Renée Vivien
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Description

Trop.
Renée Vivien est trop: trop décadente, trop romantique, trop crépusculaire, trop languide, trop Mallarmé et Lautréamont. Trop d'amours féminines et de boudoirs parfumés: trop de Liane de Pougy et d'Emilienne d'Alençon, consolations et perversités d'une bourgeoisie corsetée, sur le qui-vive, pressentant les bouleversements sociaux qui n'allaient pas tarder à se produire avec la Grande Guerre.

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Publié le 04 mai 2015
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

Renée Vivien, ou de l'inaccessible perfection.
J'écoute en rêvant... La fraîcheur de ta voix
Coule, comme l'eau du verger sur la mousse,
Et vient apaiser mes douleurs d'autrefois,
Vierge à la voix douce.
Sapho.
Trop.
Renée Vivien est trop: trop décadente, trop romantique, trop crépusculaire, trop
languide, trop Mallarmé et Lautréamont. Trop d'amours féminines et de boudoirs
parfumés: trop de Liane de Pougy et d'Emilienne d'Alençon, consolations et
perversités d'une bourgeoisie corsetée, sur le qui-vive, pressentant les
bouleversements sociaux qui n'allaient pas tarder à se produire avec la Grande
Guerre.
Trop 1900 en fait...
«…. et j'affrontais, chez Renée, l'air, qui comme une eau épaisse, retardait mes
pas, l'odeur de l'encens, des fleurs, des pommes bletties. C'est peu dire que j'y
suffoquais d'obscurité. » Colette, Le Pur et l'Impur, livre de Poche, p 93.
Et pourtant....quand on découvre Renée au détour d'une page, d'une citation, d'un
poème, quand on la lit par petite touches, au tournant d'un recueil, d'une traduction
aussi belle qu'infidèle, on la reconnaît immédiatement comme une petite sœur, une
femme qui lutta pour exister, pour faire œuvre.
Une solitaire, retranchée dans son orgueil de timide, ses exigences contradictoires,
une affamée de culture, de connaissances. Il faudra lui ôter ses chapeaux trop
grands, ses voilettes et ses gants si l'on veut comprendre cette femme double, triple
même. Toujours riante, enfantine presque, selon Colette, si grave, si mélancolique
dans ses oeuvres:
« Il n'est pas un trait de ce jeune visage qui ne me soit présent. Tout y disait
l'enfance, la malice, la propension à rire. Où chercher entre la chevelure blonde
et la tendre fossette du menton effacé et faible, un pli qui ne fût point riant, le
gîte de la tragique tristesse qui rythme les vers de Renée Vivien ?...» Colette,
ibidem, P 89
J'ai rencontré Renée Vivien il y a longtemps: mince ombre fragile, elle apparaissait,
au sens premier d'apparition, chez Colette. Qui était-elle ? Que faisait-elle dans la vie
de Colette à ce moment ( c'est la période Willy ou peu après sans doute ) et je me
méfiais des rencontres que Colette faisait à cette époque. Dans mes souvenirs je la
confondais avec la silhouette menue d'Hélène Picard, autre vraie et sincère amie
poétesse aussi de Colette, dont je parlerai peut-être dans quelques temps.
Il faut donc se plonger dans un des chapitres du livre intitulé « Le Pur et l'Impur » publié en 1932 mais qui se rapporte principalement à ses années de vie parisienne
avant la Grande Guerre.
Colette eut quelques amitiés féminines solides et sans équivoque: Marguerite Moreno
par exemple.
Mais quel sentiment portait-elle à Renée ? Un sentiment qu'elle nomme amitié mais
qui me semble assez loin de ce lien particulier: le regard narquois, condescendant,
même cruel qu'elle porte à Renée dans le « Pur et l'Impur » côtoie paradoxalement
une grande finesse d'analyse à son habitude, mais aussi je crois de la compassion.
Peut-on avoir de la compassion pour un/e ami/e ? Je ne parle pas d'une compassion
temporaire dans un moment singulier, non il s'agit ici d'une compassion générale sur
ce qu'était Renée. De la compassion et finalement une fois que Colette pense avoir
percé le secret de Renée de la pitié.
Colette ne se permet de pas de juger l'écrivain dont elle reconnaît la valeur. Elle épie,
scrute la femme, la personne, pas la poétesse. En fait leur «amitié » fut courte,
semée des enfantillages de Renée et peut-être Colette ne put-elle s'empêcher de se
prendre aux éclats de la personnalité de la poétesse. Mais une amitié vraie j'en
doute ? Une attirance sans doute, de la curiosité peut-être.
Des années plus tard, j'avais oubliée Renée, comme tout le monde d'ailleurs, mais
préparant un article sur la poétesse Sappho, immanquablement, je ne pouvais que
