VLJQLILFDWLYH GH OD YHQWH HW GRQF GH OD FRQVRPPDWLRQ GH FDQQDELV ,O QµHQ HVW ULHQ $ORUV TXH OD MXVWLFH PRELOLVH VHV IRUFHV OHV SOXV YLYHV SRXU GpPDQWHOHU FKDTXH PDLOORQ GH OD FKDvQH GH OµLPSRUWDWLRQ HW GH GLVWULEXWLRQ GX FDQQDELV HQ )UDQFH LPSOLTXDQW GHV PR\HQV KXPDLQV MXULGLTXHV HW WHFKQRORJLTXHV FRORVVDX[ OH WUDILF SURVSqUH HW OD FRQVRPPDWLRQ SHUGXUH (Q GHV DGXOWHV IUDQoDLV GH j DQV DXUDLHQW GpMj H[SpULPHQWp GX FDQQDELV HW GHV MHXQHV GH DQV HQ FRQVRPPHUDLHQW UpJXOLqUHPHQW /µH[HUFLFH GH OD GpIHQVH GH SHUVRQQHV PLVHV HQ FDXVH SRXU GX WUDILF GH GURJXH QRXV D DPHQp j

Informations

Publié par
Publié le 20 mars 2017
Nombre de lectures 9 345
Langue Français

Extrait

Pour une commission parlementaire visant à évaluer l’efficacité de la lutte contre le trafic de cannabis.
La lutte contre le trafic de cannabis, un système à bout de souffle ?
Quarante ans après l’apparition du trafic de cannabis dans les quartiers populaires, le nombre de trafiquants incarcérés a atteint un chiffre historique.
Témoins privilégiés de l’évolution des délits et des peines, les avocats s’accordent sur le constat suivant : des petites mains aux cerveaux d’organisations criminelles, jamais les sanctions n’ont été aussi sévères.
En 2014, 8658 personnes ont été condamnées et écrouées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, alors qu’elles étaient à peine 3936 en 2002. Désormais, la drogue constitue la deuxième cause 1 d’incarcération dans notre pays, après les violences aux personnes .
Cette situation pourrait faire croire à une baisse significative de la vente et donc de la consommation de cannabis.
Il n’en est rien.
Alors que la justice mobilise ses forces les plus vives pour démanteler chaque maillon de la chaîne de l’importation et de distribution du cannabis en France, impliquant des moyens humains, juridiques et technologiques colossaux, le trafic prospère et la consommation perdure.
En 2014, 42 % des adultes français de 18 à 64 ans auraient déjà expérimenté 2 du cannabis et 9 % des jeunes de 17 ans en consommeraient régulièrement .
L’exercice de la défense de personnes mises en cause pour du trafic de drogue nous a amené à poser la question de l’efficacité des luttes menées.
Les bénéfices générés par l’économie du cannabis attirent de plus en plus de jeunes, visiblement peu effrayés par le risque pénal qu’ils encourent. Cet effet d’entrainement a bouleversé le tissu social de nombreux quartiers populaires en France, déjà fragilisés par la crise économique et les inégalités territoriales.
Désormais, le trafic irrigue les anciennes filières délictuelles tout en créant de nouvelles structures criminelles. Détenteurs de liquidités importantes, des logisticiens du transport de cannabis ont recyclé leurs bénéfices et leur Séries statistiques des personnes placées sous main de justice 1980 2014 Direction de l’administration pénitentiaire p 50. Drogues chiffres clef, rapport de l’observatoire français des drogues et toxicomanie.
Ɛ
savoirfaire dans l’acheminement de la cocaïne.
Les terrains de ventes de cannabis dans les quartiers populaires résistent, en dépit des vagues d’interpellations récurrentes et la neutralisation des trafiquants. Sitôt le trafic démantelé d’autres le reprennent.
La»des quartiers « bataille destinée à éradiquer la vente de cannabis des zones populaires a échoué alors que les batailles entre trafiquants font la une des journaux.
Si les lieux d’arrivée en France et de revente du cannabis semblent inébranlables, le lieu de départ l’est tout autant.
Un océan judiciaire et policier sépare les pays Européen, où le cannabis se consomme, du Royaume du Maroc, où il se produit et s’exporte.
Quatrevingt pourcents du hachich consommé en France est cultivé et produit au Maroc. Contrairement aux trafiquants Colombiens qui suscitent une attention internationale, la poursuite des« narcos »œuvrant au Maroc demeure un sujet tabou.
Face au choix entre extrader ou juger, force est de constater que le Maroc n’extrade pas et juge peu. Sa police ne dispose pas des technologies européennes, des masses paysannes entières vivent de la culture du cannabis et les grandes familles productrices paraissent intouchables.
