Inauguration du quai Antoine Riboud, angle cours Charlemagne   Place  nautique
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Discours de Monsieur Gérard COLLOMB Sénateur-Maire de Lyon – Président du Grand Lyon A l’occasion de l’inauguration du quai Antoine RIBOUD, angle cours Charlemagne / Place nautique èmeLyon 2 – La Confluence Vendredi 25 juin 2010 ** * 1 Chers Patrice, Franck et Gilles Riboud, Mesdames et Messieurs, Chers Amis, « Agir en primitif et prévoir en stratège ». Ces mots de René Char, Antoine Riboud en avait fait sa devise. Ce sont ceux qu’en 1999, il avait choisi de mettre en épigraphe de son autobiographie sobrement intitulée « Le Dernier de la Classe ». Ce vers est tiré des « Feuillets d’Hypnos » écrits par René Char dans les maquis de la Résistance et dédiés à son ami Albert Camus. Conçue dans l’action combattante, face au péril de la mort, cette poésie révèle, au-delà de tout artifice, la puissance des mots. Ces fragments poétiques, Antoine Riboud se les était appropriés. Il en avait fait une éthique personnelle dont il ne s’est jamais départi. Son instinct, son imagination, son courage lui ont permis d’écrire, de BSN à eDanone, une des plus belles pages de l’histoire industrielle européenne du 20 siècle. Son esprit visionnaire, sa foi dans l’homme et le progrès, son anticonformisme en ont fait une des figures les plus éclairées du capitalisme moderne, un précurseur de la responsabilité sociale de l’entreprise. Antoine Riboud nous a quittés le 5 mai 2002. ...

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Extrait

1
Discours de Monsieur Gérard COLLOMB
Sénateur-Maire de Lyon – Président du Grand Lyon
A l’occasion de l’inauguration du quai Antoine RIBOUD, angle cours
Charlemagne / Place nautique
Lyon 2
ème
– La Confluence
Vendredi 25 juin 2010
**
*
2
Chers Patrice, Franck et Gilles Riboud,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
« Agir en primitif et prévoir en stratège
». Ces mots de René Char, Antoine
Riboud en avait fait sa devise. Ce sont ceux qu’en 1999, il avait choisi de mettre
en épigraphe de son autobiographie sobrement intitulée «
Le Dernier de la
Classe
».
Ce vers est tiré des «
Feuillets d’Hypnos
» écrits par René Char dans les maquis
de la Résistance et dédiés à son ami Albert Camus. Conçue dans l’action
combattante, face au péril de la mort, cette poésie révèle, au-delà de tout artifice,
la puissance des mots.
Ces fragments poétiques, Antoine Riboud se les était appropriés. Il en avait fait
une éthique personnelle dont il ne s’est jamais départi.
Son instinct, son imagination, son courage lui ont permis d’écrire, de BSN à
Danone, une des plus belles pages de l’histoire industrielle européenne du 20
e
siècle. Son esprit visionnaire, sa foi dans l’homme et le progrès, son
anticonformisme en ont fait une des figures les plus éclairées du capitalisme
moderne, un précurseur de la responsabilité sociale de l’entreprise.
Antoine Riboud nous a quittés le 5 mai 2002.
Dès l’annonce de sa mort, j’ai pensé qu’il était de notre devoir de donner son
nom à un espace de notre ville. Pas n’importe lequel ! Un lieu à l’image de ce
3
grand Lyonnais, en avance sur son temps, symbolisant la modernité de notre
métropole et sa foi en l’avenir.
Ce nouveau quai de la Saône, aux abords de cette place nautique presqu’aussi
spacieuse que la place Bellecour, où rivalisent les architectures les plus
audacieuses, nous a semblés idéal. Oui, à la beauté exceptionnelle de ce site, le
nom d’Antoine Riboud apporte un supplément d’âme.
Désormais, dans cet écrin de La Confluence est inscrite une part du génie de
Lyon, notre ville, qui voici 92 ans, un soir de Noël, vit naître une de ces plus
belles figures humanistes.
