La lecture comme thérapie dans la médecine gréco-romaine - article ; n°2 ; vol.146, pg 803-822
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 2002 - Volume 146 - Numéro 2 - Pages 803-822
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Heinrich von Staden
La lecture comme thérapie dans la médecine gréco-romaine
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 146e année, N. 2, 2002. pp. 803-
822.
Citer ce document / Cite this document :
von Staden Heinrich. La lecture comme thérapie dans la médecine gréco-romaine. In: Comptes-rendus des séances de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 146e année, N. 2, 2002. pp. 803-822.
doi : 10.3406/crai.2002.22477
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_2002_num_146_2_22477COMMUNICATION
LA LECTURE COMME THÉRAPIE DANS LA MÉDECINE GRÉCO-ROMAINE,
PAR M. HEINRICH VON STADEN,
CORRESPONDANT ÉTRANGER DE L'ACADÉMIE
Une observation qui ne concerne qu'un petit groupe peut
parfois contribuer à éclairer des questions d'une portée plus
générale. C'est le cas d'un groupe de lecteurs dont on peut suivre
la trace pendant près d'un millénaire dans les textes médicaux
grecs et latins. Tous ces lecteurs ont deux points communs :
premièrement, ils lisent pour améliorer leur état physique ou
mental ; deuxièmement, ils le font sur la recommandation de
médecins qui prescrivent différentes sortes de lectures pour dif
férentes maladies ou constitutions physiques. Quelques-uns
lisaient tout haut et y mettaient tant d'énergie qu'ils en transpi
raient, tandis que d'autres lisaient calmement et à voix basse ;
quelques-uns étaient fous, d'autres sains d'esprit ; quelques-uns
étaient malades, d'autres en bonne santé ; il y avait parmi eux des
hommes et des femmes, des convalescents et des sujets vigoureux.
Tous sont anonymes et figurent comme autant de représentants
de diverses constitutions physiques ou de types de maladies.
Les témoignages qui les concernent révèlent des aspects signi
ficatifs de la lecture dans le monde gréco-romain, qui
semblent avoir échappé à l'attention de la plupart des historiens
modernes qui se sont intéressé à la lecture et à l'écriture dans
l'Antiquité1. D'autre part, ils ne sont pas sans conséquence pour
l'histoire de la médecine dans l'Antiquité, car ils conditionnent
notre utilisation des textes anciens. Ils ont pourtant été négligés, à
de rares exceptions près2, par les historiens de la médecine
moderne.
1. Parmi les rares exceptions se trouve E. Valette-Cagnac, « Corps de lecteurs », dans
Corps romains, textes réunis par Ph. Moreau, Grenoble, 2002, p. 289-312, qui cependant ne
semble pas tenir compte des travaux pertinents des historiens de la médecine (voir n. 2).
2. Voir par exemple G. Finney, « Médical théories of vocal exercise and health »,
Bulletin ofthe History ofMedicine 40, 1966, p. 395-406 ; A. Rousselle, « Parole et inspiration.
Le travail de voix dans le monde romain », History and Philosophy ofthe Life Sciences 5, 1993,
p. 129-157 ; A. Debru, Le corps respirant. La pensée physiologique chez Galien (Studies in
Ancient Medicine, 13). Leiden-New York-Cologne 1996, p. 248-253. Voir aussi H. von 804 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
Ces témoignages sur la lecture thérapeutique s'étendent sur
près de mille ans, du ve4Ve siècle av. J.-C. jusqu'au VIIe siècle de
notre ère. Une analyse complète de tous les textes pertinents
dépasserait largement le cadre d'une communication. Je me
contenterai donc d'explorer les usages de la lecture comme thé
rapie dans cinq auteurs anciens, ce qui devrait permettre d'ident
ifier les questions sociales, culturelles et historiographiques sou
levées par ce groupe de lecteurs.
1. La Collection hippocratique
Je commencerai par la Collection hippocratique. Ce qui frappe,
c'est d'abord la forte disproportion entre les références à l'écriture
et les références à la lecture. Le nombre de explicites à
l'écriture (plus de 150) témoigne du rôle important que joue dans la définition de l'identité du médecin hippocrati
que aux Ve et IVe siècle av. J.-C.3 Ces références illustrent dans la
plupart des cas la tendance des médecins hippocratiques à se
poser en écrivains4, même s'ils sont en même temps lecteurs,
comme en témoignent les allusions aux auteurs d'autres traités
qu'ils citent soit pour les critiquer soit pour les louer5. De fait les
Staden, « The Dangers of Literature and the Need for Literacy : A. Cornélius Celsus on
Reading and Writing », dans Les textes médicaux latins comme littérature, Actes du VIe
colloque international sur les textes médicaux latins, édition préparée par A. et J. Pigeaud,
Nantes, Institut universitaire de France, Université de Nantes, 2000, p. 355-368.
3. Sur les usages de ypàcpeiv et ypa<p7) (Par exemple dans l'expression a^tov ypacpyjç)
dans la Collection hippocratique voir K. Usener, « Schreiben in Corpus Hippocraticum »,
dansZter Ubergang von der Milndlichkeit zur Literatur bei den Griechen, W. Kullmann et M.
Reichel éd. (Script Oralia, 30), Tûbingen, 1990, p. 291-299 ; I. M. Lonie, « Literacy and the
development of Hippocratic medicine », dans Formes dépensée dans la Collection hippocrat
ique. Actes du IVe colloque international hippocratique, F. Lasserre et P. Mudry éd., Genève,
1983, p. 145-161. Voir aussi G. L. Miller, « Literacyand the Hippocratic Art : Reading,
Writing, and Epistemology in Ancient Greek Medicine », Journal of the History of Medicine
and Allied Sciences 45, 1990, p. 11-40.
4. « Hippocrate », Des fractures 1 et 25 (III, 414, 3, et 500, 11 Littré ; II, 46,13 et 83, 13
Kûhlewein) : àvocyxocÇopiai, 8s tzKzLiù ypàçsiv rcepî aùr/jç..., où fjtivToi ye àv ëypacpov
Tcepl toutou toctocutx Du régime 1, 2 (VI, 466, 15 Littré ; CMG I, 2, 4, p. 122, 12-13
Joly/Byl) : où^ oï6v te aXXcoç moç k[ik <ruyyp<x<J/avTa ôp6wç auyypà^ou. Des affections
18 (VI, 226, 23-228, 1 Littré) : Sioti Se TpiToûoç xoci, TSTapTaïoç krépoidi [xot yéypa7rrm.
Voir aussi Des affections 4, 5, 15, 32, 33 (VI, 212, 10, 214, 5, 224, 10, 226, 11, 244, 6, 244, 19
Littré).
5. Par exemple « Hippocrate », De l'ancienne médecine 1, 1 (I, 570, 2-9 Littré ; 118, 3-10
Jouanna) : ôxoaoi, [xèv ÈTC/eÊpYjaav 7tepl Î7]Tpix7)ç Xéyeiv 7) ypàcpsiv Ûtc60£ctiv ocÙto!
é u7ro6é[JLSvoi, tw Xoycp 6eppt,ov ■rç ^UXPOV ^ UYPOV ^ ^pov ^ aXXo ri 6 av
v, èç (3paxu ayo^Tsç tt]v àp^v t% aÎTÎrjç toTctiv àv0pa>7rotcn, twv voûatov ts
xal toû 0avaTou xoù izolci ttjv aur/]v êv y] Suo Û7ro0éfzevoi, èv 7roXXolai [i.èv xal lai LECTURE COMME THÉRAPIE 805
références explicites à la lecture sont extrêmement rares chez ces
auteurs. La valorisation de l'écriture aux dépens de la lecture, un
phénomène présent dans la littérature contemporaine6, remonte
donc à l'Antiquité, comme plusieurs études récentes des témoi
gnages non-médicaux sur la lecture l'ont confirmé.
D'après Teresa Morgan, les papyri contenant des exercices
d'école montrent qu'à chaque stade de l'éducation, la lecture
alternait avec l'écriture : l'élève apprend d'abord à lire l'alphabet
et ensuite à V écrire, à lire des mots et ensuite à les écrire, à lire des
phrases et ensuite à les écrire, etc. Dans cette approche bivalente,
l'écriture, qui vient après, semble donc plus valorisée que la
lecture7. Il faut cependant signaler que Raffaella Cribiore tire
d'une analyse détaillée des papyri en question des conclusions
opposées : « ...learning to write in the ancient school was not
governed by the same rigid rules that regulated the process of
learning to read, and [...] a limited ability in writing usually
preceded extensive training in reading » ; et de même : « writing reading at the school level. It was this initial form of
writing that consisted of copying a text without much understan-
Xéyouat, xaxaçaveïç eîcrtv àfzapxàvovxeç, (i.àXi<jxa Se à^iov [xé^acrôai, ôxt à[i.<pl
■zér/yr\c, èoucnrjç fj xpswvxaî xs 7ràvxEÇ km. xolai (jiEyicrxoicri xal xifAwcri fiàXiaxa xoùç
àya0oùç ^eipoTé^vaç xal Srjfxioupyouç. Du régime des maladies aigiles 1, 1 (II, 224, 2-9
Littré ; p. 36, 1-5 Joly)

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