Le temple rebelle
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Description

Surgissant de sa planète, Lillith pose ses pieds sur le sol de Chine quand le temple de Lingyin est attaqué par les barbares mongols. La jeune Wei, dont le père est prisonnier du Grand Khan, est traquée et fuit le temple où elle s’était dissimulée. Pour échapper à son cruel destin, Lillith, qu’elle rencontre sur sa route, l’entraîne dans une folle course où, à chaque instant, sa vie est en péril.
Investie d’une double mission, la première sauver Wei des griffes de l’homme qui veut la vendre comme esclave et la seconde libérer une princesse mongole prisonnière dans le harem du chef de la « Horde d’Or », Lillith joue de tous ses pouvoirs, utilisant aussi ceux de sa fidèle Satane aux ailes robotisées, capable de traverser le temps et les frontières.
Après une échappée infernale en pleine Mongolie dans les steppes sauvages et un arrêt forcé dans le désert mortel du Gobi où Wei croise la peur et l’amour, tout est remis en cause. Les plans avortent et les échecs s’accumulent. Lillith, tombée sous le charme du séduisant Marco Polo, va-t-elle pouvoir mener à bien ses missions ?

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Publié le 31 mai 2014
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Langue Français

Extrait

Résumé
Surgissant de sa planète, Lillith pose ses pieds sur le sol de Chine quand le temple de Lingyin est attaqué par les barbares mongols. La jeune Wei, dont le père est prisonnier du Grand Khan, est traquée et fuit le temple où elle s’était dissimulée. Pour échapper à son cruel destin, Lillith, qu’elle rencontre sur sa route, l’entraîne dans une folle course où, à chaque instant, sa vie est en péril. Investie d’une double mission, la première sauver Wei des griffes de l’homme qui veut la vendre comme esclave et la seconde libérer une princesse mongole prisonnière dans le harem du chef de la « Horde d’Or », Lillith joue de tous ses pouvoirs, utilisant aussi ceux de sa fidèle Satane aux ailes robotisées, capable de traverser le temps et les frontières. Après une échappée infernale en pleine Mongolie dans les steppes sauvages et un arrêt forcé dans le désert mortel du Gobi où Wei croise la peur et l’amour, tout est remis en cause. Les plans avortent et les échecs s’accumulent. Lillith, tombée sous le charme du séduisant Marco Polo, va-t-elle pouvoir mener à bien ses missions ?
Du même auteur Le Sphinx foudroyé, Lillith à la recherche des époques, Numeriklivres 2013 Les Ateliers de Dame Alix, tome 1, Numeriklivres 2013.
numeriklire.net
Jocelyne Godard
LE TEMPLE REBELLE
Lillith à la recherche des époques
ISBN : 978-2-89717-684-6
NUMERIKLIRE.NET
Les personnages
Alana, servante mongole mise au service de Li Yao Arig Boke, chef du Khanat de la Horde d’Or Bayan, grand Général de Kubilaï Khan Chabi, épouse de Kubilaï Khan Chen, Palefrenier de Li Yao Chong, moine du temple de Lingyin Hong Tagu, Capitaine de Kubilaï Khan Ingyu, grand Secrétaire de Kubilaï Khan Jade, servante de Li Wei Jiemishi, princesse, fille du roi et de la reine du Koryo Kaidu, chef du Khanat des Djaghataï Khabana, grand ministre de Kubilaï Khan Kubilaï Khan, empereur mongol installé sur le trône de Chine Li Wei, fille de Li Yao Li Huan, fils de Li Yao Li Yao, chinois lettré de la ville de Hangzhou Li Tchai, épouse de Li Yao (décédée) Marco Polo, navigateur vénitien Qasar, jeune lettré mongol de la tribu des Merkits Shi-Tsé, courtisane mise au service de Li Yao Tchou, peintre et calligraphe, ami de Li Yao Tou Kien, jeune garçon chinois, ami de Li Wei
Prologue
