La transmission de la psychanalyse en société
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Depuis Freud les psychanalystes pensèrent qu’ils transmettaient la psychanalyse, eux seuls, et donc seulement dans le cadre de la cure analytique. N’est-ce pas parce qu’ils ne pouvaient concevoir une position symbolique de la psychanalyse en société, que nos prédécesseurs la cantonnèrent à un jeu de miroirs où le « psy » était même à cet endroit le « sachant », possesseur des connaissances et des discours sur l’homme, ses maladies mentales et sa vie psychique.
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Langue Français

Extrait

La transmission de la psychanalyse en société
Mon ami Jean-Pierre Drapier insistait à la fin de notre dernière rencontre à l’hôpital St Anne de Paris,.. « il faudrait parler de transmission maintenant ». En effet, la question vaut aussi bien pour la psychanalyse en société, malade ou pas malade, homme, femme ou enfant, que dans la cure, dans ses seules sociétés à elle.
Depuis Freud les psychanalystes pensèrent qu’ils transmettaient la psychanalyse, eux seuls, et donc seulement dans le cadre de la cure analytique. N’est-ce pas parce qu’ils ne pouvaient concevoir une position symbolique de la psychanalyse en société, que nos prédécesseurs la cantonnèrent à un jeu de miroirs où le « psy » était même à cet endroit le « sachant », possesseur des connaissances et des discours sur l’homme, ses maladies mentales et sa vie psychique. Ainsi la psychanalyse, violemment chez Lacan, s’exclut elle-même de tout lien social, … incapable de le penser autrement que comme soumission aux signifiants des idéaux communs… Lacan en déduisait que l’éducatif ne pouvait que collaborer, c’est-à-dire viser le recouvrement des signifiants du sujet par ceux de l’idéologie… le modèle en étant celui des psychothérapies assises sur leur vision du monde, du soin, et des biens humains…
Pourtant, dès le début de ma pratique professionnelle, c’est son enseignement et aucun autre, qui me permit de penser. Il mettait au cœur de la cure, de ma propre cure, l’objet « psychanalyse » comme enjeu de transmission. Il y mettait cet objet, en insistant sur ceci qu’aucun mot ne pouvait tout entier contenir vérité. « Il n’y a pas de métalangage ». Aucun mot ne peut tout dire d’aucune chose. Mot et choses, mots et idées boitent à ce conjoindre. Bricolez, bricolez, et constatez : les petites vis ne trouvent jamais leurs bonnes chevilles… Pourquoi donc interdire à la psychanalyse, quand je la vivais hors du cercle intime des Ecoles, d’être aussi touchée par cet impossible ? N’y avait-il donc pas, dans la vie quotidienne aussi, un objet de savoir que quelques connaissances pouvaient transmettre, sans toutefois les contenir toutes ? En quoi le collage des mots aurait-il existé dans la vie plus qu’en psychanalyse ? L’idéologie échappait-elle au principe de non existence du métalangage ?
N’était-ce pas justement, parce que tout le système soignant s’était constitué autour de l’idée sicentifico-moralisatrice du malheur passé en maladie, sur un mauvais être de l’homme à amender, qu’il fallait revenir sur ce collage où l’éducateur idéologue fut englué dans les ordres du médical et du juridique, rendant toute ouverture aux question de l’existence humaine, et de l’être du sujet impensable ?
Or… en quoi ce savoir sur l’existence humaine et la sienne propre aurait appartenu au médecin ou par délégation praticien social ? C’est probablement parce que je m’accordais la légitimité de partager ce savoir avec mes analystes puis mes collègues, que je l’accordais aussi à ceux qui venaient à ma rencontre en société. C’est probablement pour cela aussi, que ce savoir ne gela pas ses connaissances pour une maîtrise de l’angoisse, mais m’ouvrit sur les questions à partager avec les enfants sur la vie et une nature humaine dont nul ne détient les clés. Ainsi l’acte du praticien en société dispose bien d’un objet de savoir qui nous est prêté, dans la demande qui nous est faite…. objet de savoir d’où nous existons… sans jamais le détenir… se déroulant aux versets d’une question dont nulle réponse est hors partage : qu’est-ce qu’être un homme, une femme, un enfant… dans notre monde et ailleurs ? c’est quoi la vie ? la maladie, la santé ? Les formulations viennent s’y entrechoquer ouvrant la transmission à celui qui, nous adresse ses demandes, et vient ainsi requérir dans notre présence son appartenance aux grands bavardages sur la nature humaine, en toutes cultures et époques, qui lie et délie les hommes entre eux....