Le nombre massif de consommateurs de drogue des pays européens aurait dû inspirer l’Union Européenne à financer des programmes de substitution de la culture du cannabis, au demeurant produite dans une zone parfaitement localisée grande comme deux départements français. Ces coopérations sont aujourd’hui encore balbutiantes.
La« bataille contre l’exportation du cannabis »est donc également perdue, à défaut d’avoir été menée.
Impuissantes à enrayer significativement la distribution et la vente au détail du cannabis sur le territoire national et résignées face à l’absence de volonté politique du Maroc de lutter drastiquement contre une drogue destinée à l’exportation en Europe, les élites policières françaises ont décidé de se concentrer sur une autre bataille : celle du transport.
Il s’agissait d’investir les autoroutes de la drogue entre l’Espagne, principal lieu d’arrivée du cannabis en Europe, et les innombrables lieux de stockages aux mains de centaines de grossistes, lesquels distribuent ensuite cette drogue à des milliers de dealers dans les quartiers populaires.
En effet, l’acheminement de la drogue au travers des frontières demeure la tâche la plus périlleuse du trafic.
Ƒ
A cette fin, la coopération judiciaire et policière entre l’Espagne et la France n’a jamais été aussi approfondie. Pour autant et malgré des coups spectaculaires portés au trafic, des convois transportant des centaines de kilogrammes, voire des tonnes de stupéfiants traversent jour et nuit la frontière espagnole.
Dès lors, pour mener la« bataille du transport », les brigades des stups ont réquisitionné leur arme la plus périlleuse, celle du renseignement.
Sans renseignement points d’affaires répètent les élites policières.
Désormais deux enquêtes judiciaires sur trois sont construites à partir d’informations données par des personnes»,garder l’anonymat « désirant dont la moralité et leur implication éventuelle dans le trafic restent inconnues.
Ce choix de politique pénale s’est imposé quasinaturellement sans jamais être véritablement débattu ou remis en cause. La création d’un« cadre légal »et de« gardefous »devait permettre d’appuyer cette politique en prévenant toute dérive, notamment celle consistant à s’allier à un trafiquant A pour faire tomber un trafiquant B concurrent.
L’informateur ne doit jamais participer au trafic, de quelque manière que ce soit.
Cependant, depuis une dizaine d’années, avocats et magistrats ont assisté à la multiplication de saisies miraculeuses de quantités impressionnantes de cannabis, suite à de simples informations anonymes d’une précision extraordinaire décrivant la marque et l’immatriculation du véhicule transporteur, l’autoroute utilisée et parfois le lieu prévisible d’une halte ou du passage de frontière, et ce, en dehors de toute enquête pénale.
Dans tous les ports de la façade Ouest, aux aéroports parisiens et à l’entrée des deux autoroutes du stupéfiant à Bayonne et Perpignan, les mêmes scénarios de saisies miraculeuses se sont répétés : un renseignement, l’ouverture immédiate d’une enquête pénale, des policiers curieusement opérationnels en quelques instants et l’interception à l’aide des brigades d’élite de convois ou l’ouverture d’entrepôts donnant lieu à des saisies record de cannabis ou de cocaïne.
Fait remarquable, l’informateur ne donnait jamais la provenance et la destination de la drogue. L’étanchéité totale subsistait entre les transporteurs interpellés et le reste du réseau, en amont comme en aval.
Compte tenu de la prudence extrême des transporteurs, souvent aguerris, et du caractère totalement circonscrit du renseignement, l’hypothèse d’une alliance entre trafiquants et policiers a commencé à se dessiner.
ƒ
Qui d’autre pourrait donner des informations d’une telle précision en éludant de renseigner les services de police sur l’origine de la marchandise.
Deux affaires emblématiques instruites à Rennes et à Paris ont levé partiellement le voile sur les nouvelles méthodes développées par certaines 3 brigades des stupéfiants .
Piéger une personne soupçonnée de trafic en organisant de toutes pièces la livraison entre ses mains d’une quantité importante de drogue à un prix imbattable.
Une alliance secrète entre la police et une organisation criminelle œuvrant de concert pour faire tomber d’autres trafiquants pouvait être alléchante, puisqu’elle permettait de piéger les têtes à abattre ou d’interpeller les convoyeurs sitôt« balancés »par les vendeurs.
« Peu importe la couleur du chat, l’important c’est qu’il attrape la souris » disait Deng XIAOPING.
Or, il s’agissait d’une répression artificielle non seulement illégale, mais criminelle, puisque le pacte faustien impliquait une contrepartie pour le trafiquant allié.
En novembre 2015 étaient découvertes boulevard Exelmans à Paris sept tonnes de cannabis appartenant à une personne déjà condamnée pour 4 d’importantes affaires de drogue .