Surgie de la nuit des temps, Lillith est dotée du pouvoir d’explorer les époques et de traverser les siècles en franchissant les frontières, poussée par sa faculté de naviguer dans l’espace avec Satane, sa jument robotisée aux ailes articulées, que lui a donnée son maître, le Seigneur des Ténèbres. Mais Lillith est une rebelle et n’accepte aucune mission qui ne porte pas secours à celles et à ceux qui ont besoin de son aide. Sur la Planète de la Terre, elle s’y plaît, y respire, s’y trouve à l’aise. Elle y rencontre des personnages qui ont fait la Grande Histoire des Terriens et les consulte pour réussir les tâches que ses missions exigent. Ses intuitions sont fortes et ses pressentiments d’une exactitude rigoureuse. Quand elle doute de la cause qu’elle défend, elle fait intervenir ses visions qui la guident et lui expliquent ce qu’elle ne comprend pas. Lillith est de tous les temps, tous les lieux et se glisse dans la peau de tous les personnages. Au fil des dix mille ans qui la transportent, chacun de ses parcours est un apprentissage d’où elle ressort plus forte et plus habile. Magie, sortilèges, voyances, amour, suspense, divination au plus profond de l’Histoire des Époques, tout lui sert pour débrouiller les situations les plus complexes, délivrer des messages, mener des enquêtes, éclaircir des mystères dans les lointains pays où le destin la pousse.
1. La porte du temple de Lingyin
Quand Satane déposa ses sabots sur le sol, elle eut cette impression que les heures qui allaient suivre ne seraient pas de tout repos. Lillith eut le même sentiment. Si sa navigation spatiale n’avait subi aucun désagrément, son arrivée sur la Terre semblait assez agitée. Tout s’était bien passé depuis son départ, aucun arrêt, aucun retard, aucune crainte quelle qu’elle soit. Elle pouvait même féliciter Satane, sa fidèle jument, de sa parfaite descente sur le sol terrien dont elle croyait reconnaître quelques éléments déjà vus. Lillith se sentait en pleine forme. Ni dans le passage d’une galaxie à l’autre, ni dans la traversée des vents contraires, ni même dans la zone turbulente des étoiles filantes et des comètes qui percutaient parfois les petits astres nouvellement nés qui ne s’étaient pas encore habitués à la couche nocturne de la Nuit des Temps, son arrivée sur la Terre était parfaite. Pourtant, les oreilles de Satane se dressèrent. *** Le bruit des sabots d’une horde de cent cinquante chevaux se répercuta sur toute la colline jusqu’aux portes de la ville. Dans un nuage de poussière blanche mêlée à des effluves de fleurs sauvages, les soldats mongols arrivaient, l’œil plissé, la tête enturbannée et le sabre au poing. Fallait-il qu’ils fussent à ce point acharnés pour être passés plus de dix fois devant la grande porte du temple de Lingyin. Fermés à double tour, les deux pans en bois de cèdre ne cédaient ni aux cris ni aux gestes grandiloquents qu’ils déployaient en passant devant les hauts bambous occultant l’entrée du temple. Chevauchant botte à botte, tassés pour mieux faire bloc, les cavaliers de Kubilaï Khan portaient un masque de fureur sur le visage et battaient de leur petite cravache les flancs de leurs chevaux. Pourtant, dans la masse hurlante, il s’en trouvait plus d’un qui arborait un sourire déjà vainqueur, pensant que tôt ou tard le portier du temple se livrerait. Mais Chong, le moine qui observait par une faille creusée dans la roche, résistait. Les manches de sa robe écarlate se relevaient lorsque, avec de grands gestes, il faisait signe à ses compagnons de reculer. Dans la ville comme au temple – Hangzhou n’en était pas loin – certains Chinois parmi les plus vieux rassuraient les plus jeunes. Leurs yeux et leur visage animé de leur propre expérience, ils certifiaient la voix cependant étranglée que les hommes de Kubilaï Khan ne leur feraient aucun mal. — Ce sont des barbares, pourtant ! murmura un vieux moine à l’oreille de Chong. — Oh ! Il existe plusieurs sortes de barbares, répondit Chong dont la belle assurance commençait à perdre de l’éclat. Ces mêmes Chinois qui avaient assisté aux invasions de ce peuple barbare, quelque cinquante ans plus tôt dans le nord, et qui s’étaient vus refluer dans les provinces du sud, affirmaient que Kubilaï Khan procédait bien autrement que son terrible grand-père Gengis Khan. Ne cherchait-il pas à unifier le pays plutôt qu’à l’accroître ? À présent, les Mongols
