Les Scudéry lecteurs de l'Astrée - article ; n°1 ; vol.56, pg 397-416

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Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2004 - Volume 56 - Numéro 1 - Pages 397-416
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
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Publié le

01 janvier 2004

Nombre de lectures

63

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Anne-Élisabeth Spica
Les Scudéry lecteurs de l'Astrée
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2004, N°56. pp. 397-416.
Citer ce document / Cite this document :
Spica Anne-Élisabeth. Les Scudéry lecteurs de l'Astrée. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2004,
N°56. pp. 397-416.
doi : 10.3406/caief.2004.1552
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2004_num_56_1_1552LES SCUDÉRY LECTEURS DE L'ASTRÉE
Communication de Mme Anne-Élisabeth SPICA
(Université de Metz)
au IVe Congrès de l'Association, le 9 juillet 2003
Georges et Madeleine de Scudéry ont manifesté, au
long de leurs carrières romanesques (commune avec Ibra
him et Cyrus, séparée avec délie et Almahidé), leur souci de
s'inscrire dans un cadre poétique : ils souhaitent donner
ses lettres de noblesse à un genre que s'est approprié la
modernité littéraire, la fiction narrative en prose, en l'in
scrivant dans une filiation bien marquée, des romans hellé
nistiques à L'Astrée. Le xvne siècle les associe volontiers à
Honoré d'Urfé du point de vue de la réussite et de la nou
veauté romanesque : Charles Sorel, adversaire acharné
pourtant des « Romanistes », loue également les trois
auteurs dans sa Bibliothèque française et sa Connaissance des
bons livres, suivi par Pierre-Daniel Huet dans son Traité de
l'origine des romans. L'association est encore accréditée au
xvme siècle : en 1733 paraît une édition de L'Astrée accom
pagnée de la lettre de Huet à Madeleine du 15 décembre
1699 (1).
Les louangeuses mentions de L'Astrée aux préfaces
d'Ibrahim, de Cyrus et ď Almahidé ou celles qui apparais
sent dans les échanges épistolaires entre Mlle de Scudéry
(1) Cette « Lettre de M. Huet, à Mlle de Scudéry, touchant Honoré ďUrfé,
et Diane de Chasteaumorand » figure dès 1712 dans les Dissertations sur
diverses matières de religion et de philologie. Contenues en plusieurs Lettres écrites
par des personnes savantes de ce temps, recueillies par Monsieur l'abbé de Tilladet,
Paris, Fr. Fournier et Fr. Leonard, t. П, p. 100-24. 398 ANNE-ÉIJSABETHSPICA
et Huet (2) n'ont rien de formel, au contraire. Les allusions
prolifèrent ; on constate un identique étagement de la fi
ction ; un même projet d'« institution des mœurs » (3) en
matière de discours des passions et de modèle de sociabil
ité. Les deux premiers ensembles — le second surtout —
n'excluent pas le précédent hellénistique, que les Scudéry
lisent au prisme du romancier baroque. Le dernier, lui,
relève d'une relation d'imitation/émulation directe. L'Ast
rée telle que les Scudéry la lisent a valeur exemplaire de
texte charnière, suscitant à la fois admiration et réinven
tion. À la fondation du roman baroque français par
Urfé (4) répond la fondation d'un roman « moderne »,
assumée par les Scudéry, pour jouer en leur temps ce
qu'Honoré d'Urfé a fait dans le sien (5).
UNE CERTAINE LECTURE DE L'ASTRÉE
La préface d'Ibrahim préconise, sinon de manière origi
nale, du moins de manière efficace (6), l'importance de
(2) Rathery et Boutron, Mademoiselle de Scudéry. Sa vie et sa correspondance,
avec un choix de ses poésies [1873], Genève, Slatkine, 1971, p. 293-5.
(3) Conformément au renouveau des études scudériennes, nous affectons
une connotation positive au qualificatif d'« institutrice des mœurs », péjora
tivement conféré par Sainte-Beuve à la femme de lettres.
(4) Ce geste inaugural a souvent été analysé. Rappelons simplement à quel
point L'Astrée tranchait en 1607 sur la production romanesque de son temps,
et réinvestissait pour les renouveler aussi bien les romans de chevalerie que
les pastorales de la fin du siècle précédent, de manière à travestir les repères,
