La Morte embaumée
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Description

Maurice Rollinat — Les NévrosesLa Morte embauméeÀ Joseph Carriès. Pour arracher la morte aussi belle qu’un ange Aux atroces baisers du ver,Je la fis embaumer dans un boîte étrange. C’était par une nuit d’hiver :On ...

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Langue Français

Extrait

À Joseph Carriès.
Maurice RollinatLes Névroses
La Morte embaumée
Pour arracher la morte aussi belle qu’un ange  Auxatroces baisers du ver, Je la fis embaumer dans un boîte étrange.  C’étaitpar une nuit d’hiver :
On sortit de ce corps glacé, roide et livide,  Sespauvres organes défunts, Et dans ce ventre ouvert aussi saignant que vide  Onversa d’onctueux parfums,
Du chlore, du goudron et de la chaux en poudre ;  Etquand il en fut tout rempli, Une aiguille d’argent réussit à le coudre  Sansque la peau fit un seul pli.
On remplaça ses yeux où la grande nature  Avaitmis l’azur de ses ciels Et qu’aurait dévorés l’infecte pourriture,  Pardes yeux bleus artificiels.
L’apothicaire, avec une certaine gomme,  Parvintà la pétrifier ; Et quand il eut glapi, gai, puant le rogomme :  «Ça ne peut se putréfier !
« J’en réponds. Vous serez troué comme un vieil arbre  «Par les reptiles du tombeau, « Avant que l’embaumée, aussi dure qu’un marbre,  «Ait perdu le moindre lambeau ! »
Alors seul, je peignis ses lèvres violettes  Avecl'essence du carmin, Je couvris de bijoux, d'anneaux et d’amulettes  Soncou svelte et sa frêle main.
J’entrouvris sa paupière et je fermai sa bouche  Pleinede stupeur et d’effroi ; Et, grave, j’attachai sa petite babouche  Àson pauvre petit pied froid.
J’enveloppai le corps d’un suaire de gaze,  Jedénouai ses longs cheveux, Et tombant à genoux je passai de l’extase  Audélire atroce et nerveux.
Puis, dans un paroxysme intense de névroses  Pesantescomme un plomb fatal, Hagard, je l’étendis sur un long tas de roses  Dansune bière de cristal.
L’odeur cadavérique avait fui de la chambre,  Etsur les ors et les velours Des souffles de benjoin, de vétyver et d’ambre  Planaientchauds, énervants et lourds.
Et je la regardais, la très chère momie :  Etressuscitant sa beauté, J’osais me figurer qu’elle était endormie  Dansles bras de la volupté.
Et dans un caveau frais où conduisent des rampes  Demarbre noir et d’or massif, Pour jamais, aux lueurs sépulcrales des lampes,  Au-dessousd’un crâne pensif,
La morte en son cercueil transparent et splendide,  Narguantla putréfaction, Dort, intacte et sereine, amoureuse et candide,  Devantma stupéfaction.
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