étaient les maîtres d’un puissant royaume. Ils avaient même soumis la Corée, le Tibet et la Birmanie. Tous ces pays étaient leurs vassaux. Mais les vieux Chinois de Hangzhou paraissaient-ils sûrs de ce qu’ils affirmaient ? À entendre hurler la horde de ces sauvages aux portes du temple de Lingyin, rien ne pouvait garantir de leurs apaisantes paroles portant sur les bonnes intentions des Mongols. D’abord pourquoi s’acharnaient-ils après la ville de Hangzhou et pourquoi menaçaient-ils de défoncer la porte du temple de Lingyin ? Cela montrait bien leur détermination à vaincre les moines qui s’y trouvaient terrés et à les soumettre aux exigences du nouveau maître comme s’en persuadait Chong en les épiant au travers de la fente bien qu’il tentât, depuis de longues minutes, de rassurer tous les autres. D’ailleurs, aucun des moines de Lingyin ne pensait différemment de leur maître. Chong, le moine bouddhiste voyait juste. Les Mongols cherchaient à prendre Hangzhou et les autres villes du sud comme ils s’étaient emparés de toutes celles du nord à commencer par Pékin qu’ils avaient appelé Khanbalic. La ville détruite par Gengis Khan avait été rebâtie par Kubilaï qui, en fondant la dynastie des Yuan, en avait fait sa capitale. Les Chinois disaient même qu’à l’opposé de son terrible grand-père qui, toute sa vie, avait préféré les grandes chevauchées à la vie sédentaire, le petit-fils commençait à apprécier les bienfaits reposants d’une cour brillante, fastueuse et puissante que lui offrait sa nouvelle capitale. — Les monstres ! Les impies ! murmura Chong en retirant son œil de la fente rocheuse. — Tu vois ! À présent, pourquoi se leurrer ? souffla le vieux moine qui, voyant Chong commencer à perdre patience et à prendre peur, ne cachait plus sa propre frayeur. Il n’y a plus aucun doute, ils veulent s’emparer de Hangzhou et soumettre la Chine du sud comme ils ont asservi la Chine du nord. — La porte de notre temple est solide. Ils vont repartir. — Et moi, je te dis que ce sont des barbares qui cherchent à devenir les maîtres de tout notre peuple. — Devant la résistance de notre porte, ils vont repartir. La grande porte en bois de cèdre, renforcée sur les bords, ne cédait pas sous les coups des barbares qui, derrière, tentaient de l’enfoncer à coups de « han ! han ! » qui se répercutaient jusque dans la ville. Un troisième moine, plus jeune que les autres, vint se joindre aux deux premiers et, bientôt, un quatrième, puis un cinquième avant que n’arrive toute la communauté qui, regroupée, se tassait en priant Bouddha qu’il permît un miracle. *** La jeune Li Wei se rapprocha de son frère dont les yeux affolés couraient de son père à Chong. — Ne t’inquiète pas, chuchota-t-elle à son oreille, si ces barbares s’emparent de la ville, ils ne prendront pas ce temple. Li Huan sourit à sa sœur tandis que Li Yao jetait un regard rapide sur ses enfants. Il avisa la mine angoissée de son fils qui, depuis les cavalcades acharnées des cavaliers mongols devant la porte du temple, ne cessait de prier Bouddha en joignant ses mains tremblantes. Puis, se tournant vers sa fille, il vit ses yeux s’allumer d’une étrange lueur. Une étincelle qu’il connaissait bien ! Oui, c’était une étincelle où brillaient l’audace, la fougue et une intrépidité à la limite de l’effronterie qui caractérisait si bien sa cadette.
