Henri Cazalis Devant la Mélencolia d’Albert Durer Le Parnasse contemporain : Recueil de vers nouveaux, Alphonse Lemerre (Slatkine Reprints), 1866 (1971) (pp. 283-283).
DEVANT LA MÉLENCOLIA D’ALBERT DURER
La Mélencolia se tient sur une pierre, Le visage en sa main, cependant que le soir, Triste, comme elle, étend son ombre sur la terre Et qu’au loin le soleil s’éteint dans un ciel noir.
Que bâtit-on près d’elle ? Est-ce un grand monastère Pour une foi qui meurt, ou bien quelque manoir Dont les canons un jour feront de la poussière ? — Le soleil, lentement, s’éteint dans le ciel noir. —
La Mélencolia, songeant à ce mystère, Qui fait que tout ici s’en retourne au néant, Et qu’il n’est nulle part de ferme monument,
Et que partout nos pieds heurtent un cimetière Se dit : Oh ! puisque tout se doit anéantir, Que sert donc de créer sans fin et de bâtir ?…