On n’imaginait pas qu’Antoine Riboud accomplirait ce destin hors du commun :
transformer la petite entreprise familiale en une multinationale, leader européen
de l’alimentaire, employant sur les cinq continents plus de 80000 salariés.
«
Oui, j’ai souvent été le "dernier de la classe
", – aimait à rappeler Antoine
Riboud avec ce fameux regard rempli de malice ! –
Mais ne pas avoir de
diplôme m’a permis de réfléchir plus vite, d’être plus simple. Ma force, – disait-
il – a toujours été de ne pas entrer dans un moule.
»
Derrière l’image de l’autodidacte, se cache un homme sensible, issu d’une
famille d’entrepreneurs liés à l’histoire de notre ville par la Lyonnaise de
Banque. Petits-fils et fils de banquier, Antoine Riboud comptait dans sa fratrie
des hommes aussi talentueux que Jean et Marc.
Forcément, un giron familial pareil, ça forge un caractère ! En relisant sa
biographie, j’ai d’ailleurs été frappé de cette volonté de réussite qui toute sa vie
a animé Antoine Riboud.
4
C’est vrai de 1942, quand il entre la première fois dans la verrerie familiale de
Rive-de-Gier, jusqu’à ce jour de 1996 où pour lui était venu le temps de passer
les rênes de l’entreprise à Franck.
Dans l’intervalle de ce demi-siècle, c’est une incroyable success-story qui s’est
déroulée. Son auteur, pour autant, ne s’est pas fait en un jour. Il a fallu près d’un
quart de siècle avant qu’Antoine Riboud ne prenne la présidence des verreries
Souchon-Neuvesel.
Son premier succès fut la prise de contrôle des eaux minérales d’Evian.
L’intégration du
contenant
et du
contenu
allait devenir l’alpha et l’oméga de la
fulgurante ascension de cette PME qui profite alors pleinement du boom des
années d’après-guerre.
L’aventure se poursuit dès 1966 avec l’absorption des Glasses de Boussois. Pour
Antoine Riboud, cette fusion avec une entreprise plus importante que la sienne
sonne comme un prélude à l’assaut qu’en décembre 1968, il lance sur la
prestigieuse compagnie de Saint-Gobain.
Sa tentative marque une première et si elle est en apparence un échec, elle
installe les trois lettres BSN dans le paysage économique de notre pays. La
France découvre alors un manager audacieux qui se fie à son instinct et ose les
paris les plus ambitieux.
Entre temps, Antoine Riboud a pris toute la mesure du basculement de notre
société.
5
D’un côté, il est à l’écoute du message de
contestation sociale, de rejet de la
société de consommation que porte Mai 68. De l’autre, il perçoit que la fin des
Trente Glorieuses et du taylorisme va confronter nos économies européennes à
de nouveaux défis qui interrogent nos propres modèles de développement et
remettent en question la croissance même de nos Etats-nations.
Car n’oublions pas que c’est dans ce contexte de crise qu’Antoine Riboud a
développé et fait prospérer son entreprise !
A l’époque, il a déjà engagé la reconversion de son groupe d’une industrie du
verre à celle de l’alimentaire et il s’apprête à reprendre les activités européennes
de Gervais-Danone.
Bien avant le rapport de Gro Harlem Brundtland, il a saisi les enjeux du
développement durable et pris un certain nombre d’initiatives, telle la création
de son association
Progrès et Environnement
et son opération phare
Vacances
Propres
.
Au sein de BSN, il a demandé à certains cadres de réfléchir avec de jeunes
hauts-fonctionnaires à ces mutations profondes. Jacques Attali fait partie de ce
groupe chargé de la prospective.
Antoine Riboud mûrit alors une réflexion large sur la croissance, l’entreprise, les
hommes. Nous sommes le 25 octobre 1972, à Marseille. Dans l’immense salle
du Palais des Congrès la tension est à son comble. Car les plus hautes instances
patronales de l’époque ont exigé d’Antoine Riboud une copie du discours qu’il
va prononcer. Il répond : «
Je suis venu ici libre et le resterai !