Li Yao hocha la tête en constatant une fois de plus que sa fille aurait dû naître avec l’âme et l’esprit de son fils et inversement. Cependant, à son grand regret, rien ne s’était passé de cette façon. La petite Li Wei avait hérité du fort tempérament de sa mère, hélas décédée l’année précédente. Vive, enjouée, rieuse et surtout beaucoup plus hardie qu’elle n’aurait dû l’être, les choses auraient peut-être pu se modérer si dame Li ne s’en était pas mêlée aussi énergiquement. Car, à vrai dire, tout avait commencé le jour où elle refusa de bander les pieds de sa fille, malgré les protestations de son époux. Pour des parents chinois, bander les pieds d’une fillette, c’était l’assurance de bien la marier dès son jeune âge. Cette coutume était apparue depuis que l’empereur d’une dynastie ancienne avait exigé que sa favorite se bandât les pieds pour s’assurer une démarche plus déhanchée et plus glissante. La mode fit alors fureur à la cour et s’étendit dans toutes les maisons de l’aristocratie, puis de la bourgeoisie. Il n’allait pas sans dire que les Chinois pourvus d’épouses aux pieds bandés avaient aussi trouvé le moyen de ralentir leurs activités extérieures, car ne pouvant marcher vite et librement, leurs uniques préoccupations devenaient exclusivement liées à l’intérieur de leur maison. Combien de fois Li Yao avait-il essayé de faire comprendre à son épouse que leur fille ne trouverait jamais un époux de haute condition si elle gardait de grands pieds ? Dame Li n’avait pas cédé et Li Wei qui assistait souvent à la souffrance de ses petites amies devant l’horrible torture qu’on leur infligeait levait les yeux au ciel et remerciait Bouddha. Puis plus tard, Li Wei comprit l’essentiel de ce privilège et de ce qu’il représentait. Elle ne voyait plus l’horreur du supplice auquel elle avait échappé, mais la liberté que cette mutilation manquée lui apportait. Délivrée de cette contrainte, elle s’était adonnée aux joies de l’extérieur tandis que ses compagnes allaient et venaient à petits pas précieux de la chambre de leur maison à la véranda et de la véranda au jardin. Oui ! Ce jour où Li Wei avait tout compris, rien ne l’avait arrêtée : les cavalcades à cheval, les longues courses avec Fu-Xi son bel alezan, autour du grand lac de Hangzhou et des collines qui bordaient laPagode des Six-Harmonies. Jamais à court d’idées, il lui arrivait aussi de pousser ses randonnées dans la province de Zhejiang et jusque dans celle du Jiangxi, située plus au sud là où elle ne risquait pas de rencontrer les barbares. C’est ainsi qu’au fil des jours, tout en prenant de l’âge, Li Wei se demandait si elle était vraiment Chinoise pour être si différente des autres jeunes filles. Par la force des choses, son père avait fini par se faire à l’idée qu’elle ne serait jamais prisée par un riche dignitaire dont certains occupaient encore une haute fonction à Hangzhou. Pire ! Quel homme, même de condition moyenne, accepterait comme épouse une jeune fille dont les pieds étaient restés grands ? Mais Li Wei n’en avait cure. Elle ne songeait ni à se marier, ni à plaire à un homme de cette façon. Elle préférait séduire par des exploits de courage et de témérité. Soudain, une forte détonation se produisit et le reste des moines, ceux qui n’avaient pas encore rejoint leurs compagnons près de la grande porte de cèdre qui cette fois menaçait de céder, accoururent. — Qu’est-ce qui se passe ? Où sont-ils ? — Derrière la porte, jeta Chong, ils utilisent de la poudre à canon pour la faire sauter. — Ils n’y parviendront pas, elle est trop solide, riposta le vieux moine qui accompagnait Chong depuis le début des acharnements des barbares pour la défoncer. — Bien sûr que si. Regardez, elle bouge.
