Proses philosophiques
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Proses philosophiquesdes années 1860-1865Victor HugoPosthumePhilosophie, première partiePhilosophie, deuxième partieLes FleursDu GénieLe GoûtUtilité du BeauLes Génies appartenant au peupleLa CivilisationLa Question socialeLe TyranLes TraducteursPromontorium somniiLes Choses de l’infiniLa Mer et le VentLes DélugesPréface de mes œuvres et post-scriptum de ma vieProses philosophiques : Philosophie, I1Le livre qu’on va lire est un livre religieux.Religieux ? à quel point de vue ?A un certain point de vue idéal, mais absolu ; indéfini, mais inébranlable.Qu’on nous permette d’expliquer ceci, le plus rapidement qu’il nous sera possible.La situation d’esprit de l’auteur d’un livre importe au livre lui-même et s’y réverbère.D’ailleurs, il n’est point mal qu’une étude de ce genre, qui a l’humanité pour objet, soit précédée d’une espèce de méditationpréalable en commun avec le lecteur.L’auteur de ce livre, il le dit ici du droit de la liberté de conscience, est étranger à toutes les religions actuellement régnantes ; et, enmême temps, tout en combattant leurs abus, tout en redoutant leur côté humain qui est comme l’envers de leur côté divin, il les admettoutes et les respecte toutes.S’il arrivait que leur côté divin finît par résorber et détruire leur côté humain, il ferait plus que les respecter, il les vénérerait.Ces restrictions faites, l’auteur, et il le déclare hautement au seuil de ce livre douloureux, est de ceux qui croient et qui prient.De ...

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Nombre de lectures 98
Langue Français
Poids de l'ouvrage 12 Mo

