Le mythe d Orphée dans l œuvre de Gérard de Nerval - article ; n°1 ; vol.22, pg 153-168
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1970 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 153-168
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 133
Langue Français

Extrait

Professor Alison B. Fairlie
Le mythe d'Orphée dans l'œuvre de Gérard de Nerval
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1970, N°22. pp. 153-168.
Citer ce document / Cite this document :
Fairlie Alison B. Le mythe d'Orphée dans l'œuvre de Gérard de Nerval. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1970, N°22. pp. 153-168.
doi : 10.3406/caief.1970.957
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1970_num_22_1_957LE MYTHE D'ORPHÉE
DANS L'ŒUVRE DE GÉRARD DE NERVAL
Communication de MUe Alison FAIRLIE
{Cambridge)
au XXIe Congrès de V Association, le 24 juillet 1969.
C'est exprès que j'ai choisi comme titre, non pas « L'Or-
phisme de Nerval », mais « Le mythe d'Orphée chez Nerval ».
Le moindre « nettoyage de la situation verbale » suggérerait
que le terme « orphisme » risque depuis longtemps de som
brer dans le vague, de devenir un mot passe-partout indi
quant soit une inspiration surnaturelle mal définie, soit un
don lyrique qu'on admire sans l'analyser. Georges Poulet,
cité dans l'introduction du livre de Georges Cattaui, Orphisme
et prophétie chez les poètes français, 1 S 50- 1950, parle de « te
rmes fort équivoques, qui n'offrent plus qu'un sens analo
gique fort fuyant » (1). Dans une très modeste communicat
ion, consciente de grandes dettes envers bien des prédécess
eurs, je ne prétendrai ni traiter dans le détail les lectures
d'où Nerval tire sa vision d'Orphée (le Nerval : Expérience
et création de Jean Richer) (2) et les multiples ouvrages que
signalent les bibliographies de Jean Senelier et de James
Pion, 1965, p. 24.
2) Hachette, 1963. ALISON FAIRLIE 154
Villas (3) nous montrent la pleine complexité de ces questions
de « sources »), ni apporter des inédits. Je chercherai à sou
ligner deux points. D'abord que Nerval, qui transmue les
matériaux les plus hétéroclites en « sang et nourriture » per
sonnels, a toujours cherché à distinguer, avec une lucidité
en même temps humble et tranchante, d'un ton tendre ou
humoristique, entre le Mythe et la Vie. Ensuite, qu'en der
nière analyse ce qui compte pour lui, et ce qui fait la valeur
de ses œuvres pour nous, ce n'est pas simplement la portée
ou la finesse de ses aperçus sur les problèmes psychologiques,
sociologiques ou religieux que soulèvent les mythes, mais sa
maîtrise des moyens de l'expression (4).
Depuis la riche communication faite par Léon Cellier
devant cette Association même, en 1957, sur « L'Orphisme
des romantiques » (5), et depuis l'ouvrage de Mme Durry sur
Nerval et le Mythe (6), les études nervaliennes ont bénéficié
de plusieurs œuvres majeures (7). Deux tendances, d'ailleurs
complémentaires, sembleraient se discerner. Certains cri
tiques, retrouvant chez Nerval les éléments du « chamanisme »
qui intéresse les anthropologistes ou les psychanalystes, se
concentrent sur ses intuitions dans un domaine qui préoc
cupe divers chercheurs contemporains : celui du primiti
visme qui sous-tend nos structures intellectuelles ou qui y
sert de contre-point. Si Nerval fait revivre des mythes pro-
(3) Jean Senelier, Gérard de Nerval, Essai de Bibliographie, Nizet,
1959 ; Bibliographie nervalienne (1960-1967), et compléments antérieurs,
84, 219, 317. Je n'ai pu, dans une courte communication, examiner dans
le détail maints livres ou articles contenant des observations intéressantes.
(4) Les chiffres dans le texte renvoient à l'édition de la Pléiade des
Œuvres de Nerval procurée par A. Béguin et J. Richer (t. I, 4e
édition, 1966 ; t. II, 1956).
(5) Cahiers de l'Association internationale des études françaises, Numéro
10, mai 1958, p. 138-157.
(6) Marie- Jeanne Durry, Gérard de Nerval et Le Mythe, Flammarion,
1956.
(7) Parmi les récents ouvrages de longue haleine, je signale en particul
ier Gérard Schaeffer, Le Voyage en Orient de Nerval, Etude des Struct