— Maudite poudre à canon ! murmura Li Yao, les sabres ne leur suffisent-ils pas ! De nouveau, Chong colla son œil à la fente. En silence, il observa quelque temps le rideau des bambous qui, d’instant en instant, s’écartait davantage, étudiant au travers des troncs non pas sereinement les faits et gestes des barbares, car il semblait à Li Yao que la lèvre inférieure du moine tremblait légèrement. — Ils braquent des lanceurs de feu, murmura-t-il enfin. Ils vont incendier la porte. Li Wei vit son frère joindre ses mains et l’entendit murmurer un sutra, une prière de Bouddha, et elle reconnut celle deLa Noble Vérité quiprônait l’abandon du désir, le renoncement au plaisir et à la convoitise de toutes choses en conduisant à la non-souffrance. Certes, elle aussi connaissait les sutras. Li Wei avait su profiter de l’enseignement qu’on avait donné à son frère. De Confucius, elle n’ignorait rien ! de Bouddha, elle connaissait tout ! mais aux prières elle préférait les poèmes et les textes littéraires des grands philosophes de son temps et des temps anciens. — Reculez tous ! fit Chong aux moines qui, un par un, étaient venus s’agglutiner derrière la porte. Il les repoussa d’une main nerveuse. — Ces tubes qui propulsent la poudre vont provoquer des explosions et enflammer la porte. Fuyez ce temple, sinon ils vont vous obliger à vous soumettre. — Jamais ! crièrent les moines. Ceci dit, tous n’avaient pas jeté le cri qui ne les soumettrait pas. Mais néanmoins ils reculèrent sans discuter. — Je vous ai indiqué le chemin qu’il fallait prendre. Suivez-le très attentivement et vous serez sains et saufs. Chong se tourna vers Li Yao : — Veux-tu fuir avec eux ? — Pourquoi fuir ? s’écria Li Wei, montrons-leur que nous savons nous battre. — Ma petite fille, il n’est pas question de se battre puisqu’ils utilisent la poudre. — La poudre ! répéta Li Huan — Mais oui, répliqua sa sœur, tu sais bien cette étrange matière fine comme de la poussière, enfermée dans des tubes et qui explose dès qu’elle en sort tant elle est puissamment propulsée. Elle risque d’enflammer la porte du temple. — C’est insensé, s’écria Li Huan, effrayé à l’idée de voir brûler le temple de Lingyin qu’il connaissait depuis sa plus tendre enfance. — Hélas, que peut-on faire contre les flammes, reprit leur père la gorge serrée. Puis, hochant la tête, Li Yao se reprit et trancha : — Li Huan, mon fils, on ne peut rien faire contre le feu. Il faudrait rester là pour l’éteindre et nous ne pouvons pas. Puisque, selon ta volonté, ta sœur et moi sommes venus t’accompagner à Lingyin où tu devais commencer ta prêtrise, il est inutile que tu rentres avec nous. D’ailleurs, Hangzhou devient une ville dangereuse et nul ne sait combien de temps nous y resterons. Rien n’est plus sûr à présent. — Et Wei ! prononça faiblement Huan en tournant les yeux vers sa sœur. Yao eut un sourire résigné : — Comme toujours, Wei fera ce qu’elle a décidé, mais si notre retour se complique, je resterai avec elle. — Promets-moi de ne pas la quitter. Li Wei se jeta contre son frère et l’étreignit tendrement. — Pars tranquille et sois un bon prêtre bouddhiste. Quant à nous, ne crains rien. Elle s’écarta de lui et poursuivit l’œil malicieux :