»
6
C’est sous la rumeur grondante de l’assemblée qu’il s’élance avec ces mots :
«
La croissance économique, l’économie de marché ont transformé et
bouleversé le niveau de vie du monde occidental. C’est indiscutable. Mais le
résultat est loin d’être parfait !
»
Pour la première fois, un capitaine d’industrie livre un projet liant aux impératifs
de développement économique ceux du progrès social. Pour Antoine Riboud, je
cite,
« La croissance ne doit pas être une fin en soi, mais un outil qui, sans
jamais nuire à la qualité de la vie, doit au contraire la servir.
»
Son postulat place le rôle et la responsabilité du chef d’entreprise dans une
nouvelle dimension, à la fois garant de la réalisation des objectifs économiques
comme de ceux, humains et sociaux, vis-à-vis de son personnel.
Acte fondateur que ce discours de Marseille dont ce
patron social
va se saisir,
faisant de BSN un laboratoire de nouvelles pratiques en matière de dialogue, de
concertation et de réduction des inégalités.
Sa grande intelligence est de percevoir que les difficultés liées au premier choc
pétrolier de 1973 sont autant d’opportunités d’innover socialement mais aussi
économiquement. Il met en place des mesures de réduction du temps de travail
dans plusieurs unités en signant des accords avec les syndicats. Il favorise
l’actionnariat salarié. Il prône la redistribution des dividendes sous forme
d’actions reversées aux employés du groupe.
Les syndicats apprécient la parole de ce patron qui se définit lui-même comme
anti-conservateur
et qui sait se montrer proches de ses salariés, qu’ils soient
ingénieurs, cadres ou simples ouvriers.
7
Ils ont du respect pour ce chef d’entreprise qui va faire preuve d’une implication
et d’un courage sans faille pour sauver des sociétés en difficulté comme
l’horloger LIP, en 1974.
Ils reconnaissent la réussite exemplaire de cet homme qui va sans cesse
développer son entreprise, en France et à l’étranger, portant haut l’étendard de
l’économie française aux quatre coins du monde.
En 1989, c’est par exemple le rachat des filiales européennes de Nabisco, plus
importante opération financière jamais réalisée par une entreprise française aux
Etats-Unis.
Le legs d’Antoine Riboud est considérable.
La crise aujourd’hui nous invite à méditer sa pensée. Car elle porte en elle les
germes du renouveau que nos sociétés doivent inéluctablement engager. Elle
nous enseigne que l’entreprise est partie prenante de la vie de la nation et que
c’est en elle que se trouvent les ressources nécessaires à l’invention d’un ordre
économique et social plus juste !
Antoine Riboud n’était pas simplement un chef d’entreprise redoutable par son
efficacité. Il était un patron visionnaire, héritier d’une longue tradition de justice
et de solidarité dont notre ville fut un des grands berceaux.
Lyon fut une place centrale dans la diffusion et la propagation des doctrines
saint-simoniennes qui entendaient faire de la création de richesse la base du
progrès humain.
Pas étonnant qu’un Antoine Riboud y soit né !
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Car au fond, ce patron humaniste était profondément lyonnais. Son combat pour
l’entreprise citoyenne, son éthique de la responsabilité, son ouverture à l’autre, il
les exprimait simplement en disant : «
Il faut aimer les gens. Oui, c’est une
grande force et c’est cela qui permet de réussir sa vie.
»
Antoine Riboud aimait les gens. Il aimait Lyon qu’il décrivait comme «
La belle
ville traversée par ces deux grands cours d’eau qui s’y rejoignent, l’un venant
de l’Est, l’autre du Nord, le Rhône et la Saône.
»
Son nom a désormais sa place dans cette Confluence, un quartier qui conjugue le
romantisme des balmes et la volonté d’ancrer toujours plus fort Lyon dans la
modernité.
Ce matin, je suis fier et je suis ému d’ouvrir officiellement ce nouvel espace de
notre Cité au public en le faisant résonner du beau nom d’Antoine Riboud.
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