Malraux à la recherche d un roman : « Le Temps du mépris » - article ; n°1 ; vol.33, pg 203-217
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1981 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 203-217
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 51
Langue Français

Extrait

Walter G. Langlois
Malraux à la recherche d'un roman : « Le Temps du mépris »
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1981, N°33. pp. 203-217.
Citer ce document / Cite this document :
Langlois Walter G. Malraux à la recherche d'un roman : « Le Temps du mépris ». In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 1981, N°33. pp. 203-217.
doi : 10.3406/caief.1981.1909
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1981_num_33_1_1909MALRAUX A LA RECHERCHE D'UN ROMAN
« LE TEMPS DU MEPRIS »
Communication de M. Walter G. LANGLOIS
(Univesity of Wyoming)
au XXXIIe Congrès de l'Association, le 23 juillet 1980.
Parlant une fois avec un journaliste de son roman, Le
Temps du mépris, André Malraux le jugea sévèrement :
« C'est un navet », dit-il (1). En fait, l'auteur avait si peu
d'estime pour cette œuvre qu'il s'opposa toujours à son tirage
en édition ordinaire, ainsi qu'à sa publication avec ses autres
romans dans la collection de la Pléiade. On sait qu'il eut beau
coup de mal à écrire ce texte, et qu'il continua de le remanier
jusqu'aux dernières épreuves (2). Quand le roman parut au
printemps de 1935, la réaction des lecteurs fut mêlée. Un cer
tain nombre de critiques — surtout ceux de la gauche —
avaient tendance à négliger ses valeurs purement littéraires
pour le saluer comme une accusation puissante contre le dan
ger fasciste qui montait partout en Europe. Les conservateurs,
eux, considérèrent ce récit des expériences d'un chef commun
iste allemand emprisonné par les Nazis comme un pamphlet
polémique plutôt qu'une véritable création littéraire. Même
ceux qui voulaient juger l'œuvre sans préjugé idéologique
(1) Roger Stéphane, Fin d'une jeunesse (Paris, La Table ronde, 1954),
p. 51.
(2) W.M. Frohock, André Malraux and the Tragic Imagination (Stan
ford, Cal., Stanford University Press, 1952), p. 8. 204 M. WALTER G. LANGLOIS
étaient obligés de constater que Le Temps du mépris était écrit
« comme s'il avait été fait sur commande » pour des raisons
d'ordre politique (3).
Après la fin de la deuxième guerre mondiale, les critiques
portèrent un jugement plus impartial sur l'ensemble de l'œu
vre romanesque de Malraux, mais en ce qui concerne Le
Temps du mépris, tous jusqu'à un certain point partagèrent
l'opinion de Malraux sur son peu de mérite, et on le négligea.
Nous voudrions combler un peu cette lacune en éclaircissant
les circonstances historiques et personnelles qui jouèrent un
rôle dans la création de ce texte et qui lui donnent une réso
nance particulière. Ensuite, nous comparerons une des scènes
les plus frappantes du roman — celle où deux prisonniers se
lient à travers le mur entre leurs cellules — avec la même
scène qui se trouve dans une œuvre allemande dont Malraux
s'inspira directement pour son récit. Enfin, nous essaierons
de tirer quelques conclusions concernant la valeur de ce
« navet », non pas tant comme roman, mais comme document
d'histoire littéraire et de biographie.
Pour mieux comprendre la place que tient Le Temps du
mépris dans l'œuvre de Malraux romancier, il faut remonter
dix années avant sa composition, c'est-à-dire jusqu'à la pério
de de son séjour en Indochine entre 1924 et 1926. Pendant
ces deux ans, le jeune homme vit de très près — d'abord au
Cambodge et ensuite en Cochinchine — les injustices subies
par les indigènes sous le régime autoritaire des colons fran
çais. Comme nous l'avons suggéré ailleurs, cette expérience
le bouleversa (4). On peut aller jusqu'à dire qu'elle changea
l'orientation de sa vie et le caractère de son œuvre littéraire.
Lui-même en parla à plusieurs reprises après son retour en
Europe. En 1929, par exemple, pendant une discussion à
propos de certains éléments prétendus « révolutionnaires » de
