La lecture à portée de main
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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 45 |
EAN13 | 9782824710006 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LA V EN DET T A
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LA V EN DET T A
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1000-6
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.LA V EN DET T A
DÉDI É A P U T T I NA T I,
SCU LPT EU R MI LANAIS
1800, la fin du mois d’ o ctobr e , un étrang er , suivi d’une
femme et d’une p etite fille , ar riva de vant les T uileries à Paris,E et se tint assez long-temps auprès des dé combr es d’une maison
ré cemment démolie , à l’ endr oit où s’élè v e aujourd’hui l’aile commencé e
qui de vait unir le châte au de Catherine de Mé dicis au Louv r e des V alois. Il
r esta là , deb out, les bras cr oisés, la tête incliné e et la r ele vait p arfois p our
r eg arder alter nativ ement le p alais consulair e , et sa femme assise auprès
de lui sur une pier r e . oique l’inconnue p arût ne s’ o ccup er que de la p
etite fille âg é e de neuf à dix ans dont les longs che v eux noir s étaient comme
un amusement entr e ses mains, elle ne p erdait aucun des r eg ards que lui
adr essait son comp agnon. Un même sentiment, autr e que l’amour ,
unissait ces deux êtr es, et animait d’une même inquiétude leur s mouv ements
et leur s p ensé es. La misèr e est p eut-êtr e le plus puissant de tous les liens.
Cee p etite fille semblait êtr e le der nier fr uit de leur union. L’étrang er
avait une de ces têtes ab ondantes en che v eux, lar g es et grav es, qui se sont
souv ent offertes au pince au des Car raches. Ces che v eux si noir s étaient
1La v endea Chapitr e
mélang és d’une grande quantité de che v eux blancs. oique nobles et
fier s, ses traits avaient un ton de dur eté qui les gâtait. Malgré sa for ce et
sa taille dr oite , il p araissait av oir plus de soix ante ans. Ses vêtements
délabrés annonçaient qu’il v enait d’un p ay s étrang er . oique la figur e jadis
b elle et alor s flétrie de la femme trahît une tristesse pr ofonde , quand son
mari la r eg ardait elle s’ effor çait de sourir e en affe ctant une contenance
calme . La p etite fille r estait deb out, malgré la fatigue dont les mar ques
frapp aient son jeune visag e hâlé p ar le soleil. Elle avait une tour nur e
italienne , de grands y eux noir s sous des sour cils bien ar qués, une noblesse
nativ e , une grâce v raie . P lus d’un p assant se sentait ému au seul asp e ct de
ce gr oup e dont les p er sonnag es ne faisaient aucun effort p our cacher un
désesp oir aussi pr ofond que l’ e xpr ession en était simple ; mais la sour ce
de cee fugitiv e oblig e ance qui distingue les Parisiens se tarissait pr
omptement. A ussitôt que l’inconnu se cr o yait l’ objet de l’aention de quelque
oisif, il le r eg ardait d’un air si far ouche , que le flâneur le plus intrépide
hâtait le p as comme s’il eût mar ché sur un ser p ent. Après êtr e demeuré
long-temps indé cis, tout à coup le grand étrang er p assa la main sur son
fr ont, il en chassa, p our ainsi dir e , les p ensé es qui l’avaient sillonné de
rides, et prit sans doute un p arti désesp éré . Après av oir jeté un r eg ard
p er çant sur sa femme et sur sa fille , il tira de sa v este un long p oignard,
le tendit à sa comp agne , et lui dit en italien : ― Je vais v oir si les
Bonap arte se souviennent de nous. Et il mar cha d’un p as lent et assuré v er s
l’ entré e du p alais, où il fut natur ellement ar rêté p ar un soldat de la g arde
consulair e av e c le quel il ne put long-temps discuter . En s’ap er ce vant de
l’ obstination de l’inconnu, la sentinelle lui présenta sa baïonnee en
manièr e d’ ultimatum . Le hasard v oulut que l’ on vînt en ce moment r ele v er le
soldat de sa faction, et le cap oral indiqua fort oblig e amment à l’étrang er
l’ endr oit où se tenait le commandant du p oste .