Ajout de la rédaction
Dans leur article remarquable, Jacques Hochman et Jean Guyotat nous mettent en garde contre la nostalgie d’une époque pourtant créative, celle qui suivait les « événements ». Mais comment faire ? Il ne s’agit pas uniquement de questions de formation ou de transmission, mais d’un environnement social, politique et culturel qui favorisait les échanges « horizontaux ». Il ne faut pas déshonorer ce dernier terme par des allusions répugnantes, mais entendre par là tout ce qui concourait à l’ouverture des esprits : primat du langage, du groupe, de la psychanalyse comme langagecommunlo;àoitisopp«udntiervlcaecmoemlipreerxuiqueet»,phallCommandeur ou le Général. Un certain désordre n’en était pas exclu et, puisqu’il s’agit ici de nostalgie, qu’il me soit permis de raconter une petite expérience. (…)
Nous fûmes chargés, Jean-Pierre Lauzel et moi, de l’enseignement de la clinique psychiatrique aux étudiants en médecine de Paris-13, sous forme de vidéos commentées et cela de 1973 à 1990. Sans avoir rien demandé, nous fûmes nommés par le Conseil de gestion, à la demande du doyen Cornillot, « professeurs libres ». De quoi être fier d’être une sorte de « privat-docent » non pas viennois, mais balbynien. Alors que je n’étais qu’interne, je me fis fort de mentionner les notions lacaniennes alors dominantes de « déhiscence du symbolique » ou de « forclusion du nom du père ». Lors de l’examen de DCEM 4, qui consistait dans le relevé séméiologique d’une observation, je retrouvais donc naturellement les notions d’« obtusion du nom du frère » ou de « protusion de je-ne-sais-plus-quoi ». Que voulez-vous ; l’enthousiasme.
3En 1990, le nouveau doyen de la faculté eut pour mission de faire le ménage dans cette faculté gauchiste et reprendre en main le vaisseau pirate. Notre titre exotique fut donc supprimé, mais nous gardâmes des externes, à charge de transmission clinique. Entre temps Serge Lebovici, avec le talent pédagogique qu’on lui connaissait réorganisait en « spirale » l’enseignement de la psychiatrie à Paris-13, à l’opposé d’un enseignement par certificats fermés. Cela annonçait d’une certaine manière l’apprentissage actuel par compétences nord-américain.
4Toutes les questions qui sont posées dans ce numéro ne trouvent pas forcément de réponse. La formation à la psychothérapie en est le parangon et les ouvertures apportées par nos collègues suisses sont éclairantes, si l’on veut bien s’éloigner pour un temps des idéologies défensives de métier. Comme lors de mon aventure enseignante, Suzanne Parizot, mais aussi Jordan Sibeoni nous montrent que l’on n’apporte pas forcément ce que l’on croit transmettre ; le « récepteur » n’attend plus les mêmes lumières que « l’émetteur », il est dans une autre époque. Lui aussi connaît son «praecox gefuhl» de la discipline qu’il aborde, ses cas princeps, ses régionalismes, ses choix doctrinaux et bien des hésitations. Et puis l’« interne », mot-miroir admirable en psychiatrie, se fait sa propre philosophie domestique : il construit sa maison théoricopratique avec les matériaux disponibles, dans des assemblages qui lui seront plus ou moins personnels.
En tout cas, ce numéro n’a pas de clôture et appelle d’autres contributions. Thierry Trémine « On ne transmet pas toujours ce que l'on croit »,L'information psychiatrique7/2012 (Volume 88), p. 499-500. URL :www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2012-7-page-499.htm.
Sommaire On ne transmet pas toujours ce que l’on croit/Thierry Trémine
·Devenir psychiatre : transmissions, formations, apprentissages… /Suzanne Parizot ·Perspectives d’évolution de la formation des psychiatres/Frédéric Rouillon ·La mise en place du CES de psychiatrie à Lyon : un témoignage/Jacques Hochmann, Jean Guyotat ·Vous avez dit « transmission » ?/Marcel Sassolas ·L’hôpital psychiatrique : un lieu pour la formation à la psychothérapie des troubles psychotiques/Philippe Conus, Charles Bonsack, Dag Söderström ·Psychiatre et psychothérapeute ? Petite histoire suisse/Jean-Nicolas Despland, Sylvie Berney ·L’apprentissage par compétences : renouveau pédagogique à l’université de Montréal/Jean Parratte, Emmanuel Stip http://travailformation.hypotheses.org/3655?utm_source=alert
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