Pierre et le petit caillou
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Description

"Tu as bien dormi?"
Je regarde Pierre depuis un moment. Nos cafés fument
dans nos tasses. Il est 8h17.
Pierre ne m'a pas encore adressé la parole et fait une drôle de tête.
Je suis venue passer quelques jours de vacances dans
sa jolie maison, dans sa jolie campagne, au milieu de
son joli champ. Par la fenêtre, je regarde les larmes de pré vert
scintiller sous les rayons du soleil.
C'est la première fois que je le vois si absorbé dans ses pensées,
silencieux, l'air renfrogné.
"Je n'ai pas beaucoup dormi" me répond t’il. Ce satané
caillou ne m'en a pas laissé le loisir. Tu vas me
prendre pour un illuminé, je ne t'en ai jamais parlé
et je ne sais pas trop par où commencer....
« J'ai hérité d'un caillou à la mort de mon père, un caillou
un peu encombrant, qui fait des siennes et parle quand
bon lui semble. Et quand il parle, je m'exécute, comme
tous les hommes avant moi.
Mon arrière grand père l'a découvert au bord d'une rivière. Il était
venu réfléchir au bord de l'eau, s’interrogeait sur ce qu'il
allait faire de sa vie, quel chemin il allait prendre
et le caillou lui a répondu!
A chaque fois que quelqu'un se pose sincèrement cette
question, il l'entend et me demande d'aller donner sa
réponse. Mon père l'a fait, mon grand père également.
Aujourd'hui c'est à mon tour....
C'est toi maintenant qui ne parle plus!!, j'aurais mieux fait de me
taire!"
Je ne dis rien.
Je ne regarde plus Pierre de la même façon.
Je me dis que je le connais mal, peu, très peu en
définitive ...

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Publié par
Publié le 18 mai 2011
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Langue Français

Extrait

"Tu as bien dormi?"
Je regarde Pierre depuis un moment. Nos cafés fument dans nos tasses. Il est 8h17.
Pierre ne m'a pas encore adressé la parole et fait une drôle de tête.
Je suis venue passer quelques jours de vacances dans sa jolie maison, dans sa jolie campagne, au milieu de son joli champ. Par la fenêtre, je regarde les larmes de pré vert scintiller sous les rayons du soleil.
C'est la première fois que je le vois si absorbé dans ses pensées, silencieux, l'air renfrogné. "Je n'ai pas beaucoup dormi" me répond t’il. Ce satané caillou ne m'en a pas laissé le loisir. Tu vas me prendre pour un illuminé, je ne t'en ai jamais parlé et je ne sais pas trop par où commencer....
« J'ai hérité d'un caillou à la mort de mon père, un caillou un peu encombrant, qui fait des siennes et parle quand bon lui semble. Et quand il parle, je m'exécute, comme tous les hommes avant moi.
Mon arrière grand père l'a découvert au bord d'une rivière. Il était venu réfléchir au bord de l'eau, s’interrogeait sur ce qu'il allait faire de sa vie, quel chemin il allait prendre et le caillou lui a répondu!
A chaque fois que quelqu'un se pose sincèrement cette question, il l'entend et me demande d'aller donner sa réponse. Mon père l'a fait, mon grand père également. Aujourd'hui c'est à mon tour....
C'est toi maintenant qui ne parle plus!!, j'aurais mieux fait de me taire!"
Je ne dis rien. Je ne regarde plus Pierre de la même façon.
Je me dis que je le connais mal, peu, très peu en définitive.
"Je dois me rendre au village" ajoute t'il, "tu veux m'accompagner? Ma pépite m'a tenu éveillé toute la nuit pour me raconter qu'un jeune garçon de 18 ans avait besoin que j'aille lui parler. Je suis porte parole, porte parole d'un caillou qui parle. Il n'aime pas qu'on le promène, j'ai déjà essayé. Je lui ai dis d'aller lui même porter ses messages mais il m'a répondu: "qui me prendrait au sérieux? Qui croirait un caillou qui parle? Ou à l'inverse, je serai recherché, convoité, exploité. Non, non, ici on
me soigne. C'est à toi d'aller parler aux êtres qui te ressemblent."
"Alors il me parle et je délivre son message en mots propres. Je pensais qu'il ne me ferait pas bosser parce que tu es là mais il a entendu la question de ce jeune garçon et voilà. J'ai la permission du petit déjeuner, après je file. Tu viens?"
Je ne sais plus où je suis ni ce que je dois en penser mais oui, je viens ,sans me poser trop de questions. Je demande tout de même à Pierre si je peux voir le caillou.
Il m'emmène dans le bureau et me montre posé sur la table près de la lampe, un petit caillou blanc. Tout à fait normal, banal comme caillou. Je le regarde, je n'ose pas le toucher, encore moins lui parler.
Je parle à voix basse comme dans les églises.
"Si je lui pose une question, il va me répondre?"
"Tu veux le vexer ? », me répond Pierre, "Ce n'est pas une boule de cristal, ni un jeu de tarot, vraiment!! pour qui tu le prends? De toute façon il ne parle qu'aux hommes. Il ne t'a pas choisi. Toi, au moins, tu peux dormir."
Je suis un peu vexée, un peu déçue aussi.
Je regarde ce petit caillou à qui je voudrais poser tant de questions.
Nous quittons la pièce.
Nous quittons café, maison, croissants chauds et larmes de pré vert.
Nous montons dans la 2CV rouge, direction le village.
Pierre arrête "Juliette", sa 2CV, devant la maison du charcutier.
Devant la porte il fait chanter la cloche.
Un jeune garçon nous ouvre.
Pierre lui demande si nous pouvons lui parler quelques instants. Le jeune homme accepte.
"Voilà, ce que j'ai à vous dire va vous paraitre surprenant, en plus je ne suis pas d'humeur, j'ai mal dormi, alors je vous dis ce que j'ai à vous dire après vous en faites ce que vous voulez mais ne me demandez pas pourquoi, ni comment. Pour faire court et en résumé, vous avez toutes les qualités pour être un excellent photographe. Vous allez devenir un très grand photographe, vous avez un style, une sensibilité particulière mais pour cela bien sûr il faudra vous
opposer à votre père et à ses préjugés, » Drogue, milieu d'artistes ,fainéants, tapettes etc... », quitter le village et monter à Paris. Oui, votre père rêvait que vous repreniez la succession, "Chez Pichon, charcutier de père en fils depuis 1958." Ecoutez, écoutez ce que vous êtes, vous êtes né pour être photographe, votre vie est là, entre vos mains. Voilà, je crois que je vous ai tout dit. Bonne chance, bon courage et au revoir."
Le jeune homme reste abasourdi, les bras ballants. Un léger sourire se dessine sur son visage.
Pierre se raccompagne seul jusqu'au portail. Il revient me chercher pas la main car je reste là sans bouger.
"Juliette" nous ramène. Elle a l'air très contente de sa promenade matinale.
Pierre ne dit rien. J'ouvre enfin la bouche.
"Tu sais je me demande s'il a fait le bon choix ton petit caillou. Il n'y a que des garçons dans ta famille, tu ne crois pas qu'une fille....."
Juliasmile1 6juin 2007
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