Prince de ligne lettres marquise de coigny
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Extrait

Charles-Joseph, prince de Ligne
(1735  1814)
LETTRES À LA MARQUISE DE COIGNY
Orthographe originale (1787)
Table des matières
Lettre première ........................................................................ 3
Lettre II .................................................................................... 6
Lettre III ................................................................................... 8
Lettre IV .................................................................................. 12
Lettre V .................................................................................... 17
Lettre VI ................................................................................. 26
Lettre VII ................................................................................ 29
Lettre VIII................................................................................ 31
Lettre IX ................................................................................. 34
Chronologie ............................................................................ 36
À propos de cette édition électronique .................................. 40
Quo res cumque cadunt, semper stat Linea recta
Lettre première
De Kiovie. Savez-vous pourquoi je vous regrette, madame la marquise ? Cest que vous nêtes pas une femme comme une autre et que je ne suis pas un homme comme un autre : car je vous apprécie mieux que ceux qui vous entourent. Et savez-vous pourquoi vous nêtes pas une femme comme une autre ? cest que vous êtes bonne, quoique bien des gens ne le croient pas. Cest que vous êtes simple, quoique vous fassiez toujours de lesprit, ou plutôt que vous le trouviez tout fait. Cest votre langue : on ne peut pas dire que lesprit est dans vous, mais vous êtes dans lesprit. Vous ne courez pas après lépigramme, cest elle qui vient vous chercher. Vous serez dans cinquante ans une Mme Du Deffant pour le piquant, une Mme Geoffrin pour la raison, et une maréchale De Mirepoix pour le goût. à vingt ans vous possédez le résultat des trois siècles qui composent lâge de ces dames. Vous avez la grâce des élégantes, sans en avoir pris létat. Vous êtes supérieure, sans alarmer personne que les sots. Il y a déjà autant de grands mots de vous à citer que de bons mots. Ne point prendre damans, parce que ce seroit abdiquer, est une des idées les plus profondes et les plus neuves. Vous êtes plus embarrassée quembarrassante ; et, quand lembarras vous saisit, un certain petit murmure rapide et abondant lannonce le plus drôlement du monde : comme ceux qui ont peur des voleurs chantent dans la rue. Vous êtes la plus aimable femme et le plus joli garçon, et enfin ce que je regrette le plus. Ah, bon dieu ! Quel train ! Quel tapage ! Que de diamans, dor, de plaques et de cordons, sans compter le saint-esprit ! Que de chaînes, de rubans, de turbans et de bonnets rouges, fourrés ou pointus ! Ceux-ci appartiennent à des petits magots qui remuent la tête comme ceux de votre cheminée, et qui ont le nez et les yeux de la Chine. Ils sappellent des lesghis, et sont venus en députation, ainsi que plusieurs autres sujets, des frontières de la grande muraille de cet empire chinois et de celui de Perse et de Byzance. Cest un peu plus
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imposant que quelques députés du parlement ou des états dune petite ville, qui viennent de vingt lieues, par le coche, à Versailles, pour faire une sotte représentation. Louis XIV auroit été jaloux de sa sur Catherine II, ou il lauroit épousée pour avoir tout au moins un beau lever. Les fils des rois du Caucase, dHéraclius, par exemple, qui sont ici, lui auroient fait plus de plaisir que cinq ou six vieux chevaliers de saint-Louis. Vingt archevêques, quoiquun peu malpropres, avec des barbes presque jusquaux genoux, sont plus pittoresques que le petit collet dun aumônier du roi. Lescorte douhlans dun grand seigneur polonois, qui va voir son voisin à une demi-lieue de chez lui, a meilleur air que les hoquetons à cheval qui précèdent le triste carrosse et les six rosses dun homme à rabat et à grande perruque ; et les sabres étincelans, avec des poignées en pierreries, sont plus imposans que les gaules blanches des grands officiers du roi dAngleterre. Limpératrice ma reçu comme si, au lieu de six ans, je ne lavois quittée quil y a six jours. Elle ma rappelé mille choses dont les souverains seuls peuvent se ressouvenir, car ils ont tous de la mémoire. Il y en a ici pour tout le monde, pour tous les genres : grande et petite politique ; grandes et petites intrigues ; grande et petite Pologne. Quelques fameux de ce pays-là, qui se trompent, que lon trompe ou qui en trompent dautres, tous fort aimables, moins cependant que leurs femmes, veulent être sûrs que limpératrice ne sait pas quils lont insultée dans les aboiemens de la dernière diète. Ils cherchent un regard du prince Potemkin, difficile à rencontrer, car le prince tient du borgne et du louche. Les femmes sollicitent le ruban de Sainte-Catherine, pour larranger avec coquetterie et faire enrager leurs amies et leurs parentes. On désire et on craint la guerre. On se plaint des ministres dAngleterre et de Prusse, qui y excitent les Turcs ; et on les agace continuellement. Moi, qui nai rien à risquer, et peut-être quelque gloire à acquérir, je souhaite la guerre de tout mon cur, et puis je me dis : « puis-je souhaiter ce qui expose à tant de malheurs ? » alors je ne le désire plus ; et puis un reste de fermentation dans le sang my ramène ; un reste de raison sy oppose. Ah ! Mon dieu, ce que cest que de nous ! Il faudra peut-être vous écrire : Mais à revoir Paris je ne dois plus prétendre. Dans la nuit du tombeau je suis prêt à descendre. Cette idée
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