Extrait

Proses philosophiques
des années 1860-1865
Victor Hugo
Posthume
Philosophie, première partie
Philosophie, deuxième partie
Les Fleurs
Du Génie
Le Goût
Utilité du Beau
Les Génies appartenant au peuple
La Civilisation
La Question sociale
Le Tyran
Les Traducteurs
Promontorium somnii
Les Choses de l’infini
La Mer et le Vent
Les Déluges
Préface de mes œuvres et post-scriptum de ma vie
Proses philosophiques : Philosophie, I
1
Le livre qu’on va lire est un livre religieux.
Religieux ? à quel point de vue ?
A un certain point de vue idéal, mais absolu ; indéfini, mais inébranlable.
Qu’on nous permette d’expliquer ceci, le plus rapidement qu’il nous sera possible.
La situation d’esprit de l’auteur d’un livre importe au livre lui-même et s’y réverbère.
D’ailleurs, il n’est point mal qu’une étude de ce genre, qui a l’humanité pour objet, soit précédée d’une espèce de méditation
préalable en commun avec le lecteur.
L’auteur de ce livre, il le dit ici du droit de la liberté de conscience, est étranger à toutes les religions actuellement régnantes ; et, en
même temps, tout en combattant leurs abus, tout en redoutant leur côté humain qui est comme l’envers de leur côté divin, il les admet
toutes et les respecte toutes.
S’il arrivait que leur côté divin finît par résorber et détruire leur côté humain, il ferait plus que les respecter, il les vénérerait.
Ces restrictions faites, l’auteur, et il le déclare hautement au seuil de ce livre douloureux, est de ceux qui croient et qui prient.
De là, dans ce livre, une grande mansuétude pour tout ce qui se rattache aux croyances. Les quelques silhouettes religieuses qui le
traversent sont graves. Un évêque y apparaît et y jette une ombre vénérable ; un couvent y est entrevu. Le demi-jour qui en sort est
doux.
Ceci, bien entendu, et il convient d’y insister, sans adhésion aux superstitions.Reprenons.
L’auteur vient de confesser que, quant à lui, en dehors des religions écrites, il croit et il prie.
Pourquoi croit-il ? pourquoi prie-t-il ?
Il va essayer de le dire, en s’interdisant tout autre développement que le nécessaire, et en élaguant, dans cette exposition d’une âme,
tout ce qui ne va pas directement au but.
Si le mot âme, prononcé ici avant toute explication et tout raisonnement, semble peu rigoureux, et au moins prématuré, aux amis des
déductions correctes, mettez que nous n’avons rien dit.
Écoutez-nous seulement si ceci vous intéresse.
Sinon, passez ces quelques pages.
Ces pages sont ce qu’elles sont. Il est facile au lecteur de ne point les lire ; il était impossible à l’auteur de ne pas les écrire.
4
L’énormité de la nature est accablante.
Regardez. Voici la terre :
L’homme est dessus, le mystère est dedans. Globe enrayant ! Un axe à la fois rotatoire et magnétique, c’est-à-dire produisant le
mouvement et créant la vie ; au centre, peut-être une fournaise ; aux deux extrémités de l’axe, deux glaciers de mille lieues de tour
que déplace lentement la précession des équinoxes et qui, en fondant, font basculer le globe tous les quinze mille ans selon les uns,
tous les deux cent mille ans selon les autres, et mettent brusquement la mer à la place de la terre ; submersions périodiques visibles
en quelque sorte dans la forme aiguë actuelle de tous les continents du côté du pôle austral, plus lourd en ce moment que le pôle
boréal. La première fonction de la terre pour l’homme, c’est d’être l’horloge immense ; sa rotation crée ce que nous appelons le jour
ou le nychthemeron ; la Terre mesure le temps dans l’éternité. Prise en elle-même, quelle impénétrable genèse ! Autrefois, dans les
profondeurs immémoriales des cycles cosmiques, elle a bouillonné. Les collines marquent ses palpitations, les monts marquent ses
convulsions.
Puis, les premières effervescences passées, cette fumée’ est devenue respirable, ce globe est devenu habitable, et une gigantesque
ébauche de création a commencé à s’y mouvoir dans la brume. Les plus récentes fouilles de l’Attique ont mis au jour, pour l’œil du
géologue, on ne sait quels pachydermes informes, des tapirs au grouin démesuré, des pangolins ongles, dentus et cornus, des
girafes colossales, des singes titaniques, des poules grosses comme des autruches, des chauves-souris grandes comme des
condors, des sangliers grands comme des hippopotames, des tortues dont l’écaillé ferait le toit d’une maison. Il y avait alors, et les
houillères de Newcastle-on-Tyn en font foi, des fourrés de monocotylédones hauts de cinq cents pieds, des fougères sous lesquelles
la flèche de Strasbourg et les pyramides d’Egypte disparaîtraient comme la borne d’un champ disparaît sous les fougères
d’aujourd’hui. Là, dans ces végétations excessives, sous la vase, parmi des scolopendres plus longs que des boas, rôdait, avec de
petits yeux, des pattes en pelle, des omoplates étroites propres au fouissage et des défenses trouant la lèvre inférieure et
perpendiculaires au sol comme celles des morses, une bête dont la tête seule avait trois pieds de large et quatre pieds de long.
C’était le mulot de ces halliers. Ces forêts, hautes comme des montagnes, avaient une taupe grande comme un éléphant. La science
nomme cette taupe « l’animal terrible », le dinothère. Ses taupinières, en cheminant sous le sol, y soulevaient à la surface des
chaînes de collines. Les troglodytes ont habité plus tard ces galeries antérieures aux déluges. La stature de cette taupe dépassait
tous les animaux mystérieux dont on mesure aujourd’hui les fossiles. Le dinothère de Pikermi est plus grand que le mastodonte de
l’Ohio. Les deux tibias comparés donnent une différence de quinze centimètres.
Telle était la zoologie terrestre aux temps des bouillonnements primitifs.
Maintenant ce globe se refroidit ; mais avec quel frémissement encore ! Percez cette couche de granit, jadis fange, où se sont
vautrés les hécatonpodes et les hécatonchires, où, à côté des monstres que nous venons d’indiquer, le mammouth, le mégathère,
l’épiomis, le paléonthère, l’elephans primigenius dont les défenses avaient sept pieds de long, le rhinocéros tichorynus, ont laissé
l’empreinte de leur marche ; percez de la pensée cette surface verte, rousse, blanche, hivernale, torride, où rampe à présent la
fourmilière humaine, entrez dans la terre, entrez sous la terre, et, dans les artères de cette masse, imaginez, si vous pouvez, ces
chocs de principes moteurs, ces ramifications de forces, ces rencontres d’effluves, cette fermentation inouïe de phénomènes.
Formations diluviennes et plutoniques, exfoliées çà et là pas les nappes d’eaux sous-jacentes, couches de roches roulées les unes
sur les autres comme les pages d’un palimpseste indéchiffrable, infiltrations souterraines, pénétrations sous-marines, réactions
multiples, milieux élastiques ou solides traversés par des courants ou, pour mieux dire, par des torrents magnétiques, avec des
grossissements d’effets impossibles à concevoir, hautes températures enfouies dans les blocs, pressions effroyables, expansions
ténébreuses, explosions, alluvions, stratifications, minéralisations, cristallisations, végétations, putréfactions, transformations ; officine
d’oxydes et d’acides ; production de fluides, production de sèves, production de germes ; nourriture aux nuées, nourriture aux
racines ; fleurs, fruits, philtres, simples ; distribution des parfums, des saveurs, des poisons, des vertus ; pharmacie mystérieuse ;
enfantement simultané des formes et des réalités les plus diverses depuis le diamant jusqu’au colibri, depuis le lys bleu des sources
d’Iran jusqu’aux rochers de soufre pur de l’Islande où viennent se percher le courlis et le ptermigan. De toutes ces forces
convergentes à un but unique résulte une vie communiquée à tous les êtres avec une puissance qui crée, particulièrement dans
l’ordre végétal, des longévités extraordinaires. Le tilleul de Morat a quatre cents ans, le-chêne d’Ellerslie a six cents ans, le cèdre de
la casbah d’Alger a vu Nariaden Barberousse, le Conqueror oak de Windsor a vu Guillaume le Conquérant, les deux chênes de la
Miltière, près Romorantin,

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