réels et fictifs, de l'horizon de lecture (voir E. Henein, Protée romancier. Les
déguisements dans L'Astrée d'Honoré d'Urfé, Fasano/Paris, Schena/Nizet,
1996), sans pour autant se laisser « réduire à l'application d'un système de
construction des romans grecs » (G. Molinié, Du roman grec au roman baroque.
Un art majeur du genre narratif en France sous Louis XIII, Toulouse, P.U. du
Mirail, 1991 (1982), p. 129). C'est bien à renouveler cette double prise en
charge, générique et culturelle, que s'attachent les deux Scudéry.
(5) La comparaison de leurs réceptions en Allemagne pourrait en être une
preuve ; voir V. Kapp, « La fortune de Madeleine de Scudéry en All
emagne », [in] Madeleine de Scudéry : une femme de lettres au xv№ siècle, éd.
D. Denis et A.-E. Spica, Arras, P.U. Artois, 2003, p. 223.
(6) G. Giorgi, « Les poétiques italiennes et françaises du roman au xvp et au
xvne siècles », [in] Perspectives de la recherche sur le genre narratif français du
xvii' siècle, Pise/Genève, ETS/Slatkine, 2000, p. 35-52 ; « Tradition et innovat
ion dans la poétique du roman de Madeleine de Scudéry », [in] Madeleine de
Scudéry : une femme de lettres au xvw siècle, op. cit., p. 19-40. SCUDÉRY ET L'ASTRÉE 399 LES
l'antécédent épique, l'intérêt de l'ouverture in médias res
empruntée aux romans grecs, la subordination du merv
eilleux à un vraisemblable qui relève de la bienséance (7).
C'est là qu'intervient la célèbre mention d'Urfé :
Ce n'est point par les choses du dehors [ . . . ] que je veux juger
d[u héros] ; c'est par les mouvemens de son ame, & par les
choses qu'il dit. [...] en cette occasion je ne propose pour
exemple, que le grand et l'incomparable Urfé. [...]: il est
fécond en inventions, et en inventions raisonnables : tout y
est merveilleux, tout y est beau : & ce qui est le plus import
ant, tout y est naturel et vray-semblable. Mais entre tant de
rares choses, celle que j'estime le plus est qu'il sçait toucher
si délicatement les passions, qu'on peut l'appeler le peintre
de l'ame. Il va chercher dans le fond des cœurs les plus
secrets sentimens : & dans la diversité des naturels qu'ils
représente, chacun trouve son portrait.
Les Scudéry retiennent de L'Astrée la composition d'un
vraisemblable issu des « inventions raisonnables », de la
« peinture de l'âme » et de la « diversité des naturels » (8).
Ils placent au centre de la fabrique un héros susceptible
d'une noble identification. C'est de lui que dépend le plai
sir de la lecture, lié moins à l'accumulation de prouesses
aussi étonnantes qu'admirables — les Scudéry ont bien
(7) C. Rizza, « Georges de Scudéry et Le Tasse », [in] Les Trois Scudéry, Actes
du colloque du Havre, éd. A. Niderst, Paris, Klincksieck, 1993, p. 153.
(8) « Souvenez-vous s'il vous plaist, qu'un Roman doit avoir des images de
tous les naturels ; que cette diversité fait ses beautez, et le plaisir du lecteur »
(fin de la Préface d'Ibrahim). Cet éloge de la diversité apprise de L'Astrée
anticipe de vingt ans celui de Sorel, et c'est bien la grande leçon que l'on
retient du roman, cet « ouvrage agréable où il y a tant d'Histoires détachées
de différentes espèces qui viennent à propos au sujet, qu'on peut dire que
l'autheur y a introduit de toutes les manières d'aventures qui se pouvoient
imaginer, et que c'est un roman qui contient plusieurs autres romans, lequel
d'ailleurs est recommandable en ce que l'on y voit rien autre chose que les
effets d'une affection légitime. [...] D'autant doit-on plus estimer la lecture
de celuy d'Astrée, qu'on y voit de bonnes instructions sur diverses occur
rences, avec quantité de discours où la doctrine est jointe à la beauté et à
l'agrément, pour en former des conversations les plus utiles du monde » (De
la Connaissance des bons livres, Paris, Pralard, 1671, p. 153-5). 400 ANNE-ÉUSABETHSPICA
mesuré le semi-échec du roman héroïque (9) — qu'à la
reconnaissance d'une même appréhension sensible du
monde et de ses codes, cette communauté des cœurs ser
vant d'index au vraisemblable :
Theagene et Cariclée ont eu

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