ure*, Neuchâtel, La Baconnière, 1967 ; Kurt Scharer, Thématique de
Nerval ou le monde recomposé, Minard, 1968 ; Ross Chambers, Gérard de et la poétique du voyage, Corti, 1969 (Voir surtout p. 291-304). MYTHE D'ORPHEE DANS b' ŒUVRE DE GÉRARD DE NERVAL 155 LE
fondement enracinés dans un inconscient collectif, c'est
pourtant en homme de son siècle, en individu, et finalement
en artiste qu'il les choisit et qu'il les façonne. En second lieu,
une critique thématique nous offre des moyens d'investiga
tion qui, en regroupant certains symboles obsédants, sont
riches de conséquences. Ne tendrait-elle pas quelquefois à
mettre sur le même niveau des révélations symptomatiques
et des réussites dans le domaine de l'esthétique ?
Si, pour bien des commentateurs, le mythe d'Orphée
sous-tend toute l'œuvre de Nerval (8), nulle part pourtant
Nerval ne l'a développé de façon systématique. Ni conte,
ni sonnet, ni article où la légende d'Orphée soit « racontée ».
Technique faite simplement d'allusions et de sous-entendus.
Là où d'autres broderont sur le côté pittoresque, ou dévelop
peront le sens philosophique du mythe, Nerval, dans ses
œuvres les plus réussies, ne fera qu'insérer les quelques phrases
d'une extrême simplicité et d'une obsédante musicalité qui
évoquent la substance essentielle d'un mythe familier :
« Eurydice ! Eurydice ! Une seconde fois perdue ! » (on pense
au « nage vers ton Electre » de Baudelaire) ou :
Et j'ai deux fois vainqueur traversé Г Achéron,
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée...
A côté de cette décantation toute classique se trouvent pourt
ant, à travers l'œuvre en général, des allusions très variées (9).
Quelles sont donc les possibilités qu'offre à Nerval le mythe
d'Orphée ? quel choix a-t-il fait parmi les multiples aspects
de la légende ? et quels sont les résultats esthétiques qui
accompagnent ce choix ?
(8) J. Richer, op. cit., p. 514 ; G. Schaeffer, op. cit., pp. 10, 25, 33 ;
R. Chamber?, op. cit., p. 296.
(9) Sur certains aspects des mythes classiques chez Nerval, voir la belle
étude d'Albert S. Gérard, « Imapes, structure et thèmes dans « El Desdi-
chado », Modem Language Review, LVI 1 1, n° 4 (1963), p. 507-15, et l'ar
ticle de Norm3 Rinslfr, « Classical literature in the work of Gérard de
Nerval », Revue de Littérature Comparée, XXXVII, n° 1 (1963), p. 5-32. 156 ALISON FAIRLIE
L'apport des siècles peut évidemment suggérer différentes
tonalités. « Appel aux profondeurs » mystique ; rationalisa
tion ; parodie même. Comme Га dit Mme Eva Kushner,
bien des écrivains tâcheront d'« introduire une logique dans
le sein du mythe sans le dépoétiser » (10). Logique qui peut
porter sur des explications physiques ou psychologiques —
mythes solaires, symboles de luttes politiques, analyses de
phénomènes produits par l'influence de stimulants ou de
crises nerveuses. Au xixe siècle, mages et médecins, érudits
et écrivains sont particulièrement fascinés par ces différentes
possibilités. Nerval, lui, d'une multiplicité de parallèles,
combinant le sourire devant l'incongruité ou devant l'ill
usion avec la solennité des résonances, fera ressortir le « retour
cyclique », à travers les âges, des souffrances, des désirs et
des victoires de l'imagination humaine.
Devant les grandes lignes du mythe d'Orphée, cinq thèmes
sembleraient s'offrir. Orphée voyageur, participant à l'e
xpédition des Argonautes. Orphée amant, cherchant ou pleu
rant une Eurydice perdue. initié, fondateur de cultes
mystiques (rôle que l'érudition lui conteste vigoureusement
de nos jours). Orphée poète, dont la puissance magique exerce
un charme miraculeux sur toutes les créatures — arbres,
rochers, bêtes et oiseaux. Orphée mourant, démembré par
les Bacchantes, mais dont la tête surnagera pour chanter,
et dont la lyre, qui représenterait l'harmonie des sphères,
deviendra une constellation.
De ces cinq possibilités, la première et la dernière figurent
peu chez Nerval. La quasi-absence de la mort d'Orphée est
en elle-même révélatrice. (Je dis

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