— Car je parierai que c’est moi qui veillerai sur notre père. Derrière les murs du temple, les hurlements des barbares ne cessaient de leur parvenir aux oreilles. Chaque cri semblait un défi, une menace et Chong qui trouvait un peu longue la discussion de la famille Li les pressa : — Allons ! Tu dois partir, dépêche-toi, dit-il à Huan en lui désignant du doigt la direction que les moines venaient de prendre pour sortir du temple. — Savent-ils où ils vont ? s’enquit Yao vaguement inquiet en voyant que son fils hésitait à suivre ses compagnons. — Ils connaissent le lieu où ils se rendent et savent exactement ce qu’ils doivent faire. Tout d’abord se cacher au temple de Yue sur la colline Baoshi où les attend l’un de mes amis. De là, quand les barbares s’éloigneront, ils seront évacués sur celui de Huijisi. — Oh ! s’exclama Li Wei, je connais le temple de Huijisi. Il est au sommet du mont Bouddha. Je m’y suis arrêtée une fois pour faire boire mon cheval. — Oui ! déclara Chong. Il est accroché au sommet du rocher de Bouddha, à trois cents mètres au-dessus de la mer et pour y accéder, il faut emprunter une voie qui borde la plage. Quand la mer monte et se déchaîne, elle touche la montagne. Les Mongols sont des barbares qui craignent la mer. Ils n’iront pas dans cette direction. Il saisit son ami Li Yao par l’épaule : — Rassure-toi, ton fils restera à l’écart de tout danger. J’y veillerai personnellement. Amis de longue date, Chong et Yao se fréquentaient régulièrement. Ayant étudié ensemble à la même école au temps de leur jeunesse, l’un s’était orienté vers la religion et l’autre vers la littérature classique. Et tandis que Chong devenait moine bouddhiste, Li Yao compilait déjà plusieurs ouvrages de poésie en collaboration avec d’autres auteurs. Comme il était impossible qu’un lettré chinois ne se tournât pas vers la poésie, Yao était devenu un excellent poète qui, par le jeu de ses réflexions, tendait à traduire ses idées par un lyrisme assez convaincant. La renommée de Maître Li Yao allait jusqu’aux régions avoisinantes de Zheziang et ses connaissances en astronomie et en mathématique étaient assez étendues pour qu’elles fissent le tour des villes situées plus au nord comme celles de Nankin et même les anciennes capitales des empereurs Song telles que Xi’An et Luoyang. Et, pour conforter sa culture, Li Yao était suffisamment exercé au pinceau pour être aussi un fin calligraphe. Tout ce savoir fortement prisé par les plus hautes autorités régionales, le père en avait enseigné l’essentiel à ses deux enfants et l’on disait aux alentours que si sa fille passait son temps à galoper sur son cheval, elle ne rechignait pas sur la poésie et la calligraphie qu’elle maniait fort habilement. Certes, Li Yao regrettait que son fils ne fût pas tout à fait comme il l’aurait souhaité, manquant de caractère et d’ambition et s’il était obligé de reconnaître que sa fille était modelée à l’inverse, ce qui risquait de compliquer sa vie de femme, il restait cependant fier d’eux, car leur culture ne s’arrêtait pas à la littérature chinoise. Par leur mère, une Manchoue, ils avaient appris les dialectes du nord, ceux de la Mongolie et par leur père, sans cesse en rapport avec les poètes et les calligraphes étrangers, ils avaient appris les langues japonaise et coréenne. L’épouse de Li Yao était uneJin etcela expliquait pourquoi elle avait refusé aussi énergiquement que l’on bandât les pieds de sa fille puisque dans le nord de la Chine cette coutume n’existait pas, tout comme en Mongolie d’ailleurs. Tchai, la mère des enfants Li, était morte un an plus tôt au cours d’une de ces épidémies, qui lorsqu’elle était tenace, ravageait toute une région, s’enrayant parfois avant qu’elle ne se propage ailleurs. Cette année-là, seuls Hangzhou et ses environs avaient été
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