― Faites sav oir à Bonap arte que Bartholomé o di Piomb o v oudrait lui
p arler , dit l’Italien au capitaine de ser vice .
Cet officier eut b e au r eprésenter à Bartholomé o qu’ on ne v o yait p as
le pr emier consul sans lui av oir pré alablement demandé p ar é crit une
audience , l’étrang er v oulut absolument que le militair e allât pré v enir
Bonap arte . L’ officier obje cta les lois de la consigne , et r efusa for mellement
d’ obtemp ér er à l’ ordr e de ce singulier solliciteur . Bartholomé o fr onça le
2La v endea Chapitr e
sour cil, jeta sur le commandant un r eg ard ter rible , et sembla le r endr e r
esp onsable des malheur s que ce r efus p ouvait o ccasionner ; puis, il g arda le
silence , se cr oisa fortement les bras sur la p oitrine , et alla se placer sous
le p ortique qui sert de communication entr e la cour et le jardin des T
uileries. Les g ens qui v eulent fortement une chose sont pr esque toujour s bien
ser vis p ar le hasard. A u moment où Bartholomé o di Piomb o s’asse yait sur
une des b or nes qui sont auprès de l’ entré e des T uileries, il ar riva une v
oitur e d’ où descendit Lucien Bonap arte , alor s ministr e de l’intérieur .
― Ah ! Loucian, il est bien heur eux p our moi de te r encontr er , s’é cria
l’étrang er .
Ces mots, pr ononcés en p atois cor se , ar rêtèr ent Lucien au moment où
il s’élançait sous la v oûte , il r eg arda son comp atriote et le r e connut. A u
pr emier mot que Bartholomé o lui dit à l’ or eille , il emmena le Cor se av e c
lui chez Bonap arte . Murat, Lannes, Rapp se tr ouvaient dans le cabinet du
pr emier consul. En v o yant entr er Lucien, suivi d’un homme aussi
singulier que l’était Piomb o , la conv er sation cessa. Lucien prit Nap olé on p ar la
main et le conduisit dans l’ embrasur e de la cr oisé e . Après av oir é chang é
quelques p ar oles av e c son frèr e , le pr emier consul fit un g este de main
auquel obéir ent Murat et Lannes en s’ en allant. Rapp feignit de n’av oir rien
v u, afin de p ouv oir r ester . Bonap arte l’ayant inter p ellé viv ement,
l’aidede-camp sortit en r e chignant. Le pr emier consul, qui entendit le br uit des
p as de Rapp dans le salon v oisin, sortit br usquement et le vit près du mur
qui sép arait le cabinet du salon.
― T u ne v eux donc p as me compr endr e ? dit le pr emier consul. J’ai
b esoin d’êtr e seul av e c mon comp atriote .
― Un Cor se , rép ondit l’aide-de-camp . Je me défie tr op de ces g ens-là
p our ne p as. . .
Le pr emier consul ne put s’ empê cher de sourir e , et p oussa légèr ement
son fidèle officier p ar les ép aules.
― Eh bien, que viens-tu fair e ici, mon p auv r e Bartholomé o ? dit le
pr emier consul à Piomb o .
― T e demander asile et pr ote ction, si tu es un v rai Cor se , rép ondit
Bartholomé o d’un ton br usque .
― el malheur a pu te chasser du p ay s ? T u en étais le plus riche , le
plus. . .
3La v endea Chapitr e
― J’ai tué tous les Porta, répliqua le Cor se d’un son de v oix pr ofond
en fr onçant les sour cils.
Le pr emier consul fit deux p as en ar rièr e comme un homme sur pris.
― V as-tu me trahir ? s’é cria Bartholomé o en jetant un r eg ard sombr e
à Bonap arte . Sais-tu que nous sommes encor e quatr e Piomb o en Cor se ?
Lucien prit le bras de son comp atriote , et le se coua.
― Viens-tu donc ici p our menacer le sauv eur de la France ? lui dit-il
viv ement.
Bonap arte fit un signe