(3) Marius Renard, « Le Temps du mépris », La Revue de France,
juillet 1935, p. 123.
(4) Voir le dernier chapitre de notre André Malraux : L'aventure indo
chinoise (Paris, Mercure de France, 1967). MALRAUX A LA RECHERCHE D'UN ROMAN 205
son premier roman, Les Conquérants, il formule une observa
tion nettement autobiographique et directement liée à sa lutte
contre le colonialisme français en Indochine :
Le révolutionnaire naît pour moi d'une résistance. Qu'un
homme prenne conscience de certaines injustices ou de certaines
irrégularités, qu'il prenne conscience d'une souffrance intense,
cela ne suffira jamais à faire de lui un révolutionnaire. En
face d'une souffrance, il pourra devenir chrétien, il pourra
aspirer à la sainteté, découvrir la charité ; il ne deviendra
pas un révolutionnaire. Pour cela, il faut qu'au moment où il
voudra intervenir en faveur de cette souffrance, il se heurte
à une résistance (5).
La « résistance » dont parlait le jeune homme dans ce
texte, c'était évidemment l'opposition à toute réforme sociale
de la part de ceux qui contrôlèrent la colonie.
Cet élément de l'expérience indochinoise de Malraux resta
toujours très présent dans son esprit, et quelques années après,
en 1934, dans un entretien avec un journaliste russe, il y
revint : « L'aversion pour la guerre impérialiste et la connais
sance personnelle des « droits » de la bourgeoisie française
« éclairée » en Indochine ont été, en réalité, les raisons pro
fondes qui ont fait de moi un écrivain révolutionnaire », dit-il,
soulignant ainsi une des bases de son attitude anti-bourgeoise
et antifasciste (6). Trois ans plus tard, au printemps de 1937,
il expliqua de nouveau — cette fois-ci à une journaliste amér
icaine — à quel point lui, jeune Français élevé dans les tra
ditions du républicanisme de 1789, avait été horrifié par la
façon dont les colons européens de l'Indochine traitaient les
indigènes : « C'est important, cette déception en Indochine »,
dit-il. « II faut aller dans les colonies pour connaître la mani-
(5) Son discours, publié dans le numéro du 15 octobre 1929 de la
revue belge Variétés, est repris par Le Magazine littéraire, n° 11 (octobre
1967), pp. 28-31, sous le titre « Révolte et révolution ». Nous citons
d'après cette dernière source, p. 28. C'est Malraux qui souligne.
(6) E. Rovich : « Conversation avec André Malraux », traduit de
Literatoumaïa Gazeta, Moscou 16 juin 1934, par Hélène Reshetar, dans
André Malraux 1 : Du « farfelu » aux Antimémoires (Paris, Les Lettres
modernes, 1972), p. 137. M. WALTER G. LANGLOIS 206
festation extrême de tout ce qui n'est pas acceptable dans le
capitalisme. Si un pays est fasciste, bon ; vous vous attendez
au fascisme dans ses colonies. Mais la France est une démoc
ratie, et quand je suis arrivé aux colonies je me trouvais en
face d'un fascisme : l'abus et l'exploitation les plus coupables
des peuples coloniaux » (7).
Il semble donc clair que ce fut surtout l'expérience de Mal
raux en Indochine qui le poussa — dans les années qui sui
virent son retour en France — à prendre une position poli
tique anti-bourgeoise, donc antifasciste, de plus en plus mili
tante. C'est ainsi qu'il se trouva allié de plus en plus étroit
ement à la seule force qu'il croyait vraiment efficace contre le
fascisme : le communisme (8). Au fond, cet engagement anti
fasciste est un des éléments de ce que l'on pourrait appeler
le message politique de son premier roman, Les Conquérants.
En 1930, Malraux publia sa deuxième œuvre romanesque,
La Voie royale. A première vue, ce texte — une espèce de
« roman d'aventures, héritage du xixe siècle » (9) — est assez
différent des Conquérants. Pourtant on y voit une certaine
préoccupation métaphysique de la part de l'auteur, un effort
— comme il le dit — pour « traduire à travers un thème d'une
extrême violence, la solitude fondamentale de l'homme de
vant la mort » (10). De plus, ce roman est lié à celui qui le
précédait par sa portée politique, dans le sens le plus large
du mot. C'est Malraux lui-m

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