retrouver sa belle traduction- adaptation de ses vers.
Renée Vivien a fait irruption dans mon univers littéraire et j'ai acheté ses œuvres
complètes publiée dans les années 80 chez Régine Desforges ( cela situait la
poétesse bien évidemment ) et présentées par JP Goujon. Puisque Renée est restée
longtemps classée comme poétesse homosexuelle.
Dans mon désir angoissé de tout savoir, de tout connaître, j'ai commencé par la
première page, le premier poème et j'espérais tout dévorer.
Impossible: René vous étouffe rapidement, comme un de ces serpents des forêts
amazoniennes. Ses vers vous enveloppent, vous enserrent et vous asphyxient. Il m'a
fallu stopper la lecture totalisante, et j'ai opté pour le « à sauts et à gambades » cher
à Montaigne. Il faut musarder, picorer, choisir, abandonner, reprendre les textes.
Vivien ne se lit pas, elle se découvre et se dérobe, elle vous fatigue et vous attire.
Vivien, il faut en faire un usage homéopathique et je vous assure vous en tirerez
toute la substantifique moelle. Vous comprendrez qu'elle est une poétesse importante
au carrefour du classicisme grec antique, italien renaissant, baudelairien et même
rimbaldien.
Même si Colette cruellement dit d'elle qu'elle est venue trop tard, après Baudelaire,
que les temps étaient passés, c'est déjà placer très haut son œuvre: « Renée Vivien
trahit sa qualité d'étrangère – c'est à dire l'assimilation ralentie des chefs
d'œuvre français- en n'exsudant son baudelairisme qu'entre les années 1900 et
1909. C'était pour nous autres un peu trop tard ». Colette, ibidem P 102. Une vie d'exil, une vie en exil:
La vie de Renée apparaît comme un exil permanent: une errance entre le passé et le
présent, l'idéal et le réel, la perfection et la matière, les exigences et les faiblesses, les
fréquentations les plus hautes et les plus vulgaires.
Pour cette raison, elle y a brûlé et son âme et sa santé mais pendant sa courte vie
comment fit-elle pour concilier ses antagonismes intérieurs ? Il est d'usage de penser
qu'un écrivain tire de sa propre expérience l'inspiration de ses œuvres.
Qu'en-t-il de Renée Vivien?
Elle est née Pauline Tarn, de père anglais et de mère américaine, en 1877. Ses
parents dotés d'une fortune solide vivent en France, à Paris. La jeune Pauline est
donc élevée dans la culture française: elle parle français, elle lit en français, elle joue
dans les jardins publics parisiens, elle va dans une école française. Ses amies sont
françaises aussi. Le français est donc pour elle la porte d'entrée vers la connaissance,
vers les autres cultures et les autres langues. Même si elle est naturellement bilingue,
jamais elle ne se permettra dans ses textes ces boiteries du langage, ces snobismes
qui laissent transparaître l'étranger maniant presque parfaitement une autre langue
mais qui tient à le faire remarquer.
Car l'Angleterre et l'anglais représentent pour elle l'exil, la solitude, la noirceur et
l'ennui: après la mort de son père, Pauline est contrainte de vivre à Londres en raison
de ses conflits avec sa mère. L'adolescente, très vite, très tôt, se révolte contre les
injustices qui lui sont faites par, justement, celle qui devrait prendre soin d'elle: sa
mère. Elle se rebelle, écrit, porte plainte, dénonce ses agissements qui visent à la
spolier. Madame Tarn à la suite d''une fugue de plusieurs jours dans les rues de
Londres, tentera même de la faire interner.
Mais Pauline sera alors soumise à la volonté de son tuteur: elle est contrainte de
quitter Paris pour être mieux protégée de sa mère.
Les séjours à Londres la plongent dans une solitude et un ennui mortel interrompus
seulement pendant les étés où elle peut voyager en Europe: Italie, les Pyrénées...
Regrette-t-elle alors de s'être plainte de l'indifférence de sa mère et de la spoliation
dont elle est victime ? Quel peut-être le poids, l'influence de ces affrontements entre
la mère et la fille qui se poursuivront tout au long de la vie de Pauline, devenue
Renée.
Pauline adolescente est une jeune femme exilée: de son enfance, du pays qu'elle
aime, des gens qu'elle aime. Privée par la mort, de l'amour paternel, elle est
également exilée aussi de l'amour maternel. Madame Tarn voyage, a des liaisons
comme on dit à cette époque.
En revanche, Renée choisit volontairement sa langue d'écrivain, le français, et nul ne
peut soupçonner en la lisant qu'elle n'e

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