Rapidement, l’Office central pour la Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants (OCRTIS) était soupçonnée d’avoir passée un pacte avec cette personne : contre la dénonciation de certains de ses clients, la police garantissait le transport de ses propres produits.
Selon cette thèse, la police interceptait des quantités importantes de drogues grâce aux informations fournies par ce trafiquant, lequel obtenait la garantie de pouvoir acheminer en Europe des quantités de drogue toutes aussi importantes.
La presse a évoqué une quantité astronomique de 40 tonnes de cannabis importées sur le territoire national avec l’aval de l’élite policière française 5 en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants .
Elle expliquerait la facilité déconcertante avec laquelle des saisies miraculeuses ont eu lieu sans que l’enquête puisse identifier l’origine et la destination de la cargaison.
Le gigantisme des quantités importées en toute impunité glace le sang. Cette http://www.liberation.fr/societe/2015/08/18/indicsvingtdeuxvlaleshic_1365540 https://fr.wikipedia.org/wiki/Sofiane_Hambli http://www.ledauphine.com/francemonde/2016/11/30/40tonnesdecannabisimporteeslapolicecomplic
Ɠ
stratégie, en plus de jeter les services de police dans un monde hors la loi, a peutêtre permis d’importer plus de drogue que d’en intercepter.
Nous avocats, dans la solitude de la défense pénale, avons maintes fois plaidé dans le vide des procédures cadenassées devant une autorité judiciaire tantôt aveuglée, tantôt gênée, mais tout aussi impuissante que nous à pénétrer les méthodes des élites policières.
Selon la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’un des attributs d’une société démocratique est à trouver dans la loyauté de sa procédure pénale.
A elles seules, l’illégalité et la déloyauté de ces pratiques, fondées sur le mensonge et la manipulation, constituent une violation de la loi d’une exceptionnelle gravité pour l’autorité publique.
Mais plus graves, en substituant la notion de livraison surveillée par celle de livraison protégée, l’OCRTIS est soupçonnée d’avoir fourvoyé ses agents dans une véritable cogestion des importations de drogue afin de réguler le trafic, empêcher que ses bénéfices tombent aux mains de terroristes et conserver un moyen de pression sur les barons de la drogue.
Le résultat de cette politique pénale décidée à huis clos est catastrophique puisqu’elle a permis, si elle était avérée, de protéger l’arrivée de cannabis voire de cocaïne dans les quartiers populaires alors que l’objectif était d’intercepter cette drogue avant qu’elle n’atteigne sa destination.
Comment imaginer que des brigades de stupéfiants s’épuisent à démanteler un trafic dans une cité sensible, alors que la drogue y est acheminée via une route protégée par d’autres policiers ?
S’agissant d’une question de santé et de sécurité publique portant sur la consommation d’une drogue dont l’interdiction clive l’opinion, la question du commerce illicite du cannabis et la façon de lutter contre celuici en fait une question majeure de société.
La politique pénale de lutte contre le trafic de drogue ne peut plus être laissée à la discrétion de certains services de police mais doit être débattue par la souveraineté nationale incarnée par le parlement.
Compte tenu de l’extrême gravité des transgressions soupçonnées et de leur impact immédiat et sans doute dramatique sur la vie de certains quartiers, une enquête parlementaire sur les méthodes de l’OCRTIS s’impose.
Nul ne saurait en effet« puiser dans le crime de quoi combattre le crime » disait Jean JAURES.
L’autorité publique ne peut tolérer le moindre pacte faustien avec le trafic international de stupéfiants, lequel constitue une trahison du pacte
Ɣ
républicain.
Par notre connaissance des procédures judiciaires et par notre souci de ne jamais renoncer à l’Etat de droit, dont nous sommes, avec les magistrats, les gardiens, nous entendons affirmer la prééminence constante de la Loi dans l’action de la puissance publique.
C’est la raison pour laquelle nous sollicitons que soit mise en œuvre une commission parlementaire sur les méthodes de l’OCRTIS, afin que lumière soit faite sur la part d’ombre de la lutte contre les stupéfiants.
Faute de quoi, magistrats, policiers, éducateurs, élus locaux auront toujours le sentiment d’une lutte vaine et perdue d’avance.
Clément ABITBOL, Nicolas BENOUAICHE, Jérémy BOULAY, Hannelore CAYRE, Raphael CHICHE, Alexia GAVINI, Vera GOGUIDZE, Michel KONITZ Anthony LEGOFF, Erwan LORVELLEC, David MAHEU, Adrien MAMERE, Merabi MURGULIA, Philippe OHAYON, Paul SINCHAN, Keren SAFFAR, Louise TORT, JeanChristophe TYMOCZKO,
6
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents