Le mythe d Icare dans la poésie française du XVIe siècle - article ; n°1 ; vol.25, pg 261-280
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1973 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 261-280
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 148
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marc Eigeldinger
Le mythe d'Icare dans la poésie française du XVIe siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1973, N°25. pp. 261-280.
Citer ce document / Cite this document :
Eigeldinger Marc. Le mythe d'Icare dans la poésie française du XVIe siècle. In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 1973, N°25. pp. 261-280.
doi : 10.3406/caief.1973.1037
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1973_num_25_1_1037MYTHE D'ICARE LE
DANS LA POÉSIE FRANÇAISE
DU XVIe SIÈCLE
Communication de M. Marc EIGELDINGER
• • > (Neuchâtel)
au XXIV6 Congrès de l'Association, le 26 juillet 1972.
Trois éléments paraissent avoir déterminé la fortune du
mythe d'Icare dans la poésie française du xvje siècle, de
Mellin de Saint-Gelais à Du Bartas, en passant j>ar Du
Bellay, Ronsard et surtout Desportes. -,
• 1. — Dans Phèdre, Platon a défini la valeur symbolique
de l'aile, son aptitude à s'affranchir des lois de la pesanteur
et à parcourir la totalité de l'espace ; l'aile est l'image du
pouvoir de l'élévation vers le spirituel et l'instrument par
l'intermédiaire duquel il est possible de remonter du spec
tacle de l'univers sensible à la contemplation de l'univers
intelligible. ,
La force de l'aile est par nature de pouvoir élever et conduire
ce qui est pesant vers les hauteurs ou habite la race des dieux,'
De toutes les choses attenantes au corps, ce sont les ailes qui le
plus participent à ce <jui est divin (1).
La symbolique de l'aile occupe une place privilégiée dans
la poésie française du xvi* siècle en tant que moyen de
s'élever vers le ciel des Idées, vers le visage inconnaissable
de la Beauté ou vers le soleil, source de l'énergie cosmique
et de la connaissance des mystères de la création.
(1) Phèdre, Paris, Payot, 1926, p. 89.90 (Trad, de M. Meunier). 2Ô2 MARC EIGELGINDER
2. — Les deux récits ovidiens de L'Art à' aimer et des
Métamorphoses, bien qu'ils soient centrés sur Dédale, ont
contribué à fixer la* vision que les poètes du xvie siècle
ont conçue du mythe d'Icare. Sans adopter le ton moralisa
teur du poète latin, attaché à signifier que la démesure
implique le malheur et le châtiment," ils se sont montrés
plutôt méfiants à l'égard de l'aventure d'Icare dont ils ont
dénoncé la témérité, l'ambition et l'orgueil. Le choix des
épithètes appliquées à Icare, que La Porte a recensées,
est presque toujours révélateur de cette tendance répro
batrice : « Dedalien, miserable, téméraire, empenné, fol,
malheureus, imprudent, marin, haut-volant, indiscret,
presomptueus, désobéissant, fuiard, ailé » (2). Seul Des
portes fait exception en vouant au mythe d'Icare une
attention plus détachée d'un contenu éthique et en s'ap-
pliquant à l'illustrer dans le sens de la grandeur,
3. — Les poètes français de la Renaissance ont égal
ement été tributaires de leurs prédécesseurs italiens, en
particulier de Sannazar et de Tansillo, qui ont restitué à
la légende d'Icare une certaine actualité et en ont renouvelé
la substance afin de l'approprier à la poésie. Les poètes
italiens ont ouvert la voie aux poètes français en insistant,
sur la hardiesse et la gloire de l'entreprise, associée à la
mythologie solaire et à « la métaphore de la ' mer-tom
beau », comme l'a précisé Robert Vivier : ... ,
A l'horreur antique de la démesure,' qui poussait un Ovide à
faire de ces fables des apologues sanctionnant la faute de dépasser
la borne permise à l'homme, succède une délivrance du dyna
misme refoulé jusque là dans la profondeur de l'esprit et cette
délivrance entraîne un changement d'éthique. Du fuit de s'être
déployée au risque de la vie, la témérité qui affirme l'être passe
de défaut à vertu (3).
(2) Cit. par Malcolm Smith dans son édition critique des Sonnets
pour Hélène, Genève, Droz, 1970, p. 104.
(3) Frères du ciel, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1962, p. 31. D'ICARE DANS LA POÉSIE FRANÇAISE DU XVIe SIÈCLE 263 MYTHE
tiente de rejoindre le ciel des Idées, les impulsions de Геп-
thousiasme ou de la création, poétique. , • ■ ,
Le premier des poètes de, la Renaissance française à
traiter le, thème mythique d'Icare est Mellin de Saint-
Gelais dans un sonnet servant de prologue à son Adver-
tissement sur les jugemens. d'astrologie, publié à Lyon en
*546-t. : ».» - > . -- 1 î ■•,',..,■•!!•■•'• .. ■ . •
■Ne craignez point, plume bien fortunée,
Qui vers le ciel vous allez eslevant, .
' Faire Qui trop ruine,, haussa Icarus l'aile ensuyvant, mal empennée.
• Du beau soleil ou estes destinée 1
Vous n'irez point la chaleur esprouvant ;
Mais deviendrez, sous ses rays escrivant,
De sa clarté belle et • enluminée. '
' Et si, volant parmi le grand espace,
De ses vertus quelque feu concevez,
Ja moins pourtant ne vous en eslevez.
, • Mais Ce ne bien sera feu fera qui sa brusle divine ou estincelle, desface ;
•'• . Comme > Phoenix revivre vous et elle (4).
L'écriture poétique ne doit pas imiter le vol d'Icare qui
entreprit la conquête du soleil dans des conditions incer
taines et précaires, mais doit se pénétrer des reflets de la
lumière et s'en nourrir spirituellement. Le soleil est un
foyer d'énergie duquel il est imprudent de s'approcher,
parce qu'il détruit et consume ; il vaut mieux poursuivre
la quête du feu terrestre de la résurrection. Aux périls du
feu solaire le poète oppose la flamme du phénix qui apporte
la promesse de la renaissance. Le vol horizontal dans l'e
space terrestre est plus sûr et moins ambitieux, il signifie
la permanence de la vie, tandis que l'envol vertical ne peut
se résoudre que par la chute et la mort. Le sonnet de
Saint-Gelais est centré sur le thème du vol spatial de l'écr
iture davantage que sur le destin d'Icare qui représente le
danger à éviter. Il convient toutefois de le situer dans la
relation qu'il entretient avec V Advertissement sur les juge
mens d'astrologie. Le mythe illustre, pour le poète, l'igno-
P- (4) 244- Œuvres completes, Paris, Daffis, 1873, t. I, p. 299-300 et t. III, MARC EIGELDINGER 264
rance associée aux ambitions de la connaissance et la
volonté prométhéenne d'usurper sur les pouvoirs de la
Divinité. L'astrologie prétend dérober à Dieu ses secrets
et déchiffrer les mystères qui dépassent l'entendement
humain. Il s'agit là d'une tentative qui s'expose au chât
iment divin pour avoir méconnu le sens de l'interdit et
franchi les limites de la mesure. Saint-Gelais dénonce le
danger que nous encourons
si par curiosité nous voulions ou nous enquérir trop avant des
mystères que Dieu ha reservez à luy, ou nous mesler, soubz umbre
de l'astrologie, de vanitez et superstitions pernitieuses et meri-
teement deffendues (...) Nous devenons semblables aux géantz
que les poètes faignent avoir tenté le ciel, et à Icarus qui tumba
essayant de voler, et à Salomeus qui fut fouldroyé, voulant
contrefaire Juppiter et sa fouldre (5).
Saint-Gelais n'a pas seulement vu dans la légende d'Icare
une image de l'écriture poétique, il en a pressenti la dimens
ion métaphysique, dans la mesure où elle figure le projet
téméraire d'arracher à Dieu et à l'univers une part de leur
secret (6).
Du Bellay a prêté une attention particulière au mythe
d'Icare en tant qu'il est lié à la symbolique de l'aile ou à
l'élévation du style poétique ; mais son attention s'a
ccompagne toujours d'une certaine distance à l'égard d'une
aventure qu'il juge hasardeuse. Dans sa traduction du
livre VI de L'Enéide, il s'apitoie, à la suite de Virgile, sur
le sort d'Icare qui n'a pu participera l'édification du temple
de Cumes, entreprise par Dédale après la mort de son fils.
Et tu aurois, â pauvre Icare aussi,
Une grand' part en ce grand oeuvre cy,

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