Le faure nicolas pepoff 1 ocr
350 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le faure nicolas pepoff 1 ocr

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
350 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Informations

Publié par
Nombre de lectures 94
Langue Français
Poids de l'ouvrage 12 Mo

Extrait

NICOLAS PÉPOFF L'ENVOYÉ DU TSAR i MISSION SECRÈTE '— Allô !... allô!.. — Allô ?... — Direction de la police ? — Oui; à qui ai-je l'honneur de parler? — Général Grégorien7. — Qu'y a-t-il pour le service de Votre Excel­ lence ? — Le colonel directeur est-il là?.;. S'il est là, priez-le de venir un moment àl'appareil, j'ai une communication à lui faire... Ayant dit, le général Grégorien7, ministre de la Guerre de Sa Majesté le tsar Nicolas II, accrocha i. • " l 2 NICOLAS PÉPOFF le récepteur à l'appareil téléphonique placé près de lui, et, penché sur son bureau, continua l'an­ notation d'un rapport, dont il avait momentané­ ment interrompu la lecture. Mais à peine avait-il donné en marge deux ou trois coups du crayon bleu qu'il tenait à la main, que la sonnerie électrique se fit entendre. Le général saisit le récepteur, se l'appliqua à l'oreille, et les lèvres effleurant la plaque de trans­ mission : — C'est vous, colonel ? demanda-t-il. — Oui, Excellence, tout à votre service. — J'aurais besoin, pour une mission très déli­ cate, d'un hommed'une intelligence hors ligne; il faudrait en même temps qu'il fût d'un courage à toute épreuve et d'un sang-froid extraordi­ naire .. J'ajouterai qu'il devrait être d'une dis­ crétion extrême, ne relevant que de moi à partir du moment où vous l'auriez mis à ma disposition, et qu'il connût à fond l'art de se grimer, de se transfigurer. A l'autre bout de la ligne, le colonel directeur de la police toussa deux ou trois fois dans l'ap­ pareil, garda quelques secondes le silence, et finit par dire : ' — Mais c'est un oiseau rare que vous me de­ mandez là, Excellence ? — Je le sais ; mais il est des moments, quand l'intérêt du pays et la gloire de l'Empereur sont enjeu, où les bons serviteurs de Sa Majesté doivent L'ENVOYÉ DU TSAR 3 les trouver quand même, ces oiseaux rares ! Le colonel protesta. — Ài-je donc dit que je ne le trouverais pas?... Seulement je vous demande le temps de réfléchir... de chercher... — Voilà précisément le diable... je suis pressé... — Laissez-moi au moins la journée... que je puisse consulter mes notes, feuilleter mes dos­ siers... — Dois-je donc croire, colonel, demanda le ministre, qu'en faisant tomber sur vous le choix de Sa Majesté, j'ai mal servi ses intérêts ? — C'est qu'en vérité, Excellence, balbutia le directeur de la police, ce que vous me demandez est très difficile... — Difficile ou non, dit impérieusement Grégo- rieff, il faut que d'ici une heure vous m'ayez donné réponse. ' Il y eut dans l'appareil comme un gémisse­ ment suivi, sans transition, d'une exclamation joyeuse. •— Excellence, dit-il, j'ai votre homme : mais je vous préviens que si celui-ci ne fait pas votre affaire, je désespérerai de satisfaire votre désir. — Pouvez-vous me l'adresser de suite?... — Je l'envoie chercher; il vous portera lui-même son dossier, dont la lecture vous mettra au courant de ses antécédents, et vous montrera ce que vous pouvez attendre de lui. • \ — Faites vite, colonel..., et merci. 4 NICOLAS PÉPOFF Le ministre de la Guerre accrocha, pour tout de bon cette fois, le récepteur, et, au lieu de re­ prendre la lecture du rapport ouvert devant lui, il se leva. Après avoir fait, à travers'son cabinet, quelques pas nerveux, agités, il s'arrêta devant une carte qui tenait tout un panneau de la pièce, formant pendant à une autre carte, de même dimension, accrochée : au. panneau vis-à-vis: l'une était la carte de l'Asie et de l'extrême Orient, l'autre celle de l'Afrique ; et c'était devant cette dernière qu'il s'était immobilisé, son index suivant les méandres d'une ligne tracée à l'encre rouge, tandis que sous son sourcil broussailleux, contracté, l'œil luisait étrangement. Tout à coup, il se retourna, au bruissement qu'avait fait, en se relevant, la lourde tenture de Karamanie qui masquait la porte de son cabinet. Sur le seuil, raidi dans une attitude militaire, saluant, de sa main droite collée à la tempe, un lieutenant de chevaliers-gardes profilait sur la tenture sombre la silhouette blanche de son uni­ forme. Il était de taille assez grande, élégant de formes, portant fièrement la'tête, montrant un visage énergique qu'une grande barbe blonde encadrait, et que deux yeux bleus, d'une douceur infinie, éclairaient. A la vue du jeune homme, le ministre sourit légèrement d'un air satisfait,en disant : —- Bonjour, Serge Obrensky. L'ENVOYÉ DU TSAR 5 Il y avait dans sa voix une intonation amicale prouvant qu'entre le général et le lieutenant exis­ taient des rapports autres que ceux qui existent entre un supérieur et son subordonné. — Votre Excellence m'excusera, dit le jeune homme, si j'ai un peu tardé à me rendre à ses ordres ; mais comme elle a été assez bonne pour m'accorderle congé de trois mois que j'avais de­ mandé, j'étais à la gare, attendant le train, lorsque mon domestique est venu m'apporter le pli cacheté déposé chez moi par votre officier d'ordonnance ; je suis rentré me mettre en tenue, et me voici. Le général avait repris place à son bureau et, tout en jouant d'un air indifférent avec un couteau à papier, examinait avec intérêt l'officier qui se tenait debout devant lui. — Serge Obrensky, dit-il enfin, je sais le motif qui vous a fait solliciter un congé de si longue durée ; vous aimez sans être payé de retour, et, contrairement à la jeunesse qui vit d'espoir, vous désespérez, vous ; et vous allez promener votre désespérance aux Indes, pensant que la balle d'un cipaye ou la dent d'un tigre mettra fin à votre souf­ france. — Mais... Excellence... balbutia Serge Obrensky, dont le visage avait blêmi. — Ai-je dit vrai ? demanda nettement le gé­ néral. L'autre courba la tête, murmurant : 6 HIGOLA.S PÉPOFF — C'est vrai... Alors, le général, s'êtant levé, s'approcha du jeune homme et, lui mettant la main sur l'épaule familièrement : — Pourquoi désespérer, Serge Obrensky, dit-il. Parce que celle que vous aimez est riche et titrée?.'.. Qui vous dit qu'en dépit de sa fortune et de sa noblesse, elle ne serait pas heureuse de confier son cœur au vôtre, et d'appuyer sa main sur votre bras ?... Mais, pour cela, il faut que cette tunique, sous lequel votre cœur bat, s'émaille de croix et de médailles!... Il faut d'autres galons d'or sur ce bras !... La comtesse Hélène Prad- jiwoï a la fortune, la noblesse... apportez-lui la gloire ! c'est encore elle qui vous sera redevable... Serge balbutia avec une expression de découra­ gement : — La gloire,.Excellence, à l'époque où nous sommes../ — Et si je vous offrais, moi, s'écriale ministre, le moyen de la conquérir, cette gloire qui est susceptible d'assurer le bonheur de votre vie... Le jeune homme eut un grand élan : — Ah ! général ! fallût-il pour cela aller jusqu'au bout du monde... Grégorieff sourit, l'interrompant d'un petit geste de la main, et dit : —xMoins loin que cela, Serge Obrensky : tout simplement ici... Il s'était retourné et avait placé son index sur L'ENVOYÉ DU TSAR 7 la carte, et le lieutenant vit, à cet endroit écrit en grosses lettres ce mot : Abyssinie. Le ministre allait répondre à l'interrogation contenue dans le regard étonné dujeune homme, lorsqu'un aide de camp, entrant vivement dans la pièce, annonça: — Un courrier de Sa Majesté l'Empereur. Usant de la prérogative des courriers impériaux qui les autorise à remettre en main propre, sans tarder, aux destinataires les plis dont ils sont chargés, l'homme annoncé pénétra dans le cabi­ net, à la suite de l'officier d'ordonnance. C'était un sous-officier des cosaques de la garde ; son uni­ forme rouge surchargé de broderies d'or, tout couvert de poussière, ses bottes crottées, aux épe­ rons maculés de sang, attestaient qu'il avait par­ couru d'une 'traite les verstes nombreuses qui sé­ parent Pétersbourg du camp de Krasnoïe-Sélo, où se trouvait alors l'Empereur avec l'armée. Sous le papalickde peau de mouton noir, por­ tant en lettres dorées le numéro du régiment, et enfoncé jusqu'aux sourcils, les cheveux frisés et rudes formaient une tignasse rousse de même -teinte que la barbe hirsute qui encadrait le visage, Fembroussaillant presque jusqu'aux yeux; les yeux, petits, luisaient d'un éclat de jais au fond de l'orbite creusée sous l'arcade sourcilière proé­ minente; sous la moustache épaisse, les lèvres saignantes ourlaient fortement la bouche, grande et taillée d'un coup de hache. 8 NICOLAS PÉPOFF Raidi militairement, ayant fait trois pas en avant, il attendait, la main gauche sur la couture du pantalon, présentant de la main droite une large enveloppe que de grands cachets de cire rouge scellaient. Le ministre, ayant pris le pli, le décacheta; mais à peine eut-il jeté les yeux sur son contenu, qu'il tressaillit et, poussant une légère exclama­ tion, regarda le messager; celui-ci, impassible, supporta l'examen. Alors le général prit sur son bureau le dossier déjà annoté qui s'y trouvait, et le remit à Serge Obrensky en lui désignant une porte qui commu­ niquait avec un bureau voisin de son cabinet. — Entrez là, lieutenant, dit-il, et prenez con­ naissance de ceci..., tandis que je vais faire à Sa Majesté l'Empereur le rapport qu'elle me de­ mande. En parlant ainsi, il avait accompagné le jeune homme jusqu'au seuil de la pièce, et ayant refermé lui-même la porte il revenait vers son bureau lorsque, ses regards s'étant machinalement portés sur le courrier impérial, il s'arrêta net, immobilisé de stupeur, les yeux agrandis d'ahurissement, les lèvres entr'ouvertes dans une exclamation. Et en vérité, il y avait de quoi : le gaillard, d'assez grande taille, barbu, moustachu, coiffé du papalick, et vêtu de rouge, avait fait place à un petit homme, le dos voûté, enveloppé dans un cafe­ tan d'étoffe légère, dont le collet relevé laissait
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents